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License ABU
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Version 1.1, Aout 1999
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----------------------- FIN DE LA LICENCE ABU --------------------------------
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<IDENT excentlang>
<IDENT_AUTEURS larcheyl>
<IDENT_COPISTES swaelensg>
<ARCHIVE http://www.abu.org/>
<VERSION 1>
<DROITS 0>
<TITRE Les excentricités du langage>
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http://www.livrosgratis.com.br
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<GENRE vers>
<AUTEUR Lorédan Larchey (1831-1902)>
<COPISTE G. J. Swaelens ([email protected])>
<NOTESPROD>
CINQUIÈME ÉDITION TOUTE NOUVELLE
PARIS
E. DENTU, LIBRAIRIE - ÉDITEUR
Palais-Royal, galerie d'Orléans, 13
1865
L'auteur:
Lorédan Larchey(1831-1902) a écrit plusieurs ouvrages philologiques et
historiques. Le répertoire Telnet BN-Opale (opale02.bnf.fr) de la
Bibliothèque Nationale de France (http://www.bnf.fr) mentionne 19
ouvrages et rééditions sous deux rubriques à son nom. Parmi ceux-ci:«Les
Excentricités de la langue française en 1860», «Les Excentricités du
langage francais», «La Lorraine Illustrée», «Chevaliers de la Toison
d'Or» et le «Dictionnaire historique, étymologique et anecdotique de
l'argot parisien».
Une réédition du texte qui suit (LES EXCENTRICITÉS DU LANGAGE, 5me
édition, 1865) figure dans cette liste BN-Opale dans la collection
Archives de la linguistique française (Numéro de publication 07300480).
Elle a été reproduite par la Bibliothèque Nationale de France sous la
forme de trois microfiches de 128 images 105x148 mm.
Le transcripteur de cet ouvrage a respecté l'orthographe de l'édition de
1865 et ses variations, ainsi que la présentation des mots et des
expressions de l'ouvrage original.
L'edition qui a servi de base a la presente numerisation peut etre
consultee a la Bibliotheque Publique et Universitaire de Geneve.
The author:
Lorédan Larchey (1831-1902) wrote several books on philological and
historical topics. The Telnet BN-Opale (opale02.bnf.fr) listing of the
Bibliothèque Nationale de France in Paris (http://www.bnf.fr) mentions
19 publications and reprints of his works, in two successive references
to his name.
Among these: «Les Excentricités de la langue française en 1860», «Les
Excentricités du langage francais», «La Lorraine Illustrée», «Chevaliers
de la Toison d'Or» and the «Dictionnaire historique, étymologique et
anecdotique de l'argot parisien».
A reprint of the text that follows (LES EXCENTRICITÉS DU LANGAGE, 5 th
edition, 1865) is mentioned in the collection ²Archives de la
linguistique française² of BN-Opale (Publication number 07300480). It
has been reproduced by the Bibliothèque Nationale in three microfiles
105 x 148 mm., each comprising 128 images.
Transcription of the book has respected spelling characteristics of the
1865 edition, including spelling variations, word presentations and
typical expressions.
The original volume from which the following digital version has been
produced can be consulted at the Bibliotheque Publique et Universitaire de
Geneve, in Geneva, Switzerland.
</NOTESPROD>
----------------------- FIN DE L'EN-TETE --------------------------------
------------------------- DEBUT DU FICHIER excentlang1 --------------------------------
LORÉDAN LARCHEY
============================
LES EXCENTRICITÉS DU LANGAGE
CINQUIÈME ÉDITION TOUTE NOUVELLE
PARIS
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E. DENTU, LIBRAIRIE - ÉDITEUR
Palais-Royal, galerie d'Orléans, 13
1865
Par quatre fois, les bontés de la critique et les suffrages du lecteur
ont appris aux Excentricités du langage qu'elles répondaient non à un
caprice, mais à un besoin très-vif et très-particulier, que nous
appellerons le besoin de savoir ce qui se dit, -- par opposition au
besoin de savoir ce qui doit se dire, -- le seul que nos lexiques
satisfont généralement.
On ne saurait en effet négliger la connaissance de ce qui se dit. -- Non
pas que nous en recommandions le moins du monde l'emploi ! non pas que
nous voulions porter la moindre atteinte au respect de la langue
officielle ! Mais, comme le disent si bien nos épigraphes, il est
toujours bon de se rendre compte des choses, ne serait-ce que pour les
mille nécessités de la vie sociale, à Paris même où un puriste peut se
trouver exposé au risque de ne pas comprendre un certain français. Puis,
n'y a-t-il rien de plus à gagner dans ces études de langage? Ici encore,
nos épigraphes sont là pour le prouver. Le néologisme peut être utile en
plusieurs cas. Montaigne le dit, et Montaigne a son poids. On ne saurait
dédaigner non plus les réflexions de Nodier, de Balzac, sans omettre
celles de M. de Jouy, qui n'était certes pas un révolutionnaire.
D'ailleurs l'histoire n'est-elle pas là pour nous empêcher de condamner
à la légère des mots sans crédit aujourd'hui, mais que leur fortune peut
relever demain? Ne nous montre-t-elle point Caillière, l'auteur des
Mots à la mode, signalant comme des intrus les adjectifs haineux,
respectable, désoeuvré; le substantif impolitesse!...Ceci se passait
dès 1693. En 1726, l'abbé Desfontaine, dans son Dictionnaire
néologique, condamnait à son tour l'usage de détresse, scélératesse,
naguères, encourageant, érudit, inattaquable, entente, improbable,
etc., etc.
Ne nous pressons donc point de proscrire, et considérons les
Excentricités du langage comme une réserve d'enfants perdus où notre
armée régulière peut recruter quelques auxiliaires utiles.
L'argot d'ailleurs est un langage essentiellement français. Il emprunte
fort peu à l'étranger, quoi qu'on en ait dit.
Comme beaucoup de patois provinciaux, il a conservé les traces de notre
vieille langue. Quant au reste, il ne l'a pas précisément inventé, il se
l'est plutôt approprié en modifiant selon ses besoins le parler usuel.
A l'appui de notre dire, voici des exemples purs ou peu altérés de mots
anciens:
Abadis, abéquer, agoniser, ambier, arche, arpion, arsouille, auber,
bagou, baudru, bécher, biture, blaiche, blavin, carle, copain, coyon,
douille, cadenne. esbrouffe, escarpe, esclot, estrangouiller, flouer,
fouillouse, frime, gambiller, lichard, ligote, mion, morfiller, abouler,
baladeur, balochard, calége, dariole, frusque, gayet, ginglard, gogo,
harria, jaboter, jorne, maquiller, naze, niente, pecune, envoyer pisser,
paumer, rigoler, pimpion, tractis, frusque, tanner, tabar.
Les substitutions du nom de l'effet à celui de la cause, de la propriété
à l'objet, de la fonction à l'individu, sont excessivement nombreuses:
avaloir, attache, battant, bleu, bouffarde, bouillante, boulanger,
cassante, casse-gueule, chaude-lance, crampon, dur, éclairer, fauchant,
fourchu, tortillard, glissant, guinal, lance, marcheuse, mince, montant,
cogne, curieux, babillard, barbue, caillé, cercle, courbe, moricaud,
montante, tirant, tape-dur, tire-jus, tourne-autour, vole-au-vent,
pousse-cailloux, toquante, pierreuse, tremblant, trimar, trottin,
trottante, frappart, rude, raide, serrante, tournante, trouée, musicien,
pétard, pitroux, nageoir, piquante, pique-en-terre, pleurant, pousse,
sonnette, raccourcir, rude, reluit, repoussant, roulant, torseur,
tapecul, tombeur, rond, cabe, combre, mirzale, calvin .
Plus nombreuses encore sont les analogies cherchées
... soit dans le monde animal:
Aile, aspic, azor, anguille, anchois, barbillon, bélier, biche,
bigorneau, blaireau, boeuf, brème, buson, canard, caniche, castor,
chameau, chat, cheval, chèvre, chien, cigogne, cigale, cocote, corbeau,
coucou, crapaud, daim, dindon, patte, paturon, muffle, bec, cuir, crin,
grenouille, grue, huìtre, lion, lapin, merlan, morue, mouche, moucheron,
mouton, ours, tigre, vautour, veau, vache, papillon, poulet d'Inde, rat,
serin, sardine, souricière, taupage
... Soit dans le monde végétal:
Cantaloup, carotte, chiendent, chou, citron, clou de girofle,
coloquinte, cornichon, fenasse, feuille de choux, melon, navet, nèfle,
ognon, orange, poire, pomme, prune, gazon, sapin.
... Soit dans le monde matériel des objets servant à l'homme:
Vermichel, raisiné, andouille, couenne, omelette, flan, fourchette,
salière, boudin, dragée, scie, pioche, tuyau do poêle, chanterelle,
musette, guimbarde, flageolet, trompette, tambour, guitare, violon,
harpe, flûte, sifflet, grosse caisse, quille, roues de devant et de
derrière, fagot, filasse, fil de fer, ficelle, tuile, poteau, échalas,
espalier, cabriolet, capsule, compas, as de carreau, domino, etc.
Après ces trois grandes classes d'archaïsmes, de substitutions et
d'analogies, nous distinguons une suite de petites divisions comprenant:
Des abréviations:
Achar, autor, aristo, bac, benef, delige, démoc-soc, champ, sigue, come,
consomm, flan, estom, from, jar, job, lansq, liquid, maq, occase, paf,
pante, pede, poche, réac, rata, sap, topo, typo, ultra, cipal, radis.
... Des diminutifs et des changements de syllabes finales:
baluchon, burlin, colas, criblage, hoteriot, tringlos, guichemar,
épicemar, paquecin, orphelin, papelard, piou, placarde, ramastiqueur,
rigolboche, cabermont, trèfle, trèpe, escrache, vioque, lanturlu,
demistroc, alentoir.
... Des onomatopées:
bouis-bouis, breloque, couac, dig-dig, faffe, fauffe, flafla, flaquer,
fric-frac, frou-frou, frousse, plombe, toc, trac, branque, gilbocq,
dégouliner, toquante.
... Quelques noms de lieux...
Dijonnier, elbeuf, lillois, lingre, lyonnaise, orléans, panama,
soissonné
... Des jeux de mots:
Auber, bisard, botte de neuf jours, castus, dix-huit, lait chrétien,
coeur sur carreau, cuirassier, culbute, fidibus, flanelle, cloporte,
sanglier, thomas, homelette, manette, monseigneur, mort, numéro cent,
billet de parterre, salade, pendu glacé, large des épaules, passer au
10e, tangente au point Q.
Des souvenirs historiques ou littéraires:
Philistin, balthazar, laïus, putipharder, joseph, pallas, cupidon,
cerbère, sophie, romain, monaco, garibaldi, jésuite, sorbonne, bolivar,
polichinelle, arlequin, pierrot, carline, chauvin, mayeux, bertrand,
macaire, antony, quasimodo, demi-monde, camelia, robinson, calino, etc.
Les divisions que nous venons d'indiquer prouvent surabondamment
qu'autour d'un noyau d'anciens mots, dont les glossaires de Du Cange et
de Roquefort nous conservent la suite, se sont groupes non des mots
nouveaux, mais des interprétions nouvelles de mots déjà connus. Ce
langage de convention, essentiellement imagé, particulièrement
pittoresque, s'est enrichi d'autant plus que l'exigeaient les besoins de
ses auteurs. Sous ce dernier rapport, il est même arrivé a un degré de
précision peu croyable.
S'agit-il de suivre tous les degrés de l'ébriété, remarquez la
progression parfaite qu'indiquent être bien, avoir sa pointe, être gai,
être en train, parti, lancé. Aucune de ces qualifications ne rentre
dans l'autre. Chacune indique, dans l'état, une nuance. I)e même pour
l'homme légèrement ému, il sera tout à l'heure attendri, il verra
en dedans, et se tiendra des conversations mystérieuses. Cet autre est
éméché; il aura certainement demain mal au cheveux. Pour dépeindre
les tons empourprés par lesquels passera cette trogne de Silène, vous
n'avez que la liberté du choix entre: teinté, allumé, poivre, pompette,
ayant son coup de soleil, son plumet, sa cocarde, se piquant ou se
rougissant le nez.
De la figure passons à la marche. L'homme ivre .I quatre genres de port
qui sont tous également bien saisis. Ou il est raide comme la justice
et laisse trop voir par son attitude forcée combien il est obligé de
commander à la matière; ou il a sa pente et croit toujours que le
terrain va lui manquer; ou il festonne, brodant de zig-zag capricieux
la ligne droite de son chemin; ou il est dans les brouillards,
tâtonnant en plein soleil, comme s'il était perdu dans la brume.
Attendez dix minutes encore, laissez votre sujet descendre au dernier
degré de l'ivresse, et vous pourrez dire indifféremment: Il est plein,
complet, rond, humecté, pochard, il a sa culotte, son casque, Son sac,
son affaire, son compte.
Presque aussi riche est le vocabulaire des voies de fait, -- une des
conséquences les plus ordinaires de l'ivresse. Plus riche encore serait
celui du libertinage s'il était permis de franchir des limites que nous
avons serrées d'aussi près que possible, usant du droit qui sauvegarde
toute recherche sérieuse.
Voici quelques-unes, des phases les plus intéressantes de la batterie:
Avec la peignée, on se prend aux cheveux, on se crêpe le chignon. On
se croche ensuite à bras-le-corps. La valse, la tournée et la danse
sans violons, décrivent les mouvements précipités de la lutte. Avec la
dégelée, la brossée et la frottée, on a l'épiderme bien échauffé;
il est endolori après une raclée. La rossée vous sangle comme un
cheval rétif; la trempe et la rincée vous tordent comme du linge à la
lessive. Viennent la trépignée, la tripotée, la pile, le travail
du casaquin et vous voilà terrassé, à la merci d'un adversaire qui vous
pétrit de coups. Encore une seconde, et vous êtes un homme en compote
ou démoli. Notez que contre tous ces termes, la loi grammaticale n'en
a pas un seul précis.
Et ce n'est point là seulement que nous retrouvons une variété
significative de synonymes. Prenons boule, ou balle, ou
coloquinte, ou calebasse! c'est la tête ronde, rien de plus ! Avec
binette et trombine, frime et frimousse, il y a quelque chose de
nouveau, nous voyons se dessiner la physionomie. La sorbonne, la
boussole désignent le cerveau qui conçoit, raisonne et dirige. Le
caisson a été fait tout exprès pour représenter le crâne éclatant à
l'heure du suicide; la tronche, pour montrer la tête tombant sous le
couteau de la guillotine.
De la tête passons à la jambe: grosse, c'est une quille, un poteau;
mince, c'est une flûte, un échalas; plus mince encore, c'est un fil
de fer; tremblante, c'est un flageolet. Des jambes de danseur sont
des gigues ou des gambilles; celles d'un piéton forment un compas.
Cette finesse, cette précision se retrouvent jusque dans les diverses
manières de dépenser son argent. L'avare se fend, le prodigue
douille, la dupe casque, l'homme qui veut imposer la confiance
éclaire.
La mort elle-même semble vouloir prêter un verbe à chaque état. Le
joueur dévisse son billard, le chasseur graisse ses bottes, le
bavard avale sa langue, le fumeur casse sa pipe, l'apoplectique
claque, le troupier recoit son décompte, descend la garde, passe
l'arme à gauche ou défile la parade, le pauvre perd une dernière fois
le goût du pain_.
Nous avons dit que l'argot forgeait en réalité peu de mots; -- ce sont
des acceptions nouvelles qu'il invente de préférence. Tantôt il prend le
tout pour la partie, tantôt la partie pour le tout; le plus souvent il
donne à un objet. le nom d'une autre chose qui n'a pas le moindre
rapport, mais qui, selon lui, rend mieux l'image de la chose dont on
parle.
Ces sortes de travestissements sont beaucoup plus raisonnés qu'on ne se
le figure. Ainsi. pour n'en citer qu'un, toquante, ognon ou cadran
sont bien plus expressifs que montre. Toquante fait allusion au
mouvement de l'objet; ognon, à sa forme, et cadran, à la figure
tracée sur sa paroi.
Ces synonymes offrent l'avantage d'une allusion directe à la chose, ils
se gravent mieux dans la tête? tandis que montre est, pour la mémoire
des simples, beaucoup plus énigmatique. Il en est ainsi de beaucoup
d'autres mots qu'il serait trop long de citer ici.
Mais il n'en faut pas déduire que l'idiome dont nous nous occupons soit
facile à posséder. Il fourmille, on l'a vu, de nuances dont la
distinction demande un certain acquit. C'est ainsi que blague a sept
significations si nettement acceptées, qu'on peut y voir tour à tour de
la facilite oratoire, une conversation spirituelle ou un mensonge.
Chic présente autant de sens non moins contradictoires. Appliqué au
crayon d'un artiste, il est un brevet de banalité ou de distinction; il
ne lui faut, pour cela, qu'être précédé ou d'avec ou de. -- Il fait
tout avec chic est un éloge, il fait tout de chic est une critique
très-sensible. -- Faire a de même six acceptions; ficher, huit;
chien entre dans la composition de neuf mots, et oeil dans la
composition de douze. Chose peut signifier Dignité ou Indignité:
paumer veut dire Prendre ou Perdre; bachot s'applique indifféremment
à un examen, à un candidat, à une institution; extra représente ou un
plat, ou un invité, ou un domestique.
Pour l'observateur, certains termes caractérisent tout un ordre d'idées,
d'habitudes, d'instincts.
Ce n'est qu'un malfaiteur qui a pu appeler le premier cafarde la lune
voilée et moucharde la lune brillante, qui encore a pu nommer
coulant ou collier la cravate avec laquelle il vous étranglera au
besoin. Il a besoin de ses yeux. On le devine en voyant qu'il les
appelle ardents, reluits, clairs, quinquets et mirettes
Que d'équivalents il a trouvé pour assassiner: faire suer, refroidir,
démolir, rebâtir, connir, terrer, chouriner, expédier, donner son
compte, faire l'affaire, capahuter, escarper.
Il semble n'avoir pas trop de verbes quand il s agit d'exprimer une
fuite: se la briser, se la casser, se pousser de l'air, s'esbigner, se
cavaler, se la couler, se cramper, lâcher, décarer, décaniller.
Et quels noms significatifs décernés aux agents chargés de réprimer ses
méfaits ! Par balai, cogne, raclette, raille, pousse et grive, il
paraît dire: Le gendarme me balaie ou me cogne, la patrouille me racle,
l'agent m'éraille ou me pousse, le soldat me grève.
Par une exception bizarre, il a mêlé les idées de cuisine et de
dénonciation. L'homme qui le dénonce à la police est un cuisinier, un
coqueur (coquus), une casserole. S'il est arrêté, il dit qu'il est
servi. Serait-ce que parce qu'il se voit déjà flambé, fumé, frit,
fricassé, rôti et brûlé par dame Justice, cette terrible cuisinière?
On a dû le voir avec nous, la fréquence des mots indique mieux que
toutes les statistiques morales la place tenue par certaines passions.
Niera-t-on que le peuple français soit susceptible d'enthousiasme en
voyant tous les synonymes qu'il a trouvé aux mots bons et beau? --
V. _Chic, chicard, chicandard, chouette, bath, rup, chocnosof, snoboye,
enlevé, tapé, ça, superlifico, aux pommes, aux petits oignons, etc.
Et l'argent n'occupe-t-il pas dans le néologisme autant de place que
dans les transactions de ce bas monde? -- Nerf, os, huile, beurre,
graisse, douille, rond, cercle, bille, jaunet, roue de devant et de
derrière, braise, thune, médaille, face, monarque, carte, philippe,
métal, dale, pèze, pimpion, picaillon, noyaux, sonnette, cigale, quibus,
quantum, sic nomen, cuivre, mitraille, patard, vaisselle de poche, sine
qua non ! etc.
Et l'eau-de-vie ! Combien de petits verres dans ces mots: Trois-six,
fil en quatre, dur, raide, rude, chenique, schnapps, eau d'aff, sacré
chien, goutte, camphre, raspail, jaune, tord-boyaux, casse-poitrine,
consolation, riquiqui!
Après la satisfaction des besoins matériels ou l'expression d'une gaîté
railleuse, les misères et les laideurs de cette vie sont largement
représentés. -- On trouve vingt mots pour montrer un niais, une dupe ou
un fripon, pas un pour dire: Voici un honnête homme. -- La femme digne
d'estime est inconnue; celle qu'on affecte de mépriser se trouve sous le
coup d'un déluge d'injures. -- Enfin la somme des négations est énorme
et il n'y a pas une seule affirmation positive.
Et, chose étrange ! l'admiration même se trouve sur ce terrain raboteux
tout imprégnée de je ne sais quelle brutalité. -- Vous êtes fièrement
brave, rudement bon, -- se disent avec la meilleure intention du monde.
Un discours éloquent devient un discours tapé; une scène émouvante
vous enlève, vous empoigne; une belle action épate le public On
dit d'une oeuvre banale: Cela n'est pas méchant, cela ne mord pas. Le
travailleur est un piocheur et le zélé est un féroce.
En toute justice, cependant, on ne saurait traiter avec sévérité
l'élément populaire qui sert de base aux observations précédentes.
Comment le peuple se piquerait-il de délicatesse en son langage? Le
labeur de chaque jour ne lui laisse apprécier que la satisfaction de ses
gros appétits. Aussi, ne nous étonnons pas en voyant ses néologistes
s'exercer uniquement là-dessus. Ces rudes chercheurs ont fait des mots
accentués comme leurs ragoûts favoris et faits pour traverser les palais
plébéiens que n'effraient pas les fortes épices.
Si on veut donc bien ne pas se choquer de la rusticité de cette forme,
l'étude de cette langue fera découvrir, au degré le plus éminent,
certaines qualités de couleur.
Comme il est bien nommé brutal ce canon qui, après avoir grondé de sa
grosse voix, culbute tout sans dire gare !
Et béguin, cet amour terrestre qui vous isole au milieu de la vie
mondaine avec les extases du cénobite !
Combien les mots de richesse, de crédit et de fortune paraissent fades à
coté de cette annonce magique : Il a le sac! -- Il a le sac, c'est-à-
dire ses écus sont là sous sa main; d'un geste, il les fera luire à vos
yeux ces belles espèces sonnantes.
Il en est de même pour beaucoup d'autres qu'on trouvera sans effort en
feuilletant les pages suivantes.
Selon nous, il doit être aussi beaucoup pardonné aux licences du langage
populaire, en raison de la souffrance et de l'amertume profondément
ironique que décèlent bon nombre de ses termes. Ainsi la plèbe
parisienne a trouvé un nom saisissant pour désigner certains quartiers
où la misère a fait élection de domicile; elle les appelle Quartiers
souffrants.
Je me rappellerai toute ma vie du jour où j'entendis prononcer ce nom
pour la première fois: c'était en omnibus. -- Le conducteur, un gai
compagnon, égayait de son mieux la monotonie du devoir qui l'obligeait à
décliner tout haut le nom de certaines rues. -- A l'instant où son
véhicule quittait la sombre rue des Noyers pour traverser la place
Maubert, autour de laquelle rayonnaient alors vingt ruelles noirâtres où
grouillait la plus misérable population, -- voilà notre homme qui
s'écrie: « Place Maubert, rue Saint-Victor, Panthéon ! Il n'y a personne
pour le quartier souffrant! » -- Et une pauvre vieille hâve,
déguenillée, se dressa péniblement et descendit à cet appel comme une
justification vivante de l'épithète.
Vous pouvez d'ailleurs leur prêcher la philosophie, à tous ces pauvres
diables; ils connaissent le mot, ils l'ont pris pour synonyme de Misère;
ils ont même décoré leurs savates du titre de philosophes. Peut-on
mieux montrer, -- je vous le demande, -- la théorie foulée aux pieds par
la réalité?
Les synonymes significatifs de dur, raide, tord-boyaux, casse-poitrine
disent assez comment les malheureux en sont venus à nommer consolation
un verre d'eau-de-vie. Ce n'est pas toujours la boisson en elle-même
qu'ils recherchent, car ils en connaissent les tristes effets, c'est un
étourdissement momentané, c'est une consolation fictive.
Et la pipe, cet autre palliatif non moins populaire, y a-t-il une seule
des cent satires rimées ou non rimées faites depuis cinquante ans contre
cet usage, qui vaille tout le sens critique de ce seul mot: brûle-
gueule?
N'être pas méchant et avoir du vice sont également deux expressions
cousines qui valent un livre sur le moyen de parvenir. -- Vous voulez
arriver, faites-vous craindre. Le naïf qui ne mord pas, qui n'est pas
méchant, reste sans valeur aux yeux du prochain. -- Avoir du vice,
c'est être ingénieux. Si vous avez du vice, vous saurez exploiter ceux
des autres. C'est une garantie d'avenir.
Heureusement, l'usage de dire ça n'est pas drôle, en présence d'un
grand malheur, est là pour neutraliser le côté attristant du tableau que
nous venons d'offrir. Ça n'est pas drôle prouve que la vieille gaîte
française est impérissable. -- Il n'y a de réellement fâcheux que ce
qui ne peut lui offrir un côté plaisant; et Dieu sait où elle ne vient
pas à bout de le découvrir !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Voilà des considérations un peu décousues; si elles n'aspirent pas au
sérieux d'une introduction philologique, elles suffiront pour faire
apprécier au lecteur et la logique secrète d'un langage qui en paraît
fort dépourvu, et la difficulté d'établir une nomenclature raisonnée de
ce langage. Elles expliqueront pourquoi cette édition présente, à
l'exemple de ses aînées, des remaniements et des additions
considérables. C'est ainsi que nous avons été amené à prendre cette fois
tout l'argot propre ment dit après avoir reconnu qu'une bonne part de
notre ancien vocabulaire en dérivait déjà .-- Plus se fraie le chemin et
plus s'agrandit l'horizon.
Comme tous les sujets mal définis, celui dont nous nous occupons était
difficile à bien traiter du premier coup. Les curieux assez patients
pour comparer cette édition aux précédentes, verront que nous n'avons
cessé de chercher des exemples probants, des définitions claires et
concises, une explication simple et naturelle des causes qui ont
déterminé l'emploi de chaque terme. A ce triple point de vue, ils
voudront bien reconnaître qu'un succès facile ne nous a point endormi.
-- Nous avons cherché à devenir Don meilleur, mais moins incomplet.
L'humilité de ce dernier adjectif n'est pas feinte. A peine notre livre
est-il broché que nous y constatons déjà des faiblesses... Mais au
lexicographe pas plus qu'au juste, il n'est donné d'être parfait, et nos
contemporains sont trop presses pour ne pas être cléments envers celui
qui n'a pas voulu leur faire attendre cette cinquième édition.
L.L.
ÉPIGRAPHES
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Le parler que j'aime, tel sur le papier qu'à la bouche, c'est un parler
succulent et nerveux, court et serré; non tant délicat et peigné, comme
véhément et brusque; plutôt difficile qu'ennuyeux; déréglé, décousu et
hardi; -- chaque lopin y fasse son corps ! -- non pédantesque, mais
plutôt soldatesque, comme Suétone appelle celui de Jules César. --
Montaigne.
