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Langue Française (InaLF)
Traité élémentaire de chimie [Document électronique] : présenté dans un ordre
nouveau, et d'après les découvertes modernes... / par M. Lavoisier,...
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vues générales sur la formation et la constitution de l'
atmosphère de la terre. les considérations que je viens de
présenter sur la formation des fluides élastiques aériformes ou
gaz, jettent un grand jour sur la manière dont se sont formées,
dans l' origine des choses, les atmosphères des planètes, et
notamment celle de la terre. On conçoit que cette dernière doit
être le résultat et le mélange (..) de toutes les substances
susceptibles de se vaporiser ou plutôt de rester dans l' état
riforme, au degde température dans lequel nous vivons, et à
une pression égale au poids d' une colonne de mercure de 28
pouces de hauteur ; (..) de toutes les substances fluides ou
concrètes susceptibles de se dissoudre dans cet assemblage de
différens gaz. Pour mieux fixer nos idées relativement à cette
matière sur laquelle on n' a point encore assezfléchi,
considérons un moment ce qui arriveroit aux différentes
substances qui composent le globe, si la température en étoit
brusquement chane. Supposons, par exemple, que la terre se
trouvât transportée tout à coup dans une région
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beaucoup plus chaude du systême solaire ; dans la région de
mercure, par exemple, où la chaleur habituelle est probablement
fort supérieure à celle de l' eau bouillante : bientôt l' eau,
tous les fluides susceptibles de se vaporiser à des degrés
voisins de l' eau bouillante, et le mercure lui-même, entreroient
en expansion ; ils se transformeroient en fluides aériformes ou
gaz, qui deviendroient parties de l' atmosphère. Ces nouvelles
espèces d' air se mêleroient avec celles déjà existantes, et il
en résulteroit des décompositions réciproques, des combinaisons
nouvelles, jusqu' à ce que les différentes affinités se trouvant
satisfaites, les principes qui composeroient ces différens airs
ou gaz, arrivassent à un état de repos. Mais une considération
qui ne doit pas échapper, c' est que cette vaporisation me
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auroit des bornes : en effet à mesure que la quantité des fluides
élastiques augmenteroit, la pesanteur de l' atmosphère s'
accroîtroit en proportion : or, puisqu' une pression quelconque
est un obstacle à la vaporisation, puisque les fluides les plus
évaporables peuvent résister, sans se vaporiser, à une chaleur
très-forte, quand on y oppose une pression proportionnellement
plus forte encore ; enfin, puisque l' eau elle-même et tous les
liquides, peuvent éprouver dans la machine de
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Papin, une chaleur capable de les faire rougir, on conçoit que
la nouvelle atmosphère arriveroit à un degré de pesanteur tel,
que l' eau qui n' auroit pas é vaporisée jusqu' alors,
cesseroit de bouillir, et resteroit dans l' état de liquidité ;
en sorte que même dans cette supposition, comme dans toute autre
de même genre, la pesanteur de l' atmosphère seroit limitée et ne
pourroit pas excéder un certain terme. On pourroit porter ces
flexions beaucoup plus loin, et examiner ce qui arriveroit aux
pierres, aux sels, et à la plus grande partie des substances
fusibles qui composent le globe : on conçoit qu' elles se
ramolliroient, qu' elles entreroient en fusion et formeroient des
fluides ; mais ces dernières considérations sortent de mon objet,
et je me hâte d' y rentrer. Par un effet contraire, si la terre
se trouvoit tout à coup placée dans des régions très-froides, l'
eau qui forme aujourd' hui nos fleuves et nos mers, et
probablement le plus grand nombre des fluides que nous
connoissons, se transformeroit en montagnes solides, en rochers
très-durs, d' abord diaphanes, homogènes et blancs comme le
cristal de roche ; mais qui, avec le temps, se lant avec des
substances de différente nature, deviendroient des pierres
opaques diversement colorées.
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L' air, dans cette supposition, ou au moins une partie des
substances aériformes qui le composent, cesseroient sans doute d'
exister dans l' état de vapeurs élastiques, faute d' un degré de
chaleur suffisant ; elles reviendroient donc à l' état de
liquidité, et il en résulteroit de nouveaux liquides dont nous n'
avons aucune idée. Ces deux suppositions extrêmes font voir
clairement i que solidité, liquidité, élasticité, sont trois
états différens de la même matière, trois modifications
particulières, par lesquelles presque toutes les substances
peuvent successivement passer, et qui dépendent uniquement du
degré de chaleur auquel elles sont exposées, c' est-à-dire, de la
quantité de calorique dont elles sont pénétrées ; 2 qu' il est
très-probable que l' air est un fluide naturellement en vapeurs,
ou pour mieux dire, que notre atmosphère est un composé de tous
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les fluides susceptibles d' exister dans un état de vapeurs et d'
élasticité constante, au degré habituel de chaleur et de pression
que nous éprouvons ; 3 qu' il ne seroit pas par conséquent
impossible qu' il se rencontrât dans notre atmosphère des
substances extrêmement compactes, des métaux même, et qu' une
substance métallique, par exemple, qui seroit un peu plus
volatile que le mercure, seroit dans ce cas.
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On sait que parmi les fluides que nous connoissons, les uns,
comme l' eau et l' alkool ou esprit-de-vin, sont susceptibles de
se mêler les uns avec les autres dans toutes proportions : les
autres, au contraire, comme le mercure, l' eau et l' huile, ne
peuvent contracter que des adhérences momentanées, ils se
séparent les uns des autres lorsqu' ils ont étélangés, et se
rangent en raison de leur gravité spécifique. La même chose doit,
ou au moins peut arriver dans l' atmosphère : il est possible, il
est même probable qu' il s' est formé dans l' origine et qu' il
se forme tous les jours des gaz qui ne sont que difficilement
miscibles à l' air de l' atmosphère et qui s' en séparent ; si
ces gaz sont plus légers, ils doivent se rassembler dans les
régions élees, et y former des couches qui nagent sur l' air
atmosphérique. Les phénomènes qui accompagnent les météores ignés
me portent à croire qu' il existe ainsi dans le haut de l'
atmosphère une couche d' un fluide inflammable, et que c' est au
point de contact de ces deux couches d' air que s' opèrent les
phénomènes de l' aurore boréale et des autres météores ignés. Je
me propose de développer mes idées à cet égard dans un mémoire
particulier.
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analyse de l' air de l' atmosphère : sa résolution en deux
fluides élastiques, l' un respirable, l' autre non-respirable.
telle est donc à priori la constitution de notre atmosphère
; elle doit être fore de launion de toutes les substances
susceptibles de demeurer dans l' état aériforme au degré habituel
de température et de pression que nous éprouvons. Ces fluides
forment une masse de nature à peu près homogène, depuis la
surface de la terre jusqu' à la plus grande hauteur à laquelle on
soit encore parvenu, et dont la densité décroît en raison inverse
des poids dont elle est chargée ; mais comme je l' ai dit, il est
possible que cette première couche soit recouverte d' une ou de
plusieurs autres de fluides très-différens. Il nous reste
maintenant à déterminer quel est le nombre et quelle est la
nature des fluides élastiques qui composent cette couche
inférieure que nous habitons ; et c' est sur quoi l' expérience
va nous éclairer. La chimie moderne a fait à cet égard un grand
pas ; et lestails dans lesquels je vais entrer feront
connoître
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que l' air de l' atmosphère est peut-être de toutes les
substances de cet ordre, celle dont l' analyse est la plus
exactement et la plus rigoureusement faite. La chimie présente en
général deux moyens pour déterminer la nature des parties
constituantes d' un corps, la composition et la décomposition.
Lors, par exemple, que l' on a combiné ensemble de l' eau et de
l' esprit-de-vin ou alkool, et que par le résultat de ce mêlange
on a forl' espèce de liqueur qui porte le nom d' eau-de-vie
dans le commerce, on a droit d' en conclure que l' eau-de-vie est
un composé d' alkool et d' eau : mais on peut arriver à la même
conclusion par voie de composition, et en général on ne doit
être pleinement satisfait en chimie qu' autant qu' on a puunir
ces deux genres de preuves. On a cet avantage dans l' analyse de
l' air de l' atmospre ; on peut le composer et le recomposer
; et je me bornerai à rapporter ici les expériences les plus
concluantes qui aient é faites à cet égard. Il n' en est
presque aucune qui ne me soit devenue propre, soit parce que je
les ai faites le premier, soit parce que je les ai répétées sous
un point de vue nouveau, sous celui d' analyser l' air de l'
atmosphère.
