auroit des bornes : en effet à mesure que la quantité des fluides
élastiques augmenteroit, la pesanteur de l' atmosphère s'
accroîtroit en proportion : or, puisqu' une pression quelconque
est un obstacle à la vaporisation, puisque les fluides les plus
évaporables peuvent résister, sans se vaporiser, à une chaleur
très-forte, quand on y oppose une pression proportionnellement
plus forte encore ; enfin, puisque l' eau elle-même et tous les
liquides, peuvent éprouver dans la machine de
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Papin, une chaleur capable de les faire rougir, on conçoit que
la nouvelle atmosphère arriveroit à un degré de pesanteur tel,
que l' eau qui n' auroit pas été vaporisée jusqu' alors,
cesseroit de bouillir, et resteroit dans l' état de liquidité ;
en sorte que même dans cette supposition, comme dans toute autre
de même genre, la pesanteur de l' atmosphère seroit limitée et ne
pourroit pas excéder un certain terme. On pourroit porter ces
réflexions beaucoup plus loin, et examiner ce qui arriveroit aux
pierres, aux sels, et à la plus grande partie des substances
fusibles qui composent le globe : on conçoit qu' elles se
ramolliroient, qu' elles entreroient en fusion et formeroient des
fluides ; mais ces dernières considérations sortent de mon objet,
et je me hâte d' y rentrer. Par un effet contraire, si la terre
se trouvoit tout à coup placée dans des régions très-froides, l'
eau qui forme aujourd' hui nos fleuves et nos mers, et
probablement le plus grand nombre des fluides que nous
connoissons, se transformeroit en montagnes solides, en rochers
très-durs, d' abord diaphanes, homogènes et blancs comme le
cristal de roche ; mais qui, avec le temps, se mêlant avec des
substances de différente nature, deviendroient des pierres
opaques diversement colorées.
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L' air, dans cette supposition, ou au moins une partie des
substances aériformes qui le composent, cesseroient sans doute d'
exister dans l' état de vapeurs élastiques, faute d' un degré de
chaleur suffisant ; elles reviendroient donc à l' état de
liquidité, et il en résulteroit de nouveaux liquides dont nous n'
avons aucune idée. Ces deux suppositions extrêmes font voir
clairement i que solidité, liquidité, élasticité, sont trois
états différens de la même matière, trois modifications
particulières, par lesquelles presque toutes les substances
peuvent successivement passer, et qui dépendent uniquement du
degré de chaleur auquel elles sont exposées, c' est-à-dire, de la
quantité de calorique dont elles sont pénétrées ; 2 qu' il est
très-probable que l' air est un fluide naturellement en vapeurs,
ou pour mieux dire, que notre atmosphère est un composé de tous