Maynard, le poète toulousain (1582-1646) qui s'était retiré en province,
vint à Paris un peu avant sa mort. Dans les conversations qu'il avoit
avec ses amis des qu'il vouloit parler, on lui disoit: Ce mot-là n'est
plus d'usage. Cela lui arriva tant de fois qu'à la fin il fit ces
quatre vers:
En cheveux blancs, il me faut donc aller
Comme un enfant tous les jours à l'école.
Que je suis fou d'apprendre à bien parler
Lorsque la mort vient m'ôter la parole!
Voiture (1585-1650) qui était l'ami de Vaugelas, le railloit quelquefois
sur le trop de soin qu'il employoit à sa traduction de Quinte-Curce. Il
lui disoit qu'il n'auroit jamais achevé; que pendant qu'il en poliroit
une partie, notre langue venant à changer, l'obligeroit à refaire toutes
les autres. A quoi il appliquoit plaisamment ce qui est dit dans Martial
de ce barbier qui étoit si longtemps à faire une barbe qu'avant qu'il
l'eut achevée, elle commençoit à revenir... -- Raynal Anecdotes
littéraires.
Pour m'expliquer mieux, je vous diray qu'il y a deux sortes d'usages (de
mots nouveaux) le bon et le mauvais. Ce dernier est celui qui n'étant
appuyé d'aucunes raisons, non plus que la mode des habits, passe comme
elle en fort peu de tems. -- Il n'en est pas de même du bon usage Comme
il est accompagné du bon sens dans toutes les nouvelles façons de parler
qu'il a introduites en notre langue, elles sont de durée à cause de la
commodité qu'on trouve à s'en servir pour se bien exprimer, et c'est
ainsi qu'elle s'enrichit tous les jours Cependant il faut être fort
réservé à se servir de nouvelles façons de parler -- Caillière, 1693.
Il est bon de se faire des notions claires des choses quand on le peut.
Un autre Despréaux diroit peut-être de cet auteur (Ph. Leroux) ce que ce
grand critique a dit de Regnier, que ses ouvrages se ressentent des
lieux que fréquentoit l'auteur. Mais il ne faut que jeter les yeux sur
la sécheresse de la matière pour laver celui-ci de ce soupçon . Il y a
une longue liste de termes populaires qui n'est pas à dédaigner comme
elle pourroit le paroître d'abord. Combien de personnes ,distinguées qui
ne sont jamais sorties de la cour ou du grand monde, et qui, se trouvant
quelquefois obligées de descendre dans de certains détails avec les gens
du peuple ne comprennent rien à ce qu'ils leur disent! -- Zacharie
Chastelain, 1750 (Critique du Dictionnaire comique de Leroux)
Dans une séance particulière de l'académie, Voltaire se plaignit de la
pauvreté de la langue; il parla encore de quelques mots usités, et dit
qu'il serait à désirer qu'on adoptât celui de tragédien par exemple.
Notre langue, disait-il, est une gueuse fière; il faut lui faire
l'aumône malgré elle -- Voltériana.
Qu'on me permette d'ajouter à ce propos que si la manie du néologisme
est extrêmement déplorable pour les lettres et tend insensiblement à
dénaturer les idiomes dans lesquels elle se glisse, il n'en serait pas
moins injuste de repousser sous ce prétexte un grand nombre de ces
expressions vives, caractéristiques, indispensables, dont le génie fait
de temps en temps présent aux langues. Il n'appartient a personne
d'arrêter irrévocablement les limites d'une langue et de marquer le
point où il devient impossible de rien ajouter à ses richesses. -- Ch.
Nodier. 1808 (Dict. des Onomatopées)
Quelque ennemi que je sois du néologisme! il faut bien créer ou adopter
des mots nouveaux quand on n'en trouve pas dans la langue qui puissent,
à moins d'une longue périphrase, rendre l'équivalent de votre idée. --
De Jouy , 1815
Il s'opère depuis quelque temps une révolution sensible de moeurs et de
langage . Le langage surtout a subi d'heureuses altérations, des
gallicismes raffinés et polis qui feront pester l'Académie et sourire
agréablement les femmes élégantes. C'est tout profit pour les gens de
goût. -- Roqueplan, 1842.
Disons-le, peut-être à l'étonnement de beaucoup de gens, il n'est pas de
langue plus énergique, plus colorée que celle de ce monde... L'argot va
toujours, d'ailleurs ! Il suit la civilisation, il lu talonne, il
s'enrichit d'expressions nouvelles à chaque nouvelle invention. --
Balzac.
La langue argotique semble aujourd'hui être arrivée à son apogée; elle
n'est plus seulement celle des tavernes et des mauvais lieux, elle est
aussi celle des théâtres; encore quelques pas et l'entrée des salons lui
sera permise. -- Vidocq, 1837.
Il en est de l'argot comme de certaines îles de la Polynésie: on y
aborde sans y pénétrer; tout le monde en parle, et bien peu de personnes
le connaissent. Nous qui ne sommes ni l'un ni l'autre, et qui ne
possédons que notre curiosité pour passe-port, nous avons vainement
fouillé les géographies sociales pour nous instruire.... Par-ci, par-là,
un voyageur traverse ce Tombouctou parisien, et en ressort la tête
farcie de mots bizarres qu'il répète sans les comprendre. -- Albert
Monnier.
Quelque mérite qu'on ait, quelque érudition qu'on déploie, il est bien
difficile, en étalant les mots hideux du vocabulaire des forçats, de ne
jamais soulever le coeur et en rapportant nos lazzis populaires si usés,
de ne pas exciter parfois un sourire de dédain; mais quand il ne s'agit
plus de notre propre langue tout change d'aspect: les expressions
repoussantes deviennent terribles les locutions vulgaires, spirituelles,
et l'on est porté à croire bien injustement d'ailleurs, qu'il faut plus
de savoir pour recueillir et expliquer ces termes étrangers que pour
commenter ceux qu'on entend répéter chaque jour par les charretiers ou
les manoeuvres. -- Marty-Laveaux.
En lisant la nomenclature des termes jadis propres aux conversations du
brigandage et de la filouterie on devine d'une part qu'un certain nombre
de ces termes ne subsisteront pas longtemps, et d'autre part on aperçoit
que beaucoup ont pris droit de cité dans l'usage public Quel parisien
même r ange, même prude, ignore absolument que l'eau d'affe, c'est de
l'eau-de-vie; la bouffarde, une pipe; la dèche, les ennuis de la
misère; que balle veut dire tête; curieux, juge; gazon, perruque,
etc. ? Où n'entend-on pas ces mots-là? Les gros railleurs ont commencé
par s'en servir, pour se donner un air de finesse et de liberté; mais
bientôt ces mots narquois seront comme les doublures naturelles des
termes correspondants et peut-être prévaudront-ils? - A. Morel, 1862.
LES EXCENTRICITÉS DU LANGAGE
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ABADIS: Foule, rassemblement (Vidocq) . -- Vient du vieux mot de langue
d'oc: abadia: forêt de sapins. V. Du Cange. -- L'aspect d'une
multitude ressemble à celui d'une forêt. On dit: Une forêt de têtes. --
« Pastiquant sur la placarde, j'ai rembroqué un abadis du raboin. » --
Vidocq.
ABATIS: Pieds, mains. -- Allusion aux abatis d'animaux. -- Abatis
canailles: Gros pieds, grosses mains. -- « Des pieds qu'on nomme abatis.
» -- Balzac.
ABBAYE DE MONTE-À-REGRET: Échafaud (Vidocq). -- Double allusion. --
Comme une abbaye, l'échafaud vous sépare de ce bas monde, et c'est à
regret qu'on en monte les marches.
ABÉQUER: Nourrir. -- Abéqueuse: Nourrice (Vidocq). -- De l'ancien mot
abêcher : donner la becquée. V. Roquefort.
ABLOQUIR: Acheter en bloc (Vidocq). -- Bazarder a, au point de vue
de la vente, le même sens. -- Du vieux mot bloquer: arrêter un marché.
V. Lacombe.
ABOULER: Entrer --Vient du vieux mot bouler: rouler V. Roquefort. -- «
Maintenant, Poupardin et sa fille peuvent abouler quand bon leur
semblera. » -- Labiche. -- Notre langue a conservé éboulement.
Abouler: Donner, faire bouler à quelqu'un: -- « Mais quant aux
biscuits, aboulez. » -- Balzac.
Abouler de maquiller: Venir de faire. V. :Momir.
Aboulage: Abondance.
ABSORPTION: Repas offert chaque année aux anciens de l'École
polytechnique par la promotion nouvelle. On y absorbe assez de choses
pour justifier le nom de la solennité. -- « Lorsque le taupin a été
admis, il devient conscrit et comme tel tangent à l'Absorption. Cette
cérémonie annuelle a été imaginée pour dépayser les nouveaux, les
initier aux habitudes de l'École, les accoutumer au tutoiement. » -- La
Bedollière.
ACCENT: V.Arçon.
ACCROCHE-COEURS : Favoris (Vidocq) . -- Allusion aux accroche-coeurs
féminins, petites mèches contournées et plaquées prétentieusement sous
la tempe.
ACCROCHER: Mettre au Mont de Piété, c'est-à-dire au clou. Ce dernier mot
explique le verbe. -- « Ah ! les biblots sont accrochés.» -- De
Montépin.
Accrocher: Consigner un soldat, c'est-à-dire l'accrocher à son
quartier, l'empêcher d'en sortir.
S'accrocher: Combattre corps à corps, en venir aux mains, ou, pour
mieux dire, aux crocs. De là le mot.
ACHAR (D'): Avec acharnement. V. Autor.
ADDITION: Carte à payer. -- « C'est l'addition même de l'un de ces
repas-là. » -- Delvau.
Ce néologisme fort juste s'explique de lui-même.
AFF: Abrév. d'Affaire. -- V. Débiner.
AFFAIRE (Donner ou Faire son): Tuer. -- « L'un d'eux doit m'faire C'te
nuit mon affaire. » -- Désaugiers.
Avoir son affaire: Être ivre-mort. -- « Je propose l'absinthe ...
Après quoi j'avais mon affaire, là, dans le solide. » -- Monselet.
Avoir ses affaires: Avoir ses menstrues. V. Anglais.
AFFRANCHIR: Pervertir, c'est-à-dire affranchir des règles sociales. --
« Affranchir un sinve pour grinchir: pousser un honnête homme à voler. »
-- Vidocq.
AFFURAGE, AFFURE: Profit. -- Affurer: Gagner (Vidocq). -- De l'ancien
mot furer: dépouiller. V. Du Cange. -- « Eh vite! ma culbute, quand je
vois mon affure, je suis toujours paré. » -- Vidocq.
AFFUT (Homme d'): Malin, roué. -- Vient du vieux mot affuster: viser,
coucher en joue.
AGONIR, AGONISER: Insulter. C'est l'/agonizin/ des Grecs. -- « Je veux
t'agoniser d'ici à demain, ». -- Ricard. -- « Si bien que je fus si
tourmentée, si agonie de sottises par les envieuses. » -- Rétif, 1783.
AGRAFER: Arrêter. -- « Le premier rousse qui se présentera pour
m'agrafer. » -- Canler.
Agrafer: Consigner. Même sens qu'accrocher. -- « J'ai jeté la
clarinette par terre, et il m'a agrafé pour huit jours. » -- Vidal,
1833.
AIDE-CARGOT: Valet de cantine. -- « Aide-cargot, un dégoûtant troupier
fait semblant de laver la vaisselle. » -- Wado.
AILE, LERON-: Bras. -- « Appuie-toi sur mon aile, et en route pour
Châtellerault. » -- Labiche. -- « Je suis piqué à l'aileron, tu m'as
égratigné avec tes ciseaux.» -- E. Sue.
AIR (Se donner, se pousser de l', jouer la Fille de l'): Fuir. -- Les
deux premiers termes font image; le troisième a été enfanté par la vogue
de La Fille de l'Air, une ancienne pièce du Boulevard du Temple.
« La particulière voulait se donner de l'air. » -- Vidal, 1833. -- «
Dépêchez-vous et jouez-moi la Fille de l'air avec accompagnement de
guibolles. » -- Montépin. -- « Allons, môme, pousse-toi de l'air » --
Id.
Vivre de l'air du temps: Être sans moyens d'existence. Terme ironique.
-- « Tous deux vivaient de l'air du temps. » -- Balzac.
Être à plusieurs airs: Être hypocrite, jouer plusieurs rôles à la
fois.
ALENTOIR: C'est alentour avec changement arbitraire de la dernière
syllabe, procédé très-commun en argot.
ALLER OÙ LE ROI NE VA QU'À PIED: Ce rappel à l'égalité est de tous les
temps. On disait au dix-septième siècle: « C'est à mots couverts le lieu
où l'on va se décharger du superflu de la mangeaille... » -- Scarron,
qui n'a pas dédaigné de donner l'hospitalité à cette métaphore
éminemment philosophique, ajoute: « C'est ce qu'on nomme à Paris, chez
les personnes de qualité, la chaise percée; car depuis environ vingt ans
la mode est venue de faire ses nécessités sans sortir de sa chambre, et
cela par un pur excès de propreté. »
ALLEZ DONC!: Locution destinée à augmenter dans un récit la rapidité de
l'acte dont on parle. -- « J'avais mon couteau à la main... et allez
donc!... j'entaille le sergent, je blesse deux soldats. " -- E. Sue.
ALLUMER: Regarder fixement, éclairer de l'oeil pour ainsi dire. -- Très-
ancien. Se trouve avec ce sens dans les romans du treizième siècle. V.
Du Cange. -- « Allume le miston, terme d'argot qui veut dire: Regarde
sous le nez de l'individu. » (Almanach des Prisons, 1795).
Allumer: Déterminer l'enthousiasme. -- « Malvina remplissait la salle
de son admiration, elle allumait, pour employer le mot technique. » --
Reybaud.
Allumer: Pour un cocher, c'est déterminer l'élan de ses chevaux à
coups de fouet. -- « Allume ! allume ! » -- H. Monnier.
Allumé: Échauffé par le vin. -- « Est-il tout a fait pochard ou
seulement un peu allumé? » -- Montépin.
Allumeur: Compère chargé de faire de fausses enchères dans une vente.
-- « Dermon a été chaland allumeur dans les ventes au-dessous du cours.
» -- La Correctionnelle, journal.
Allumeuse, dans le monde de la prostitution, est un synonyme de
marcheuse.
Dans ces acceptions si diverses, l'analogie est facile à saisir. Qu'il
s'applique à un tête-à-tête, à un spectacle, à un attelage, à un repas,
ou une vente, allumer garde toujours au figuré les propriétés
positives du feu.
ALTÈQUE: Beau, bon, excellent (Vidocq). -- Du vieux mot alt (grand,
fort, élevé) accompagné d'une désinence arbitraire, comme dans féodec.
V. Roquefort. -- Frangine d'Altèque: Bonne soeur. -- Frime d'altèque:
Charmante figure. V. Coquer.
AMANT DE COEUR: Les femmes galantes nomment ainsi celui qui ne les paie
pas ou celui qui les paie moins que les autres. La Physiologie de
l'Amant de coeur a été faite par Marc Constantin en 1842. Au dernier
siècle, on disait indifféremment Ami de coeur ou greluchon. Ce
dernier n'était pas ce qu'on appelle un souteneur. Le greluchon ou ami
de coeur n'était et n'est encore qu'un amant en sous-ordre auquel il
coûtait parfois beaucoup pour entretenir avec une beauté à la mode de
mystérieuses amours. « -- La demoiselle Sophie Arnould, de l'Opéra, n'a
personne. Le seul Lacroix, son friseur, très-aisé dans son état, est
devenu l'ami de coeur et le monsieur. » (Rapports des inspecteurs de
Sartines). -- Ces deux mots avaient de l'avenir. Monsieur est toujours
bien porté dans la langue de notre monde galant. Ami de coeur a
détrôné le greluchon; son seul rival porte aujourd'hui le non
d'Arthur.
AMATEUR: Homme s'occupant peu de son métier. -- À l'armée revient
surtout l'usage de ce mot. Un officier cultivant les lettres, les arts,
les sciences même avec le plus grand succès, ne sera jamais qu'un
amateur.
Amateur sert aussi dans l'armée d'équivalent au mot de bourgeois. Un
officier dira: Il y avait là cinq ou six amateurs; comme un soldat ou un
sous-officier dira: Il y avait là cinq ou six particuliers.
Un clerc amateur travaille sans émoluments.
Amateur: Rédacteur qui ne demande pas le paiement de ses articles. --
1826, Biographie des Journalistes
AMBIER: Fuir (Vidocq). -- Du vieux mot amber: enjamber. V. Roquefort.
AMÉRICAIN (oeil): OEil investigateur. -- L'origine du mot est dans la
vogue des romans de Cooper et dans la vue perçante qu'il prête aux
sauvages de l'Amérique. -- « Ai-je dans la figure un trait qui vous
déplaise, que vous me faites l'oeil américain? » -- Balzac -- « J'ai
l'oeil américain, je ne me trompe jamais. » -- Montépin.
OEil américain: OEil séducteur. -- « L'oeillade américaine est grosse
de promesses, elle promet l'or du Pérou, elle promet un coeur non moins
vierge que les forêts vierges de l'Amérique, elle promet une ardeur
amoureuse de soixante degrés Réaumur. » -- Ed. Lemoine .
AMÉRICAINE: Voiture découverte à quatre roues. -- « Une élégante
américaine attend à la porte de l'hôtel Rothschild. Un homme fort bien
mis y monte, repousse un peu de côté un tout petit groom, prend lui-même
les guides et lance deux superbes pur-sang au galop. » -- Figaro.
AMOUR: Aimable comme l'Amour. -- « Armée de son registre, elle attendait
de pied ferme ces amours d'abonnés. » -- L. Reybaud. -- « Comme j'ai été
folle de Mocker, quel amour de dragon poudré. » -- Frémy
ANCHOIS (OEil bordé d'): OEil aux paupières rougies et dépourvues de
cils. -- « Je veux avoir ta femme -- Tu ne l'auras pas. -- Je l'aurai,
et tu prendras ma guenon aux yeux bordés d'anchois. » -- Vidal. 1833.
ANCIEN, CONSCRIT: Élèves de première et de seconde promotion à l'École
polytechnique ou à l'École de Saint-Cyr.
ANDOUILLE: Personne molle, sans énergie (Vidocq).
ANDOUILLES (Dépendeurs d'): On sait que les andouilles se pendent au
plafond. Le peu d'élévation des planchers parisiens relègue en province
ce terme, qui désigne un individu de grande stature.
ANGLAIS: Créancier. -- Le mot est ancien, et nous sommes d'autant plus
porté à y voir, selon Pasquier, une allusion ironique aux Anglais (nos
créanciers après la captivité du roi Jean) que les Français se moquaient
volontiers autrefois de leur redoutable ennemi. C'est ainsi que milord
est employé ironiquement aussi. Nous en trouvons trace dans Rabelais. --
« Assure-toi que ce n'est point un anglais. » -- Montépin. -- « Et
aujourd'hui je faictz solliciter tous mes angloys, pour les restes
parfaire et le payement entier leur satisfaire. » -- Crétin.
Les anglais sont débarqués. -- Dans une bouche féminine, ces mots
sont un équivalent de: J'ai mes affaires V. ce mot. -- L'allusion est
sanglante pour ceux qui connaissent la couleur favorite de l'uniforme
britannique. -- « Il est aussi brave Que sensible amant, Des Anglais il
brave Le débarquement. » -- Chansons, impr. Chastaignon, Paris, 1851.
ANGUILLE: Ceinture (Vidocq). -- Une ceinture de cuir noir gonflée
d'argent ressemble assez à une anguille.
ANSES (Panier à deux): Homme qui se promène avec une femme à chaque
bras. -- De ce terme imagé découle l'expression offrir son anse:
offrir son bras.
ANTIFLER, ENTIFLER: Marier (Vidocq). Vient du mot entifle: église.
-- Là se fait la célébration du mariage. Entifler_ est donc mot à mot:
mener à l'église. -- « Ah ! si j'en défouraille, ma largue j'entiflerai.
» -- Vidocq.
[Entifle -- antie].
ANTIPATHER: Avoir de l'antipathie. -- « Pas une miette! Je l'antipathe.
» -- Gavarni.
ANTONY. -- « En 1831, après les succès d'Antony, les salons parisiens
furent tout à coup inondés de jeunes hommes pâles et blêmes, aux longs
cheveux noirs, à la charpente osseuse, aux sourcils épais, à la parole
caverneuse, à la physionomie hagarde et désolée... De bonnes âmes,
s'inquiétant de leur air quasi cadavéreux, leur posaient cette question
bourgeoisement affectueuse: « Qu'avez-vous donc? » A quoi ils
répondaient en passant la main sur leur front: « J'ai la fièvre. » --
Ces jeunes hommes étaient des Antonys.» -- Ed. Lemoine.
ANTONNE: Église (Vidocq). -- Diminutif du vieux mot antic: église. V.
Du Cange. On donne de même à l'église le nom de priante.
ANTROLER: Emporter (Vidocq). -- Des mots entre roller: rouler
ensemble. V. Du Cange.
APLOMB (Coup d'): Coup vigoureux, tombant verticalement sur le but. -- «
Sus c' coup là, je m'aligne. L'gonse allume mon bâton, J'allonge sur sa
tigne Cinq à six coups d'aplomb. » -- Aubert, chanson, 1813. -- « Ah!
fallait voir comme il touchait d'aplomb. » -- Les Mauvaises
Rencontres, chanson.
APÔTRE: Doigt (Vidocq). -- Est-ce parce que les apôtres sont souvent
représentés avec l'index levé?
APPAS: Seins. -- « Madame fait des embarras, Je l'ai vu mettre en
cachette Des chiffons pour des appas. » -- Matt., Chansons.
AQUIGER: Palpiter. V. Coquer.
Aquiger: Blesser, battre. -- Aquiger les brèmes: Biseauter les
cartes.
ARAIGNÉE DANS LE PLAFOND (avoir une): Être fou. Le cerveau serait ici le
plafond et la monomanie y tendrait ses toiles.
ARBALÈTE: Croix de cou, bijou de femme (Vidocq). -- Allusion à la
ressemblance d'une arbalète détendue avec une croix.
ARCASIEN, SINEUR: Celui qui monte un arcat.
ARCAT (Monter un): Écrire de prison à un provincial, et lui demander une
avance sur un trésor enfoui dans son pays et dont on promet de lui
révéler la place. La lettre qui sert à monter l'arcat s'appelle
lettre de Jérusalem, parce qu'on l'écrit sous les verrous de la
Préfecture. Vidocq assure qu'en l'an VI, il arriva de cette façon plus
de 15,000 fr. à la prison de Bicêtre. Vient d'arcane_: mystère, chose
cachée.
ARCHE (Aller à): Chercher de l'argent (Vidocq) -- Du vieux mot arche
(armoire secrétaire) qui a fait archives. Le secrétaire sert de
coffre-fort aux particuliers .
ARÇON, ACCENT: Signe d'alerte convenu entre voleurs. Du temps de Vidocq
(1837) c'était un crachement et un C figuré à l'aide du pouce droit sur
la joue droite. -- Vient d'arçon: archet, petit arc. V. Roquefort. --
La courbe du C représente bien la forme d'un arc. -- Accent nous
paraît de même une allusion au son du crachat
ARGUEMINE: Main. -- « Je mets l'arguemine à la barbue. » -- Vidocq.
ARCPINCER: Arrêter quelqu'un. -- Pincer au demi cerc1e est très-usité
dans le même sens. Il est à remarquer qu'arc et demi-cercle sont
presque synonymes et qu'ils paraissent dériver de la même image.
ARISTO: Aristocrate. -- « C'est vrai! tu as une livrée, tu es un aristo.
» -- D'Héricault.
ARDENTS: Yeux. -- Dict. d'argot moderne, 1844. -- Le verbe allumer
entraînait naturellement ce substantif.
ARGOT, ARGUCHE. -- Diminutifs d'argue: Ruse, finesse. V. Roquefort. --
L'argot n'est en effet qu'une ruse de langage. V. Truche.
ARLEQUIN: Rogatons achetés aux restaurants et servis dans les gargotes
de dernier ordre. -- « C'est une bijoutière ou marchande d'arlequins. Je
ne sais pas trop l'origine du mot bijoutier; mais l'arlequin vient de ce
que ces plats sont composés de pièces et de morceaux assemblés au
hasard, absolument comme l'habit du citoyen de Bergame. Ces morceaux de
viande sont très-copieux, et cependant ils se vendent un sou
indistinctement. Le seau vaut trois francs. On y trouve de tout, depuis
le poulet truffé et le gibier jusqu'au boeuf aux choux. » -- P.
D'Anglemont.
ARME À GAUCHE (Passer l'): Mourir, militairement parlant. Aux
enterrements, le soldat passe l'arme sous le bras gauche. -- « Toute la
famille a passé l'arme à gauche. » -- Lacroix, 1832.
Il a reçu une volée que le diable en a pris les armes: Il a reçu une
volée mortelle, telle que le diable aurait pu emporter son âme. --
arme est souvent pris pour âme au moyen âge.
ARNACHE: Tromperie (Vidocq). -- Du vieux mot harnacher: tromper.
ARPION: Pied. -- C'est le vieux mot arpion: griffe, ongle (Lacombe).
On a dit arpion comme on dit pattes. -- « J'aime mieux avoir des
philosophes aux arpions. » -- E. Sue.
ARSONNEMENT: Onanisme (Vidocq) . -- Du vieux mot arson: incendie.
L'analogie est facile à expliquer. -- On emploie le verbe S'arsonner.
ARSOUILLE: Anagramme du vieux mot souillart: homme de néant. La
souillardaille était jadis la canaille d'aujourd'hui. V. Du Cange.
-- « C'étaient des arsouilles qui tiraient la savate. » -- Th. Gautier.
ART (Faire de l'art pour): Cultiver les arts ou les lettres sans y
chercher uniquement une occasion de lucre. V. Métier (Faire du). -- «
Nous avons connu une école composée de ces types si étranges, qu'on a
peine à croire à leur existence; ils s'appelaient les disciples de
l'art pour l'art. » -- Murger.
ARTHUR: V. Amant de coeur. -- « Quant aux Arthurs de Ces Dames. » --
Delvau.
Arthur: Homme à prétentions galantes. -- « Un haut fonctionnaire bien
connu, membre d'une académie, Arthur de soixante ans. » -- De Boigne.
ARTICLE (Faire l'): Faire valoir une personne ou une chose comme un
article de commerce. -- « Malaga ferait l'article pour toi ce soir. » --
Balzac. -- Examinez-moi ça ! comme c'est cousu! -- Ce n'est pas la peine
de faire l'article. » -- Montépin.
Être à l'article: Être à l'article de la mort, sur le point de mourir.
Porté, fort sur l'article: Enclin à la luxure.
ARTICLIER: « C'est un articlier. Vernon porte des articles, fera
toujours des articles, et rien que des articles. Le travail le plus
obstiné ne pourra jamais greffer un livre sur sa prose. » -- Balzac.
ARTIE, ARTON: Pain. -- « En cette piolle On vit chenument; Arton, pivois
et criolle On a gourdement.» -- Grandval, 1723.