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J' ai pris, planche ii, figure I 4, un matras A de 36
pouces cubiques environ de capacité dont le col Bcde étoit très-
long, et avoit six à sept lignes de grosseur intérieurement. Je
l' ai courbé, comme on le voit représenté, planche iv, figure
2, de manière qu' il pût être pladans un fourneau Mmnn,
tandis que l' extrêmité E de son col iroit s' engager sous la
cloche Fg, plae dans un bain de mercure Rrss. J' ai introduit
dans ce matras quatre onces de mercure très-pur, puis en suçant
avec un siphon que j' ai introduit sous la cloche Fg, j' ai
élevé le mercure jusqu' en Ll : j' ai marq soigneusement cette
hauteur avec une bande de papier collé, et j' ai observé
exactement le baromètre et le thermomètre. Les choses ainsi
prépaes, j' ai alludu feu dans le fourneau Mmnn, et je l'
ai entretenu presque continuellement pendant douze jours, de
manière que le mercure fut échauffé presqu' au degré nécessaire
pour le faire bouillir. Il ne s' est rien passé de remarquable
pendant tout le premier jour : le mercure quoique non bouillant,
étoit dans un état d' évaporation continuelle ; il tapissoit l'
intérieur des vaisseaux de goutelettes, d' abord très-fines, qui
alloient ensuite en augmentant, et qui, lorsqu' elles avoient
acquis un certain volume, retomboient
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d' elles-mêmes au fond du vase, et se réunissoient au reste du
mercure. Le second jour, j' ai commencé à voir nager sur la
surface du mercure de petites parcelles rouges, qui, pendant
quatre ou cinq jours ont augmenté en nombre et en volume ; après
quoi elles ont ces de grossir et sont restées absolument dans
le même état. Au bout de douze jours voyant que la calcination du
mercure ne faisoit plus aucun progrès, j' ai éteint le feu et j'
ai laissé refroidir les vaisseaux. Le volume de l' air contenu
tant dans le matras que dans son col et sous la partie vuide de
la cloche, duit à une pression de 28 pouces et à Io degrés
du thermomètre, étoit avant l' opération de 5 o pouces cubiques
environ. Lorsque l' opération a é finie, ce même volume à
pression et à température égale, ne s' est plus trouvé que de 4
2 à 43 pouces : il y avoit eu par conséquent une diminution de
volume d' un sixième environ. D' un autre côté ayant rassemblé
soigneusement les parcelles rouges qui s' étoient formées, et les
ayant séparées autant qu' il étoit possible du mercure coulant
dont elles étoient baignées, leur poids s' est trouvé de 45
grains. J' ai é obligé de répéter plusieurs fois cette
calcination du mercure en vaisseaux clos, parce qu' il est
difficile, dans une seule et même expérience,
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de conserver l' air dans lequel on a opéré, et les molécules
rouges ou chaux de mercure qui s' est formé. Il m' arrivera
souvent de confondre ainsi, dans un me recit, le résultat de
deux ou trois expériences de même genre. L' air qui restoit après
cette opération et qui avoit été réduit aux cinq sixièmes de son
volume, par la calcination du mercure, n' étoit plus propre à la
respiration ni à la combustion ; car les animaux qu' on y
introduisoit y périssoient en peu d' instans, et les lumières s'
y éteignoient sur le champ, comme si on les t plongées dans de
l' eau. D' un autre côté, j' ai pris les 45 grains de matière
rouge qui s' étoit fore pendant l' opération ; je les ai
introduits dans une très-petite cornue de verre à laquelle étoit
adapté un appareil propre à recevoir les produits liquides et
riformes qui pourroient se séparer : ayant allumé du feu dans
le fourneau, j' ai observé qu' à mesure que la matière rouge
étoit échaufe sa couleur augmentoit d' intensité. Lorsqu'
ensuite la cornue a approc de l' incandescence, la matière
rouge a commencé à perdre peu à peu de son volume, et en quelques
minutes elle a entièrement disparu ; en même temps il s' est
conden dans le petit récipient (..) de mercure coulant, et il a
passé sous la cloche
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7 à 8 pouces cubiques d' un fluide élastique beaucoup plus
propre que l' air de l' atmosphère à entretenir la combustion et
la respiration des animaux. Ayant fait passer une portion de cet
air dans un tube de verre d' un pouce de diamètre et y ayant
plongé une bougie, elle y répandoit un éclat éblouissant ; le
charbon au lieu de s' y consommer paisiblement comme dans l' air
ordinaire, y brûloit avec flamme et une sorte de décrépitation, à
la manière du phosphore, et avec une vivacité de lumière que les
yeux avoient peine à supporter. Cet air que nous avons découvert
presque en même temps, M Priestley, M Scele et moi, a été
nommé par le premier, air déphlogistiqué ; par le second, air
empiréal. Je lui avois d' abord donné le nom d' air éminemment
respirable : depuis, on y a substitué celui d' air vital .
Nous verrons bientôt ce qu' on doit penser de ces dénominations.
En réfléchissant sur les circonstances de cette expérience, on
voit que le mercure en se calcinant absorbe la partie salubre et
respirable de l' air, ou, pour parler d' une manière plus
rigoureuse, la base de cette partie respirable ; que la portion
d' air qui reste est une espèce de mofète, incapable d'
entretenir la combustion
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et la respiration ; l' air de l' atmosphère est donc composé de
deux fluides élastiques de nature différente et pour ainsi dire
opposée. Une preuve de cette importante vérité, c' est qu' en
recombinant les deux fluides élastiques qu' on a ainsi obtenus
séparément, c' est-à-dire, les 42 pouces cubiques de mofète, ou
air non respirable, et les 8 pouces cubiques d' air respirable,
on reforme de l' air, en tout semblable à celui de l' atmosphère,
et qui est propre à peu près au même degré, à la combustion, à la
calcination des métaux, et à la respiration des animaux. Quoique
cette expérience fournisse un moyen infiniment simple d' obtenir
séparément les deux principaux fluides élastiques qui entrent
dans la composition de notre atmosphère, elle ne nous donne pas
des idées exactes sur la proportion de ces deux fluides. L'
affinité du mercure pour la partie respirable de l' air, ou
plutôt pour sa base, n' est pas assez grande pour qu' elle puisse
vaincre entièrement les obstacles qui s' opposent à cette
combinaison. Ces obstacles sont l' adrence des deux fluides
constitutifs de l' air de l' atmosphère et la force d' affinité
qui unit la base de l' air vital au calorique : en conséquence la
calcination du mercure finie, ou au moins portée aussi loin qu'
elle
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peut l' être, dans une quantité d' air déterminée, il reste
encore un peu d' air respirable combiné avec la mofète, et le
mercure ne peut en séparer cette dernière portion. Je ferai voir
dans la suite que la proportion d' air respirable et d' air non
respirable qui entre dans la composition de l' air atmosphérique
est dans le rapport de 27 à 73, au moins dans les climats que
nous habitons : je discuterai en même temps les causes d'
incertitude qui existent encore sur l' exactitude de cette
proportion. Puisqu' il y a décomposition de l' air dans la
calcination du mercure, puisqu' il y a fixation et combinaison de
la base de la partie respirable avec le mercure, il résulte des
principes que j' ai précédemment exposés, qu' il doit y avoir
dégagement de calorique et de lumière ; et l' on ne sauroit
douter que ce dégagement n' ait lieu en effet : mais deux causes
empêchent qu' il ne soit rendu sensible dans l' expérience dont
je viens de rendre compte. La première, parce que la calcination
durant pendant plusieurs jours, le dégagement de chaleur et de
lumière, réparti sur un aussi long intervalle de temps, est
infiniment foible pour chaque instant en particulier : la seconde
, parce que l' opération se faisant dans un fourneau et à l' aide
du feu, la chaleur occasionnée par la calcination
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se confond avec celle du fourneau. Je pourrois ajouter que la
partie respirable de l' air, ou plutôt sa base, en se combinant
avec le mercure, n' abandonne pas la totalité du calorique qui
lui étoit uni, qu' une partie demeure engagée dans la nouvelle
combinaison ; mais cette discussion et les preuves que je serois
obligé de rapporter, ne seroient pas à leur place ici. Il est au
surplus aisé de rendre sensible le dégagement de la chaleur et de
la lumière en opérant d' une manière plus prompte la
composition de l' air. Le fer, qui a beaucoup plus d' affinité
que le mercure avec la base de la partie respirable de l' air, en
fournit un moyen. Tout le monde connoît aujourd' hui la belle
expérience de M Ingenhouz sur la combustion du fer. On prend un
bout de fil de fer très-fin Bc, planche iv, figure I 7 ,
tourné en spirale, on fixe l' une de ses extrêmités B, dans un
bouchon de liége A, destiné à boucher la bouteille Defg. On
attache à l' autre extrêmité de ce fil de fer, un petit morceau
d' amadoue C. Les choses ainsi dispoes, on emplit avec de l'
air dépouillé de sa partie non respirable, la bouteille Defg. On
allume l' amadoue C, puis on l' introduit promptement, ainsi que
le fil de fer Bc dans la bouteille, et on la bouche
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comme on le voit dans la figure que je viens de citer. Aussi-tôt
que l' amadoue est plone dans l' air vital, elle commence à
brûler avec un éclat éblouissant ; elle communique l'
inflammation au fer, qui brûle lui-même en répandant de
brillantes étincelles, lesquelles tombent au fond de la bouteille
, en globules arrondis qui deviennent noirs en se refroidissant,
et qui conservent un reste de brillant métallique. Le fer ainsi
brû, est plus cassant et plus fragile, que ne le seroit le
verre lui-même ; il se réduit facilement en poudre et est encore
attirable à l' aimant, moins cependant qu' il ne l' étoit avant
sa combustion. M Ingenhouz n' a examiné ni ce qui arrivoit au
fer, ni ce qui arrivoit à l' air dans cette opération, en sorte
que je me suis trouobligé de la répéter avec des circonstances
différentes et dans un appareil plus propre à répondre à mes vues
. J' ai rempli une cloche A, planche iv, Fig 3, de six
pintes environ de capacité d' air pur, autrement dit, de la
partie éminemment respirable de l' air. J' ai transporté, à l'
aide d' un vase très-plat, cette cloche sur un bain de mercure
contenu dans le bassin Bc ; après quoi j' ai séché soigneusement
avec du papier gris la surface du
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mercure, tant dans l' intérieur qu' à l' extérieur de la cloche.
