d'appointements d'inspecteurs et d'autres officiers inutiles. Le commerce, comme l'agriculture, ne
doit avoir d'autre gouvernement que l'ordre naturel. Dans tout acte de commerce, il y a le vendeur et
l'acheteur qui stipulent contradictoirement et librement leurs intérêts; et leurs intérêts ainsi réglés
par eux-mêmes, qui en sont seuls juges compétents, se trouvent conformes à l'intérêt public; toute
entremise d'officiers revêtus d'autorité, y est étrangère, et d'autant plus dangereuse qu'on y doit
craindre l'ignorance et des motifs encore plus redoutables. Le monopole dans le commerce et dans
l'agriculture n'a que trop souvent trouvé des protecteurs; la plantation des vignes, la vente des eaux-
de-vie de cidre, la liberté du commerce des grains, l'entrée des marchandises de main-d'oeuvre
étrangères, ont été prohibées; les manufactures du royaume ont obtenu des privilèges exclusifs au
préjudice les unes des autres; on a contraint les entrepreneurs des manufactures à employer des
matières premières étrangères à l'exclusion de celles du pays, etc.; de fausses lueurs ont brillé
dans l'obscurité, et l'ordre naturel a été interverti par des intérêts particuliers toujours cachés et
toujours sollicitant sous le voile du bien général.
(8) L'intérêt du cultivateur est le premier ressort de toutes les opérations économiques et de tous les
succès de l'agriculture; plus les productions sont constamment à haut prix, plus le retour annuel des
reprises des fermiers est assuré, plus la culture s'accroît, et plus les terres rapportent de revenu,
tant par le bon prix des productions, que par l'augmentation de la reproduction annuelle; plus la
reproduction s'accroît, plus les richesses de la nation se multiplient, et plus la puissance de l'État
augmente.
(9) Il en est de ceux-ci comme de la corde d'un puits et de l'usage qu'on en fait qui ne sont point la
source de l'eau qui est dans le puits; tandis qu'au contraire c'est l'eau qui est dans le puits, jointe à
la connaissance et au besoin qu'on en a, qui est la cause de l'usage qu'on fait de la corde. Les
hommes éclairés ne confondent pas les causes avec les moyens.
(10) On remarque que le pécule d'Angleterre reste fixé à peu près à cette proportion, qui, dans l'état
présent de ses richesses, le soutient environ à 26 millions sterlings, ou à 11 millions de marcs
d'argent. Cette richesse en argent ne doit pas en imposer dans un pays ou le commerce de revente
et de voiturage domine, et où il faut distinguer le pécule des commerçants de celui de la nation. Ces
deux parties n'ont rien de commun; si ce n'est qu'autant que les commerçants veulent bien vendre à
intérêt leur argent à la nation qui a fondé ses forces militaires sur les emprunts, ce qui n'est pas une
preuve de la puissance réelle d'un Etat. Si cette nation s'est trouvée exposée par ses guerres à des
besoins pressants, à des emprunts excessifs, ce n'était pas par le défaut de l'argent, c'était par les
dépenses qui excédaient le revenu public. Plus les emprunts suppléent aux revenus, plus les
revenus se trouvent surchargés par les dettes; et la nation se ruinerait, si la source même des
revenus en souffrait un dépérissement progressif, qui diminuât la reproduction, annuelle des
richesses. C'est sous ce point de vue qu'il faut envisager l'état des nations, c'est car par les revenus
du territoire qu'il faut juger de la prospérité et de la puissance réelle d'un empire. Le pécule est
toujours renaissant dans une nation où les richesses se renouvellent continuellement et sans
dépérissement.
Pendant près d'un siècle, c'est-à-dire, depuis 1444 jusqu'à 1525, il y a eu en Europe une grande
diminution dans la quantité de l'argent comme on peut en juger par le prix des marchandises en ce
temps-là; mais cette moindre quantité de pécule était indifférente aux nations, parce que la valeur
vénale de cette richesse était la même partout, et que, par rapport à l'argent, leur état était le même
relativement à leurs revenus qui étaient partout également mesurés par la valeur uniforme de
l'argent. Dans ce cas, il vaut mieux, pour la commodité des hommes, que ce soit la valeur qui
supplée à la masse, que si la masse suppléait à la valeur.
Il n'est pas douteux que la découverte de l'Amérique a procuré en Europe une plus grande
abondance d'or et d'argent, cependant leur valeur avait commencé à baisser très sensiblement par
rapport aux marchandises, avant l'arrivée de l'or et de l'argent de l'Amérique en Europe. Mais toutes
ces variétés générales ne changent rien à l'état du pécule de chaque nation, qui se proportionne
toujours aux revenus des biens-fonds, abstraction faite de celui qui fait partie du fonds du
commerce extérieur des négociants, et qui circule entre les nations, comme celui d'une nation
circule entre les provinces du même royaume
Le pécule de ces négociants circule aussi entre la métropole et ses colonies, ordinairement sans y
accroître les richesses de part ni d'autre; quelque fois même en les diminuant beaucoup, surtout
lorsqu'il y a exclusion de la concurrence des commerçants de tout pays.