ARTILLEUR À GENOUX: infirmier. -- Allusion au canon du clystère et à la
posture que réclame sa manoeuvre. Ph. Le Roux (1718) nomme déjà
mousquetaires à genoux les apothicaires. -- On dit aussi: Canonnier
de la pièce humide.
AS DE CARREAU: Havre-sac d'infanterie. -- Allusion à sa forme carrée. --
« Troquer mon carnier culotté contre l'as de carreau ou l'azor du
troupier. » -- La Cassagne .
AS DE PIQUE (Fichu comme un): Mal bâti, mal vêtu. Jadis on appelait as
de pique un homme nul. -- « Taisez-vous, as de pique! » -- Molière.
ASPIC: Calomniateur (Vidocq) . -- Grâce à leur venin, ces serpents ont
toujours symbolisé la calomnie. L'aspic des voleurs n'est que la
vipère des honnêtes gens.
ASSEOIR (S'): Tomber, ironiquement: s'asseoir par terre.
Allez vous asseoir: Taisez-vous. -- Allusion à la fin obligée des
interrogatoires judiciaires. -- Asseyez vous dessus: Imposez-lui
silence. -- En 1859, M. Dallès a fait deux chansons intitulées l'une:
Allez vous asseoir, et l'autre: Asseyez-vous donc là-d'sus. -- Un
petit théâtre de Paris a également donné ce premier terme pour titre à
une revue de fin d'année.
ASTIC: Tripoli, mélange servant à nettoyer les pièces de cuivre. -- « Et
tirant du bahut sa brosse et son astic, il se met à brosser ses boutons
dans le chic. » -- Souvenirs de Saint-Cyr.
ASTIQUER: Nettoyer. -- « Quand son fusil et sa giberne sont bien
astiqués. » -- 1833, Vidal.
Un troupier dira de bourgeois élégants: Ce sont des civils bien
astiqués La marine donne à ce mot de nombreux synonymes: -- « Peste!
maître Margat, vous avez l'air d'un Dom Juan... -- Un peu, que je dis!
on a paré la coque... On s'a pavoisé dans le grand genre ! On est suifé
et astiqué proprement. » -- Capendu .
Astiquer: Battre. -- « Sinon je t'astique, je te tombe sur la bosse. »
-- Paillet. -- Du vieux mot estiquer : frapper d'estoc ou de la
pointe. V. Du Cange. -- Nous croyons cette étymologie commune à l'autre
sens. L'homme qui frappe droit exécute le même mouvement qu'un
fourbisseur en exercice.
ASTICOT: Vermicelle (Vidocq). Calembour. Le vermicelli_ italien
s'applique à un asticot, à un vermisseau, comme à une pâte alimentaire.
ATOUT: Coup grave. -- « Voilà mon dernier atout... Vous m'avez donné
le coup de la mort. » -- Balzac. -- Expression de joueurs de cartes, qui
ont appliqué aux accidents de la vie le nom de l'ennemi que craignent
leurs combinaisons.
Atout: Courage Vidocq). « Je ne me plains pas. Tu es un cadet qui a de
l'atout. » -- E. Sue. -- Même allusion; seulement elle est retournée.
L'homme a ici l'atout dans le jeu de sa vie au lieu de l'avoir contre
lui .
Atouser: Encourager (Vidocq). -- C'est-à-dire donner de l'atout_.
ATTACHE: boucle (Vidocq). -- Effet pris pour la cause. Une boucle sert à
attacher. V. Chêne. -- « J'engantais sa tocquante, ses attaches
brillantes avec ses billemonts. » -- Vidocq.
ATTAQUE (D'): Vivement, spontanément. -- Un homme d'attaque est un
homme d'action.
ATTENDRIR (S') -- S'attendrir sous l'empire d'un commencement d'ivresse.
Dix minutes avant, le buveur attendri n'était qu'ému. Dix minutes
encore, et il sera sur le point de pleurer. -- « Le capitaine qui avait
religieusement vidé son verre à chaque mot, s'attendrit. » -- Th.
Gautier.
ATTRIQUER: Acheter (Vidocq). -- Ce doit être un mot ancien, car Du Cange
lui donne un pendant dans attrosser: vendre.
AUBER: Somme d'argent (Vidocq). -- Calembour sur l'équivoque présentée
par le vieux mot maille, qui signifiait en même temps monnaie et
maille de auber ou cotte de mailles. V. Du Cange. -- Au point de vue
financier comme au point de vue militaire, l'auber a donc représenté
la réunion d'un certain nombre de mailles. -- V. Chêne.
AUTEUR: Père. -- Abrév. d'auteur de mes jours. -- « Il est impossible
de voir un auteur (père) plus chicocandard . » -- Th. Gautier.
AUTOR (D'): D'autorité. -- Abrév. -- Un coup d'autor et d'achar est
irrésistible. On joint d'ordinaire ces deux mots. -- « Et d'autor et
d'achar Enfoncé le jobard. » -- De Montépin.
AUTAN: Grenier (Vidocq). -- Vient du vieux mot hautain: élevé!, en bas
latin altanus. V. Roquefort. -- Un grenier occupe toujours le haut de
la maison.
AUTRE (L'): Nom donné à Napoléon I par ses partisans. Sous Louis XVIII,
il avait une valeur exceptionnelle; il signifiait: l'Autre souverain.
-- « M. de Saint-Robert était, du temps de l'Autre, officier supérieur
dans un régiment de la vieille. » -- Couailhac.
AUTRE CÔTÉ (Femme de 1'): Les étudiants de Paris appellent ainsi les
lorettes habitant la rive droite, c'est-à-dire l'autre côté de la
Seine (pour le quartier latin). -- « C'est Annette. C'est une femme de
l'autre côté. » -- Les étudiants, 1860.
AUVERPIN: Auvergnat. V. Charabia.
AVALOIR: Gosier (Vidocq). -- Inutile d'insister sur l'origine du mot. On
voit que le gosier est ici dans l'exercice de ses fonctions.
AVANTAGES, AVANT-COEUR, AVANT-SCÈNES: Seins. -- « N'étouffons-nous
pas
un petit brin? lui dit-il en mettant la main sur le haut du busc; les
avant-coeur sont bien pressés, maman. » -- Balzac. -- « C'est trop petit
ici: la société y sera comme les avantages de madame dans son corset. »
-- Villemot.
AZOR: Sac d'infanterie. Son pelage lui a fait donner ce nom de chien. --
Un fantassin en route dit qu'il part à cheval sur Azor. -- « Le
mauvais drôle avait vendu son havre-sac, qu'il appelait son Azor. --
Vidal, 1833. Appeler Azor: Siffler un acteur comme un chien. -- «
Dites donc, mame Saint-Phar, il me semble qu'on appelle Azor. » --
Couailhac.
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BAC: Baccarat. -- Abrév. -- « La musique n'arrivant pas, on a taillé un
petit bac pour prendre patience. » -- A. Second.
BABILLARD, LLARDE: Livre, lettre -- Babiller: Lire. -- Comparaison
d'une lecture au babillage d'une personne qui cause sans s'arrêter. --
« Ma largue part pour Versailles aux pieds de Sa Majesté; elle lui fonce
un babillard pour me faire défourailler. » -- Vidocq.
Babillard: Confesseur (Vidocq). -- Allusion aux efforts persuasifs des
aumôniers de prison vis-à-vis de leur troupeau.
BACHASSE: Galère. -- Augmentatif de bac: bateau. -- « En bachasse tu
pégrenneras jusqu'au jour du décarement » -- Vidocq.
BACHOT: Cette abréviation de bachelier désigne à la fois le bachelier,
l'aspirant bachelier, l'examen du baccalauréat et enfin la pension
spéciale où on se prépare à cet examen. V. Les Institutions de Paris.
Bachotteur: Grec chargé du rôle de compère dans une partie de billard
à quatre. 11 règle la partie, tient les enjeux ou baches et paraît
couvrir la dupe de sa protection. Les deux autres grecs sont
l'emporteur chargé de lier conversation avec la dupe pour l'amener
dans les filets de ses compagnons et la bête qui fait exprès de perdre
au début pour l'allécher (Vidocq).
BACLER: Fermer (Vidocq) -- (Vieux mot). V. Roquefort.
BADOUILLARD: « Pour être badouillard, il fallait passer trois ou quatre
nuits au bal, déjeuner toute la journée et courir en costume de masque
dans tous les cafés du quartier latin jusqu'à minuit. » -- P.
d'Anglemont.
Badouiller: Faire le badouillard.
Badouillerie: Art de badouiller. -- « La Badouillerie est la mort des
sociétés de tempérance. » -- 1844, Cat. poissard.
BAGOU: « Ce mot, qui désignait autrefois l'esprit de répartie
stéréotypée, a été détrôné par le mot blague. -- Balzac.
Bagou, Bague: Nom propre (Vidocq). Du vieux mot bagouler: parler. V.
Lacombe.
BAHUT: Institution académique. -- « Je te croyais au bahut Rabourdon.
Jamais j'aurais pensé qu't'étais devenu potache. Et Furet, as-tu de ses
nouvelles? en v'là un bahuteur. Il a fait la moitié des bahuts au Marais
et une douzaine au moins dans la banlieue. » -- Les Institutions de
Paris, 1858.
Quelques fils de famille disent, par extension: le bahut paternel, en
parlant du logis de leurs auteurs.
Bahut spécial: École de Saint-Cyr. -- « L'École de Saint-Cyr! j'ai le
bonheur d'être admis à ce bahut spécial. » -- La Cassagne.
Bahuter: Faire tapage. Terme propre aux élèves de Saint-Cyr. Pour eux,
« ceci est bahuté » veut dire aussi: « Ceci a le chic troupier. »
Bahuteur: Tapageur. « Cette écorce rude et sauvage qui allait au
bahuteur de Saint-Cyr. » -- La Barre. -- Vient du vieux mot
bahutier. -- « Quand un homme fait plus de bruit que de besogne, on
dit qu'il fait comme les bahutiers. Car en effet les bahutiers, après
avoir cogné un clou, donnent plusieurs coups de marteau inutiles avant
que d'en cogner un autre. » -- Dict. de Le Roux. Bahuteur: Coureur de
bahuts. V. ce mot.
BAIGNEUSE: Chapeau de femme (Vidocq) . -- Du nom d'une coiffure à la
mode vers la fin du siècle dernier.
BAIN Dr. PIED: Excédant de liquide versé à dessein dans une tasse ou
dans un verre; il déborde et fait prendre au récipient un bain de pied
dans la soucoupe.
BAÏTÉ: Maison. équivalent de boite (?) -- « Jorne et sorgue, tu
poisseras boucart et baïte chenument. » -- Vidocq .
BALADER (Se): Flâner. -- Diminutif du vieux mot baler: se divertir, se
remuer. V. Roquefort. -- « Je suis venu me balader sur le trottoir où
j'attends Millie. » -- Monselet.
Balader: Choisir, chercher (Vidocq). -- Même racine. Le choix comporte
toujours un déplacement.
Baladeuse: Coureuse. -- « Elle t'a trahi sans te trahir. C'est une
baladeuse, et voilà tout. » -- Nerval.
BALAI: Gendarme (Vidocq). -- On appelle de même raclette une ronde de
police; elle racle les gens que la gendarmerie balaie.
BALANCER: Jeter au loin. On sait que l'action de balancer imprime plus
de force à une projection. V. Litrer.
Balancer, envoyer à la balançoire: Congédier, renvoyer. -- « Elle m'a
traité de mufle. -- Alors il faut la balancer. » -- Monselet. -- « Je
l'envoie à la balançoire. » -- Id. -- On dit aussi exbalancer: -- Je
vais les payer et les exbalancer à la porte. » -- Vidal, 1833.
Balancer son chiffon rouge: Parler, remuer la langue. -- Balancer sa
canne: Devenir voleur. -- C'est-à-dire jeter la canne de l'homme qui
marche dans l'unique but de se promener. -- Balancer ses halènes:
Cesser de voler, jeter ses outils de voleur. -- Balancer une lazagne:
Adresser une lettre. -- Balancer ses chasses: Regarder à droite et à
gauche.
Balancement: « Le conducteur appelle son renvoi de l'administration un
balancement. » -- Hilpert.
Balançoire: mensonge, conte en l'air. -- « Non, monsieur! je n'avais
pas fait un accroc. -- C'est une balançoire. " -- P. de Kock.
BALANÇOIR, BALANÇON: Barreau de fenêtre (Vidocq). -- Est-ce parce que
les prisonniers s'y cramponnent parfois en se balançant?
BALLE: Tête. -- Comme Boule et Coloquinte, balle est une allusion à la
rondeur de la tête. Une bonne balle est une tête ridicule. Une rude
balle est une tête énergique et caractérisée. -- « Une balle d'amour
est une jolie figure. » -- Vidocq.
Être rond comme une balle, c'est avoir bu et mangé avec excès.
Balle: Franc. -- Allusion à la forme ronde d'une pièce de monnaie. --
« Je les ai payées 200 fr. -- -Deux cents balles, fichtre ! » -- De
Goncourt.
Balle de coton: Un coup de poing. -- Allusion aux gants rembourrés des
boxeurs. -- « Il lui allonge sa balle de coton, donc qu'il lui relève le
nez et lui crève un oeil. » -- La Correctionnelle.
BALLON: Derrière. -- Enlever le ballon: Donner un coup de pied au
derrière. -- « Inutile de faire remarquer l'analogie qu'il y a ici entre
la partie du corps ainsi désignée et une peau gonflée de vent qu'on
relève du pied. » -- F. Michel.
BALOCHARD, BALOCHARD: « Le balochard représente surtout la gaîté du
peuple; c'est l'ouvrier spirituel, insouciant, tapageur, qui trône à la
barrière. » -- T. Delord.
Pardon ! pardon ! Louise la Balocheuse,
De t'oublier, toi, tes trente printemps,
Ton nez hardi, ta bouche aventureuse,
Et tes amants plus nombreux que tes dents. -- Nadaud.
Le carnaval parisien a eu aussi ses costumes de balochard. C'était la
tenue de chicard, avec un feutre défoncé pour casque.
Balocher: « C'est quelque chose de plus que flâner. C'est l'activité
de la paresse, l'insouciance avec un petit verre dans la tête. » -- T.
Delord.
Balocher: S'occuper d'affaires véreuses. -- Vidocq.
BALTHAZAR: Repas plantureux . -- Allusion biblique
-- « Je vais me donner une bosse et faire un balthazar intime. » --
Murger.
BALUCHON: Paquet (Vidocq) . -- Diminutif de Ballot.
BANBAN: personne de petite taille aux membres noués. -- Allusion au
dandinement particulier de la marche. -- « J'entrai chez Dinah, jolie
petite brune un peu banban. » -- Mogador.
BANCAL: Sabre courbe. -- Allusion aux jambes arquées du bancal.« Voilà
M. Granger qui apporte le bancal. » -- Gavarni.
BANCO (Faire): Tenir tous les enjeux qui sont opposés par le banquier.
-- Terme de lansquenet. -- « Certains joueurs arrivent avec dix louis
dans leur poche; ils font des banco de cent, deux cents, trois cents
louis. » -- Karr.
BANDE (Coller sous): Acculer dans une situation difficile/ -- Terme de
billard.
BANQUETTE: Menton (Vidocq). -- La saillie du menton forme en effet une
banquette au bas du visage.
BAPTÊME (Se mettre sur les fonts du): Se mettre dans l'embarras. -- «
Nous ne voulons enquiller chez aucun tapissier, c'est se mettre sur les
fonts du baptême. » (Vidocq). Pour comprendre ce terme, il faut savoir
que Parrain veut dire témoin à charge. C'est donc s'exposer au parrain
que se mettre sur les fonts du baptême.
BARBAUDIER: Guichetier (Vidocq). -- Il est chargé du barbot des
prisonniers_.
BARBE (Prendre la): S'enivrer. -- « La Saint-Jean d'hiver, la Saint-Jean
d'été, la Saint-Jean-Porte-Latine, le moment qui commence les veillées,
celui qui les voit finir, sont autant d'époques où (pour les
compositeurs d'imprimerie) il est indispensable de prendre là barbe. »
-- Ladimir.
BARBEROT: Barbier (Vidocq). Dimin. de barbier_.
BARBILLON: Souteneur de filles (Vidocq). -- Équivalent de poisson.
BARBOT: Canard (Vidocq). -- L'acte est mis pour l'acteur.
Barbot: Fouille. -- Allusion à la main fouillant une poche, comme un
bec de canard barbotte dans un trou. -- « Je fis le barbot et je
m'emparai de quelques pièces de vingt et quarante francs. » Canler.
BARBOTTER: Voler (Vidocq) . -- Mot à mot: faire le barbot. «Tous deux en
brav's nous barbottions, D'or et d'billet nous trouvons un million. » --
Paillet.
BARBUE: Plume (Vidocq). -- Allusion aux barbes de plume. V. Arguemine.
BASOURDIR: Assommer (Vidocq). -- Abrév. d'abasourdir.
BASSIN, BASSINOIRE: Importun. « Allons, vieux bassin, Avez-vous fini vos
manières. » -- Becquet, chanson.
Bassiner: Importuner. -- « Il me bassine, cet avoué. » -- Labiche.
Bassinoire: Grosse montre de cuivre. -- Moins le manche, elle offre un
diminutif assez exact de la bassinoire classique. -- « C'était une
vénérable montre de famille, dite bassinoire en langage familier. » --
Champfleury.
BASTRINGUE. -- Étui conique en fer d'environ quatre pouces de long sur
douze lignes de diamètre, contenant un passe-port, de l'argent, des
ressorts de montres assez dentelés pour scier un barreau de fer, un
passe-port, de l'argent, etc. -- Vidocq -- Les malfaiteurs, sur le point
d'être pris, cachent dans leur anus cette sorte de nécessaire d'armes,
mais il doit être introduit par le gros bout. Faute de cette précaution,
il remonte dans les intestins et finit par causer la mort. Un prisonnier
périt il y a quelques années de cette manière, et les journaux ont
retenti du nombre prodigieux d'objets découverts dans son bastringue,
après l'autopsie.
BATAILLE (Chapeau en): Chapeau à cornes tombant sur chaque oreille. Mis
dans le sens contraire, il est en colonne. Terme de manoeuvres
militaires. -- « Les uns portent d'immenses chapeaux en bataille, les
autres de petits chapeaux en colonne. » -- La Bédollière.
BATH: Remarquable. -- Terme contemporain du papier anglais dit papier
bath, qui fut notre premier papier à lettre. Sans l'h final, nous
aurions vu là une abrév. de batif. V. ce mot. -- « Nous avons fait un
lansquenet un peu bath cette nuit. » -- Vitu.
BATIF: Neuf (Vidocq). -- Corruption de battant.
BATOUSE: Toile (Vidocq).
Batouse battante: Toile neuve. -- On dit communément battant neuf
pour neuf.
BATTANT: Coeur (Vidocq). -- Mot imagé. C'est le coeur à son état
ordinaire. Il ne mérite pas encore le nom de palpitant.
BATTOIR: Main large, main de claqueur, sonore comme un battoir de
blanchisseuse. -- « Dieu! la belle tragédienne ! En avant les battoirs !
» -- L. Reybaud.
BATTERIE: Mensonge (Vidocq). -- Allusion aux batteries d'artillerie dont
le jeu est souvent caché. On dit de même usuellement démasquer ses
batteries -- Un faiseur de batteries s'appelle un batteur.
Battre: Contrefaire, mot à mot: faire une batterie. -- Ce verbe a un
peu le même sens dans l'expression actuelle: battre froid.
Battre job, battre comtois: Faire le niais (Vidocq). -- V. Job,
comtois. -- Battre morasse: Crier à l'aide, mot à mot: crier à la
mort, à l'assassin. -- Battre a un autre sens dans Battre son quart
(V. Quart), et Battre sa flème: Ne rien faire. -- Il a ironiquement
le sens actif.
BAUDE: Vérole (Vidocq). -- Du vieux mot baut joyeux. V. Lacombe Du
Cange. -- La baude serait donc la joyeuse, ou plutôt le mal de la
joie.
BAUDRU: Fouet. -- Corruption du vieux mot baudre: courroie, baudrier.
V. Roquefort.
BAYAFE: Pistolet. -- « On peut remoucher les bayafes. Alors le taffetas
les fera dévider et tortiller la planque où est le carle. » -- Vidocq.
BAZAR: Maison chétive, ou mal distribuée. -- « Petit bazar entre cour et
jardin. » -- Labiche.
Bazar: Mobilier. -- J'ai vendu la moitié de mon bazar pour payer le
médecin. » -- E. Sue.
Mot contemporain de notre entrée en Afrique.
Bazarder: Vendre. « J'ai bazardé mon pantalon.» -- Les Tribunaux.
BEAU: Homme à la mode. -- « Le beau de l'Empire est toujours un homme
long et mince, qui porte un corset et qui a la croix de la Légion
d'honneur. -- Balzac. -- Il y a les ex-beaux et les beaux du jour.
BÉBÉ: Poupard. -- De l'anglais baby. -- « Emma arriva le lendemain, au
sortir du bal de la Porte Saint-Martin, en costume de bébé. » -- _Ces
Dames, 1860.
Bébé_ sert aussi de mot d'amitié. -- Tu sais, mon petit homme, que je
n'ai plus un sou, et que ton petit bébé ne doit pas rester sans espèces.
-- Id.
BEC: Bouche. -- Casser, chelinguer du bec: Avoir mauvaise haleine. --
Rincer le bec: Faire boire. -- Faire le bec: Donner des
instructions. -- Avoir du bec: Être éloquent. -- Tortiller du bec:
Manger. -- River le bec: Faire taire. -- Fin bec: Gourmand.
BÊCHER: Battre, dire du mal. Vient du vieux mot béchier: frapper du
bec (DuCange). -- « Je suis comme je suis, c'est pas une raison pour me
bêcher. » -- Monselet.
Avocat bécheur: Magistrat chargé du ministère public. Il bêche le
prévenu.
BÉGUIN: Passion. -- Vient du mot béguin: chaperon, coiffure. Allusion
semblable à celle qui fait appeler coiffée une personne éprise. -- «
Il y a bel âge que je ne pense plus à mon premier béguin. » -- Monselet.
Béguin: Tête. -- « Tu y as donc tapé sur le béguin. -- Robert Macaire,
1836.
BÉCOT: Petit baiser pris du bout des lèvres avec la prestesse de
l'oiseau qui donne son coup de bec. -- '( Encore un bécot. » --
Champfleury.
Bécoter: Donner des bécots. -- « Tiens, j'effarouche les
tourtereaux... On se bécotait ici. » -- Cormon.
BECQUETER: Manger. De bec. -- « J'ai vendu ce que j'avais pour
becqueter. » -- Lynol.
BÉLIER: Cocu (Vidocq). -- Allusion aux cornes symboliques du cocuage.
BELLE (Jouer la): Tout risquer d'un seul coup. -- On sait que deux
joueurs jouent la belle (partie), lorsque après avoir gagné chacun une
partie, ils conviennent d'en jouer une décisive.
BÉNEF: Bénéfice. -- « Un billet, mon maître, moins cher qu'au bureau !
Deux francs cinquante de bénef ! » -- Second.
BÉQUILLE: Potence (Vidocq). -- La potence ressemble à une béquille. --
Béquiller: Pendre. V. Farre.
BÉQUILLER: Manger. -- « C'est égal, je lui ai envoyé un coup de tampon
sur le mufle qu'il ne pourra ni béquiller, ni licher de quinze jours. »
-- Th. Gautier. Même étymologie que Becqueter.
BERLUE: Couverture (Vidocq).
BERRY: Capote d'études à l'École polytechnique. -- « Toujours plus ou
moins culottée, veuve d'un certain nombre de boutons. » -- La
Bédollière.
BERTRAND : Fripon dupé par son complice. -- La fable connue de Bertrand
et Raton, et le drame de l'Auberge des Adrets, ont mis ce terme à la
mode. -- « Il s'était posé à mon endroit en Robert Macaire, me laissant
le rôle désobligeant de Gogo ou de Bertrand. -- E. Sue.
BÊTE: V. Bachotteur.
BÊTISES (Dire des): Tenir des propos grivois. -- Passer des paroles à
l'action, c'est faire des bêtises.
BEUGLANT: Café chantant. -- « Nous allâmes au beuglant, c'est-à-dire au
café chantant... Vous devez juger par le nom donné à cet établissement
que les chants des artistes sont fort peu mélodieux. » -- Les
Étudiants, 1860.
BRUGNE: Coup violent. -- Corruption des vieux mots beigne, bigne,
employés dans le même sens. V. Roquefort.
BEURRE: Argent. -- V. Graisse. -- « Nous v'là dans le cabaret A boire
du vin clairet, A ct'heure Que j'ons du beurre. » -- Chansons,
Avignon, 1813.
Mettre du beurre dans ses épinards: Voir augmenter son bien-être. --
On sait que les épinards sont la mort au beurre.
Avoir du beurre sur la tête: Être couvert de crimes. -- Allusion à un
proverbe hébraïque. V. Vidocq.
Beurrier: Banquier (Vidocq).
BIBARD, BIBERON: Ivrogne (Dhautel). -- « Par rapport à ces vieux bibards
d'invalides. » -- La Bédollière. -- « C'est un fameux biberon. Quand on
lui demande quel temps il fait, il vous répond :Il fait soif. » --
Vidal, 1833.
BIBI: Petit chapeau de femme. -- « Malaga portait de jolis bibis. » --
Balzac.
Bibi: Nom d'amitié donné à l'homme ou à la femme dont on est coiffé.
-- « Paul, mon bibi, j'ai bien soif. -- Déjà? » -- Montépin.
BIBLOT: Objet de fantaisie propre à décorer une étagère. -- Abréviation
de bimbelot: jouet d'enfant. -- « Il y a biblot et biblot: celui qu'on
gagne à la fête de Saint-Cloud et celui que cent capitaines de navire
ont à grands frais rapporté de toutes les îles connues ou inconnues. »
-- Mornand.
Mon biblot, dans la bouche d'un soldat, signifie: Mon attirail
militaire.
Biblot: Bijou. -- « Trouve-moi des dentelles chouettes ! et donne-moi
les plus reluisants biblots.» -- Balzac.
Biblot: Outil d'artisan (Vidocq).
BICHE: Lorette. -- Abréviation de biche d'Alger, synonyme populaire de
chameau. -- « Une biche, -- il faut bien se servir de cette désignation,
puisqu'elle a conquis son droit de cité dans le dictionnaire de la vie
parisienne, -- se trouvait cet été à Bade. » -- Figaro, 1858. --
Forte biche: Lorette élégante.
Bicherie: Monde galant. -- « Mme Marguerite V., de la haute bicherie
du quartier d'Antin. » -- _Les Cocottes_, 1864.
BICHE, CHETTE, CHON: Mots d'amitié. -- « Viens ici, ma biche, viens
t'asseoir sur mes genoux. » -- Frémy. -- « Oui, ma bichette! oui, mon
petit chien-chien. » -- Leuven. -- « Mon bichon, tu seras gentil, faudra
voir ! » -- Gavarni.
BIDET: Ficelle transportant la correspondance des prisonniers enfermés à
des étages différents (Vidocq). -- C'est leur bidet de poste.
BIEN: D'apparence distinguée. -- « Elle aime à causer, surtout avec les
messieurs bien. » D'Anglemont.