Je me suis muni, d' un autre côté, d' une petite capsule de
porcelaine D, plate et évae, dans laquelle j' ai placé de
petits copeaux de fer tournés en spirale, et que j' ai arrangés
de la manière qui m' a paru la plus favorable pour que la
combustion se communiqt à toutes les parties. à l' extrêmité d'
un de ces copeaux, j' ai attaché un petit morceau d' amadoue, et
j' y ai ajouun fragment de phosphore, qui pesoit à peine un
seizième de grain. J' ai introduit la capsule sous la cloche en
soulevant un peu cette dernière. Je n' ignore pas que par cette
manière de procéder, il se mêle une petite portion d' air commun
avec l' air de la cloche ; mais ce mêlange, qui est peu
considérable lorsqu' on opère avec adresse, ne nuit point au
succès de l' exrience. Lorsque la capsule D est introduite
sous la cloche, on succe une partie de l' air qu' elle contient,
afin d' élever le mercure dans son intérieur jusqu' en Ef ; on
se sert à cet effet d' un siphon Ghi, qu' on passe par-dessous,
et pour qu' il ne se remplisse pas de mercure, on tortille un
petit morceau de papier à son extrêmité. Il y a un art pour
élever ainsi en suçant le mercure sous la cloche : si on se
contentoit d' aspirer l' air avec le poumon, on n' atteindroit
qu' à une
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très-médiocre élévation, par exemple, d' un pouce ou d' un pouce
et demi tout au plus, tandis que par l' action des muscles de la
bouche on élève, sans se fatiguer, ou au moins sans risquer de s'
incommoder, le mercure jusqu' à 6 à 7 pouces. Aps que tout a
été ainsi préparé, on fait rougir au feu un fer recourbé Mn,
planche iv, figure I 4 , destiné à ces sortes d' exriences
; on le passe par-dessous la cloche et avant qu' il ait eu le
temps de se refroidir, on l' approche du petit morceau de
phosphore contenu dans la capsule de porcelaine D : aussi-tôt le
phosphore s' allume, il communique son inflammation à l' amadoue,
et celle-ci la communique au fer. Quand les copeaux ont été bien
arrans, tout le fer brûle jusqu' au dernier atôme, en répandant
une lumière blanche, brillante, et semblable à celle qu' on
observe dans les étoiles d' artifice chinois. La grande chaleur
qui s' opère pendant cette combustion, liqfie le fer, et il
tombe en globules ronds de grosseur différente, dont le plus
grand nombre reste dans la capsule, et dont quelques-uns sont
lans au dehors et nagent sur la surface du mercure. Dans le
premier instant de la combustion il y a une légère augmentation
dans le volume de l' air, en raison de la dilatation occasionnée
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par la chaleur : mais bientôt une diminution rapide succède à la
dilatation ; le mercure remonte dans la cloche, et lorsque la
quantité de fer est suffisante, et que l' air avec lequel on
opère est bien pur, on parvient à l' absorber presqu' en entier.
Je dois avertir ici qu' à moins qu' on ne veuille faire des
expériences de recherches, il vaut mieux ne bler que des
quantités diocres de fer. Quand on veut pousser trop loin l'
expérience et absorber presque tout l' air, la capsule D qui
nage sur le mercure, se rapproche trop de la voûte de la cloche,
et la grande chaleur jointe au refroidissement subit, occasion
par le contact du mercure, fait éclater le verre : le poids de la
colonne de mercure qui vient à tomber rapidement, dès qu' il s'
est fait une félure à la cloche, occasionne un flot qui fait
jaillir une grande partie de ce fluide hors du bassin. Pour
éviter ces inconvéniens et être r du succès de l' expérience,
on ne doit guère bler plus d' un gros et demi de fer sous une
cloche de huit pintes de capacité. Cette cloche doit être forte,
afin de résister au poids de mercure qu' elle est destinée à
contenir. Il n' est pas possible de déterminer à la fois dans
cette expérience, le poids que le fer acquiert, et les changemens
arrivés à l' air. Si c' est
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l' augmentation de poids du fer et son rapport avec l' absorption
de l' air, dont on cherche à connoître la quantité, on doit avoir
soin de marquer très-exactement sur la cloche, avec un trait de
diamant, la hauteur du mercure avant et après l' expérience ; on
passe ensuite sous la cloche le siphon Gh, planche iv, figure
3 , garni d' un papier qui empêche qu' il ne s' emplisse de
mercure. On met le pouce sur l' extrêmité G, et on rend l' air
peu à peu en soulevant le pouce. Lorsque le mercure est descendu
à son niveau, on enlève doucement la cloche ; on détache de la
capsule les globules de fer qui y sont contenus ; on rassemble
soigneusement ceux qui pourroient s' être éclaboussés et qui
nagent sur le mercure, et on pèse le tout. Ce fer est dans l'
état de ce que les anciens chimistes ont nom éthiops
martial ; il a une sorte de brillant métallique ; il est très
cassant, très-friable, et se réduit en poudre sous le marteau et
sous le pilon. Lorsque l' opération a bien réussi, avec Ioo
grains de fer on obtient I 35 ài 36 grains d' éthiops. On peut
donc compter sur une augmentation de poids au moins de 35
livres par quintal. Si l' on a donné à cette expérience toute l'
attention qu' elle mérite, l' air se trouve dimin d' une
quantité en poids exactement égale à celle dont le fer est
augmenté. Si donc on a
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brûIoo grains de fer et que l' augmentation de poids que ce
métal a acquise ait é de 35 grains, la diminution du volume
de l' air est assez exactement de 7 o pouces cubiques à raison
d' un demi-grain par pouce cube. On verra dans la suite de ces
mémoires, que le poids de l' air vital est en effet, assez
exactement, d' un demi-grain par pouce cube. Je rappellerai ici
une dernière fois que dans toutes les expériences de ce genre, on
ne doit point oublier de ramener par le calcul le volume de l'
air au commencement et à la fin de l' expérience à celui qu' on
auroit eu à Io degrés du thermomètre, et à une pression de 28
pouces : j' entrerai dans quelques détails sur la manière de
faire ces corrections, à la fin de cet ouvrage. Si c' est sur la
qualité de l' air restant dans la cloche, qu' on se propose de
faire des expériences, on ore d' une manière un peu différente.
On commence alors, après que la combustion est faite et que les
vaisseaux sont refroidis, par retirer le fer et la capsule qui le
contenoit en passant la main sous la cloche à travers le mercure
: ensuite on introduit sous cette même cloche, de la potasse ou
alkali caustique, dissous dans l' eau, du sulfure de potasse, ou
telle autre substance qu' on juge à propos, pour examiner l'
action qu' elles exercent
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sur l' air. Je reviendrai dans la suite sur ces moyens d' analyse
de l' air, quand j' aurai fait connoître la nature de ces
différentes substances, dont je ne parle qu' accidentellement
dans ce moment. On finit par introduire sous cette me cloche,
autant d' eau qu' il est nécessaire pour déplacer tout le mercure
; après quoi on passe dessous un vaisseau ou espèce de capsule
très-platte avec laquelle on la transporte dans l' appareil
pneumato-chimique ordinaire à l' eau, où l' on opère plus en
grand et avec plus de facilité. Lorsqu' on a employé du fer très-
doux et très-pur, et que la portion respirable de l' air dans
lequel s' est faite la combustion, étoit exempte de tout mêlange
d' air non respirable, l' air qui reste après la combustion, se
trouve aussi pur qu' il l' étoit avant la combustion ; mais il
est rare que le fer ne contienne pas une petite quantité de
matière charbonneuse : l' acier sur-tout en contient toujours. Il
est de même extrêmement difficile d' obtenir la portion
respirable de l' air parfaitement pure, elle est presque toujours
mêlée d' une petite portion de la partie non respirable, mais
cette espèce de mofète ne trouble en rien le résultat de l'
expérience, et elle se retrouve à la fin en même quantité qu' au
commencement.
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J' ai annoncé qu' on pouvoit déterminer de deux manières la
nature des parties constituantes de l' air de l' atmosphère ; par
voie decomposition et par voie de composition. La calcination
du mercure nous a fourni l' exemple de l' une et de l' autre,
puisqu' après avoir enlevé à la partie respirable sa base par le
mercure, nous la lui avons rendue pour reformer de l' air en tout
semblable à celui de l' atmosphère. Mais on peut également opérer
cette composition de l' air en empruntant de différens règnes les
matériaux qui doivent le former. On verra dans la suite que
lorsqu' on dissout des matières animales dans de l' acide
nitrique, il se dégage une grande quantité d' un air qui éteint
les lumières, qui est nuisible pour les animaux, et qui est en
tout semblable à la partie non respirable de l' air de l'
atmosphère. Si à 73 parties de ce fluide élastique on en ajoute
27 d' air éminemment respirable tiré du mercure, réduit en chaux
rouge par la calcination, on forme un fluide élastique
parfaitement semblable à celui de l' atmosphère et qui en a
toutes les propriétés. Il y a beaucoup d' autres moyens de
séparer la partie respirable de l' air de la partie non
respirable ; mais je ne pourrois les exposer ici sans emprunter
des notions, qui, dans
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l' ordre des connoissances, appartiennent aux chapitres suivans.