Être bien: Être gris. Éprouver le bien-être factice causé par un
commencement d'ivresse.
Bien mis: Fashionable. -- « Ohé! ce bien mis, il vient faire sa tête,
parce qu'il a du linge en dessous. » -- E. Sue.
BIER . Aller. -- Abrév. d'ambyer.
BIFFER: Manger goulument (Vidocq). _ Forme de Bouffer.
BIFFIN, BIFIN: Chiffonnier. -- Ce n'est pas le chiffonnier pur-sang,
c'est celui qui a déchu d'une position meilleure. De là sans doute le
nom de biffin: goulu, donné par l'ancien chiffonnier au nouveau venu.
-- « J' vois deux bifins et leurs femelles. » -- Chansonnier, 1836.
BIG0RNE: Argot. -- Du vieux mot biguer: changer, troquer. V.
Roquefort. L'argot n'est qu'un langage bigué, d'où le diminutif
bigorne. -- « Rouscaillons bigorne. Qui enterver le saura, à part
sézière en rira, mais les rupins de la vergne ne sont dignes de cela. »
-- Vidocq. -- V. Jaspiner.
BIGORNEAU: Soldat de marine. -- Tenue de matelot. Comme le petit
coquillage de ce nom, le soldat reste attaché au navire ou aux garnisons
de la côte, sans naviguer à l'aide de ses propres forces.
BIGOTTER: Prier (Vidocq). -- Mot à mot: faire le bigot.
BIGREMENT: Superlativement. Forme de Bougrement. -- « C'est bigrement
embêtant, allez. » -- Gavarni.
BIJOUTIER: Marchand d'arlequins. V. ce mot.
BILLARD (Décoller, dévisser son): Mourir. V.Claquer.
BILLE, BILLEMONT, BILLON: Espèces monnayées. -- Billemont et billon
sont des diminutifs de bille qui, comme bal1e, fait allusion à la
forme ronde de la monnaie. -- « L'argent au Temple est de la braise, ou
de la thune, ou de la bille. » -- Mornand. -- « Nous attendions la
sorgue, voulant poisser des bogues, pour faire du billon. » V.
Attache, F1acul_
BILLET DE 500, DE 1,000: De 500 francs, de 1,000 francs. -- « Te faut-il
beaucoup? -- Un billet de cinq cents. » -- « Les ressources d'une
lorette pour extraire un billet de mille. » -- Balzac.
Je t'en fiche mon billet: Je te le certifie, mot à mot: Je suis prêt à
signer un billet attestant la chose.
BINELLE: Banqueroute. -- Binellier: Banqueroutier. -- Vidocq.
BINÔME: « Aux laboratoires, nous verrons chacun des élèves (de l'École
polytechnique) manipuler avec un camarade qu'il nomme son binôme. » --
La Bédollière. -- Allusion à la signification algébrique de Binôme:
quantité composée de deux termes.
BISARD: Soufflet (Vidocq). -- Mot à mot; vent qui brûle, bise qui
ard.
BITURE: Excès de boisson. -- Du vieux mot boiture: goinfrerie. V.
Roquefort. -- « N'aspirons-nous le grand air que pour l'ineffable joie
d'engloutir impunément du piqueton jusqu'au gobichonnage majeur,
jusqu'à prendre une biture? » -- Luchet.
BIRBE, BIRBON, BIRBETTE: « Les dames des tables d'hôte ont adopté trois
mots pour peindre la vieillesse: à cinquante-cinq ans, c'est un
birbon; à soixante ans, c'est un birbe; passé ce délai fatal, c'est
une birbette. --Lespès. -- Vidocq donne un quatrième synonyme:
birbasse. -- Birbe dabe: grand-père. -- Birbasserie: vieillerie.
-- Id.
BLAGUE: Causerie. -- On dit: J'ai fait quatre heures de blague avec un
tel
Blague: Verve; faconde railleuse. -- « Quelle admirable connaissance
ont les gens de choix des limites où doivent s'arrêter la raillerie et
ce monde de choses françaises désigné sous le mot soldatesque de
blague. -- Balzac.
Blague: Plaisanterie. -- « Je te trouve du talent, là sans blague ! »
-- De Goncourt. -- « Pas de bêtises, mon vieux, blague dans le coin ! »
-- Monselet.
Pousser une blague: Conter une histoire faite à plaisir. -- « Bien
vite, j'pousse une blague, histoire de rigoler. » -- F. Georges,
Chansons.
Ne faire que des blagues: Faire des oeuvres de peu de valeur.
L'étymologie du mot est incertaine. Dhautel (1808) admet les mots
blaguer et blagueur avec le triple sens de railler, mentir, tenir
des discours dénués de sens commun. -- Cet exemple, des plus anciens
que nous ayions trouvés, ne prend blague qu'en mauvaise part. On en
trouverait peut-être la racine dans le mot blaque qui désignait, du
temps de Ménage, les hommes de mauvaise foi (V. son dictionnaire). -- M.
Littré, qui relègue Blague et Blaguer parmi les termes du plus bas
langage, donne une étymologie gaëlique beaucoup plus ancienne Blagh:
souffler, se vanter.
BLAGUER: Causer. -- « Nous venons blaguer. » -- Balzac.
Blaguer: Posséder cette verve familière, pittoresque et railleuse qui
est l'humour des conversations parisiennes. -- « Enfin elle blague
aujourd'hui, elle qui ne connaissait rien de rien, pas même ce mot-là! »
-- Balzac.
Blaguer: Plaisanter. -- « Ne blaguons plus. » -- Balzac. -- Un homme
blagué: un homme raille, berné.
Blagueur: Menteur. -- « En 1813, deux femmes, Pauline la Vache et
Louise la Blagueuse, enlevèrent 50,000 fr. » -- Vidocq. -- « Les
marchands sont encore de fameux blagueurs. » -- Ricard.
Blagueur: Loustic. -- « Il ne pouvait y avoir circonstance si grave
qui empêchât ce blagueur fini de se livrer à sa verve. » -- L. Desnoyer.
BLAICHE: Médiocre. -- Du vieux mot blaiche: mou, paresseux. -- V.
Lacombe.
BLAIREAU: Conscrit. -- « Moi, j'ai carotté un blaireau... » -- La
Bédollière.
BLAIREAUTER: Peindre avec trop de fini, faire abus du pinceau de
blaireau qu'on a entre les mains. -- -- « Aussi sa peinture est-elle
fameusement blaireautée. » -- La Bédollière.
BLANQUETTE: Argenterie (Vidocq). -- Allusion à la blancheur de son
éclat.
BLAVIN: Mouchoir (Vidocq). -- Dimin. du vieux mot blave: bleu. V.
Roquefort. -- Un grand nombre de mouchoirs sont de cette couleur. --
Blaviniste: Voleur de mouchoirs. -- V. Butter.
BLEU: Conscrit. -- Allusion à la blouse bleue de la plupart des recrues.
-- « Celui des bleus qui est le plus jobard. » -- La Barre.
Bleu: Gros vin dont les gouttes laissent des taches bleues sur la
table. -- « La franchise, arrosée par les libations d'un petit bleu,
les avait poussés l'un l'autre à se faire leur biographie. » -- Murger.
BLOC: Prison. -- Du vieux mot bloc: barrière. V. Roquefort. -- «
Prenez trois hommes et menez cette fille au bloc. » -- V. Hugo.
Bloquer: Consigner. -- « Colonel, c'est que je suis bloque. -- Je vous
débloque. » -- J. Arago, 1838.
BLONDE: Amante. -- « Blonde s'emploie dans ce sens sans distinction de
la couleur des cheveux, car il existe une chanson villageoise où, après
avoir fait le portrait d'une brune, l'amoureux ajoute qu'il en fera sa
blonde. » -- Monnier, 1831.
BLOQUER: Vendre. V. Abloquir.
BLOT: Bon marché (Vidocq). -- Corruption de Bloc. Les marchés d'objets
en bloc sont, on le sait, les plus avantageux.
BLOUSIER: Voyou, mot à mot: porteur de blouse. -- « Vous verrez là des
blousiers qui viennent fumer. » Delvau.
BOC, BOCARD, BOCSON: Mauvais cabaret, lieu de débauche. -- Vient du
vieux mot boque: bouc. V. Roquefort. -- Le bouc est l'emblème de la
luxure et des querelles. On disait jadis boquer pour frapper. -- «
Montron, ouvre ta lourde, si tu veux que j'aboule et pionce en ton
bocson. » -- Vidocq.
BOCAL: Petit appartement. -- « Voyons si le susdit bocal est toujours à
louer. » -- Montépin.
Bocal: Estomac. -- « Au restaurant le bohème dit qu'il va se garnir le
bocal. » -- Lespès.
Dans les deux mots, l'allusion s'explique d'elle-même, et les logements
parisiens continuent de la mériter.
BOEUF: Monstrueux. -- Mot à mot: aussi énorme qu'un boeuf. -- «
Regarde donc la débutante. Quel trac boeuf! Elle va se trouver mal. »
-- Ces Petites Dames.
Se mettre dans le boeuf: Tomber dans une situation misérable. Allusion
au bouilli qui représente le rôti des indigents.
On lit dans une mazarinade de 1649: « Auprès de la Bastille, Monsieur
d'Elbeuf, Dans sa pauvre famille, Mange du boeuf, Tandis que Guénégaud
Est à gogo. »
BOG, BOGUE: Montre. -- Onomatopée; bog comme toc imite le bruit de la
montre. -- V. Toquante, Butter, Litrer, Billon.
Bogue en plâtre, en jonc: Montre d'argent, d'or. -- Allusions de
couleurs. -- Tire-bogue: Voleur de montres. -- Boguiste: Horloger.
BOHÈME: « La bohème se compose de jeunes gens. tous âgés de plus de
vingt ans, mais qui n'en ont pas trente, tous hommes de génie en leur
genre, peu connus encore, mais qui se feront connaître, et qui seront
alors des gens fort distingués... Tous les genres de capacité, d'esprit,
y sont représentés.. . Ce mot de bohème vous dit tout. La bohème n'a
rien et vit de ce qu'elle a. » -- Balzac.
La citation suivante est le correctif de cette définition trop
optimiste: « La bohème, c'est le stage de la vie artistique, c'est la
préface de l'Académie, de l'Hôtel-Dieu ou de la Morgue... Nous
ajouterons que la bohème n'existe et n'est possible qu'à Paris. » --
Murger.
On dit un bohème: « Tu n'es plus un bohème du moment que je t'attache
à ma fortune. » -- Augier.
Comme on voit, le bohème du dix-neuvième siècle n'a de commun que le nom
avec celui de Callot. Saint-Simon a connu l'acception fantaisiste du mot
bohème. M. Littré en donne un exemple, bien qu'il n'admette bohème
qu'en mauvaise part.
BOISSONNER: Boire avec excès (Dhautel). -- « Dites donc, voisin, on a un
peu boissonné chez vous hier? » -- Gavarni.
BOLIVAR: Chapeau évasé dont la forme nouvelle prit le nom de ce héros
populaire: -- « Le front couvert de son bolivar. » -- _Cabarets de
Paris_, 1821.
BON: Bon apôtre, hypocrite. -- « Vous n'êtes bons! vous... N'allons,
vous n'avez fait vos farces! » -- Balzac.
C'est un bon: C'est un homme solide, à toute épreuve. -- « Ce sont des
bons. Ils feront désormais le service avec vous. » -- Chenu.
Pour un agent de police, un homme bon est bon à arrêter.
Être des bons: Avoir bonne chance.
BON-DIEU: Sabre-poignard ; allusion à la croix figurée par la lame et la
poignée.
Bon-Dieu (Il n'y a pas de) Mot à mot : il n'y a pas de bon Dieu qui
puisse l'empêcher. -- « Gn'y a pas d'Bon-Dieu, Faut s'dire adieu. » --
Désaugiers.
BONHOMME: Saint (Vidocq). -- Allusion aux statuettes qui peuplent les
églises.
BONIMENT: Discours persuasif. -- Mot à mot : action de rendre bon un
auditoire.
BONIR, BONNIR: Persuader, avertir, dire. V. Servir, Parrain, Criblage,
Girofle.
BONJOUR (Voleur au), BONJOURIER: -- « Voleur s'introduisant de grand
matin dans les maisons où les bonnes laissent les portes entr'ouvertes
et dans les hôtels garnis dont les locataires ne ferment pas leurs
chambres. » -- Canler. -- Allusion ironique à l'heure matinale choisie
par le voleur; il vous souhaite en quelque sorte le bonjour.
BON M0TIF: « Vous ne savez pas ce que c'est que le bon motif? -- Ah!
vous voulez dire un mariage? -- Précisément. » -- Aycard.
BONNE (Prendre à la): Prendre en bonne amitié. -- Être à la bonne: Être
aimé. -- « Je ne rembroque que tezigue, et si tu ne me prends à la
bonne, tu m'allumeras bientôt caner. » -- Vidocq.
Bonne: Bonne histoire. -- « Ah! par exemple, en v'là une bonne. » --
Cormon.
Bonne-grâce: Toile dans laquelle les tailleurs enveloppent les habits.
-- «Le concierge de l'hôtel dépose qu'il a vu Crozard traverser la cour
avec une bonne grâce sous son bras. » -- La Correctionnelle.
BONNETEUR : Industriel tenant aux foires de campagne un de ces jeux de
cartes auxquels on ne gagne jamais. -- Vidocq.
BORDEAUX (Petit): Cigare de 5 c. fabriqué à la manufacture de Bordeaux
-- « Avec un sou, tous sont égaux devant le petit bordeaux. » Liorat,
Chansons.
BORDÉE (Tirer, courir une): S'absenter sans permission. -- Terme de
marine. -- On dit d'un navire louvoyant, qu'il court des bordées. Or, un
matelot en bordée ne tarde pas à en imiter les capricieux zig-zags. -- «
C'est un brave garçon qui ne boit jamais et qui n'est pas homme à tirer
une bordée de trois jours. » -- Vidal, 1833.
BORGNE: Derrière. -- Comparaison de l'anus à l'oeil. -- « V'là moi que
je me retourne et que j'li fais baiser, sauf votre respect... mon gros
visage... Ce qui a fait dire aux mauvaises langues qu'il a vu mon
borgne. » -- Rétif, 1783.
BOSCOT, TTE: « Petit homme, petite femme contrefaits, bossus. » --
Dhautel, 1808.
BOSSE (Se donner une): S'empiffrer. -- Allusion à la bosse formée par la
réplétion du ventre. -- « Je veux, dit-il, qu'à sa noce Ça soit beau Et
qu'on s'y flanque une bosse De chameau. » -- Delange, Chansons. -- Se
donner une bosse de rire »: Rire immodérément. -- Rouler sa bosse:
Cheminer. -- « Nous roulons not'bosse Dans un beau carrosse. » --
Decourcelle, 1832.
BOSSOIRS: Seins. -- Terme de marine.
BOUBANE: Perruque. -- Vidocq. -- Du vieux mot bouban: luxe, étalage.
V. Roquefort.
BOUC: Cocu. -- Vidocq. -- Allusion à ses cornes.
BOUCANADE: Corruption à prix d'argent d'un juge ou d'un témoin. --
Coquer la boucanade: Corrompre. Mot à mot: donner pour boire. En
Espagne, la boucanade est une gorgée du vin renfermé. selon l'usage,.
dans une peau de bouc.
BOUCARD, BOUTOGUE: Boutique. -- Le premier mot paraît une forme de
boc; le second est une corruption de Boutique. V. Baïte, Esquinteur.
Boucarniers: « Voleurs dévalisant les boutiques à l'aide d'un
pégriot ou gamin voleur, qui s'y cache à l'heure de la fermeture, et
qui vient leur ouvrir. » -- Canler. -- Vidocq les appelle Boucardiers.
BOUCHON: Qualité, genre. -- Allusion aux produits sortant des débits de
vins appelés bouchons. On a dit ironiquement: Ceci est d'un bon
bouchon, comme :Ceci est d'un bon tonneau, -- ou: Ceci est du bon coin.
BOUCLER: Enfermer. -- Vidocq. -- Du vieux mot Bacler. V. Roquefort.
BOTTE DE NEUF JOURS: Botte percée. -- Vidocq. -- Calembour. Jour est
pris pour trou, et une botte trouée ne passe guère la huitaine.
Botter: Convenir. -- Mot à mot: aller comme une botte qui chausse
bien. -- « J'aurai l'honneur de vous envoyer ma voiture à onze heures.
-- Ça me botte. » -- Gavarni.
BOUDIN: Verrou (Vidocq). -- Allusion à la forme des verrous ronds qui
ferment les grandes portes.
BOUFFARDE: Pipe. -- Allusion aux bouffées de fumée qui s'en échappent.
Bouffardière: Cheminée (Vidocq) . -- Id.
BOUGIE: Canne (Vidocq). -- Allusion de forme. -- Bougie grasse:
Chandelle. -- Ironique.
BOUGRE: Mot à noter comme ayant perdu sa portée antiphysique. Ce n'est
plus qu'un synonyme de garçon. 0n dit: un bon bougre.
Bougrement: Très. -- Pris en bonne comme en mauvaise part.
BOUILLANTE: Soupe. -- Soldats, vagabonds ou prisonniers n'ont pas le
temps d'attendre qu'elle refroidisse.
BOUILLON: Mauvaise opération. -- Allusion aux gorgées d'eau qui
asphyxient un noyé. -- « Il a bu un fameux bouillon: il a fait une perte
considérable. » -- Dhautel, 1808.
Prendre un bouillon d'onze heures: Se noyer, s'empoisonner.
Bouillon de canard: Eau. -- « Jamais mon gosier ne se mouille avec du
bouillon de canard. » -- Dalès.
Bouillon: Pluie torrentielle. -- « Il va tomber du bouillon, pour dire
une averse. » -- Dhautel, 1808.
Bouillon pointu: Lavement. Double allusion au clystère et à son
contenu. -- « Dieu! qu'est-ce que je sens? » -- L'apothicaire (poussant
sa pointe): C'est le bouillon pointu. » -- Parodie de Zaïre. Dix-
huitième siècle. -- Bouillon pointu: Coup de baïonnette: -- « Toi, tes
Cosaques et tous tes confrères, nous te ferons boire un bouillon pointu.
» -- Layale, Chansons, 1855.
BOUISBOUIS: Marionnette. -- Onomatopée imitant le cri de Polichinelle.
Bouisbouis: Petit théâtre, tripot. -- Vient de Bouis: cloaque,
maison de boue. V. Dhautel. -- « Le bouisbouis est le café-concert qui
a pour montre un espalier de femmes. Le théâtre qui en étale est un
bouisbouis. » -- 1861, Dunay.
BOULANGER: Diable (Vidocq). -- Il vous met au four de l'enfer.
BOULE: Tête. -- Allusion de forme. -- « Polissonne de boule! en fais-tu
des caprices? » -- Les Amours de Mayeux, chanson, l833. -- Perdre la
boule: Perdre la tête. -- « Mais Javotte a perdu la boule. » -- E. de
Pradel, 1822.
Boule de son: Figure couverte de rousseurs. --
Celles-ci sont appelées communément taches de son. L'image est juste. --
Boule de son: Pain de munition. -- Il contenait autrefois beaucoup
trop de son. --Boulendos: Bossu (Vidocq). -- Allusion à l'effet de la
bosse sous l'habit: on paraît avoir une boule dans le dos.
BOULER: Aller (Vidocq). Même étymologie que Abouler_.
Bouler: Battre (id., id). -- Bouler, c'est rouler son combattant à
terre. -- « Si tu dis mot, j'te boule. » -- Chanson, Avignon, 1813.
BOULET À QUEUE: Melon (id.) -- Mot imagé.
BOULETTE: Petite faute. Un peu plus grave, elle devient une brioche.
On appelle de même sale pâtissier, un homme peu soigneux de sa
personne ou tripotant des affaires véreuses. La pâtisserie est-elle
redevable de l'honneur de ces acceptions aux soins minutieux qu'exige
son exercice? Le fait est possible. En ce cas, il faut sous-entendre
mauvaise avec brioche et boulette.
BOULINER: Faire un trou ou boulin à la muraille (Vidocq). -- C'est
pour la même raison qu'on appelle un villebrequin une boulinoire, à
cause du mouvement circulaire imprimé à cet instrument.
BOULOTTER: Vivre à l'aise. Mot à mot: rouler sans peine dans la vie. --
Diminutif de bouler. -- « Ils boulottaient l'existence, sans chagrin
de la veille, sans souci du lendemain. » -- De Lynol.
_Boulotter: Assister (Vidocq).
BOUQUINE: Mot à mot: barbe de bouc, poussant sous le menton; la
mouche au contraire ne le dépasse pas.
BOURGEOIS: « Le bourgeois du cocher de fiacre, c'est tout individu qui
entre dans sa voiture. » -- « Chez les artistes, le mot Bourgeois est
une injure, et la plus grossière que puisse renfermer le vocabulaire de
l'atelier. » -- « Le Bourgeois du troupier, c'est tout ce qui ne porte
pas l'uniforme. » -- H. Monnier.
BOURRIQUE (Tourner en): Abrutir. -- « C'est ce gueux de Cabrion qui
l'abrutit... Il le fera bien sûr tourner en bourrique. » -- E. Sue.
BOUSCAILLE: Boue (Vidocq). -- Diminutif de boue. -- Bouscailleur:
balayeur.
BOUSINEUR: Tapageur, faiseur de bousin. -- « Est-on bousineur dans ce
bahut-ci? -- Pas trop; le sous-directeur est sévère! -- Ça m'
l'enfonce... » -- Les Institutions de Paris, 1858.
BOUSSOLE: Cerveau. -- Le cerveau dirige l'homme comme la boussole dirige
le navire. -- « J'ai ça dans la boussole. Ainsi ne m'en parlez plus. »
-- Vidal, 1833. -- Boussolle de refroidi: Fromage de Hollande
(Vidocq). -- Mot à mot: tête de mort. Allusion à la forme de ce
fromage qui est celle d'une boule assez grosse.
BOUTERNE: Boîte vitrée où sont exposés, aux foires de villages, les
bijoux destinés aux joueurs que la chance favorise. Le jeu se fait au
moyen de huit dés pipés au besoin. Il est tenu par une bouternière qui
est le plus souvent une femme de voleur. -- Vidocq .
BOUTIQUE: « Ce n'est pas une chose, c'est un esprit de petit négoce, de
profits troubles et de soigneuses affaires, qui ne recule devant rien
pour arriver à un gain quelconque. Il y a la boutique industrielle comme
la boutique scientifique, artistique et littéraire. » -- A. Luchet. -- «
On dit en plaisantant d'une femme qui en tombant a laissé voir trop de
choses, qu'elle a montré toute sa boutique. » -- Dhautel, 1808.
Quelle boutique! est synonyme de Quelle baraque! Quelle mauvaise
organisation!
Il est de la boutique: Il fait partie de la maison de l'administration
ou de la coterie.
Boutiquer: Fagoter, mal faire. -- Boutiquier : Homme à idées
rétrécies, parcimonieuses.
BOUTOGUE: V. Boucard.
BOUZINGOT: -- « À la révolution de Juillet, les romantiques se
divisèrent en bouzingots et en jeunes-France. Les premiers adoptèrent
l'habit de conventionnel, le gilet à la Marat et les cheveux à la
Robespierre; ils s'armèrent de gourdins énormes, se coiffèrent de
chapeaux de cuir bouilli. » -- Privat d'Anglemont. -- Mot à mot:
faiseur de bousin, tapageur. Le bouzingot voulait bouziner le régime
de 1830.
BRAISE: Argent. -- Allusion à sa destination de première utilité. Sans
braise, on ne peut faire bouillir la marmite. -- « Pas plus de braise
que dans mon oeil. » -- Mornand. -- V. Bille.
BRANCHE: Ami aussi attaché de coeur qu'une branche à l'arbre. -- «
Allons, Panaris, le dernier coup, ma vieille branche ! » -- J. Moinaux.
Brancher: Pendre. -- Vidocq. -- Mot à mot: accrocher à la branche.
BRELOQUE: Pendule. -- Vidocq. -- Onomatopée imitant le bruit du
balancier.
BRÈME: Carte (Vidocq). -- Allusion au poisson de ce nom qui est blanc,
plat et court. -- Maquiller la brème: Gagner en trichant aux cartes.
-- Un bremmier est un fabricant de cartes. -- Brème de pacquelins:
Carte géographique. Mot à mot: carte de pays.
BRIC-À-BRAC: « Ces travaux, chefs-d'oeuvre de la pensée, compris depuis
peu dans ce mot populaire, le bric-à-brac. » -- Balzac. -- « Le fait est
qu'aujourd'hui le bric-à-brac est une industrie formidable, que le gros
marchand de bric-à-brac possède jusqu'à 500,000 fr. de marchandises. »
-- Roqueplan, 1841.
Bric-à-brac: Marchand de bric-à-brac. -- « Ce voleur de bric-à-brac ne
voulait me donner que quatre livres dix sous. » -- Gavarni.
BRICOLE: Petit travail mal rétribué.
Bricoler: « M. Jannier bricolait à la Halle, c'est-à-dire qu'il y
faisait à peu près tout ce qu'on voulait, qu'il était au service de qui
désirait l'occuper. » -- P. d'Anglemont. -- Vient de bricole: harnais
qui fait de l'homme qui le porte une sorte de cheval bon à tout traîner.
Bricoler: Faire effort, donner un coup de collier ou bricole. -- « Et
bricolons tout plus vite que ça, car j'ai les pieds dans l'huile
bouillante. » -- Balzac.
BRIMADE € Épreuve vexatoire infligée aux nouveaux de l'École Saint-Cyr
-- « Point de ces brimades, qui ont longtemps déshonoré Saint-Cyr. »
-- La Bédollière.
Brimer: Donner une brimade.
BRINDEZINGUES (Être dans les): Être ivre. Mot à mot: avoir trop bu à la
santé des autres. -- « Tiens, toi, t'es déjà dans les brindezingues. »
Vadé, 1756. -- Du vieux mot brinde: toast. -- « Ces grands hommes
firent tant de brindes à vostre santé et à la nostre, qu'ils en
pissèrent chacun plus de dix fois. » -- Lettre curieuse envoyée au
cardinal Mazarin par ses nièces. -- Paris, 1651.
BRIO: « Le brio, mot italien intraduisible et que nous commençons à
employer, est le caractère des premières oeuvres. C'est le fruit de la
pétulance et de la fougue intrépide, du talent jeune, pétulant, qui se
retrouve plus tard dans certaines heures heureuses. « -- Balzac.
BRIOCHE: V. Boulette.
BRISANT: Vent. -- Vidocq. -- Diminutif de brise.
Briser (Se la): S'enfuir. -- Mot à mot: se laisser aller à la brise.
-- « Dans le beau monde on ne dit pas: Je me la casse, ou: Je me la
brise. » -- Labiche .
Briseur: « Les briseurs sont tous Auvergnats et se prétendent
commerçants. Ils s'entendent pour inspirer toute confiance à des
fabricants qu'ils trompent pour une grosse somme, après leur en avoir
payé plusieurs petites. Les marchandises brisées sont revendues à 40
p. 100 de perte, et le produit de la brisure est placé en Auvergne. » --
Vidocq. -- Même étymologie que les mots précédents. Un briseur est un
homme qui se 1a brise dès qu'il a fait son coup.