Les expériences d' ailleurs que j' ai rapportées, suffisent pour
un traité élémentaire ; et dans ces sortes de matières, le choix
des preuves est plus important que leur nombre. Je terminerai cet
article en indiquant une propriété qu' a l' air de l' atmosphère
et qu' ont en général tous les fluides élastiques ou gaz que nous
connoissons ; c' est celle de dissoudre l' eau. La quantité d'
eau qu' un pied cube d' air de l' atmosphère peut dissoudre, est
suivant les expériences de M De Saussure, de I 2 grains : d'
autres fluides élastiques, tels que l' acide carbonique,
paroissent en dissoudre davantage ; mais on n' a point fait
encore d' expériences exactes pour en déterminer la quantité.
Cette eau que contiennent les fluides élastiques aériformes,
donne lieu dans quelques expériences à des phénomènes
particuliers qui méritent beaucoup d' attention, et qui ont
souvent jetté les chimistes dans de grandes erreurs.
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nomenclature des différentes parties constitutives de l' air
de l' atmosphère. jusqu' ici j' ai été forcé de me servir de
périphrases pour désigner la nature des différentes substances
qui composent notre atmosphère, et j' ai adopté provisoirement
ces expressions, partie respirable, partie non respirable de l'
air. les tails dans lesquels je vais entrer, exigent que je
prenne une marche plus rapide, et qu' après avoir cherché à
donner des idées simples des différentes substances qui entrent
dans la composition de l' air de l' atmosphère, je les exprime
également par des mots simples. La température de la planette que
nous habitons se trouvant très-voisine du degoù l' eau passe
de l' état liquide à l' état solide, et réciproquement, et ce
phénomène s' opérant fréquemment sous nos yeux, il n' est pas
étonnant que dans toutes les langues, au moins dans les climats
l' on éprouve une sorte d' hiver, on ait donné un nom à l' eau
devenue solide par l' absence du calorique. Mais il n' a pas
en être de même de l' eau réduite à l' état de vapeur par une
plus grande
p52
addition de calorique. Ceux qui n' ont pas fait une étude
particulière de ces objets, ignorent encore, qu' à un degré un
peu supérieur à celui de l' eau bouillante, l' eau se transforme
en un fluide élastique aériforme, susceptible comme tous les gaz,
d' être reçu et contenu dans des vaisseaux, et qui conserve sa
forme gazeuse tant qu' il éprouve une température supérieure à
8 o degrés, jointe à une pression égale à celle d' une colonne de
28 pouces de mercure. Ce phénomène ayant échapà la multitude,
aucune langue n' a désigné l' eau dans cet état par un nom
particulier ; et il en est de même de tous les fluides, et en
général, de toutes les substances qui ne sont point susceptibles
de se vaporiser au degré habituel de température et de pression
dans lequel nous vivons. Par une suite de la même cause on n' a
point donné de nom à la plupart des fluidesriformes dans l'
état liquide ou concret ; on ignoroit que ces fluides fussent le
sultat de la combinaison d' une base avec le calorique ; et
comme on ne les avoit jamais vus dans l' état de liquide ni de
solide, leur existence sous cette forme étoit inconnue même des
physiciens. Nous n' avons pas jugé qu' il noust permis de
changer des noms reçus et consacrés dans la société par un
antique usage. Nous avons
p53
donc attaché au mot d' eau et de glace , leur signification
vulgaire ; nous avons de même exprimé par le mot d' air la
collection des fluides élastiques qui composent notre atmosphère
; mais nous ne nous sommes pas cru obligés au même respect pour
des nominations ts-modernes nouvellement proposées par les
physiciens. Nous avons pensé que nous étions en droit de les
rejetter et de leur en substituer d' autres moins propres à
induire en erreur ; et lors même que nous nous sommes déterminés
à les adopter, nous n' avons fait aucune difficulté de les
modifier et d' y attacher des idées mieux arrêtées et plus
circonscrites. C' est principalement du grec que nous avons tiré
les mots nouveaux, et nous avons fait en sorte que leur
étymologie rappelât l' idée des choses que nous nous proposions
d' indiquer ; nous nous sommes attacs sur-tout à n' admettre
que des mots courts, et autant qu' il étoit possible, qui fussent
susceptibles de former des adjectifs et des verbes. D' après ces
principes, nous avons conservé à l' exemple de M Macquer, le
nom de gaz employé par Vanhelmont, et nous avons rangé sous
cette dénomination, la classe nombreuse des fluides élastiques
riformes, en faisant cependant une exception pour l' air de l'
atmosphère.
p54
Le mot gaz est donc pour nous un nom générique, qui désigne
le dernier degré de saturation d' une substance quelconque par le
calorique ; c' est l' expression d' une manière d' être des corps
. Il s' agissoit ensuite de spécifier chaque espèce de gaz, et
nous y sommes parvenus en empruntant un second nom de celui de sa
base. Nous appellerons donc gaz aqueux, l' eau combinée avec le
calorique, et dans l' état de fluide élastique aériforme : la
combinaison de l' éther avec le calorique, sera le gaz étré ;
celle de l' esprit-de-vin avec le calorique, sera le gaz
alkoolique ; nous aurons de même le gaz acide muriatique, le gaz
ammoniaque, et ainsi de tous les autres. Je m' étendrai davantage
sur cet article quand il sera question de nommer les différentes
bases. On a vu que l' air de l' atmosphère étoit principalement
compode deux fluides aériformes ou gaz, l' un respirable,
susceptible d' entretenir la vie des animaux, dans lequel les
métaux se calcinent et les corps combustibles peuvent brûler ; l'
autre qui a des propriétés absolument opposées, que les animaux
ne peuvent respirer, qui ne peut entretenir la combustion, etc.
Nous avons donné à la base de la portion respirable de l' air le
nom d' oxygène, en le rivant de deux mots grecs (..) ,
p55
acide, et (..) , j' engendre , parce qu' en effet une des
propriétés les plus générales de cette base est de former des
acides, en se combinant avec la plupart des substances. Nous
appellerons donc gaz oxygène la réunion de cette base avec le
calorique : sa pesanteur dans cet état est assez exactement d' un
demi-grain poids de marc, par pouce cube, ou d' une once et demie
par pied cube, le tout à Io degrés de température, et à 28
pouces du baromètre. Les propriétés chimiques de la partie non
respirable de l' air de l' atmosphère n' étant pas encore très-
bien connues, nous nous sommes contentés de déduire le nom de sa
base de la propriété qu' a ce gaz de priver de la vie les animaux
qui le respirent : nous l' avons donc nommé azote, de l' (..)
privatif des grecs, et de (..) , vie , ainsi la partie non
respirable de l' air sera le gaz azotique. Sa pesanteur est d'
une once, 2 gros, 48 grains le pied cube, ou de (..) le pouce
cube. Nous ne nous sommes pas dissimulé que ce nom psentoit
quelque chose d' extraordinaire ; mais c' est le sort de tous les
noms nouveaux ; ce n' est que par l' usage qu' on se familiarise
avec eux. Nous en avons d' ailleurs cherché long-temps un
meilleur, sans qu' il nous ait été possible de le rencontrer :
nous avions été
p56
tentés d' abord de le nommer gaz alkaligène, parce qu' il est
prou, par les expériences de M Berthollet, comme on le verra
dans la suite, que ce gaz entre dans la composition de l' alkali
volatil ou ammoniaque : mais d' un autre té, nous n' avons
point encore la preuve qu' il soit un des principes constitutifs
des autres alkalis : il est d' ailleurs prouvé qu' il entre
également dans la combinaison de l' acide nitrique ; on auroit
donc été tout aussi fondé à le nommer principe nitrigène. Enfin
nous avons dû rejetter un nom qui comportoit une idée
systématique, et nous n' avons pas risqué de nous tromper en
adoptant celui d' azote et de gaz azotique, qui n' exprime
qu' un fait ou plutôt qu' une propriété, celle de priver de la
vie les animaux qui respirent ce gaz. J' anticiperois sur des
notionsservées pour des articles subquens, si je m' étendois
davantage sur la nomenclature des différentes esces de gaz. Il
me suffit d' avoir donné ici, non la dénomination de tous, mais
la méthode de les nommer tous. Le mérite de la nomenclature que
nous avons adoptée, consiste principalement en ce que la
substance simple étant nommée, le nom de tous ses composés
découle nécessairement de ce premier mot.
p57
de la décomposition du gaz oxygène par le soufre, le
phosphore et le charbon, et de la formation des acides en
général. un des principes qu' on ne doit jamais perdre de vue
dans l' art de faire des exriences, est de les simplifier le
plus qu' il est possible et d' en écarter toutes les
circonstances qui peuvent en compliquer les effets. Nous n'
opérerons donc pas, dans les expériences qui vont faire l' objet
de ce chapitre, sur de l' air de l' atmospre, qui n' est point
une substance simple. Il est bien vrai que le gaz azotique, qui
fait une partie du mêlange qui le constitue, part être purement
passif dans les calcinations et les combustions : mais, comme il
les rallentit, et comme il n' est pas impossible même qu' il en
altère les résultats dans quelques circonstances, il m' a paru
nécessaire de bannir cette cause d' incertitude. J' exposerai
donc, dans les exriences dont je vais rendre compte, le
sultat des combustions tel qu' il a lieu dans l' air vital ou
gaz oxigène pur, et j' avertirai seulement des différences
p58
qu' elles présentent quand le gaz oxygène est mêlé de différentes
proportions de gaz azotique. J' ai pris une cloche de cristal A,
planche iv, figure 3, de cinq à six pintes de capacité ;
je l' ai emplie de gaz oxygène sur de l' eau, après quoi je l' ai
transportée sur le bain de mercure au moyen d' une capsule de
verre que j' ai passée par dessous ; j' ai ensuite seché la
surface du mercure et j' y ai introduit 6 i grains (..) de
phosphore de Kunkel, que j' ai divisés dans deux capsules de
porcelaine, semblable à celle qu' on voit en D, figure 3,
sous la cloche A ; et pour pouvoir allumer chacune de ces deux
portions séparément, et que l' inflammation ne se communiquât pas
de l' une à l' autre, j' ai recouvert l' une des deux avec un
petit carreau de verre. Lorsque tout a é ainsi préparé, j' ai
élevé le mercure dans la cloche à la hauteur Ef, en suçant avec
un siphon de verre Ghi, même figure , qu' on introduit par-
dessous la cloche : pour qu' il ne se remplisse pas en passant à
travers le mercure, on tortille à son extrêmité I, un petit
morceau de papier. Puis avec un fer recourbé rougi au feu,
représenté figure I 6 , j' ai allumé successivement le
phosphore des deux capsules, en commençant par celle qui n' étoit
point recouverte avec un carreau de verre.
p59
La combustion s' est faite avec une grande rapidité, avec une
flamme brillante et un dégagement considérable de chaleur et de
lumière. Il y a eu dans le premier instant une dilatation
considérable du gaz oxygène, occasionnée par la chaleur ; mais
bientôt le mercure a remonté au-dessus de son niveau, et il y a
eu une absorption considérable : en même temps tout l' intérieur
de la cloche s' est tapissé de flocons blancs, légers, qui n'
étoient autre chose que de l' acide phosphorique concret. La
quantité de gaz oxygène employée, étoit, toutes corrections
faites, au commencement de l' expérience, de I 62 pouces
cubiques ; elle s' est trouvée à la fin seulement de 23 pouces
: la quantité de gaz oxyne absorbée avoit donc été de I 38
pouces (..) , ou de 69, Grains 375. La totalité du phosphore n'
étoit pas brûlée ; il en restoit dans les capsules quelques
portions, qui, lavées, pour en séparer l' acide, et séchées, se
sont trouvées peser environ I 6 grains (..) : ce qui réduit à peu
près à 45 grains la quantité de phosphore brûlée : je dis à peu
près, parce qu' il ne seroit pas impossible qu' il n' y eût eu un
ou deux grains d' erreur sur le poids du phosphore restant après
la combustion. Ainsi dans cette opération, 45 grains de
p60
phosphore se sont combinés avec 69, Grains 375 d' oxygène ; et
comme rien de pesant ne passe à travers le verre, on a droit d'
en conclure que le poids de la substance quelconque qui a résulté
de cette combinaison et qui s' étoit rassemblée en flocons blancs
, devoit s' élever à la somme du poids de l' oxygène et de celui
du phosphore, c' est-à-dire, à Ii 4, Grains 375. On verra
bientôt que ces flocons blancs ne sont autre chose qu' un acide
concret. En réduisant ces quantités au quintal, on trouve qu' il
faut employer I 54 liv d' oxygène pour saturer Iooliv de
phosphore, et qu' il en résulte 254 liv de flocons blancs ou
acide phosphorique concret. Cette expérience prouve d' une
manière évidente, qu' à un certain degré de température, l'
oxygène a plus d' affinité avec le phosphore qu' avec le
calorique ; qu' en conséquence le phosphore décompose le gaz
oxygène, qu' il s' empare de sa base, et qu' alors le calorique,
qui devient libre, s' échappe et se dissipe en se répartissant
dans les corps environnans. Mais quelque concluante que fût cette
expérience, elle n' étoit pas encore suffisamment rigoureuse : en
effet, dans l' appareil que j' ai employé et que je viens de
crire, il n' est pas possible de rifier le poids des flocons
p61
blancs ou de l' acide concret qui s' est formé ; on ne peut le
conclure que par voie de calcul et en le supposant égal à la
somme du poids de l' oxygène et du phosphore : or quelqu'
évidente quet cette conclusion, il n' est jamais permis en
physique et en chimie, de supposer ce qu' on peut terminer par
des expériences directes. J' ai donc cru devoir refaire cette
expérience un peu plus en grand, et avec un appareil différent.
J' ai pris un grand ballon de verre A, planche iv, figure
4, dont l' ouverture Ef avoit trois pouces de diamètre. Cette
ouverture se recouvroit avec une plaque de cristal ue à l'
émeril, laquelle étoit percée de deux trous pour le passage des
tuyaux (..) . Avant de fermer le ballon avec sa plaque, j' y ai
introduit un support Bc surmonté d' une capsule de porcelaine D
, qui contenoit I 5 o grains de phosphore : tout étant ainsi
disposé, j' ai adapté la plaque de cristal sur l' ouverture du
matras, et j' ai lutté avec du lut gras, que j' ai recouvert avec
des bandes de linge imbibées de chaux et de blanc d' oeuf :
lorsque ce lut a été bien séché, j' ai suspendu tout cet appareil
au bras d' une balance, et j' en ai déterminé le poids à un grain
ou un grain et demi près. J' ai ensuite adapté le tuyau (..) ,
p62
à une petite pompe pneumatique, et j' ai fait le vuide ; après
quoi ouvrant un robinet adapté au tuyau (..) , j' ai introduit du
gaz oxygène dans le ballon. J' observerai que ce genre d'
expérience se fait avec assez de facilité et sur-tout avec
beaucoup d' exactitude, au moyen de la machine hydro-pneumatique
dont nous avons donné la description, M Meusnier et moi, dans
les moires de l' académie, année I 782, page 466, et dont on
trouvera une explication dans la dernière partie de cet ouvrage ;
qu' on peut à l' aide de cet instrument, auquel M Meusnier a
fait depuis des additions et des corrections importantes,
connoître d' une manière rigoureuse, la quantité de gaz oxygène
introduite dans le ballon, et celle qui s' est consommée pendant
le cours de l' oration. Lorsque tout a été ainsi disposé, j' ai
mis le feu au phosphore avec un verre ardent. La combustion a été
extrêmement rapide, accompagnée d' une grande flamme et de
beaucoup de chaleur : à mesure qu' elle s' opéroit, il se formoit
une grande quantité de flocons blancs qui s' attachoient sur les
parois intérieures du vase, et qui bientôt l' ont obscurci
entièrement. L' abondance des vapeurs étoit même telle, que
quoiqu' il rentrât continuellement de nouveau gaz oxygène qui
auroit dû entretenir la
p63
combustion, le phosphore s' est bientôt éteint. Ayant laissé
refroidir parfaitement tout l' appareil, j' ai commenpar m'
assurer de la quantité de gaz oxygène qui avoit été employée, et
par peser le ballon avant de l' ouvrir. J' ai ensuite lavé, séché
et pesé la petite quantité de phosphore qui étoit restée dans la
capsule, et qui étoit de couleur jaune d' ocre, afin de la
déduire de la quantité totale de phosphore employée dans l'
expérience. Il est clair qu' à l' aide de ces différentes
précautions, il m' a été facile de constater, i le poids du
phosphore brûlé ; 2 celui des flocons blancs obtenus par la
combustion ; 3 le poids du gaz oxygène qui s' étoit combiné avec
le phosphore. Cette exrience m' a donné à peu près les mêmes
sultats que la précédente : il en a également résulté que le
phosphore en brûlant, absorboit un peu plus d' une fois et demie
son poids d' oxygène, et j' ai acquis de plus la certitude que le
poids de la nouvelle substance produite étoit égal à la somme du
poids du phosphore brûlé et de l' oxygène qu' il avoit absorbé :
ce qu' il étoit au surplus facile de prévoir à priori . Si le
gaz oxygène qu' on a employé dans cette expérience étoit pur, le
sidu qui reste aps la combustion est également pur ; ce qui
prouve qu' il ne s' échappe rien du phosphore
p64
qui puisse altérer la pureté de l' air, et qu' il n' agit qu' en
enlevant au calorique sa base, c' est-à-dire, l' oxygène qui y
étoit uni. J' ai dit plus haut que si on brûloit un corps
combustible quelconque dans une spre creuse de glace ou dans
tout autre appareil construit sur le me principe, la quantité
de glace fondue pendant la combustion, étoit une mesure exacte de
la quantité de calorique dégagé. On peut consulter à cet égard le
moire que nous avons donen commun à l' académie, M De La
Place et moi, ane I 78 o, page 355. Ayant soumis la
combustion du phosphore à cette épreuve, nous avons reconnu qu'
une livre de phosphore en brûlant, fondoit un peu plus de Iooliv
de glace. La combustion du phosphore réussit également dans l'
air de l' atmosphère, avec ces deux différences seulement, I que
la combustion est beaucoup moins rapide, attendu qu' elle est
rallentie par la grande proportion de gaz azotique qui se trouve
lé avec le gaz oxygène : 2 que le cinquième de l' air, tout au
plus, est seulement absor, parce que cette absorption se
faisant toute aux dépens du gaz oxygène, la proportion du gaz
azotique devient telle vers la fin de l' opération, que la
combustion ne peut plus avoir lieu.