BROCANTES: Troc de marchandises de hasard. -- « Je vais faire des
brocantes. » -- Balzac.
Brocante: Objet sans valeur.
BRODER : Écrire -- Allusion au va-et-vient de la plume sur le papier. --
Un brodeur est un écrivain. -- En revanche, on a dit brodancher pour
broder, pris dans son acception ordinaire. V. Ravignolé.
BROQUILLE: Minute (Vidocq). -- Ce diminutif du vieux mot broque: petit
clou, ardillon (V. Roquefort) fait sans doute allusion au petit signe
indiquant la minute sur un cadran.
BROSSÉE: Grêle de coups, défaite. -- « Les Turcs ont reçu une brossée. »
-- Ricard.
Brosser: Battre. Mot à mot: brosser de coups.
Se brosser le ventre: Se brosser le ventre pour lui faire oublier
l'heure du repas. Pris souvent au figuré. -- « Vous brosser le ventre
faute d'un éditeur. » -- Commerson.
Dès 1808, on disait: Ça fait brosse, pour: Rien ,pour toi ! tout est
brossé. -- Dhautel. -- « Brosse pour lui! Zut pour lui! Fallait pas qu'y
liche.» -- A. Dalès, Chanson.
BROUILLARD (Être dans le): Être absorbé par l'ivresse.
Chasser le brouillard: Boire un verre d'eau-de-vie dont la chaleur
combat, dit-on, les mauvais effets de l'humidité. -- On dit tuer le
ver par un motif analogue; -- l'alcool pris à jeun passe pour causer de
vives contrariétés aux helminthes et aux ascarides vermiculaires. -- Ces
deux termes peuvent être considérés comme une allusion ironique aux
prétextes hygiéniques des buveurs d'alcool.
BROUTTA: Discours. V. Laïus. -- Du nom d un ancien professeur de
l'École militaire.
BRUGE: Serrurier. -- Vidocq. -- Du vieux mot bruger: pousser, heurter.
V. Roquefort.
Brugerie: Serrurerie. -- Id.
BRÛLAGE: Déconfiture. -- « C'est un brûlage général. » -- Balzac.
Brûler: Perdre sans retour. -- Comment sommes-nous avec le boulanger?
-- M'sieur, le boulanger est brûlé, il demande un à-compte. » --
Champfleury.
Brûler: Démasquer. -- « Le grec brûlé prend son parti lestement et
va, sous un autre nom nobiliaire, se faire pendre ailleurs. » --
Mornand.
Brûler la politesse: S'esquiver sans faire la politesse d'un adieu. --
« Quand il nous met à l'ombre, c'est que nous avons brûlé la politesse à
la consigne. " -- J. Arago, 1838.
Brûle-gueule: Pipe dont le tuyau écourté brûle les lèvres. -- « Une de
ces pipes courtes et noires dite brûle-gueule. » -- De Banville.
BRÛLOT: Mélange de sucre et d'eau-de-vie brûlée. -- « Ils cassent les
tasses où ils allument leur brûlot quotidien. » -- De la Barre.
BRUTAL: Canon. -- Allusion au bruit de son tir. -- « As-tu entendu
ronfler le brutal? » -- Dhautel, 1808. -- « Une détonation sourde se fit
entendre. -- Tiens, dit Pierre, voilà déjà le brutal qui chante. » --
Ricard.
BÛCHE PLOMBANTE: l'allumette (Vidocq) -- Mot à mot: brin de bois sentant
mauvais. On connaît l'odeur du soufre. V. Plomber.
BÛCHER: Travailler. -- Du vieux mot buscher: fendre du bois. V.
Roquefort.
Bûcher: Battre (id.). -- « I' vient pour me bûcher. Moi, je l'fais
trébucher. » -- Chansons, Avignon, 1813. -- « Il y a lieu de se
bûcher... J'aimerais mieux les voies de douceur. » -- L. Reybaud.
Bûcherie: Combat.
BUQUER: Voler dans une boutique en demandant de la monnaie (Vidocq).
BURLIN: Bureau. Diminutif du mot. -- V. Parrain.
BUSON: Bête. Diminutif de buse qui a le même sens.
BUTTE: Guillotine. Mot à mot, c'est l'action de tomber à la renverse, de
butter, c'est la dernière culbute. -- « Tu n'es qu'un lâche. Avec toi,
on va tout droit à la butte. » -- Canler.
BUTTER: Assassiner. -- Du vieux mot buter: frapper, renverser, qui a
fait Culbuter. V. Roquefort. -- « Voilà donc une classe d'individus
réduite à la dure extrémité de travailler sur le grand trimar, de
goupiner, de faire le bog et le blavin, de butter même s'il en était
besoin. » -- Cinquante mille voleurs de plus à Paris, Paris, 1830. --
« Voilà pour butter le premier rousse, dit-il en montrant un couteau. »
-- Canler.
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ÇA (C'est), C'EST UN PEU ÇA : C'est superlatif. -- « Ils sont laids que
c'est ça. » -- Pecquet. -- « C'était ça, presque aussi bath qu'au café.
» -- Monselet. -- « On me cognait, mais c'était ça. » -- Zompach, 1852.
CABILLOT: « L'ennemi naturel du matelot, c'est le soldat passager, plus
souvent nommé cabillot, à cause de l'analogie qu'on peut trouver entre
une demi-douzaine de cabillots (chevilles) alignés au râtelier et des
soldats au port d'armes. » -- Physiologie du Matelot, 1843. -- La
langue romane avait déjà cabi: serré, rangé. V. Roquefort.
CABE, CABOT: Chien (Vidocq). -- Contraction des deux mots: qui aboie.
Les voleurs ont, comme toujours, donné le nom de l'acte à l'acteur. Au
lieu de dire le chien, ils ont dit: le qui aboie, et en abrégeant: le
qu'abe, le qu'abo. V. Calvin, Combre.
CABERMONT: Cabaret (Vidocq). -- Corruption de mot.
CABESTAN: Agent de police. -- Comparaison de la corde qu'enroule le
cabestan à celle avec laquelle l'agent garrotte les criminels (?). V.
Macaron.
CADENNE: Chaîne de cou (Vidocq) . La racine latine (catena)_ est
demeurée presque intacte.
CABOULOT: « Le caboulot est un petit café où l'on vend plus spécialement
des prunes, des chinois et de l'absinthe. -- Daunay, 1861. -- Une
monographie des Caboulots de Paris a paru en 1862. -- C'est aussi un
cabaret de dernier ordre. V. Camphrier.
CADET: Derrière. -- « Sur un banc elle se met. C'est trop haut pour son
cadet. » -- Vadé.
Cadet: Pince de voleur (Vidocq). -- Cadet a ici le sens d'aide, de
servant. On sait que le nom de cadet est donné aux apprentis maçons. V.
Caroubleur.
Cadet: Individu. -- Pris souvent en mauvaise part. -- « Le cadet près
de ma particulière s'asseoit sur l' banc. » -- Le Casse-Gueule,
chanson, 1841.
CADICHON: Montre (Vidocq). -- Diminutif de Cadran. Le cadran des montres
est fort petit.
CADRAN: Montre. -- Cadran solaire, lunaire: derrière. -- Allusion à la
forme ronde du cadran. -- « Est-ce l'apothicaire Qui vient placer
l'aiguille à mon cadran lunaire? » -- Parodie de Zaïre, dix-huitième
siècle.
CAGNE: Cheval (Vidocq). -- Pris en mauvaise part. Abrév. du vieux mot
cagnard: mou, paresseux. V. Roquefort.
CABRIOLET, CACHEMIRE D'OSIER: Hotte de chiffonnier (Vidocq). --
Comparaison ironique. Comme le cachemire, la hotte se met sur le dos.
Même ironie pour le premier mot. Le chiffonnier roule avec son cabriolet
comme le fantassin part à cheval sur Azor.
Cabriolet: Chapeau de femme. -- Une capote de femme ressemble assez à
celle d'un cabriolet.
CAFARDE: Lune (Vidocq). -- C'est la lune voilée qui se dissimule
derrière un nuage avant d'être la Moucharde, de briller de tout son
éclat.
CAFÉ (Fort de), FORT DE CHICORÉE, FORT DE MOKA: Excessif, peu
supportable. -- « On dit: C'est un peu fort de café, pour exprimer que
quelque chose passe les bornes. » -- Dhautel, 1808. -- « Oh ! Oh! dirent
Schaunard et Marcel, ceci est trop fort de moka. » -- Murger. -- «
S'unir à un autre! C'est un peu fort de chicorée. » -- Cormon.
On sait quelle irritation le café trop fort cause dans le système
nerveux. La chicorée jouit des honneurs peu mérités du synonyme. Il
semble qu'ici, comme dans le café du pauvre, elle tienne à entrer en
fraude. En revanche, on sait que le moka tient le haut de l'échelle.
Prendre son café: Rire, se moquer. -- « Ah! fusilier, vous voulez
prendre votre café » -- Bertall.
CAGNOTTE: « Espèce de tirelire d'osier recevant les rétributions des
joueurs. » -- Montépin.
CAISSE (Donner de la grosse): Louer très-bruyamment -- Allusion aux
bateleurs qui attirent leur public à coups de grosse caisse. -- « Il
faut qu'Artémise réussisse.. C'est le cas de donner de la grosse caisse
à se démancher le bras. » -- L. Reybaud.
Sauver la caisse: S'enfuir avec les fonds dont on est dépositaire. --
Fort à la mode depuis le fameux mot de Bilboquet: Sauvons la caisse !
CAILLÉ: Poisson. -- Vidocq. -- Mot à mot: couvert d'écailles. -- Du
vieux mot caille: écaille. V. Roquefort.
CAISSON (Faire sauter le): Faire sauter la cervelle. -- « Quelle mort
préférez-vous? -- Faites-moi sauter le caisson. » -- P. Borel, 1833.
CALÉ: Riche (Dhautel). -- Terme de marine. Être calé, c'est avoir
assez de biens pour en remplir sa cale. Usité en 1808. -- « Les plus
calés sont quelquefois gênés. » -- E. Sue.
CALEBASSE: Tête. -- Allusion de forme. -- « Faudrait pas gros de sens
commun pour remplir une calebasse comm' ça. » -- Gavarni.
CALÈGE: Prostituée élégante, et associée à des hommes dangereux. -- «
Elle vend très-cher ce que la ponante et la dossière livrent à des prix
modérés. Sa toilette est plus fraîche; ses manières plus polies. Elle a
pour amant un faiseur ou un escroc, tandis que les autres sont associées
à un cambriolleur ou à un roulotier. » -- Vidocq. -- Vient de cale,
qui signifiait grisette au dix-septième siècle. -- « Gombault, qui se
piquait de n'aimer qu'en bon lieu, cajolait une petite cale crasseuse. »
-- Tallemant des Réaux.
CÂLER: Ne rien faire. -- « La plus grande jouissance du compositeur
d'imprimerie est de câler. » -- Ladimir.
CALIBRE: Qualité. -- On sait que les armes et bouches à feu sont
graduées par calibre. -- « Un particulier de ce calibre-là. » -- Randon.
CALICOT: Commis marchand . Mot à mot: vendeur de calicot. -- « Triple
escadron! le calicot s'insurrectionne. » -- P. Borel, 1833.
Calicote: Femme fréquentant un ou plusieurs calicots. -- « Clara
Fontaine est une étudiante, Pomaré est une calicote. » -- Paris
dansant.
CALIFORNIEN: Riche. -- Grâce à des découvertes aurifères bien connues,
ce mot a remplacé le Pérou dans nos locutions proverbiales. -- « La
jeune fille regrettait de ne pouvoir garder pour elle-même cette bonne
fortune californienne. » -- Montépin.
CALINO: Homme ridiculement naïf. -- C'est une pièce du vaudeville qui a
vulgarisé ce nom et ce type. -- « L'artiste était fort ennuyé par une
espèce de calino. » -- Figaro.
CALME ET INODORE (Être): Affecter une certaine sévérité de manières. --
Ces deux mots ne vont jamais l'un sans l'autre, et parodient sans doute
quelque manuel de civilité puérile et honnête.
CALOQUET: Coiffure de femme (Dhautel). -- Caloquet: Chapeau. -- «
Achetez un caloquet plus méchant, le vôtre n'est pas trop rup. » -- L.
de Neuville. -- Caloquet: Couronne. V. Dab.
CALOT: Dé à coudre, coquille de noix (Vidocq). -- Comparaison de ces
objets à la calotte qui est de même forme. -- Calot: Teigneux. Mot à
mot: ayant une calotte de teigne.
CALOTTER: C'est frapper de la main sur la tête, faire une calotte de
coups. -- « Calottez-moi, gifflez-moi. » -- J. Arago, 1838.
CALOTTIN: Ecclésiastique. -- Allusion a la calotte cléricale. -- Dans le
Déjeuner de la Râpée, pièce poissarde de L'Écluse (1750), une
poissarde repousse un abbé en disant: « Adieu, monsieur le calottin ! »
CALVIGNE: Vigne (Vidocq). -- Mot à mot: lieu qu'a l'vigne, qui est
planté de vigne.
-Calvin: Raisin (Vidocq). -- Donnant le nom du jus au fruit, les
voleurs ont dit le qu'a le vin pour le raisin. V. Cabe_.
CAMBOLER: Tomber. -- Contraction de Caramboler. -- « V'là qu'elle
cambole sur son prussien et feint de tomber de son digue-digue. » --
Decourcelle, 1840.
CAMBRIOLLE: Chambre (Vidocq). -- Diminutif du vieux mot cambre:
chambre. V. Roquefort. -- V. Pieu, Esquintement, Rincer.
CAMBRIOLLEURS :Voleurs s'introduisant dans les chambres (cambriolles)
par effraction ou par escalade. -- M. Canler les divise en six classes.
-- Vidocq, sans apporter autant de méthode que Canler dans la
classification des cambriolleurs, ajoute des particularités assez
curieuses sur leurs costumes où dominent les bijoux et les cravates de
couleurs tranchées, telles que le rouge, le bleu ou le jaune; sur la
manie singulière de faire faire leurs chaussures et leurs habits chez
les mêmes confectionnneurs, ce qui n'était souvent pas un petit indice
pour la justice; sur leur habitude de se faire accompagner d'une fausse
blanchisseuse dont le panier cache leur butin. -- Les plus dangereux
cambriolleurs sont appelés nourrisseurs, parce qu'ils nourrissent une
affaire assez longtemps pour en assurer l'exécution, et, autant que
possible, l'impunité.
CAMBRONNE (Le mot de): Merde ! -- Cette allusion à un mot historique
discutable, sert aujourd'hui d'équivalent à une injure populaire fort
répandue. Que Cambronne l'ait dit ou non, on ne lui en fera pas moins
honneur. Nous rappelons aux curieux qui voudraient s'édifier à ce sujet,
un chapitre des Misérables de M. Victor Hugo; un article de M.
Cuvillier Fleury, aux Débats, qui sera sans doute reproduit dans ses
études littéraires, et enfin une lettre publiée par le journal
L'Intermédiaire, du 15 février 1864.
CAMBROU, CAMBROUSE : Serviteur, servante (Vidocq). -- Corruption de
l'ancien mot: cambrier; valet de chambre. Chambrière est resté.
CAMBROUSE: Campagne (Vidocq). -- Du latin campus: campagne. --
Cambrousier: Voleur de campagne (id.). -- « La rousse pousse comme des
champignons, et même dans la cambrouse, ils viennent vous dénicher. » --
Patrie du 2 mars 1852. -- V. Garçon.
CAMBROUSIERS: « C'est ainsi que les marchands forains nomment les
paysans. » -- P. d'Anglemont.
CAMÉLIA, DAME AUX CAMÉLIAS: « Quand la lorette arrive à la postérité,
elle change de nom et s'appelle dame aux camélias. Chacun sait que ce
nom est celui d'une pièce de Dumas fils, dont le succès ne semble pas
près de finir au moment où nous écrivons. » -- E. Texier, 1852.
CAMELOT: « C'est-à-dire marchand de bimbeloteries dans les foires et
fêtes publiques. » -- P. d'Anglemont .
Camelotte dans le pied: En flagrant délit de vol. -- « J'ai été pris,
la camelotte dans le pied. » -- La Correctionnelle, journal.
CAMOUFLE: Chandelle (Vidocq). -- Camouflet: Chandelier. -- Du vieux
mot camouflet; fumée.
Camoufler: Déguiser. -- Mot à mot: cacher le muffle. --
Camouflement: Déguisement (Vidocq).
CAMPAGNE (Aller à la): Être enfermée à la maison de Saint-Lazare. --
Usité parmi les filles.
Aller à la campagne: « Elles ont disparu trois, quatre ou six mois. On
les savait malheureuses. Elles reparaissent tout à coup plus fières et
plus fringantes que jamais; elles ont été passer une saison à la
campagne (dans une maison de prostitution de province). » -- _Ces
Dames_, 1860.
CAMPHRE: Eau-de-vie. -- Allusion a l'alcool camphré. -- « Aux buveurs
émérites et à ceux qui ont depuis bien des années laissé leur raison au
fond d'un poisson de camphre. » -- P. d'Anglemont. -- V. Casse-
poitrine.
Se camphrer: S'adonner à l'eau-de-vie.
Camphré: Alcoolisé. -- « Dis donc, avec ton gosier camphré, tu fais
bien tes embarras. » -- 1844, Catéch. poissard.
Camphrier: Buveur d'eau-de-vie. -- « Entends-tu, vieux camphrier, avec
ta voix enrhumée. » -- 1844, Catéch. poissard.
Camphrier: « Le camphrier est un sale débit de liqueurs atroces à
un sou le verre et à dix-sept sous le litre. Le caboulot ne
diffère du camphrier que par sa moindre importance comme
établissement. C'est, du reste, le même breuvage qu'on y débite aux
mêmes habitués. » -- Castillon.
CANAGE, CANE: Mort. -- V. Caner.
CANAPÉ: Lieu public fréquenté par les pédérastes (Vidocq). -- Ironique,
car les parapets des quais et les bancs de certains boulevarts sont de
tristes canapés.
CANARD: Récit mensonger inséré dans un journal. -- « Nous appelons un
canard, répondit Hector, un fait qui a l'air d'être vrai, mais qu'on
invente pour relever les Faits-Paris quand ils sont pâles. » --
Balzac.
Canard: Fausse nouvelle. -- « Ces sortes de machines de guerre sont
d'un emploi journalier à la Bourse, et on les a, par euphémisme, nommés
canards. » -- Mornand.
Canard: Imprimé banal crié dans la rue comme nouvelle importante. V.
Canardier.
Autrefois, on disait vendre ou donner un canard par moitié pour mentir,
en faire accroire. -- Dès 1612, dans le ballet du Courtisan et des
Matrones, M. Fr. Michel a trouvé: « Parguieu vous serez mis en cage,
vous estes un bailleur de canars. » -- On trouve « donner des canards:
tromper » dans le Dict. de Dhautel, 1808.
Canard, couac: « Ces explosions criardes des instruments à vent si
connues sous le nom de canards. » -- V. Luchet. -- Le second mot est une
onomatopée, et la comparaison d'une fausse note au cri du canard
(couac) a fait former le premier.
Canard: Sobriquet amical donné aux maris fidèles. Le canard aime à
marcher de compagnie. -- « Or, le canard de madame Pochard, s'était son
mari ! » -- Ricard.
Canarder: Faire feu d'une embuscade comme si on était à l'affût des
canards sauvages. -- Canarder: tromper. -- « On a trop canardé les
paroissiens... avec la philanthropie. » -- Gavarni.
Canardier: Crieur, confectionneur de fausses nouvelles. -- « Place au
célèbre Édouard, le canardier par excellence, le roi des crieurs publics
! » -- Privat d'Anglemont.
CANCAN: Danse. -- Du vieux mot caquehan: tumulte (Littré). -- «
Messieurs les étudiants, Montez à la Chaumière, Pour y danser le cancan
Et la Robert Macaire. » -- Letellier, 1836. -- « Nous ne nous sentons
pas la force de blâmer le pays latin, car, après tout, le cancan est une
danse fort amusante. » -- L. Huart, 1840. -- M. Littré n'est pas aussi
indulgent. -- « Cancan: Sorte de danse inconvenante des bals publics
avec des sauts exagérés et des gestes impudents, moqueurs et de mauvais
ton. Mot très-familier et même de mauvais ton. » -- Littré, 1864.
Cancanner, Pincer le cancan: Danser le cancan -- Pincer un léger
cancan n'est pas tout à fait cancaner; c'est une chorégraphie mixte
où se fait deviner seulement le fruit défendu. -- Chahuter, c'est
épuiser au contraire toutes les ressources pittoresques de ce fandango
national. -- « On va pincer son petit cancan, mais bien en douceur. » --
Gavarni. -- « J'ai cancané que j'en ai pus de jambes. » -- Id.
CANER: Avoir peur, reculer au lieu d'agir, faire le plongeon comme le
canard ou la cane. -- « Par Dieu ! Qui fera la canne de vous aultres,
je me donne au diable si je ne le fais moyne. » -- Rabelais. -- « Oui,
vous êtes vraiment français, vous n'avez cané ni l'un ni l'autre. " --
Marco Saint-Hilaire.
Caner: Mourir (Vidocq). -- Les approches de la mort vous font peur, vous
font caner. -- V. Rengracier.
CANICHE: Ballot carré (Vidocq) aux coins duquel la toile d'emballage
forme des oreilles semblables à celles d'un petit chien.
CANON: Mesure de liquide en usage chez les marchands de vins de Paris.
-- N'oublions pas que canon signifie verre dans le vocabulaire des
francs-maçons.
-- Prendre un can sur le comp: Prendre un canon sur le comptoir. -- «
Les canons que l'on traîne à la guerre Ne valent pas ceux du marchand de
Vin. » -- Brandin, Chansons, 1826.
CANONNIER DE LA PIÈCE HUMIDE. -- V. Artilleur.
CANTALOUP: Niais. -- V. Melon.
CANTON: Prison (Vidocq). -- Du vieux mot canton: coin. C'est dans les
coins qu'on est à l'ombre. -- Cantonnier: Prisonnier. V. Carruche.
CANULE: Homme canulant. -- Canu1er: importuner. -- « C'est canulant. »
-- H. Monnier. -- Mot inventé par les ennemis du clystère.
CAPAHUTER: Assassiner son complice pour s'approprier sa part (Vidocq).
-- Du nom de Capahut, un malfaiteur coutumier du fait.
CAPITAINE: Agioteur (Vidocq). Corruption de Capita1iste_.
CAPORAL: Tabac à fumer. -- Allusion à un tabac haché plus gros, dit de
soldat, qui est vendu a un prix moindre. -- « Un fumeur très-ordinaire
brûle à lui seul son kilogramme de caporal par mois, cent francs par an
au bas mot, dont soixante-dix pour le Trésor. » -- A. Luchet.
CAPRICE: Objet d'une vive et subite affection. -- « Tu es mon caprice,
et puisqu'il faut sauter le pas, que du moins j'y trouve du plaisir. »
-- Rétif, 1776.
CAPSULE (Chapeau): Chapeau affectant les petits bords et la forme
cylindrique d'une capsule de fusil; à la mode depuis 1860. V. Carreau.
CAPUCINE: « Veuillez excuser notre ami, il est gris jusqu'à la troisième
capucine. » -- Murger. -- C'est comme si l'on disait: Il en a par dessus
le menton. La troisième capucine est très-près de la bouche du fusil .
CARABINE: Fouet de conducteur du train. -- Allusion ironique à son
claquement.
Carabiné: De première force. -- Terme de marine. On sait qu'un vent
carabiné est très-fort.
CARAMBOLER: Faire d'une pierre deux coups -- « Leur père qui carambole,
en ruinant son fils et sa fille. » -- Balzac.
Caramboler: Tomber, faire tomber en ricochant. -- Carambolage:
Chute, choc général.
CARANTE: Table (Vidocq). -- Diminutif de carrée (?). -- Allusion de
forme.
CARCAN: Cheval étique, femme maigre et revêche. -- « C'est pas un de ces
carcans à crinoline. » -- Monselet.
CARE (Voler à la), CARER, CARIBENER: Voler. Un marchand en proposant un
échange avantageux de monnaies anciennes contre des nouvelles (Vidocq).
-- Carer n'est qu'une forme ancienne (V. Roquefort) et par conséquent
un synonyme de charrier. V. ce mot. -- Caribener est un diminutif.
CARGOT: Cantinier. -- Corruption de gargotier. -- V. Aide.
CARLE: Argent (Vidocq). -- De Carolus, ancienne monnaie de Charles
VIII. -- « Le cidre ne vaut plus qu'un carolus. » -- Ol. Basselin. V.
Bayafe.
CARLINE: La mort (Vidocq). -- Allusion au masque noir de Carlin et à son
nez camus. Jadis on appelait la mort camarde, parce qu'une tête de
mort n a pour nez qu'un os de très-faible saillie.
CARNE: Mauvaise viande (Vidocq). -- Du vieux mot caroigne: charogne.
-- « Un morceau d'carne dur comme un cuir » -- Wado.
Carne: Mauvaise femme. -- C'est la carogne de Molière. -- « Je la
renfoncerais dedans à coups de souliers. . . la carne. » -- E. Sue.
CAROTTE (Tirer une): Demander de l'argent sous un faux prétexte. -- «
Nul teneur de livres ne pourrait supputer le chiffre des sommes qui sont
restées improductives, verrouillés au fond des coeurs généreux et des
caisses par cette ignoble phrase: « Tirer une carotte. » -- Balzac. --
Carotte de longueur. Grosse demande, demande subtile. -- Vivre de
carottes: Vivre en faisant des dupes.
Carotter: Obtenir de l'argent en tirant une carotte: « Allons, va au
marché, maman, et ne me carotte pas. »
Carotter: Ne vivre que de légumes. Vivre mesquinement. -- « Il se
dépouillait de tout... Il sera très heureux de vivre avec Dumay en
carottant au Havre. » -- Balzac.
Carotter le service: Éluder sous de faux prétextes les obligations du
service militaire.
CAROTTEUR, TIER: Tireur de carottes. -- « Allons, adieu, carotteur! » --
Balzac. -- « Joyeux vivant, mais point grugeur et carottier. » -- Vidal,
1833.
CAROUBLE: fausse clé (Vidocq). V. Esquintement.
Caroubleur: «Voleur employant des caroubles fabriquées par lui-même
sur des empreintes livrées par des domestiques, des frotteurs, des
peintres, ou des amants de servantes. -- Le Caroubleur à la flan ou à
l'esbrouffe vole aussi avec de fausses clés, mais au hasard, dans la
première maison venue. Le Caroubleur au fric-frac emploie, au lieu de
clés, un pied de biche en fer appelé cadet, monseigneur, ou plume. »
-- Vidocq.
CARREAU: Lorgnon monocle. -- « M. Toupard, cinquante-deux ans, petite
veste anglaise, chapeau capsule, un carreau dans l'oeil. » -- Mém.
d'une Dame du Monde, 1861.
CARRUCHE: Prison (Vidocq). Diminutif du vieux mot car: coin. V.
Roquefort. -- V. Canton. -- Comte de la Carruche: Geôlier.