p65
Le phosphore par sa combustion, soit dans l' air ordinaire, soit
dans le gaz oxygène, se transforme, comme je l' ai déjà dit, en
une matière blanche floconneuse très-légère, et il acquiert des
propriétés toutes nouvelles : d' insoluble qu' il étoit dans l'
eau, non-seulement il devient soluble, mais il attire l' humidité
contenue dans l' air avec une étonnante rapidité, et il se résout
en une liqueur beaucoup plus dense que l' eau, et d' une
pesanteur spécifique beaucoup plus grande. Dans l' état de
phosphore, et avant sa combustion, il n' avoit presqu' aucun goût
; par sa réunion avec l' oxygène il prend un goût extrêmement
aigre et piquant : enfin, de la classe des combustibles, il passe
dans celle des substances incombustibles, et il devient ce qu' on
appelle un acide. Cette conversibilité d' une substance
combustible en un acide par l' addition de l' oxygène, est, comme
nous le verrons bientôt, une propriété commune à un grand nombre
de corps : or en bonne logique, on ne peut se dispenser de
désigner sous un nom commun toutes les orations qui présentent
des résultats analogues ; c' est le seul moyen de simplifier l'
étude des sciences, et il seroit impossible d' en retenir tous
les détails, si on ne s' attachoit à les classer. Nous nommerons
donc oxygénation la
p66
conversion du phosphore en un acide, et en général la combinaison
d' un corps combustible quelconque avec l' oxygène. Nous
adopterons également l' expression d' oxygéner , et je dirai
en conséquence qu' en oxygénant le phosphore, on le convertit
en un acide. Le soufre est également un corps combustible, c' est
-à-dire, qui a la propriété decomposer l' air, et d' enlever
l' oxyne au calorique. On peut s' en assurer aisément par des
expériences toutes semblables à celles que je viens de détailler
pour le phosphore ; mais je dois avertir qu' il est impossible,
en opérant de la me manière sur le soufre, d' obtenir des
sultats aussi exacts que ceux qu' on obtient avec le phosphore
; par la raison que l' acide qui se forme par la combustion du
soufre est difficile à condenser, que le soufre lui-même brûle
avec beaucoup de difficulté, et qu' il est susceptible de se
dissoudre dans les différens gaz. Mais ce que je puis assurer, d'
après mes expériences, c' est que le soufre en brûlant, absorbe
de l' air ; que l' acide qui se forme est beaucoup plus pesant
que n' étoit le soufre ; que son poids est égal à la somme du
poids du soufre, et de l' oxygène qu' il a absorbé ; enfin, que
cet acide est pesant, incombustible, susceptible de se combiner
avec
p67
l' eau en toutes proportions : il ne reste d' incertitude que sur
la quantité de soufre et d' oxygène qui constituent cet acide. Le
charbon, que tout jusqu' à présent porte à faire regarder comme
une substance combustible simple, a également la propriété de
décomposer le gaz oxygène et d' enlever sa base au calorique :
mais l' acide qui résulte de cette combustion ne se condense pas
au degré de pression et de température dans lequel nous vivons ;
il demeure dans l' état de gaz, et il faut une grande quantité d'
eau pour l' absorber. Cet acide, au surplus, a toutes les
propriétés communes aux acides, mais dans un degré plus foible,
et il s' unit comme eux à toutes les bases susceptibles de former
des sels neutres. On peut orer la combustion du charbon, comme
celle du phosphore, sous une cloche de verre A, planche iv,
figure 3, remplie de gaz oxygène, et renversée dans du
mercure : mais comme la chaleur d' un fer chaud et même rouge, ne
suffiroit pas pour l' allumer, on ajoute par-dessus le charbon,
un petit fragment d' amadoue et un petit atome de phosphore. On
allume facilement le phosphore avec un fer rouge ; l'
inflammation se communique ensuite à l' amadoue, puis au charbon.
On trouve le détail de cette expérience,
p68
moires de l' académie, année I 78 i, page 448. On y verra
qu' il faut 72 parties d' oxygène en poids, pour en saturer 2
8 de charbon, et que l' acide aériforme qui est produit, a une
pesanteur justement égale à la somme des poids du charbon et de
l' oxyne qui ont servi à le former. Cet acide aériforme a été
nommé air fixe, ou air fixé par les premiers chimistes qui l' ont
découvert ; ils ignoroient alors si c' étoit de l' air semblable
à celui de l' atmospre ou un autre fluide élastique, vicié et
gâté par la combustion ; mais puisqu' il est constant aujourd'
hui que cette substanceriforme est un acide, qu' il se forme
comme tous les autres acides, par l' oxygénation d' une base, il
est aisé de voir que le nom d' air fixe ne lui convient point.
Ayant essayé, M De La Place et moi, de bler du charbon dans
l' appareil propre à déterminer la quantité de calorique dégagée,
nous avons trouvé qu' une livre de charbon en brûlant, fondoit
96 liv 6 onces de glace : 2 liv 9 onces, I gros, Io
grains d' oxygène se combinent avec le charbon dans cette
opération, et il se forme 3 liv 9 onces, I gros, Io grains
de gaz acide : ce gaz pèse O, Grain 695 le pouce cube, ce qui
donne 34242 pouces cubiques pour le volume total de gaz acide
qui se
p69
forme par la combustion d' une livre de charbon. Je pourrois
multiplier beaucoup plus les exemples de ce genre, et faire voir
par une suite de faits nombreux, que la formation des acides s'
opère par l' oxygénation d' une substance quelconque ; mais la
marche que je me suis engagé à suivre et qui consiste à ne
procéder que du connu à l' inconnu, et à ne présenter au lecteur
que des exemples puisés dans des choses qui lui ont été
précédemment expliqes, m' empêche d' anticiper ici sur les
faits. Les trois exemples d' ailleurs que je viens de citer,
suffisent pour donner une idée claire et précise de la manière
dont se forment les acides. On voit que l' oxigène est un
principe commun à tous, et que c' est lui qui constitue leur
acidité ; qu' ils sont ensuite différenciés les uns des autres
par la nature de la substance acidifiée. Il faut donc distinguer
dans tout acide, la base acidifiable à laquelle M De Morveau a
donné le nom de radical, et le principe acidifiant, c' est-à-dire
, l' oxigène.
p70
de la nomenclature des acides en néral, et particulièrement
de ceux tirés du salpêtre et du sel marin. rien n' est plus
aisé, d' après les principes pos dans le chapitre précédent,
que d' établir une nomenclature méthodique des acides : le mot
acide sera le nom générique ; chaque acide sera ensuite
différencié dans le langage comme il l' est dans la nature, par
le nom de sa base ou de son radical. Nous nommerons donc acides
ennéral, le résultat de la combustion ou de l' oxygénation
du phosphore, du soufre et du charbon. Nous nommerons le premier
de ces résultats acide phosphorique, le second acide sulfurique,
le troisième acide carbonique. De même, dans toutes les occasions
qui pourront se présenter, nous emprunterons du nom de la base la
signation scifique de chaque acide. Mais une circonstance
remarquable que présente l' oxynation des corps combustibles,
et en général, d' une partie des corps qui se transforment en
acides, c' est qu' ils sont susceptibles
p71
de différens degrés de saturation ; et les acides qui en
sultent, quoique formés de la combinaison des deux mêmes
substances, ont des propriétés fort différentes, qui dépendent de
la différence de proportion. L' acide phosphorique, et sur-tout
l' acide sulfurique, en fournissent des exemples. Si le soufre
est combiné avec peu d' oxygène, il forme à ce premier degré d'
oxigénation un acide volatil, d' une odeur pénétrante, et qui a
des propriétés toutes particulières. Une plus grande proportion
d' oxygène le convertit en un acide fixe, pesant, sans odeur, et
qui donne dans les combinaisons des produits fort différens du
premier. Ici le principe de notre méthode de nomenclature
sembloit se trouver en défaut, et il paroissoit difficile de
tirer du nom de la base acidifiable deux dénominations qui
exprimassent, sans circonlocution et sans périphrase, les deux
degrés de saturation. Mais la flexion, et plus encore peut-être
la cessité, nous ont ouvert de nouvelles ressources, et nous
avons cru pouvoir nous permettre d' exprimer les variétés des
acides par de simples variations dans les terminaisons. L' acide
volatil du soufre avoit ésigné par Stahl sous le nom d'
acide sulfureux : nous lui avons conserce nom, et nous avons
donné celui de sulfurique à l' acide du soufre
p72
complettement saturé d' oxygène. Nous dirons donc, en nous
servant de ce nouveau langage, que le soufre, en se combinant
avec l' oxyne, est susceptible de deux degrés de saturation ;
le premier constitue l' acide sulfureux, qui est pénétrant et
volatil ; le second constitue l' acide sulfurique, qui est
inodore et fixe. Nous adopterons ce même changement de
terminaison pour tous les acides qui présenteront plusieurs
degrés de saturation ; nous aurons donc également un acide
phosphoreux et un acide phosphorique, un acide acéteux et un
acide acétique, et ainsi des autres. Toute cette partie de la
chimie auroit été extrêmement simple, et la nomenclature des
acides n' auroit rien présenté d' embarrassant, si, lors de la
couverte de chacun d' eux, on eut connu son radical ou sa base
acidifiable. L' acide phosphorique, par exemple, n' a été
couvert que postérieurement à la couverte du phosphore, et le
nom qui lui a é donné a été rivé en conséquence de celui de
la base acidifiable dont il est formé. Mais lorsqu' au contraire
l' acide a été couvert avant la base, ou plutôt lorsqu' à l'
époque l' acide a é découvert, on ignoroit quelle étoit la
base acidifiable à laquelle il appartenoit, alors on a donné à l'
acide et à la base des noms qui n' avoient
p73
aucun rapport entr' eux, et non-seulement on a surchargé la
mémoire de dénominations inutiles, mais encore on a pordans l'
esprit des commençans et même des chimistes consommés, des idées
fausses que le tems seul et la réflexion peuvent effacer. Nous
citerons pour exemple l' acide du soufre. C' est du vitriol de
fer qu' on a retiré cet acide dans le premier âge de la chimie ;
et on l' a nommé acide vitriolique, en empruntant son nom de
celui de la substance dont il étoit tiré. On ignoroit alors que
cet acidet le même que celui qu' on obtenoit du soufre par la
combustion. Il en est deme de l' acide aériforme auquel on a
donné originairement le nom d' air fixe ; on ignoroit que cet
acide fût le résultat de la combinaison du carbone avec l'
oxygène. De-là une infinité de dénominations qui lui ont été
données et dont aucune ne transmet des ies justes. Rien ne nous
a été plus facile que de corriger et de modifier l' ancien
langage à l' égard de ces acides : nous avons converti le nom d'
acide vitriolique en celui d' acide sulfurique, et celui d' air
fixe en celui d' acide carbonique ; mais il ne nous a pas été
possible de suivre le même plan à l' égard des acides dont la
base nous étoit inconnue. Nous nous sommes
p74
trouvés alors forcés de prendre une marche inverse ; et au lieu
de conclure le nom de l' acide de celui de la base, nous avons
nommé au contraire la base d' après la dénomination de l' acide.
C' est ce qui nous est arrivé pour l' acide qu' on retire du sel
marin ou sel de cuisine. Il suffit, pour dégager cet acide, de
verser de l' acide sulfurique sur du sel marin ; aussitôt il se
fait une vive effervescence, il s' éve des vapeurs blanches d'
une odeur très-pénétrante, et en faisant légèrement chauffer, on
dégage tout l' acide. Comme il est naturellement dans l' état de
gaz au degré de température et de pression dans lequel nous
vivons, il faut des précautions particulières pour le retenir. L'
appareil le plus commode et le plus simple pour les expériences
en petit, consiste en une petite cornue G, planche v, Fig 5,
dans laquelle on introduit du sel marin bien sec ; on verse
dessus de l' acide sulfurique concent, et aussi-tôt on engage
le bec de la cornue sous de petites jarres ou cloches de verre A
, même figure, qu' on a préalablement remplies de mercure. à
mesure que le gaz acide se dégage, il passe dans la jarre et
gagne le haut en déplaçant le mercure. Lorsque le dégagement se
rallentit, on chauffe légèrement et on augmente le feu jusqu' à
ce qu' il ne passe
p75
plus rien. Cet acide a une grande affinité avec l' eau, et cette
dernière en absorbe une énorme quantité. On peut s' en assurer en
introduisant une petite couche d' eau dans la jarre de verre qui
le contient ; en un instant l' acide se combine avec elle et
disparoît en entier. On profite de cette circonstance dans les
laboratoires et dans les arts, pour obtenir l' acide du sel marin
sous la forme de liqueur. On se sert à cet effet de l' appareil
représenté planche iv, figure premiere . Il consiste i dans
une cornue A, où l' on introduit le sel marin, et dans laquelle
on verse de l' acide sulfurique par la tubulure H ; 2 dans un
ballon E destiné à recevoir la petite quantité de liqueur qui se
dégage ; 3 dans une suite de bouteilles à deux gouleaux (..) , qu'
on remplit d' eau à moitié. Cette eau est destinée à absorber le
gaz acide qui se dégage pendant la distillation. Cet appareil est
plus amplement décrit dans la dernière partie de cet ouvrage.
Quoiqu' on ne soit encore parvenu ni à composer, ni à décomposer
l' acide qu' on retire du sel marin, on ne peut douter cependant
qu' il ne soit formé, comme tous les autres, de la réunion d' une
base acidifiable avec l' oxygène. Nous avons nommé cette base
inconnue base muriatique, radical muriatique , en empruntant
ce
p76
nom, à l' exemple de M Bergman et de M De Morveau, du mot
latin Muria , don anciennement au sel marin. Ainsi, sans
pouvoir déterminer quelle est exactement la composition de l'
acide muriatique, nous signerons sous cette dénomination un
acide volatil, dont l' état naturel est d' être sous forme
gazeuse au degré de chaleur et de pression que nous éprouvons,
qui se combine avec l' eau en très-grande quantité et avec
beaucoup de facilité ; enfin dans lequel le radical acidifiable
tient si fortement à l' oxygène, qu' on ne connoît jusqu' à
présent aucun moyen de les séparer. Si un jour on vient à
rapporter le radical muriatique à quelque substance connue, il
faudra bien alors changer sa nomination et lui donner un nom
analogue à celui de la base dont la nature aura été découverte.
L' acide muriatique présente au surplus une circonstance très-
remarquable ; il est, comme l' acide du soufre et comme plusieurs
autres, susceptible de différens degrés d' oxygénation ; mais l'
exs d' oxygène produit en lui un effet tout contraire à celui
qu' il produit dans l' acide du soufre. Un premier degré d'
oxygénation transforme le soufre en un acide gazeux volatil, qui
ne se mêle qu' en petite quantité avec l' eau : c' est celui que
nous désignons avec Stahl
p77
sous le nom d' acide sulfureux. Une dose plus forte d' oxygène le
convertit en acide sulfurique, c' est-à-dire en un acide qui
présente des qualités acides plus marquées, qui est beaucoup plus
fixe, qui ne peut exister dans l' état de gaz qu' à une haute
température, qui n' a point d' odeur et qui s' unit à l' eau en
très-grande quantité. C' est le contraire dans l' acide
muriatique ; l' addition d' oxygène le rend plus volatil, d' une
odeur plus pénétrante, moins miscible à l' eau, et diminue ses
qualités acides. Nous avions d' abord été tentés d' exprimer ces
deux degrés de saturation, comme nous l' avions fait pour l'
acide du soufre, en faisant varier les terminaisons. Nous aurions
nommé l' acide le moins satu d' oxygène acide muriateux , et
le plus saturé acide muriatique ; mais nous avons cru que cet
acide qui présente des résultats particuliers, et dont on ne
connoît aucun autre exemple en chimie, demandoit une exception,
et nous nous sommes contentés de le nommer acide muriatique
oxygé. Il est un autre acide que nous nous contenterons de
finir, comme nous l' avons fait pour l' acide muriatique,
quoique sa base soit mieux connue : c' est celui que les
chimistes ont désigné jusqu' ici sous le nom d' acide nitreux.
Cet acide se tire du nitre ou saltre par des
p78
procédés analogues à ceux qu' on emploie pour obtenir l' acide
muriatique. C' est également par l' intermède de l' acide
sulfurique qu' on le chasse de la base à laquelle il est uni, et
l' on se sert de même à cet effet de l' appareil représen
planche iv, Figi . à mesure que l' acide passe il est absorbé
par l' eau des bouteilles (..) qui devient d' abord verte, puis
bleue, et enfin jaune, suivant le degré de concentration de l'
acide. Il se dégage pendant cette opération une grande quantité
de gaz oxygène mêlé d' un peu de gaz azotique. L' acide qu' on
tire ainsi du salpêtre, est composé, comme tous les autres, d'
oxygène uni à une base acidifiable, et c' est même le premier
dans lequel l' existence de l' oxygène ait été bien démontrée.