CARTE (Revoir la). -- On comprend l'ironie du mot en se rappelant qu'on
entend par carte la liste des mets choisis pour son repas.
Femme en carte: Femme à laquelle la police impose une carte de fille
soumise. -- « La fille en carte est libre, peut demeurer où bon lui
semble, pourvu qu'elle se présente exactement aux visites des médecins.
» -- F. Béraud.
CARTON: Carte à jouer. -- « Je n'ai pas parlé des tables d'hôte où on
donne le carton, c'est-à-dire où l'on fait jouer. » -- Lespès. -- «
Lorsqu'on a dîné entre amis, il faut bien remuer des cartons peints pour
se dégriser. » -- About.
Travailler, tripoter, graisser le carton: Jouer aux cartes. --
Maquiller le carton: Faire sauter la coupe.
De carton: De petite valeur. V. Occasion (D'), Michet.
CASAQUIN: Corps (Dhautel 1808). -- « Je te tombe sur la bosse, je te
tanne le casaquin. » -- Paillet.
CASCADES: Vicissitudes, folies. -- « Sur la terre j'ai fait mes
cascades. » -- Robert Macaire, chanson, 1836.
Cascades (Faire des): « Ce mot dépeint les fantaisies bouffonnes, les
inégalités grotesques, les lazzi hors de propos, les improvisations les
plus fantasques. » -- J. Duflot.
CASQUE: Chapeau rond. -- Casque à mèche: Bonnet de coton à mèche. -- «
Il dévoilera les mensonges cotonneux de madame et apportera dans le
salon le casque a mèche de monsieur. » -- Th. Gautier.
Avoir son casque: V. Casquette.
CASQUER: Donner dans un piége. -- Mot à mot: tomber tête baissée dans un
casque, c'est à dire dans une enveloppe assez épaisse pour ne rien
apercevoir. -- De là aussi casquer dans le sens de: donner de l'argent
sans voir qu'il est escroqué. V. Cavé.
CASQUETTE: Chapeau de femme. V. Chouette.
Être casquette: Être ivre. -- Mot à mot: avoir plein son casque.
Casque est pris ici pour tête. -- « Il me demande si je veux
m'humecter. Je lui dis que j'ai mon casque. » -- Monselet. -- « Ai-je
manqué, soit à jeun, soit casquette, De t'apporter ma soif et ma
chanson? -- Festeau.
CASSANTE: Noix, dent. (Vidocq). -- Effet pris pour la cause. La noix se
casse et la dent casse.
CASSE-GUEULE: Bal public de dernier ordre, où on se bat souvent. -- «
Veux-tu v'nir aux Porcherons, Ou j'irons au cass'gueule à la basse
Courtille. » -- Duverny, Chanson, 1813.
CASSE-POITRINE: « Cette boutique est meublée de deux comptoirs en étain
où se débitent du vin, de l'eau-de-vie et toute cette innombrable
famille d'abrutissants que le peuple a nommés, dans son énergique
langage, du Casse-Poitrine. » -- P. d'Anglemont. -- « Ces demoiselles
n'ont plus la faculté de se faire régaler du petit coup d'étrier,
consistant en casse-poitrine, vespetro, camphre et autres ingrédients. »
-- Pétition des filles publiques de Paris, Paris, 1830, in-8.
CASSER DU BEC: Sentir mauvais. -- Casser a ici le sens de couper, ce
qui donne mot à mot: couper de son bec... celui des autres. V. Couper
la gueule.
CASSER (Se la): S'enfuir. -- « Vous vous esbignez. Ils se la cassent. »
-- A. Second.
CASSEROLE: Personne dénonçant à la police. Il est à noter que le
dénonciateur s'appelle aussi cuisinier.
CASSEUR: Tapageur, prêt à tout casser. -- « La manière oblique dont ils
se coiffent leur donne un air casseur. » -- R. de la Barre.
CASSINE (Une): « Ce mot signifiait autrefois une petite maison de
campagne; maintenant, il n'est plus d'usage que pour dire un logement
triste et misérable. » -- Dhautel, 1808. -- Diminutif de Case.
CASTOR: Officier de marine qui évite les embarquements. -- Le castor
bâtit volontiers sur le rivage.
CAUCHEMARDER: Ennuyer comme un cauchemar. -- « C'est cauchemardant;
depuis deux ans, elle en raconte. » -- Jaime.
CASTUC: Prison (Vidocq). -- Corruption du vieux mot castel, château.
-- V. Ravignolé.
Castus: Hôpital. -- Vient du même mot, a moins que ce ne soit un jeu
de mots sur la grande phrase de l'hôpital: Qu'as-tu (que ressentez-
vous?). C'est ainsi qu'on appelle les douaniers qu'as-tu là.
CAVALCADES: Vicissitudes amoureuses. -- « Ça fait des manières, une
porte-maillot comme ca. -- Et qui en avait vu des cavalcades. » --
Gavarni.
CAVALER (Se): S'enfuir avec la vitesse d'un caval: cheval. V.
Roquefort. _ « Il faut se cavaler et vivement. » -- Chenu.
CAVÉ: Dupe (Vidocq). -- Mot à mot: tombé dans un trou, une cave. -- Même
image que dans enfoncé, casqué.
CÉ: Argent. V. Chêne.
CENTRE: Nom. -- Centre à l'estorgue: faux nom. V. Estorgue. -- Coquer
son centre: Donner son nom. (Vidocq). -- V. Ravignolé.
CENTRE DE GRAVITÉ: Derrière. -- « Porter une main furtivement timide à
son centre de gravité. » -- Ed. Lemoine.
CENTRIER: Député du centre conservateur sous Louis-Philippe. -- «
Moreau! mais il est député de l'Oise. -- Ah! c'est le fameux centrier. »
-- Balzac.
Centrier, Centripète: Soldat du centre.
CERBÈRE: Portier malhonnête. -- Comparaison Mythologique. -- «
Misérable, disait-elle au cerbère, si mon mari le savait. -- Bah!
répondait-il... un terme de payé, ça aide. » -- Ricard.
CERCLE: Pièce d'argent. -- Allusion à la forme circulaire de la monnaie.
Pincer, Rattraper au demi-cercle: Prendre à l'improviste. -- Terme
d'escrime.
CERCLÉ: Tonneau (Vidocq). -- Allusion aux cercles qui retiennent les
douves.
CERF (Se déguiser en) Courir. -- Allusion à la vitesse du cerf.
CERISE: Cheval aussi mauvais que les bidets qui portent des cerises au
marché. -- Un mauvais cavalier monte aussi en marchand de cerises
(Dhautel).
CHAFRIOLER: Se complaire. -- « L'atmosphère de plaisirs où il se
chafriolait. » -- Balzac. -- M. Paul Lacroix affirme que ce verbe a été
inventé par Balzac en ses Contes drolatiques.
CHAHUT: Dispute. -- « Je n'ai jamais de chahut avec Joséphine comme toi
avec Millie. » -- Monselet.
Chahut: Danse populaire. -- « Un caractère d'immoralité et d'indécence
comparable au chahut que dansent les faubouriens français dans les
salons de Dénoyers. » -- 1833, Mansion. -- « La chahut comme on la
dansait alors était quelque chose de hideux, de monstrueux; mais c'était
la mode avant d'arriver au cancan parisien, c'est-à-dire à cette danse
élégante décemment lascive lorsqu'elle est bien dansée. » -- P.
d'Anglemont.
Chahuter: Faire tapage, danser le chahut. -- « Ce verbe, qui, à
proprement parler, signifie crier comme un chat-huant, vient du nom de
cet oiseau autrefois appelé chahu ou cahu... » -- Fr. Michel. -- «
Ça mettra le vieux Charlot en gaîté. .. il chahutera sur sa boutique. »
-- E. Sue.
Chahuter: Renverser, culbuter. -- « Sur les bords du noir Cocyte,
Chahutant le vieux Caron, Nous l'fich'rons dans sa marmite, etc. » --
Chanson de canotiers.
CHAILLOT (À): Terme injurieux fort en usage à Paris. C'est comme si on
criait: A l'eau ! à l'eau ! -- Et par le fait, Chaillot est au bord de
la Seine. Le mot pourrait être fort ancien, si on en juge par cet
extrait d'une mazarinade de 1649 (La Nape renversée). -- « Les gens de
l'assemblée s'en allèrent je ne sçay où, à Chaillot ou à Saint-Cloud. »
-- « À Chaillot les géneurs. » -- _Les Cocottes_, 1864.
CHAIR HUMAINE (Vendeur de): Agent de remplacement militaire. -- Au dix-
huitième siècle, on donnait déjà ce nom aux sergents recruteurs.
CHALOUPE: Femme dont le jupon se gonfle comme une voile de chaloupe. --
« C'te chaloupe ! » crie Un gamin de Gavarni derrière une élégante.
Chaloupe orageuse: Variété pittoresque du cancan. V. Tulipe. -- «
Ils chaloupaient à la Chaumière. " -- Les Étudiants, 1864. --
Comparaison de la danse au roulis d'une chaloupe.
CHAMEAU: Femme de mauvaise vie. -- On dit aussi: Chameau d'Égypte,
chameau à deux bosses, ce qui paraît une allusion a la mise en évidence
de certains appas. -- « Qu'est-ce que tu dis là, concubinage? coquine,
c'est bon pour toi. A-t-on vu ce chameau d'Égypte! » -- Vidal, 1833. --
« Cette vie n'est qu'un désert, avec un chameau pour faire le voyage et
du vin de Champagne pour se désaltérer. » -- F. Deriège, 1842 .
CHAMP : Champagne. -- « Maria. Oh !... du champ !... -- Eole...
agne. -- Maria. Qu'est-ce que vous avez donc? -- Eole. On dit du
champagne. -- Maria. Ah bah! où avez-vous vu ça? » -- Th. Barrière.
CHAMPAGNE (Fine): Eau-de-vie fine. -- Du nom d'un village de la
Charente-Inférieure. -- « Nous lui ferons prendre un bain de fine
champagne. » -- Cochinat.
CHANÇARD: Favorisé habituellement par la chance.
CHANDELLE (Tenir la): Être placé dans une fausse position, favoriser le
bonheur d'autrui sans y prendre part. -- « Embrassez-vous, caressez-
vous, trémoussez vous, moi je tiendrai la chandelle. » -- J. Lacroix. --
Une chanson imprimée chez Daniel, à Paris, en 1793, -- Cadet Roussel
républicain, -- fournit cet exemple plus ancien: « Cadet Roussel a
trois d'moiselles Qui n'sont ni bell's ni pucelles, Et la maman tient la
chandelle. »
Moucher la chandelle: S'adresser pour l'explication aux cinq vers
suivants qui jouent très-finement sur le mot: « Comment, disait-il, D'un
mari, ma belle, Malgré la chandelle, Tromper l'oeil subtil? --
Mouchez, disait-elle. » -- V. Mabille.
CHANTAGE: Extorsion d'argent sous menace de révélations scandaleuses. --
« Le chantage, c'est la bourse ou l'honneur... » -- Balzac.
Chanter: Être victime d'un chantage. -- « Tout homme est susceptible
de chanter, ceci est dit en thèse générale. Tout homme a quelques
défauts de cuirasse qu'il n'est pas soucieux de révéler. » -- Lespès.
Faire chanter signifie obtenir de l'argent de quelqu'un en lui faisant
peur, en le menaçant de publier des choses qui pourraient nuire à sa
considération, ou qu'il a pour d'autres raisons un grand intérêt a tenir
ignorées. " -- Roqueplan. -- « Faire chanter: Faire payer par ruse une
chose qu'on ne doit pas. » -- Dhautel, 1808.
Étymologie incertaine. Faire chanter devrait, selon nous, s'appliquer
a la bourse. C'est celle-ci qui ouvre sa bouche pour faire entendre le
chant de ses pièces d'or.
Chanteurs: « Hommes exploitant la crainte qu'ont certains individus de
voir divulguer des passions contre nature. Ils dressent à cette fin des
jeunes gens dits Jésus qui leur fournissent l'occasion de constater
des flagrants délits sous les faux insignes de sergents de ville et de
commissaires de police. La dupe transige toujours pour des sommes
considérables. » -- Canler.
Vidocq range dans la catégorie des chanteurs: -- 1.- les journalistes
qui exploitent les artistes dramatiques; -- 2.- les faiseurs de notices
biographiques qui viennent vous les offrir à tant la ligne; -- 3.- ceux
qui vous proposent à des prix énormes des autographes ayant trait à des
secrets de famille. -- « Sans compter, ajoute-t-il, mille autres fripons
dont les ruses défraieraient un recueil plus volumineux que la
biographie Michaud »
CHANTERELLE (Appuyer sur la): Faire crier. -- Assimilation de la voix à
la corde aiguë d'un instrument.
CHAPARDER: Marauder. -- De chat-pard: chat-tigre ou serval. -- Les
zouaves passent pour les plus habiles chapardeurs de l'armée
française.
CHARABIA « Toutes ces affaires se traitent en patois d'Auvergne dit
charabia. » -- Balzac.
Charabia: Auvergnat. On dit aussi Auverpin. -- « Que penseriez-vous
d'un homme qui n'est ni Auverpin ni Charabia? » -- P. d'Anglemont.
CHARLEMAGNE (Faire): Se retirer du jeu sans plus de façon qu'un roi, et
sans laisser au perdant la faculté de prendre sa revanche. -- « Si je
gagne par impossible, je ferai Charlemagne sans pudeur. » -- About.
Charlemagne: Poignard d'infanterie. -- Allusion ironique à l'épée du
grand monarque.
CHARLOT: « Le peuple et le monde des prisons appellent ainsi l'exécuteur
des hautes oeuvres de Paris. » -- Balzac. -- « Allez, monsieur le beau,
Que Charlot vous endorme! Tirez d'ici, meuble du Châtelet. » -- Vadé,
1788. -- V. Garçon.
CHARMANTE: Gale. -- « La charmante y fait gratter bien des mains, aussi
la visite était-elle rigoureuse. » -- Vidal, 1833.
CHARON: Voleur (Vidocq). -- Diminutif de Charrieur. V. ce mot. -- «
Dessus le pont au Change, certain agent de change se criblait au charon.
» -- Vidocq.
CHARPENTIER: Auteur dramatique dont le talent consiste à bien tracer la
charpente c'est-à-dire le plan d'une pièce. -- « As-tu vu la pièce
d'hier? -- Oui, c'est assez gentil. -- Est-ce bien charpenté? -- Peuh !
couci-couci. » -- De la Fizelière. -- « Il n'est pas si facile de se
montrer un habile charpentier. » -- Second.
CHARRIAGE: Action de charrier. -- Charrier: terme générique qui
signifie voler quelqu'un en le mystifiant (Vidocq). -- Charrieur,
careur, charon: Voleurs pratiquant le charriage.
Charrier vient des anciens verbes charier, chariner: aller,
procéder, mystifier. V. Roquefort. -- Ce dernier sens répond tout à fait
à celui de Vidocq.
Charriade à l'américaine: « Il exige deux compères; celui qui fait
l'américain et celui qui lui sert de leveur ou de jardinier. Le
leveur lie conversation avec tous les naïfs qui paraissent porter
quelque argent. Puis on rencontre l'américain qui leur propose
d'échanger une forte somme en or contre une moindre somme d'argent. La
dupe accepte et voit bientôt les charrieurs s'éloigner, en lui laissant
contre la somme qu'il débourse des rouleaux qui contiennent du plomb au
lieu d'or. » -- Canler.
Charriage au pot: Il débute de la même façon que le précédent.
Seulement l'américain offre à ses deux compagnons d'entrer à ses frais
dans une maison de débauche. Par crainte d'un vol, il cache devant eux
dans un pot une somme considérable. Plus loin, il se ravise et envoie la
dupe reprendre le trésor après lui avoir fait déposer une caution avec
laquelle il disparaît, tandis que le malheureux va déterrer un trésor
imaginaire .
Charriage à la mécanique: Un voleur jette son mouchoir au cou d'un
passant et le porte à demi-étranglé sur ses épaules pendant qu'un
complice le dévalise.
CHASSE: Mercuriale (Dhautel, 1808). -- « C'est pas l'embarras, faut
croire qu'il aura reçu une fameuse chasse pour être remonté si en
colère. » -- H. Monnier. -- Donner une chasse, c'est mot à mot
pourchasser à coups de langue.
Chasse, Chassis: OEil. -- L'oeil est pour la vue une sorte de châssis.
-- « Je m'arcboute et lui crève un chassis. » -- Vidocq. -- V. Coquer,
Balancer, Estorgue.
CHASSER DES RELUITS: Pleurer (Vidocq). -- Mot à mot: chasser les larmes
des yeux.
CHAT: Guichetier (Vidocq). -- Allusion au guichet, véritable chatière
derrière laquelle les prisonniers voient briller ses yeux.
Chat: Nom d'amitié. -- « Les petits noms les plus fréquemment employés
par les femmes sont mon chien ou mon chat. » -- _Ces Dames_, 1860.
CHAUFFE LA COUCHE: Homme qui ne connaît au lit que les douceurs du
sommeil. -- « Les maris qui obtiennent le nom déshonorant de chauffe la
couche. » -- Balzac.
CHAUFFER: Applaudir chaleureusement. -- «Elle recueillait les plaintes
de son petit troupeau d'artistes... on ne les chauffait pas
suffisamment. » -- L. Reybaud. V. Chaud_.
Chauffeur: Homme d'entrain. -- « C'était un bon enfant... un vrai
chauffeur ! " -- H. Monnier.
Chauffeur: Courtisan. -- « C'est l'officier, le chauffeur de la
petite. » -- Id.
CHAUSSER: Convenir (Dhautel, 1808). -- « Les diamants ! ça me chausse,
ça me botte. » -- - Mélesville .
CHAUVIN, NISTE: Patriote ardent jusqu'à l'exagération. -- « Je suis
Français! Je suis Chauvin! » -- Cogniard, 1831. -- Allusion au nom d'un
type de caricatures populaires.
Le Chauvinisme est la doctrine de Chauvin -- « Le chauvinisme a fait
faire de plus grandes choses que l'amour de la patrie dont il est la
charge. » -- Noriac.
CHAUD: Coureur de belles, homme ardent et résolu. -- Autrefois on disait
chaud lancier: -- « Le chaud lancier a repris Son Altesse royale. » --
Courrier burlesque, 2e p., 1650.
Il y faisait chaud: La bataille était rude. -- « Ah ! vous étiez à
Wagram. -- Un peu. -- Il y faisait chaud, hein ! -- Oui, qu'il y faisait
chaud. » -- H. Monnier. -- Allusion aux feux de l'artillerie et de la
mousqueterie. -- On emploie Chauffer dans le même sens. -- « Ça
chauffe! disait-on dans les groupes. » -- C. de Bernard.
Il fera chaud: Jamais. Mot à mot: il fera un temps plus chaud que
celui-ci. -- « C'est bien. Quand tu me reverras, il fera chaud. » --
Méry.
Chaude-lance: gonorrhée (Vidocq) -- Allusion à la chaleur et aux
élancements du canal de l'urètre.
CHAUMIR: Perdre (Vidocq). -- Corruption de chomer (?). Le chômage
entraîne une perte d'argent.
CHEMISES (Compter ses): Vomir. -- Allusion à la posture penchée de
l'homme qui vomit.
CHENATRE, CHENU: Bon (Vidocq) . -- Chenu sorgue: Bonsoir. -- « Chenu
sorgue, roupille sans taffe. » -- Vidocq. -- Chenu reluit: Bonjour. V.
Fourgat.
Chenu: Bon, exquis. -- Le Dictionnaire de Leroux (1718) l'emploie dans
ce sens: Voilà du vin chenu. Selon Dhautel (1808), chenu, signifiant
au propre blanc de vieillesse (Roquefort), est appliqué au vin que la
vieillesse améliore, et par extension à toute chose de première qualité.
-- «Goujeon, une prise de tabac. -- Oui-da, t'nez en v'là qu'est ben
chenu. » -- Vadé, 1755. -- « As-tu fréquenté les marchandes de modes?
c'est là du chenu! » -- P. Lacroix, 1832.
Chenument: Très-bien. -- « Une ville a beau feindre de se défendre
ch'nument. » -- Vadé 1755. V. Artie_.
CHÊNE: Homme. -- Abréviation de chenu. -- Le chêne serait un homme
chenu à voler, bon à voler. -- « Qu'as-tu donc morfillé? -- J'ai fait
suer un chêne, son auber j'ai enganté et ses attaches de cé. » --
Vidocq.
CHENIQUE: Eau-de-vie. -- diminutif de chenu: Bon.
Cheniqueur: Buveur d'eau-de-vie. -- « Être cheniqueur, railleur,
vantard, gourmand, Courir au feu comme à la gloire, Du troupier français
v'là l'histoire. ». Wado, Chanson.
CHEVAL: Homme brusque, grossier.
Cheval de retour: Condamné conduit au bagne pour la seconde fois. -- «
C'est un cheval de retour, vois comme il tire la droite. » -- Balzac.
Cheval de trompette: Personne ne s'effrayant pas plus des menaces, que
le cheval d'un trompette, du son aigre de son instrument. -- Usité en
1808. -- « Moi d'abord, je suis bon cheval de trompette, le bruit ne
m'effraie point. » -- H. Monnier.
Chevaux à double semelle: Jambes. -- « Tiens, apprête tes chevaux à
double semelle, prends ce paquet et valse jusqu'aux Invalides. » --
Balzac.
CHEVALIER DE L'AUNE: Commis en nouveautés. -- « Il n'y a que ces
chevaliers de l'aune pour aimer la boue au bas d'une robe. » -- Balzac.
-- De la rosette: Sodomiste. -- Du printemps: Niais portant un
oeillet rouge à la boutonnière pour singer une décoration.
CHEVELU (Art, école): Art, école Romantique. -- Les longs cheveux y
étaient de mode. -- « Il peuplait mon salon de jeunes célébrités de
l'école chevelue. » -- L. Reybaud. -- « L'art chevelu a fait une
révolution pour abolir les tirades de l'art bien peigné. »
CHEVEU: Inquiétude, souci aussi tourmentant qu'un cheveu avalé l'est
pour le gosier. « Veux-tu que je te dise, t'as un cheveu. -- Eh bien !
oui, j'ai un cheveu. » Monselet.
Avoir mal aux cheveux: Avoir la tête lourde un lendemain d'ivresse.
CHÈVRE (Gober sa): Se mettre en colère. -- La chèvre est peu endurante
de sa nature.
CHEVRONNÉ: Récidiviste (Vidocq). -- Allusion aux chevrons qui marquent
l'ancienneté du service militaire.
CHIC: Élégance. -- « Vous serez ficelé dans le chic. » -- Montépin. -- «
L'officier qui a du chic est celui qui serre son ceinturon de manière à
ressembler à une gourde.» -- Noriac. -- A l'École de Saint-Cyr, sous le
premier Empire, chic était déjà synonyme d'Élégance militaire.
Une esquisse qui a du chic a un bon cachet artistique. -- « Il lui
révéla le sens intime de l'argot en usage cette semaine-là, il lui dit
ce que c'était que chic, galbe, » etc. -- Th. Gautier, 1838.
Une tête faite de chic, tout au contraire, n'a rien de sérieusement
étudié. Ici, Chic est à l'art ce que ponsif est à la littérature. --
« C'étaient là de fameux peintres. Comme ils soignaient la ligne et les
contours ! Comme ils calculaient les proportions! ils ne faisaient rien
de chic ou d'après le mannequin. » -- La Bédollière.
Chic, quelquefois, veut dire mauvais genre, genre trop accusé. -- «
C'était ce chic que le tripol colle à l'épiderme des gens et qui résiste
à toute lessive comme le masque des ramoneurs. » -- P. Féval.
Chic est, on le voit, un mot d'acceptions fort diverses et fort
répandues dans toutes les classes. -- Vient du vieux mot Chic:
finesse, subtilité. V. Roquefort. -- C'est donc, mot à mot, le fin du
fin en tout genre, et les exemples les plus anciens confirment cette
étymologie , car ils prennent tous chic en ce sens.
Chic, chique: Distingué, qui a du chic. -- « C'est chique et bon
genre. » -- Ça un homme chic! C'est pas vrai, c'est un calicot. » --
Les Cocottes. 1864.
Chicard, Chicandard, Chicocandard, Chicancardo: Très-chic, très-
remarquable. -- « On y boit du Vin qu'est chicandard, chicancardo. » --
Vacherot, Chanson, 1851. -- « Une dame très-belle, très-coquette, très-
élégante, en un mot très-chicandarde. » -- Ed. Lemoine. -- « Un auteur
plus chicocandard. » -- Th. Gautier. -- « Un déjeuner chicocandard. » --
Labiche. -- V. Chocnoso.
CHICARD: Le héros du carnaval de 1830 a 1850. Son costume, bizarre
assemblage d'objets hétéroclites, se composait le plus souvent d'un
casque à plumet colossal, d'une blouse de flanelle et de bottes fortes.
Ses bras à moitié nus s'enfonçaient dans des gants à manchette de
buffle. Tel était le fond de la tenue; quant aux accessoires, ils
variaient à l'infini. Celui qui le premier mit ce costume à la mode
était un marchand de cuirs; son chic le fit nommer Chicard. Il donna des
bals et inventa un pas nouveau. -- « Et puis après est venu Chicard,
espèce de Masaniello qui a détrôné l'aristocratie pailletée des marquis,
des sultans et a montré le premier un manteau royal en haillons. » -- M.
Alhoy. -- « L'homme de génie qui s'est fait appeler Chicard a modifié
complètement la chorégraphie française. » -- T. Delord . -- « La sage
partie du peuple français a su bon gré à maître Chicard d'avoir institué
son règne de mardi-gras. » -- J. Janin. -- « Mais qu'aperçois-je au bal
du Vieux Chêne? Paméla dansant le pas chicard. » -- Chauvelot aîné,
Chanson.
Chicarder: Danser le pas chicard. -- « Quand un bal de grisettes est
annoncé, le vaurien va chicarder avec les couturières. » -- E. Deriège.
CHICANE (Grinchir à la): Prendre la bourse ou la montre d'une personne
en lui tournant le dos. Ce genre de vol exige une grande dextérité
(Vidocq). -- De là le mot de chicane qui a le sens de finesse.
CHICORÉE: V. Café.
CHIEN: Mot d'amitié. V. Chat.
Chien de collège: Maître d'études. -- Chien de régiment: Caporal ou
brigadier. -- Leurs missions sont un peu celles du chien de berger. --
Chien de commissaire: Secrétaire de commissaire de police.
Chien: Compagnon. -- « Tu passeras renard ou aspirant, après ça tu
deviendras chien ou compagnon. » -- Biéville.
Chien: « Le chef est chien ou bon enfant. Le chien est dur, exigeant,
tracassier, méticulier. » -- Balzac.
Chien: Avare. -- Horace (I. II, sat. 2) emploie le mot canis pour
signifier avare. -- « Chien: Égoïste, homme injuste, qui blesse les
intérêts d'autrui. » -- Dhautel, 1808. -- N'être pas chien en
affaires: Aller grandement, sans chicane.
Sacré-chien: Eau-de-vie. -- Dans le monde artistique le sacréchien,
c'est le sentiment de l'art, c'est le feu sacré. -- On dit dans le même
sens: Il a du chien. Allusion à l'eau-de-vie.