Les deux principes qui le constituent tiennent peu ensemble, et
on les sépare aisément en présentant à l' oxygène une substance
avec laquelle il ait plus d' affinité qu' il n' en a avec la base
acidifiable qui constitue l' acide du nitre. C' est par des
expériences de ce genre qu' on est parvenu à reconnoître que l'
azote ou base de la mofète entroit dans sa composition, qu' elle
étoit sa base acidifiable. L' azote est donc véritablement le
radical nitrique, ou l' acide du nitre est un véritable acide
azotique. On voit donc que pour être d' accord
p79
avec nous-mêmes et avec nos principes, nous aurions dû adopter l'
une ou l' autre de ces manières de nous énoncer. Nous en avons
été détournés cependant par différens motifs ; d' abord il nous a
paru difficile de changer le nom de nitre ou de salpêtre
généralement adopté dans les arts, dans la société et dans la
chimie. Nous n' avons pas cru, d' un autre côté, devoir donner à
l' azote le nom de radical nitrique, parce que cette substance
est également la base de l' alkali volatil ou ammoniaque, comme
l' a découvert M Berthollet. Nous continuerons donc de désigner
sous le nom d' azote la base de la partie non respirable de l'
air atmosphérique, qui est en même tems le radical nitrique et le
radical ammoniaque. Nous conserverons également le nom de nitreux
et de nitrique à l' acide tiré du nitre ou salpêtre. Plusieurs
chimistes d' un grand poids ont désapprouvé notre condescendance
pour les anciennes dénominations ; ils auroient préféré que nous
eussions dirigé uniquement nos efforts vers la perfection de la
nomenclature, que nous eussions reconstruit l' édifice du langage
chimique de fond en comble, sans nous embarrasser de le raccorder
avec d' anciens usages dont le tems effacera insensiblement le
souvenir : et c' est ainsi que nous nous sommes
p80
trouvés exposés à la fois à la critique et aux plaintes des deux
partis opposés. L' acide du nitre est susceptible de se présenter
dans un grand nombre d' états qui dépendent du degré d'
oxygénation qu' il a éprouvé, c' est-à-dire, de la proportion d'
azote et d' oxygène qui entre dans sa composition. Un premier
degré d' oxygénation de l' azote constitue un gaz particulier que
nous continuerons de désigner sous le nom de gaz nitreux : il est
compod' environ 2 parties en poids d' oxygène et d' une d'
azote, et dans cet état il est immiscible à l' eau. Il s' en faut
beaucoup que l' azote dans ce gaz soit saturé d' oxygène, il lui
reste au contraire une grande affinité pour ce principe, et il l'
attire avec une telle activité, qu' il l' enlève même à l' air de
l' atmosphère sitôt qu' il est en contact avec lui. La
combinaison du gaz nitreux avec l' air de l' atmosphère est même
devenue un des moyens qu' on emploie pour déterminer la quantité
d' oxigène contenu dans ce dernier, et pour juger de son degré de
salubrité. Cette addition d' oxygène convertit le gaz nitreux en
un acide puissant qui a une grande affini avec l' eau, et qui
est susceptible lui-même de différens degrés d' oxygénation. Si
la proportion de l' oxygène et de l' azote est au-dessous de
trois parties contre une, l' acide est
p81
rouge et fumant : dans cet état nous le nommons acide nitreux ;
on peut en le faisant légèrement chauffer, en dégager du gaz
nitreux. Quatre parties d' oxygène contre une d' azote donnent un
acide blanc et sans couleur, plus fixe au feu que le précédent,
qui a moins d' odeur, et dont les deux principes constitutifs
sont plus solidement combinés : nous lui avons donné, d' après
les principes exposés ci-dessus, le nom d' acide nitrique. Ainsi
l' acide nitrique est l' acide du nitre surchard' oxygène ; l'
acide nitreux est l' acide du nitre surchargé d' azote, ou, ce
qui est la même chose, de gaz nitreux ; enfin le gaz nitreux est
l' azote qui n' est point assez saturée d' oxygène pour avoir les
propriétés des acides. C' est ce que nous nommerons plus bas un
oxide.
p82
de la décomposition du gaz oxygène par les taux, et de la
formation des oxides métalliques. lorsque les substances
talliques sont échauffées à un certain degré de température, l'
oxygène a plus d' affinité avec elles qu' avec le calorique : en
conséquence toutes les substances métalliques, si on en excepte
l' or, l' argent et le platine, ont la propriété de décomposer le
gaz oxygène, de s' emparer de sa base et d' en dégager le
calorique. On a déjà vu plus haut comment s' opéroit cette
décomposition de l' air par le mercure et par le fer ; on a
observé que la première ne pouvoit être regare que comme une
combustion lente ; que la dernière au contraire étoit très-rapide
et accompagnée d' une flamme brillante. S' il est nécessaire d'
employer un certain degde chaleur dans ces opérations, c' est
pour écarter les unes des autres les molécules du métal, et
diminuer leur affinité d' aggrégation, ou ce qui est la même
chose, l' attraction qu' elles exercent les unes sur les autres.
Les substances métalliques pendant leur calcination
p83
augmentent de poids à proportion de l' oxygène qu' elles
absorbent ; en même-tems elles perdent leur éclat métallique et
se duisent en une poudre terreuse. Les métaux dans cet état ne
doivent point être considérés comme entièrement saturés d'
oxygène, par la raison que leur action sur ce principe est
balancée par la force d' attraction qu' exerce sur lui le
calorique. L' oxygène dans la calcination des métaux, oit donc
réellement à deux forces, à celle exercée par le calorique, à
celle exercée par le métal ; il ne tend à s' unir à ce dernier
qu' en raison de la différence de ces deux forces, de l' exs de
l' une sur l' autre, et cet excès en général n' est pas fort
considérable. Aussi les substances métalliques, en s' oxygénant
dans l' air et dans le gaz oxygène, ne se convertissent-elles
point en acides, comme le soufre, le phosphore et le charbon : il
se forme des substances intermédiaires qui commencent à se
rapprocher de l' état salin, mais qui n' ont pas encore acquis
toutes les propriétés salines. Les anciens ont donné le nom de
chaux, non-seulement aux métaux amenés à cet état, mais encore à
toute substance qui avoit été expoe long-tems à l' action du
feu sans se fondre. Ils ont fait en conséquence du mot chaux
un nom générique, et ils ont confondu sous ce nom, et la pierre
calcaire,
p84
qui d' un sel neutre qu' elle étoit avant la calcination, se
convertit au feu en un alkali terreux, en perdant moitié de son
poids, et les métaux qui s' associent par la même opération une
nouvelle substance dont la quantité excède quelquefois moitié de
leur poids, et qui les rapproche de l' état d' acide. Il auroit
été contraire à nos principes de classer sous un même nom des
substances si différentes, et sur-tout de conserver aux métaux
unenomination si propre à faire naître des idées fausses. Nous
avons en conséquence proscrit l' expression de chaux talliques,
et nous y avons substitué celui d' oxides , du grec (..) . On
voit d' après cela combien le langage que nous avons adopté est
fécond et expressif ; un premier degré d' oxygénation constitue
les oxides ; un second degré constitue les acides terminés en
eux , comme l' acide nitreux, l' acide sulfureux ; un troisième
degré constitue les acides en ique , tels que l' acide
nitrique, l' acide sulfurique ; enfin nous pouvons exprimer un
quatrième degré d' oxigénation des substances, en ajoutant l'
épithète d' oxygé, comme nous l' avons admis pour l' acide
muriatique oxygéné. Nous ne nous sommes pas contentés de signer
sous le nom d' oxides la combinaison des métaux avec l'
oxygène ; nous n' avons fait aucune
p85
difficulté de nous en servir pour exprimer le premier degré d'
oxygénation de toutes les substances, celui qui, sans les
constituer acides, les rapproche de l' état salin. Nous
appellerons donc oxide de soufre , le soufre devenu mou par un
commencement de combustion ; nous appellerons oxide de phosphore
la substance jaune que laisse le phosphore quand il a brûlé. Nous
dirons de même que le gaz nitreux, qui est le premier degré d'
oxygénation de l' azote, est un oxide d' azote. Enfin le règne
gétal et le règne animal auront leurs oxides, et je ferai voir
dans la suite combien ce nouveau langage jettera de lumières sur
toutes les opérations de l' art et de la nature. Les oxides
talliques ont, comme nous l' avons fait observer, presque
tous des couleurs qui leur sont propres, et ces couleurs varient
non-seulement pour les différens métaux, mais encore suivant le
degré d' oxygénation du même tal. Nous nous sommes donc trouvés
obligés d' ajouter à chaque oxide deux épithètes, l' une qui
indiquât le métal oxidé, l' autre sa couleur ; ainsi nous dirons
oxide noir de fer, oxide rouge de fer, oxide jaune de fer ; et
ces expressions répondront à celles d' éthiops martial, de
colcothar, de rouille de fer ou d' ocre.
p86
Nous dirons de même oxide gris de plomb, oxide jaune de plomb,
oxide rouge de plomb ; et ces expressions désigneront la cendre
de plomb, le massicot et le minium. Ces dénominations seront
quelquefois un peu longues, sur-tout quand on voudra exprimer si
le métal a été oxidé à l' air, s' il l' a été par la détonation
avec le nitre ou par l' action des acides ; mais au moins elles
seront toujours justes et feront naître l' idée pcise de l'
objet qui y correspond. Les tables jointes à cet ouvrage,
rendront ceci plus sensible.
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