Piquer un chien: Dormir. On trouve dans Rabelais .un exemple de
dormir en chien. -- « Sur l'étude passons. Il n'est qu'un seul moyen
De la bien employer, c'est de piquer son chien. ». -- Souvenirs de
Saint-Cyr
CHIFFARDE: Pipe (Vidocq).
CHIFFERTON: Chiffonnier (id.).
CHIFFON: Mouchoir. -- Chiffonnier: Voleur de mouchoirs.
Chiffon rouge: Langue. -- Allusion à la couleur et à la souplesse de
la langue. V. Balancer.
CHIGNER: Pleurer. -- « Ça lui fera du bien de chigner. » -- Balzac.
CHINER: Aller à la recherche de bons marchés. -- « Remonenq allait
chiner dans la banlieue de Paris. » -- Balzac. -- « Les roulants ou
chineurs sont des marchand d'habits ambulants qui, après leur ronde,
viennent dégorger leur marchandise portative dans le grand réservoir du
Temple. » -- Mornand.
CHINOIS: Homme original, fantasque. -- « Là-dessus, v'là mon Chinois qui
se fâche. » -- Monselet.
CHIQUE: Église (Vidocq). V. Momir, Rebâtir.
Couper la chique: Dérouter. -- Du vieux mot chique: finesse
(Roquefort) . -- « De la réjouissance comme ça ! Le peuple s'en passera.
C'est c'qui coupe la chique aux bouchers. » -- Gaucher, Chansons. --
Couper la chique à quinze pas: Se faire sentir de loin.
CHIQUE. V. Chic. -- Chiquement: Avec chic.
CHIQUER: Faire avec chic, supérieurement. -- « Je leur en ferai des
discours, et des chiqués. » -- Chenu. -- « Auprès d'elle, Eugénie Nu
Bras, Nous chique avec génie, Son pas. » -- 1846, Priv. d'Anglemont.
Chiquer: Manger, dépenser. -- Mot de la langue romane. V. Roquefort. --
« Ne pourrions-nous pas chiquer un légume quelconque? mon estomac
abhorre le vide. » -- Balzac. -- « Il m'a fallu tout mettre en plan.
J'ons chiqué jusqu'aux reconnaissances. » -- Dialogue entre Zuzon et
Eustache, chanson, 1836.
Chiquer: Battre. Mot à mot: avaler. Même racine que la précédente.
Chiqueur: Glouton. -- Chiqueur: Artiste dessinant de chic, sans
étudier la nature.
CHOCNOSO, SOF, SOPHIE, SOGUE, KOXNOFF: Brillant. -- On ne paraît pas
bien fixé sur l'orthographe de ce mot. -- « Dans cette situation,
comment dire?... -- Chocnoso... ) -- Balzac. -- Dans Pierre Grassou,
le même auteur écrit Chocnosoff. -- « Je m'en vais chez le
restaurateur commander un dîner kox-noff. " -- Champfleury -- « C'est
koksnoff, chocnosogue, chicardo, snoboye. » -- Bourget, Chansons -- «
Sa plume était chocnosophe, et ses goûts ceux d'un pacha. » -- Commerson
.
CHOLETTE: Demi-litre (Vidocq)
CHOPER: Voler (Vidocq). -- Mot à mot: toucher quelque chose pour le
faire tomber. -- Roquefort donne choper dans ce sens.
Chopin: Vol. -- «Quand un voleur fait de la dépense, c'est qu'il a
fait un chopin. » -- Canler.
CHOSE, MACHIN: On appelle ainsi celui dont on ne se rappelle pas le nom
(Dhautel). -- « Chose est malade. -- Qui ça, Chose?) » -- H. Monnier. --
La coutume est ancienne. Tallemant des Réaux conte que M. le Mage,
conseiller à la Cour des aides, dit toujours Chose au lieu du nom. »
Chose: Dignité. -- « Tu me feras peut-être accroire que tu n'as rien
eu avec Henriette? Vois-tu, Fortuné, si tu avais la moindre chose, tu ne
ferais pas ce que tu fais... » -- Gavarni.
Chose: Indignité. -- « C'est ce gueusard d'Italien qui a eu la chose
de tenir des propos sur Jacques. » -- Ricard.
Chose: Embarrassé. -- Du vieux mot choser: gronder. V. Roquefort. --
« Ma sainte te ressemble, n'est-ce-pas, Nini? -- Plus souvent que j'ai
un air chose comme ça! » -- Gavarni. -- « Ce pauvre Alfred a sa crampe
au pylore, ça le rend tout chose. » -- E. Sue. -- « Mamselle, v'là
qu'vous m'rendez tout chose, je vois bien que vous êtes un esprit fort.
» -- Rétif, 1783.
CHOU: Sobriquet amical. -- « L'une m'appelle mon chou, mon ange. » --
Francis, 1825.
Chouchouter: Choyer tendrement. Vient de chou. -- « Tu seras
chouchouté comme un dieu. » -- Balzac.
CHOUCROUTE; (Tête ou Mangeur de): Allemand.
CHOU COLOSSAL: Entreprise destinée à tromper le public par des promesses
ridiculement alléchantes. -- « Il y a deux ou trois ans, on vit à la
quatrième page des journaux un éloge pompeux d'un nouveau chou... Cc
chou était le chou colossal de la Nouvelle-Zélande, servant à la fois
à la nourriture des hommes et des bestiaux et donnant un ombrage
agréable pendant l'été. C'était un peu moins grand qu'un chêne, mais un
peu plus grand qu'un prunier. On vendait chaque graine un franc... On en
achetait de tous les coins de la France. -- Au bout de quelques mois,
les graines du chou colossal avaient produit deux ou trois variétés de
chou connues et dédaignées depuis longtemps. La justice s'en mêla. » --
Alph. Karr, 1841. -- L'inventeur du chou colossal était un bonnetier. Il
se suicida en voyant la mauvaise tournure que prenait la spéculation .
CHOUETTE, TARD, TAUD: Parfait. -- « Cré chien ! Loïse, t'as là une
casquette un peu chouette!... » -- Gavarni. -- « Ah! vous avez là une
chouette femme. » -- Gavarni. -- « Voici peut-être un des premiers
exemples du mot: « Ma femme sera coincte et jolye comme une belle petite
chouette. » -- Rabelais.
Chouettement: Parfaitement. -- « Suis-je près d'un objet charmant,
Pour l'allumer chouettement, Mon coeur est comme une fournaise. » --
Festeau.
CHOURIN: Couteau. -- Chouriner: Donner des coups de couteau. Formes
des mots surin et suriner, usités dans le même sens. -- Le
Chourineur est un type des Mystères de Paris d'E. Sue.
CHRÉTIEN (Lait): Lait baptisé, étendu d'eau. -- « Une douzaine de
drôlesses déguisées en laitières vendent du lait trois fois chrétien. »
-- Privat d'Anglemont.
CIGALE: Pièce d'or (Vidocq). -- Comparaison du tintement des louis au
cri de la cigale.
CIGOGNE: Préfecture de police. -- « Railles, griviers et cognes nous ont
pour la cigogne en partie tous paumés. » -- Vidocq. -- V. Dab.
CIPAL: Soldat de la garde municipale. -- « Les danses ont été légèrement
échevelées, mais, suivant les auteurs de la Corde sensible: Le Cipal
n'a rien a dire Aux entrechats de la vertu. » -- Naquet.
CITRON: Note aigre. -- « Trois citrons à la clef. » Nadar.
CLAQUES (Figure à): Figure qu'on souffletterait volontiers. -- « Oui,
ces figures a claques, nous les caresserons. » -- Cogniart, 1831.
CIVIL: Bourgeois. V. Astiquer.
CLAIR: OEil. -- Allusion à l'éclat du regard. -- « Allumez vos clairs et
remouchez. » -- Balzac.
CLAQUER: Mourir. Terme figuré. Ce qui claque, dans le sens ordinaire,
est hors de service. -- « C'est là que j'ai appris, entre autres
bizarreries, les dix ou douze manières d'annoncer la mort de quelqu'un:
Il a cassé sa pipe, -- il a claqué, -- il a fui, -- il a perdu le goût
du pain, -- il a avalé sa langue, -- il s'est habillé de sapin, -- il a
glissé, -- il a décollé le billard, -- il a craché son âme, etc., etc. »
-- Delvau
Claquer: Manger -- Allusion au bruit des mâchoires. -- « Il faut
claquer, vaille que vaille: De par la loi l'on te nourrit. » -- Wado,
Chanson. -- On dit au figuré Claquer: dissiper.
CLARINETTE: Fusil de munition. -- « Quant au fantassin, il est obligé de
porter un fusil de quatorze livres. aimable clarinette de cinq pieds. »
-- Vidal, 1833. -- V. Agrafer, Toile.
CLICHÉ: Invariable. -- Synon. de Stéréotypé et emprunté comme lui à
certains procédés d'impression. -- « Tel est le discours cliché que le
vénérable baron Taylor a en réserve pour toutes les circonstances. » --
Figaro.
CLOPORTE: Portier. -- Calembour: clôt-porte. -- « Je connais le truc
pour apprivoiser les cloportes les plus farouches. » -- Montépin.
CLOCHE DE BOIS (Déménager à la): Déménager furtivement en tamponnant la
clochette d'éveil adaptée aux portes de beaucoup d'hôtels garnis.
CLOU: Prison. On ne peut pas en bouger plus que si on y était cloué. --
« Je vous colle au clou pour vingt-quatre heures. » -- Noriac.
Clou: Mont-de-Piété. -- Mot à mot: prison d'objets engagés. -- « Il
avait mis le linge en gage; on ne disait pas encore au clou. » --
Luchet.
Clouer: De clou dérivent accrocher, clouer, déclouer et
surclouer. (Regager, dégager et renouveler au Mont-de-Piété.) -- «
Jeune insensé, oublies-tu que nous avons passé le 20 du mois, et qu'à
cette époque les habits de ces messieurs sont cloués et surcloués. »
-- Murger.
Clous de girofle: « Mme Cramoisi demanda un jour à Santeuil combien
ils étaient de moines a Saint-Victor. -- « Autant que vous avez de clous
de girofle dans la bouche, dit Santeuil qui n'était pas de bonne humeur,
voulant parler de ses dents qu'elle avait noires et gâtées. »
Santoliana, 1764.
COCARDE: Tête. -- En prenant la coiffure pour la tête, on a dit taper
sur la cocarde ou sur le pompon, pour: frapper sur la tête de
quelqu'un.
Avoir sa cocarde: Être ivre, avoir le visage teinté par un excès de
boisson. -- « Vieux ! Avec sept cent mille francs on a bien des
cocardes. » -- Balzac. -- « J'y voyais en dedans, Todore ne parlait pas.
Robert nous dit: Vous avez votre cocarde. » -- Monselet.
COCARDIER: Homme fanatique de son service, zélé jusqu'à l'exagération de
ses devoirs. -- Cette dénomination spéciale à l'armée se sent plus
qu'elle ne s'explique. Le cocardier croit avoir toujours l'honneur de sa
cocarde à soutenir.
Coco: Cheval. -- « Ce grossier animal qu'on nomme vulgairement coco . »
-- Aubryet.
Coco: Nom d'amitié. -- « J'vais te donner un petit becquau. Viens, mon
coco. » -- Dialogue entre Zuzon et Eustache, chanson, 1836.
Coco: Homme peu digne de considération. -- « Joli Coco pour vouloir me
faire aller. » -- Balzac.
Se passer par le coco: Manger. -- Comparaison de l'estomac humain à
celui du cheval et du perroquet. Les refrains connus de la Botte à
Coco et de As-tu déjeuné, Coco, ont pu en donner l'idée à l'armée
comme à la bourgeoisie.
COCODÈS: Jeune dandy ridicule. -- Diminutif de coco pris en mauvaise
part. -- « Ohé ! ce cocodès a-t-il l'air daim ! » -- L. de Neuville. --
Une physiologie des Cocodès a paru en 1864.
COCOTTE: Femme galante. -- Mot à mot: courant au coq. -- On disait jadis
poulette. « Mme Lacaille disait à toutes les cocottes du quartier
que j'étais trop faible pour faire un bon coq. » -- 1817, Sabbat des
Lurons. -- Aujourd'hui une cocotte est un embryon de lorette. -- « Les
cocottes peuvent se définir ainsi: Les bohèmes du sentiment... Les
misérables de la galanterie... Les prolétaires de l'amour. » -- Les
Cocottes_, 1864.
COENNE DE LARD : Brosse (Vidocq). -- Allusion aux soies qui garnissent
la coenne.
COEUR SUR LE CARREAU (Jeter du) : Vomir. -- Ce calembour se trouve déjà
dans Le Roux (1718) et dans les Jeux d'esprit de La Châtre,
COGNAC, COGNARD, COGNE : Gendarme (Vidocq) . -- Est-ce parce qu'ils
cognent les malfaiteurs. V. Cigogne, Raille.
Cognade: Gendarmerie. V. Garçon.
Cogner: Battre. -- « Je me cogne quelquefois... On me craint comme le
feu dans la Cité. » -- E. Sue. V. Ça
COIFFER: C'est-à-dire: coiffer de cornes, faire une infidélité
conjugale. -- « Mariez-vous, et par votre compagne, Heureux coiffeur, ne
soyez pas coiffé !!! » -- La Bédollière.
COL (Se pousser du): Se faire valoir. Passer la main sous le menton en
renversant la tête est un geste de présomptueux. -- « Toi qui te
poussais tant du col, Nous t'avons pris Sébastopol. -- Remy, Chanson,
1856.
COLAS, COLIN (Vidocq). -- Diminutif de col. -- Faucher le colas:
Couper le cou.
COLBACK: Conscrit. -- Comparaison de sa chevelure, qui n'est pas encore
taillée militairement, au bonnet à poil dit colback.
COLLAGE: Liaison galante de longue durée.
Se coller: Contracter un collage. -- « Julia: Qu'est-ce que va devenir
Anatole? -- Amandine: Le monstre! il est déjà collé avec Rachel. » --
Les Cocottes, 1864.
Collant: Dont on ne peut se débarrasser. -- « Nous sommes rabibochés.
C'est une femme collante. » -- L. de Neuville.
COLLE: Mensonge. -- Nous trouvons dans la Juliade (1651): « Pour mieux
duper les amoureux, Être adroit à ficher la colle. » -- Les
coquillards de Dijon disaient dès 1455: faire la colle, pour
feindre.
COLLE: Examen préparatoire. -- « On est toujours tangent à la colle. »
-- La Bédollière.
Coller: Examiner. -- Colleur: Répétiteur chargé d'examiner. -- « Un
colleur à parler m'engage. » -- Souvenirs de Saint-Cyr.
Coller: Prendre en défaut. -- « Voilà une conclusion qui vous démonte.
-- Me prêtes-tu 500 fr. si je te colle? » -- E. Auger.
Coller sous bande (V. Bande): -- « C'est fini, ils sont collés sous
bande. » -- Robquin, Chansons.
Coller: Jeter. V. Clou. -- « On l'a collé au dépôt, envoyé à la
Préfecture de police. » -- Monselet. -- « Pas un zigue, mêm'un gogo, Qui
lui colle un monaco. » -- Léonard, Parodie, 1863. -- V. Colle.
COLLÈGE: Prison. -- Collégien: Prisonnier (Vidocq). -- Ces mots ont dû
être inventés par un malfaiteur qui avait reçu de l'éducation.
COLLETIN : Force (Vidocq). -- Vient de Colleter
COLLIER, COULANT: Cravate (Vidocq). -- Mots expressifs et bien dus aux
voleurs qui voient dans la cravate un moyen de vous étrangler.
COLOQUINTE: Tête de forte dimension. -- Allusion de forme. -- « Je crois
que vous avez la coloquinte tant soit peu dérangée. » -- L. Desnoyer.
COLTIGER: Arrêter. -- Diminutif de Colleter. -- « J'ai été coltigé et
trois coquins de railles sur mesigue ont foncé, ils m'ont mis la
tortouse. » -- Vidocq.
COMBERGER: Compter (Vidocq).
COMBRE, COMBRIEU: Chapeau (Vidocq). -- Même observation pour ce mot que
pour cabe et calvin. Le chapeau est ce qui ombrage la tête et, par
contraction, ce qu'ombre. -- Combrieu est un diminutif de Combre
V. Tirant.
COME: Commerce (Vidocq) . -- Abréviation.
COMME IL FAUT: Air de bonne compagnie. -- «Tu les reconnais à leur
élégance un peu prétentieuse, à leurs grâces étudiées, à leur comme il
faut qui manque de naturel. » -- J. Janin.
Pris aussi adjectivement -- « Elles hantent les endroits comme il faut.
» -- Lynol -- « Il y a des personnes très-comme il faut qui viennent
chez elles. » -- E. Sue.
COMPAS (Ouvrir, fermer le): Activer, ralentir sa marche. -- « Nos
conscrits ferment le compas. » -- Comparaison des jambes aux branches
d'un compas.
COMPLET (Être): Être complètement ivre.
COMPOTE (Mettre en): Contusionner fortement. On dit aussi en marmelade
(Dhautel, 1808). -- « M'éreinter un chapeau, me mettre le nez en compote
un jour de bal. » -- Michel.
COMPTE (Avoir son): Être complètement ivre, avoir absorbé son compte de
liquide.
Avoir son compte: Mourir, voir finir le compte de ses jours. -- « J'ai
mon compte pour ce monde-ci. C'est soldé. » -- L. Reybaud.
Son compte est bon: Se dit d'un coupable à punir et dont on compte les
méfaits.
COMTOIS: Niais. -- Diminutif de c-n: imbécile. -- Sans doute qu'elle bat
comtois. » Decourcelle. -- V. Battre.
CONDÉ: Maire -- Demi-condé: Adjoint. -- Grand condé: Préfet de
police. -- Diminutif dérivant du même mot que le précédent.
CONDÉ FRANC : Magistrat corrompu.(Vidocq) . -- V. Affranchir.
CONDUITE (Faire la): Chasser avec voies de fait. -- « les Français-
Anglais vont te faire la conduite. » -- Layale, Chansons, 1855.
CONNAISSANCE: Maîtresse. -- « Ah! vous avez une connaissance, monsieur !
» -- De Leuven.
CONNASSE: Les femmes inscrites à la police donnent ce nom à toutes
celles qui ne le sont pas.
CONNIR: Tuer (Vidocq). V. Sciage. -- La mort est la conne.
CONNOBRER: Reconnaître (id.). -- Corruption de mot.
CONSERVATOIRE: Mont-de-Piété (Vidocq) . -- On y conserve les objets mis
en gage.
CONSOLATION: Eau-de-vie. -- Ce mot dit avec une éloquence navrante ce
que le pauvre cherche souvent dans un petit verre; -- L'oubli momentané
de ses maux, et souvent de sa faim. -- « Bon, il entre dans le débit de
consolation. » -- E. Sue.
CONSOMM: Rafraîchissement. -- Abrév. de consommation. -- « Ces dames
doivent être altérées par la danse, ce dont elles ne disconviennent pas.
Partant de là, il les supplie d'accepter une consomm. » -- Mornand.
COPAIN: «Être copain, c'est se joindre par une union fraternelle avec un
camarade, c'est une amitié naïve et vraie qu'on ne trouve guère qu'au
collège. » -- H. Rolland. -- Du vieux mot compain: compagnon. V.
Roquefort.
COPEAU: Ouvrier en bois. -- Mot à mot: faiseur de copeaux.
COQUER: Dénoncer. -- Mot à mot: cuisiner, apporter tout préparé. -- Du
vieux mot coc: cuisinier (coquus). V. Raynouard. -- On retrouve la
même allusion dans les mots cuisinier et casserole. -- « En
province, il avait coqué quelqu'un de leur bande. » -- E. Sue.
Coquer le poivre: Empoisonner. -- Coquer le rifle: .Mettre le feu.
-- « Girofle largue, depuis le reluit où j'ai gambillé avec tezigue et
remouché tes chasses et ta frime d'altèque, le dardant a coqué le rifle
dans mon palpitant qui n'aquige plus que pour tezigue. » -- Vidocq. --
Coquer: Donner. V. Ravignolé.
COQUEUR: « Le coqueur vient dénoncer les projets de vol à la police de
sûreté. Le coqueur est libre ou détenu. Ce dernier est coqueur mouton ou
musicien. Le mouton est en prison et capte ses codétenus. Le
musicien ne révèle que ses complices. -- Ce métier de dénonciateur
s'appelle coquage. La musique est une réunion de coqueurs
(musiciens). » -- Canler.
Coqueur de bille: Bailleur de fonds.
COQUILLE DE NOIX: Petite barque, petit navire. -- Image très juste. -- «
Napoléon met le pied sur une coquille de noix, un petit navire de rien
du tout. » -- Balzac.
COQUILLON: Pou (Vidocq). -- Comparaison du pou à une très-petite
coquille.
CORBEAU: Frère de la doctrine chrétienne. -- Allusion aux longues robes
noires de cet ordre.
CORDE (Tenir la): Avoir la vogue. -- « Qui est-ce qui tient la corde en
ce moment dans le monde dramatique? » -- Figaro.
CORNE: Puanteur. -- Corner: Puer (Vidocq). -- Vient peut-être (de
cor: coeur, qui a fait au moyen âge coreux: répugnant, écoeurant. V.
Roquefort.
CORNANTE: Bête à cornes (Vidocq)
CORNARD: Cocu. -- Mot à mot: porte-cornes. -- Cornard: À l'École de
Saint-Cyr, on ne mange que du pain sec au premier déjeuner et au goûter,
et les élèves prennent sur leur dîner de quoi faire un cornard -- «
Faire hommage de votre viande à l'ancien pour son cornard. » -- De la
Barre.
CORNET: Estomac. -- « Je n'suis pas fâché de m'mettre quelque chose dans
le cornet. » -- H. Monnier. -- Rincer le cornet: Donner à boire.
CORNET D'ÉPICES: Capucin (Vidocq). -- Allusion au capuchon brun que
représente assez bien un grand cornet d'épicier.
CORNICHON: Veau (id.). -- Mot à mot: fils de cornante. -- Cornichon:
Niais (Dhautel, 1808). -- « Jour de Dieu! Constantin, fallait-il être
cornichonne. » -- Gavarni. -- Cornichon: Élève de l'École militaire.
-- « Une fois en élémentaires, il se bifurque de nouveau en élève de
Saint-Cyr ou cornichon, et en bachot ou bachelier ès-sciences. » --
Institutions de Paris, 1858.
COSAQUE: Brutal, sauvage, maladroit.
CÔTE (Être à la): Être à sec d'argent. On est à flot quand la fortune
sourit. -- « Si vous êtes vous-même à la cote, -- quelles singulières
expressions on a dans les coulisses pour exprimer qu'on manque d'argent.
» -- Achard.
CÔTELETTES: Favoris s'élargissant au bas des joues, de façon a simuler
la coupe d'une côtelette.
COTERIE: « Les tailleurs de pierres s'interpellent du nom de coterie.
Tous les compagnons des autres états se disent pays. » -- G. Sand.
COTON (Filer un mauvais): Se mal porter. Rappel mythologique du fil de
la Parque. -- « Il file un mauvais coton. » -- E. Jourdain.
Cou (Casser Le): « Viens-tu casser le cou à une gibelotte l)? » --
Nadar. -- C'est-à-dire: Viens-tu manger un lapin? On casse le cou de
l'animal devant vous pour que vous ne craigniez pas de manger du chat.
COUAC: Fausse note. V. Canard. -- « Il lui échappa un couac
épouvantable au milieu d'un couplet. » -- A. Signol.
Coucou: Cocu. -- « Une simple amourette Rend un mari coucou. » --
Chansons. impr. Chassaignon, 1851. -- En 1350, un mari trompé
s'appelait déjà en bas latin cucullus (prononcez coucoullous), et,
en langue romane, cous. V. Du Cange.
COUDE (Lâcher le): Quitter -- « Vous n'pourriez pas nous lâcher le
coud'bientôt. » -- Léonard, parodie, 1863. -- Allusion à la
recommandation militaire de sentir les coudes à gauche, en marche.
Lever le coude: Boire à longues rasades. -- Usité dès 1808. -- « Ça
n'a pas d'ordre, ça aime trop à lever le coude. »-- P. d'Anglemont.
COUENNE: « On dit d'un nigaud, d'un maladroit, d'un sot qu'il est
couenne. » -- Dhautel, 1808. -- V. Coenne.
COUILLÉ: Niais. -- Forme de couyon . -- « Un couillé, j'ai remouché. »
-- Vidocq.
COULE (À la): Adroit, expert en l'art de se couler entre les obstacles.
COULEUR: Soufflet. -- Il colore la joue. -- « J'bouscule l'usurpateur,
Qui m'applique sur la face, Comm'on dit, une couleur. » -- Le Gamin de
Paris, chanson, 184...
COULISSIERS: « Les coulissiers sont des agents de change sans brevet;
ils traitent des opérations pour leur compte et pour celui de leurs
clients; on leur paie moitié courtage, ils ont une chambre organisée
comme la chambre syndicale des agents de change; on en cite de très-
honorables et de très-riches, offrant tout autant de garantie que des
agents de change. Ils se réunissent à midi sur les boulevarts, ils
établissent le cours de la rente qui souvent est accepté par le parquet.
A la Bourse, ils se placent à peu de distance des agents de change, à
gauche de la corbeille. Les opérations de la coulisse s'élèvent à un
chiffre énorme. » -- De Mériclet.
COURAILLER: Donner dans la galanterie facile. -- « Vous l'auriez empêché
de courailler. » -- Balzac.
Courir a le même sens. -- « Monsieur n'est pas heureux quand il court.
» -- H. Monnier. -- On dit aussi: Courir la gueuse.
COURBE: Épaule (Vidocq). -- Allusion de forme.
COURIR (Se la): S'enfuir. -- Se courir: Se méfier (Vidocq). -- Vient
de l'ancien verbe se covrir: se couvrir, se protéger.
COUP À MONTER: Grosse entreprise. -- « Un coup à monter, ce qui, dans
l'argot des marchands, veut dire une fortune à voler. » -- Balzac.
Se monter le coup: S'illusionner.
Monter le coup: Tendre un piége. -- « C'est des daims huppés qui
veulent monter un coup à un ennemi. » -- E. Sue.
Monter un coup: Inventer un prétexte. -- « Je monte plus d'un coup
pour vanter l'auteur Dorville. » -- 1817, Brazier.
Coup de bas: Coup dangereux. -- « Ces fats nous donnent un rude coup
de bas. » -- Chansons. Clermont, 1835. Coup de chien, peigne,
torchon: V. ces mots.
Coup de pistolet: « Alléché par l'exemple et la perspective de
quelques bénéfices énormes, un novice vient de tirer un coup de
pistolet à la Bourse (c'est l'expression pour désigner une opération
isolée et sans suite, Un coup de main). » -- Mornand.
Avoir un coup de soleil: Avoir une pointe de vin (Dhautel, 1808) . --
Le vin et le soleil ont également la vertu d'empourprer Le visage.
Coup de temps: Accident subit, surprise. -- Terme d'escrime. -- Voir
le coup de temps, c'est le prévoir.
Coup de vague: Vol improvisé. -- Le voleur est dans le vague sur les
résultats de son coup.
COUPE (Tirer sa): Nager. -- « Rodolphe, qui nageait comme une truite...
se prit à tirer sa coupe avec toute la pureté imaginable. » -- Th.
Gautier.
Faire sauter la coupe: Battre à l'écarté de façon à retourner le roi,
en neutralisant la coupe.
COUPE-CHOU: Sabre d'infanterie. -- L'emploi de cette arme est en
campagne des plus pacifiques. -- « Mon coupe-choux au côté. » --
Lacassagne.
COUPE-FICELLE: Artificier d'artillerie.
COUPE-SIFFLET: Couteau. V. Couper.
COUPER LA GUEULE À QUINZE PAS: Exhaler une si mauvaise odeur qu'on la
sent a quinze pas. -- Cette expression ne manque pas de justesse, car la
bouche souffre autant que le nez en pareil cas. -- « Quand elle a mangé
du cerv'las, Ça vous coup'la gueule à quinz'pas. » -- Colmance.
Se couper: Se contredire, couper ses propres arguments.
Ça te la coupe: Cela te contrarie, te déroute (Dhautel, 1808).
Couper, Couper dans le pont: Donner dans le panneau. « Laisse-la
couper dans le pont. » Balzac. -- « Ah!! dit Marlot en faisant sauter
l'or dans sa main, elle a donc coupé dans le mariage? » -- Champfleury.
-- « Vient du terme: faire le pont: plier légèrement les cartes a un
endroit déterminé, de façon à guider la main de l'adversaire dans la
portion du jeu où elle doit couper innocemment, secondant ainsi les vues
de l'aventurier. L'expression est pittoresque. » -- Mornand.
Couper la chique: V. Chique.
Couper la musette: Couper la parole. -- Comme dans chanterelle et
dans sifflet, la voix est assimilée à un instrument. -- « Ta
remontrance me coupe la musette. » -- Chansons, Châteauroux, 1826.
Couper le sifflet: couper la parole, couper la gorge.
COUYON, COUILLON: Lâche, poltron. -- Du vieux mot coion qui a le même
sens (V. Roquefort), et qui est un diminutif de coy: tranquille,
indolent. -- Mazarin est souvent appelé coyon dans les pamphlets de la
Fronde. -- « Beaulieu, Cobourg en furent touchés De voir leur troupe à
l'abandon Qui fuyoient comme des couillons Devant les patriotes. » --
Mauricault, Chanson, 1794.
Couyonnade: Affaire misérable, action lâche. -- Couyonner: Reculer
au moment d'agir -- Couyonnerie: Lâcheté. Du vieux mot coionnerie.
V. Roquefort.
CRACHER: Parler (Vidocq). -- Mot à mot: cracher des paroles.
Cracher: Décharger. -- Le canon crache la mitraille.
Cracher, Cracher au bassin ou au bassinet: Donner de l'argent de
mauvaise grâce. -- Allusion au bassin qu'on présente pour les quêtes. --
« Tu dois faire cracher encore 150,000 francs au baron. » -- Balzac.
Cracher dans le sac: V. Raccourcir.
CRAMPE (Tirer sa): Fuir. -- « Elle a pris ses grands airs et j'ai tiré
ma crampe. » -- Montépin
Se cramper: Se sauver (Vidocq). V. Pré.
CRAMPON: Fâcheux dont on ne peut se débarrasser.
CRAN (Lâcher d'un): Planter là, abandonner subitement. -- « Nous vous
lâcherons d'un cran. » -- Vidal, 1833.
Faire un cran: Tenir bonne note d'une chose.
CRÂNE: Hardi. -- « Est-il crâne cet enragé-là! » -- P. Lacroix, 1832.
Crâne: Beau. -- « C'est ça qui donne une crâne idée de l'homme! » --
Gavarni.
Crâne: Bon. -- « Quand j'étais sur la route de Valenciennes, c'est là
que j'en avais du crâne du tabac ! » -- H. Monnier.
Vient de l'ancien terme: mettre son chapeau en crâne. C'était le
mettre sens devant derrière, à la façon des tapageurs qui prétendaient
faire partout la loi sous le premier Empire. V. Dhautel.
Crânement: Supérieurement. -- « J'ai été maître d'armes... et je puis
dire que je tirais crânement. » -- Méry. -- « Elle prenait la brosse
chez un peintre, la maniait par raillerie, et faisait une tête assez
crânement. » -- Balzac. -- « Je suis crânement contente de vous voir. »
-- E. Sue.
CRAPAUD: Homme petit et laid. -- Crapoussin, qui a le même sens, est
son diminutif. -- Usité dès 1808. -- « Tiens! Potier, je l'ai vu du
temps qu'il était à la Porte-Saint-Martin. Dieux! que c'crapaud-là m'a
fait rire! » -- H. Monnier.
Crapaud: Bourse de soldat. Simple poche de cuir dont l'aspect
roussâtre et aplati peut à la rigueur rappeler l'ovipare en question. On
appelle grenouille le contenu du crapaud. -- Les deux mots doivent
être reliés l'un à l'autre par quelque affinité mystérieuse.
Crapaud: Cadenas (Vidocq).
Crapaud: Fauteuil bas. -- « Une bergère... Avancez plutôt un crapaud!
» -- El. Jourdain.
CRÉATEUR: Peintre (Vidocq). -- Il renouvelle en effet sur la toile
l'oeuvre de la Création.
CRÉATURE: -- « Pour la grande dame qui se voit enlever ses adorateurs
par une grisette, cette grisette est une créature! » -- L. Huart.
CRÊPER LE TOUPET: Prendre aux cheveux, battre. -- « Nous v'là tous deux
à nous crêper le toupet. » -- - Letellier, 1839.
Les femmes se crêpent le chignon.
CRÉPIN: Cordonnier. -- Mot à mot: enfant de saint Crépin. -- On sait que
saint Crépin est le patron des bottiers et des cordonniers. -- « Je
défie bien le Crépin de me faire des bottes plus justes. » -- La
Correctionnelle.
CRÉPINE: Bourse (Vidocq). -- Ce doit être, comme le crapaud, une bourse
de cuir.
CRIE, CRIOLLE: (Vidocq) . -- Viande. V. Artie.
Criolier, Crinolier: Boucher. -- « Nous allons barbotter demain la
cambriolle d'un garçon crinolier. » -- Canler.
CRIBLAGE: Cri. -- « On peut les pésiguer et les tourtouser en leur
bonnissant qu'ils seront escarpés s'il y a du criblage. » -- Vidocq.
Cribler: Crier. -- Corruption du mot crier. V. Charron.
Cribleur de lance: Porteur d'eau. -- Il crie à l'eau.
CRIQUE: Eau-de-vie (Vidocq). -- « Un verre de criq' ne fait pas de mal.
» -- J. Choux.
CRISTALLISATION: Condensation intellectuelle. -- « Un homme d'esprit,
Stendhal, a eu la bizarre idée de nommer cristallisation le travail que
la pensée de la marquise fit avant, pendant et après cette soirée. » --
Balzac. -- On sait que la cristallisation unit et solidifie les parties
d'une substance dissoute dans un liquide.
CRISTALLISER: Paresser au soleil. -- Terme de chimie. -- « Permis à tous
de se promener dans les cours, de fumer leur pipe,, de cristalliser au
soleil. » -- La Bédollière.
CROCHER (Se): « Je grille de vous voir crocher avec le Maître-d'École,
lui qui m'a toujours rincé. » -- E. Sue. -- V. S'Accrocher.
CROISANT: Gilet (Vidocq). -- Il croise sur la poitrine.
CROQUER: Esquisser, dessiner. -- « Si je croquais ce chêne avant de
déjeuner! » Marcellin.
CROSSE: Ministère public (Vidocq). -- Il frappe (crosse) les accusés.
CROSSER: Sonner. -- Mot à mot: frapper sur l airain. -- « Quand douze
plombes crossent, les pègres s'en retournent au tapis de Montron. » --
Vidocq.
CROUPIONNER: Remuer du croupion, faire bouffer un vêtement sur le
croupion.
CROÛTE (Vieille), CROÛTON: Homme arriéré. -- « Refuser ce tableau! Quels
croûtons! » -- Bertall. S'embêter comme une croûte de pain derrière une
malle: Dessécher d'ennui.
CROUTEUM: Collection de croûtes ou de mauvais tableaux. -- « Bientôt la
boutique, un moment changée en croutéum, passe au muséum. » -- Balzac.
CROUTONNER: Mal peindre, peindre des croûtes. -- Bertall.
CRUCHE, CRUCHON: Épais de forme et creux d'esprit. -- « Il est assez
cruche, pour ne pas comprendre. » E. Sue.
CRUCIFIX À RESSORTS: Pistolets (Vidocq). -- Ils se présentent comme le
crucifix aux heures suprêmes.
CUIR: Peau. -- « C'était aux nègres qu'il en voulait, à cause du coloris
de leur cuir. » -- L. Desnoyer. -- Tanner le cuir: Battre.
CUIRASSIER: Homme fréquemment coupable des fautes de liaison appelées
cuirs. -- « Veux-tu savoir ta langue et l'ostographe? Prends moi z'un
cuir, prends moi z'un cuirassier » -- Festeau.
CUISINE: Préfecture de police. -- Cuisinier: Agent de police (Vidocq).
-- Cuisinier: Dénonciateur, espion. -- « Lui qui avait servi plusieurs
fois de cuisinier à la police. n -- Canler. -- « Mauvais signe ! un
sanglier ! comment s'en trouve-t-il un ici? -- C'est un de leurs trucs,
un cuisinier d'un nouveau genre. » Balzac. -- V. coqueur.
Cuisine de journal: Tout ce qui regarde les petits détails et
l'ordonnance matérielle d'un journal. -- Le rédacteur chargé de cette
mission est un Cuisinier. -- « C'est lui qui fait la cuisine du journal.
» -- L. de Neuville.
CUIT: Perdu -- « Cuits, cuits! les carlistes, ils seront toujours cuits.
» -- Métay, 1831.
CUL: Homme bête et grossier. -- Cul goudronné: Matelot -- Cul de
plomb: Homme sédentaire, peu alerte (Dhautel, 1808). -- Cul rouge:
Soldat porteur du pantalon rouge qui compose l'uniforme de presque toute
l'armée. -- Autre temps, autres culottes. Au dix-huitième siècle, on
disait culblanc, témoin ce passage des Mémoires de Bachaumont: « Le
27 janvier 1774. Il est encore arrivé à Marseille à la Comédie une
catastrophe sanglante. Un officier du régiment d'Angoulême était dans
une première loge; il s'était retourné pour parler à quelqu'un. Le
parterre, piqué de cette indécence, a crié à bas, cul blanc! (le blanc
est le fond de l'uniforme de l'infanterie), » etc., etc.
CULBUTE: Culotte (Vidocq). -- Jeu de mots. C est dans la culotte qu'on
butecul. (Buter: Pousser. V. Du Cange.) -- V. Affure.
CUPIDON: Chiffonnier (Vidocq). -- Comparaison ironique du carquois et du
trait de l'Amour à la hotte et au crochet du chiffonnier.
CULOTTE: Partie de dominos qui procure au gagnant un grand nombre de
points. Les joueurs, n'ayant plus de quoi poser, sont obligés
d'abattre leurs dominos. Celui qui conserve les moins élevés, bénéficie
des points de son adversaire, il fait une culotte. -- Le joueur de
dominos préfère le double-six culotte avec six blancs dans son jeu. » --
Luchet.
Culotte: « Plus d'une fois, il est arrivé qu'un étudiant poursuivi par
le guignon s'est vu mettre sur son compte toutes les demi-tasses
consommées dans le courant de la soirée par tous les habitués du café.
Total: cinquante ou soixante francs. Cela s'appelle empoigner une
culotte. » -- Louis Huart.
Se donner une culotte, se culotter: Faire excès de boire ou de manger.
-- Donné déjà par le Dict. de Leroux, 1718. -- Synonyme d'un terme
fréquemment employé: S'en donner plein la ceinture. -- « Nous pouvons
donc enfin nous culotter avec du vin du tyran. » -- Chenu. -- « Un
ivrogne ferait bien mieux de s'acheter un pantalon que de se donner une
culotte. » -- Commerson.
Culotte se prend au figuré pour tout autre excès -- « Nous nous sommes
donné une fameuse culotte monarchique et religieuse. » -- Balzac.
CULOTTÉ: Bistré. -- « Les yeux culottés par les veilles malsaines. » --
Delvau. -- Culotté: Aguerri. -- « Oh! ma chère, je suis culottée,
vois-tu. » -- Gavarni. -- Dans ces deux acceptions, comme dans la
suivante, il y a évidemment allusion au culottage de la pipe.
Se culotter: Se former, prendre une tournure décidée. -- « Voici un
pied d'Andalouse, se dit-il à part lui, ceci est d'une bonne couleur, et
ma passion se culotte tout à fait. » -- Th. Gautier, 1838.
CUMULARD: « Fonctionnaire qui cumule les émoluments de plusieurs places.
» -- Lubize. -- « Le cumulard est travailleur, il a de l'esprit. » --
Balzac.
CURIEUX: Juge d'instruction. -- Il est curieux par métier. -- « Le
curieux a servi ma bille (mon argent) . » -- Vidocq. V. Escrache.
CYLINDRE (Se faire éclater le): Crever. -- « Une biche dit: Mon p'tit
homme: Je mangerais bien des fraises, des p'tits pois, Paye m'en !... La
scène était à peindre. Le cocodès dit en baissant la voix: Tu t'en
ferais éclater le cylindre. » -- Alphonse Duchesne.
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DABE: Dieu. -- « Mercure seul tu adoreras comme dabe de l'entrollement.
» -- Vidocq.
Dabe: Père. -- Dabuche: Mère. -- Dabuchette: Jeune mère, belle-
mère.
Dabe: « C'est notre dabe, notre maître. » -- Balzac.
Grand dabe: Roi. -- « Mais grand dabe qui se fâche dit: Par mon
caloquet. » -- Vidocq.
Dab de la cigogne: Procureur général. -- « On vient me chercher de la
part du dab de la cigogne. » -- Balzac.
Dabot: Préfet de police.
L'étymologie de dabe est incertaine. Il est à noter que Dam avait au
moyen âge la même signification.
DADA (À): A cheval. -- « V'là z'une belle amazone à dada. » -- 1810,
Désaugiers.
DAIM: Niais, dupe. -- « L'une des grandes finesses des garçons de
restaurant, quand ils servent un homme et une femme dans un cabinet, est
de pousser à 1 consommation... persuadés que le daim n'osera refuser
aucune dépense en présence de celle à qui il veut plaire. » -- La
Fizelière. -- V. cocodès. -- Il est possible que Daim soit une
abréviation de dindon. V. ce mot.
Daims huppés: Bourgeois riches. -- « Il y a de l'argent à gagner,
c'est des daims huppés. » -- E. Sue. -- V. Coup.
DALE: Argent. -- Abrév. de rixdale, ancienne monnaie allemande. -- «
Faut pas aller chez Paul Niquet, Ça vous consume tout vot' pauv'dale. »
-- P. Durand, vaudeville, 1836.
DALLE: Bouche. -- Comparaison de la bouche à la pierre d'évier (appelée
dalle en beaucoup de cuisines). Cette pierre est percée d'un trou qui
sert comme le gosier à l'écoulement des liquides. V. Rincer.
DANDYSME: « Cette fatuité commune à tous les peuples chez lesquels la
femme est quelque chose n'est point cette autre espèce qui, sous le nom
de dandysme, cherche depuis quelque temps à s'acclimater à Paris.
L'une est la forme de la vanité humaine, universelle; l'autre d'une
vanité particulière et très-particulière: de la vanité anglaise... Voilà
pourquoi le mot dandysme n'est pas français. Il restera étranger comme
la chose qu'il exprime... Bolingbroke seul est avancé, complet, un vrai
dandy des derniers temps. Il en a la hardiesse dans la conduite,
l'impertinence somptueuse, la préoccupation de l'effet extérieur et la
vanité incessamment présente. Enfin, il inventa la devise même du
dandysme, le nil mirari de ces hommes qui veulent toujours produire la
surprise en gardant l'impassibilité. » -- B. d'Aurevilly.
DANSE € Grêle de coups. -- Allusion ironique aux piétinements forcés de
la lutte. -- « Je prends le sabre. -- C'est dit, et à quand la danse? »
About. --
Donner une danse: Casser les épaules à coup de bâton. » -- Dhautel,
1808.
Faire danser: Battre. -- « Tu vas me payer l'eau d'aff, ou je te fais
danser sans violons. » -- E. Sue.
La danser: Être battu. -- « Ah! je te tiens et tu vas la danser. » --
Id.
La danser: Être maltraité en paroles. -- « Quiconque poussait les
enchères était empoigné, témoin une jeune fringante qui la dansa, mais
tout du long. » -- Vadé, 1788.
DANSER: Payer. -- Mot à mot: danser de ses écus. -- « C'étaient d'assez
bons pantres. Enfin ils savaient danser. » -- De Lynol.
Faire danser: Dissiper. -- « Et je me mets à faire danser mes 300
francs. Ça été mon grand tort. » -- Id.
Danser de: Se mettre en frais de... -- « Je dansais pour c'te reine
d'un joli châle tartan. » -- A. Cahen, Chansons.
Danser devant le buffet: N'avoir rien à manger. -- « Tu bois et
négliges ta besogne, Tu me fais danser devant le buffet. » -- Aubry,
Chansons. -- « Nous faudra danser sans musique devant le buffet, aux
heures des repas. » -- Chansons, Clermont, 1835.
DARDANT: L'amour. -- C'est l'archerot de nos anciens poètes, c'est
Cupidon dardant son trait. -- « Icicaille est le théâtre Du petit
Dardant; Fonçons à ce mion folâtre Notre palpitant. » -- Grandval, 1723.
-- V. Coquer.
DAR-DAR: Tout courant. -- « Qu'il vienne tout de suite! -- Oui, dar-
dar... » -- Labiche. -- Même racine que le mot suivant. Dar (dare)
serait l'impératif de darer.
DARIOLE: Coup. -- De l'ancien verbe darer: lancer vivement. V.
Roquefort. -- « V'là que je vous y allonge une dariole Qu'i r'pare avec
son nazaret; Le raisinet Coulait D'son nez comm' une rigole. » -- Le
Casse-Gueule, ch., 1841.
DARON, DARONNE: Père, mère. -- Daron de la rousse: Préfet de police.
-- Daronne du mec des mec . Mère de Dieu. V. Rebâtir.
DÉBACLER: Ouvrir (Vidocq).
DÉBALLAGE (Être volé au): Reconnaître dans les charmes d'une femme aimée
autant d'emprunts décevants faits aux ressources de la toilette. -- « Il
est accablé de rhumatismes ce qui le fait ressembler, au déballage, à
ces statuettes que vous avez sans doute remarquées dans la vitrine des
bandagistes. » -- Monselet.
DÉBINAGE: Médisance. -- « Compliments désagréables, indiscrétions et
débinages. » -- Commerson.
Débiner: Médire. -- « On le débine, on le nie, on veut le tuer. » --
A. Scholl.
DÉBINE: Mot qui signifie déchéance, misère, pauvreté (Dhautel, 1808). --
« La débine est générale, je suis enfoncé sur toute la ligne. » --
Montépin.
Se débiner: Disparaître. -- « Quant à moi, je maquille une aff après
laquelle j'espère me débiner pour m'éloigner de la rousse. » -- Patrie
du 2 mars 1852.
DÉBLOQUER: Lever une consigne. V. Bloquer.
DÉBOUCLER: Faire sortir de prison (Vidocq).
DÉBRIDER: Ouvrir (Vidocq). -- Débrider les chasses: Ouvrir l'oeil. V.
Temps. -- Débridoir: Clef.
DÉBROUILLER (Se): Vaincre les obstacles. -- Usité dans la marine, où un
homme qui se débrouille est un homme aguerri qui sait son métier.
DÉCANILLER: Décamper. -- Mot à mot: sortir du chenil (canil). V.
Roquefort. -- « Ils ont tous décanillé dès le patron-jacquette. » --
Balzac.
DÉCARADE, CARREMENT: Départ. -- Jour du décarement: Jour de la mort.
V. Bachasse.
DÉCARCASSER (Se): Agir activement. -- Mot à mot: remuer sa carcasse.
DÉCARER: Partir. Mot à mot: se faire voiturer dehors. V. Car,
Roquefort. -- « Faut décarer. Ces gens la veulent m'assommer. -- «
Dialogue entre Charles X et le duc de Bordeaux_, chanson, 1832.
DÉCATIR (Se): S'user, s'enlaidir. -- Allusion au décatissage des tissus.
-- « Elle sentait la pane venir, elle se décatissait. -- Les
Étudiants, 1860.
DÉCAVÉ: Homme ruiné, qui n'a plus de quoi caver à la roulette. -- « A
Bade, les décavés vivent sur l'espérance aussi somptueusement que les
princes de la série gagnante. » -- Villemot.
DÈCHE: Ruine, misère. -- Abrév. de déchet. -- « Elles se présentent
chez les courtisanes dans la dèche. » -- Paillet. -- « Sans argent dans
1' gousset, C'est un fameux déchet. , -- Chansons. Avignon, 1813.
DÉCOMPTE (Recevoir son): Mourir. -- Dans l'armée, on ne quitte pas le
service sans toucher son décompte. -- « Tué raide sur le champ de
bataille, le beau tambour-major avait, pour parler en style de bivouac,
reçu son décompte. » -- Ricard.
DÉCROCHER: Retirer du Mont-de-Piété. V. Clou -- On dit aussi
Déclouer. -- « Les révolutions m'ont réduite à mettre au clou les
diamants de ma famille... faudra que tu me décroches ça, mon chéri. »
-- Lefils. -- « M. Auguste s'habille au décroche moi cela ce qui veut
dire en français chez le fripier. » -- P. d'Anglemont -- « Au Temple, un
Décrochez-moi ça est un chapeau de femme d'occasion. -- J'ai vu au
carré du Palais-Royal (du Temple) des Décrochez-moi ça qu'on eût pu
facilement accrocher au passage du Saumon. » -- Mornand.
Décrocher: Faire tomber d'un coup de fusil.
DEDANS (Mettre); Mettre en prison (Dhautel, l808) .
Mettre dedans: Tromper. -- « Il met les gabelous joliment dedans. On a
descendu plus de vingt fois dans sa cassine, jamais on n'a rien trouvé.
» -- E. Sue. -- « Serais-je pris pour dupe! -- Eh ben! conv'nez que vous
êtes d'dans. » -- Vadé, 1756.
Être dedans (dans les vignes): Être ivre. -- « Quand on trinque avec
une fille aimable Il est permis de se mettre dedans. » -- Désaugiers.
Voir en dedans a la même signification, mais non la même racine. Il
s'applique aux ivrognes illuminés qui se tiennent eux-mêmes de longues
conversations. V. Cocarde.
DÉFARGUEUR: Témoin à décharge. -- Du vieux mot fardage; fardeau. V.
Roquefort.
DÉFLEURIR LA PICOUSE: Voler du linge qui sèche sur une haie. -- Allusion
à la couleur tranchante des objets étendus et aux épines de la haie.
DÉFOURAILLER: Sortir de. prison. -- Du vieux mot defors: dehors. V.
Babillard.
DÉFRIMOUSSER: Dévisager. V. Frime.
DÉFRUSQUER: Déshabiller. V. Frusque.
DÉFRISER: Désappointer. -- « Ce qui nous défrise, c'est que je suis
retenu. » -- P. Lacroix.
DÉGEL: Mortalité. -- « Il y aura un rude dégel. » -- Watripon. -- On
connaît les effets dissolvants du dégel.
DÉGELÉE: Volée de coups. -- Il y a une chanson de V. Gaucher intitulée
la dégelée de 1854, ou la Prise de Bomarsund. -- Une volée dégèle
ordinairement ce lui qui la reçoit.
DÉGOMMER: Destituer. -- « Réélu! -- Dégommé! » -- Gavarni.
Dégommé: Fané, terni. -- « Je me rouille, je me dégomme. » -- Labiche.
Se dégommer: S'entre-tuer. -- « Napoléon, c'vieux grognard, D'ces jeux
où l'on se dégomme En queuqu's mots résumait l'art. » -- Festeau.
DÉGOTTER: Surpasser. On disait en 1808 dégoutter, c'est-à-dire: être
placé au-dessus de quelqu'un, dégoutter sur lui. V. Dhautel. -- « Quel
style! Ça dégotte Mm' de Sévigné. » -- Labiche.
DÉGOULINER: Couler doucement. -- Onomatopée. -- « V'là au moins la
vingtième (larme) qui dégouline sur ma joue. » -- Ricard.
DÉGOUTÉ (Pas): Ambitieux. -- « Se dit en plaisantant d'un homme qui sans
avoir l'air de choisir, prend le meilleur morceau. » -- Dhautel, 1808.
-- « Belle dame, vous êtes joliment jolie ce soir! je souperais
fièrement avec vous. -- « Tu n'es fichtre pas dégoûté. » -- Gavarni.
DÉLICOQUENTIEUSEMENT: Délicieusement. -- « Pour y retrouver un Arthur
delicoquentieusement séducteur. n -- Ed. Lemoine. -- V.
Supercoquelicantieux
DELIGE: Voiture publique (Vidocq). -- Abrév. de diligence.
DEMAIN: Jamais. -- Terme ironique. -- Demain ne sera jamais aujourd'hui.
DÉMANCHER (Se): Se donner grand mouvement. -- « Et d'la façon dont j'me
démanche, On nous verra requinqués à la papa. » -- Duverny, Chanson,
1813.
DÉMAQUILLER: Défaire. V. Maquiller.
DÉMÉNAGER: Faire des extravagances, agoniser. -- Ces deux sens étaient
connus de Dhautel.
DEMI-AUNE: « Il y avait deux heures que je tendais ma demi-aune sans
pincer un radis. » -- Luc Bardas.
DEMI-MONDE: Une femme demi-monde est celle qu'on appelait en 1841 une
femme déchue, -- née dans un monde distingué dont elle conserve les
manières sans respecter les lois. Le succès d'une pièce de Dumas fils a
créé le nouveau mot. On a créé par analogie ceux de meilleur monde, et
de quart de monde. -- « On écrit en toutes lettres que vous régnez sur
le demi-monde. -- C'est fort désagréable pour moi. » -- A. Second.
DEMI STROC: Demi-setier (Vidocq). -- Diminutif corrompu du même mot.
DÉMOC-SOC: Démocrate socialiste. -- Abréviation. -- Messieurs les
Démocs-socs, vous voyez si vos menaces m'ont effrayé. » -- Chenu.
DÉMOLIR: Maltraiter quelqu'un en actes, en paroles, en écrits. -- « Deux
champions prononçant la phrase sacramentelle: Numérote tes os que je les
démolisse. » -- Th. Gautier, 1845. -- « Ruffard la dansera, c'est un
raille à démolir. » -- Balzac. -- « On démolissait Voltaire, on
enfonçait Racine. » -- L. Reybaud.
DÉMORGANER: Se rendre à une observation. -- Mot à mot: perdre de sa
morgue.
DÉPIOTER: Enlever la peau. -- « Si monsieur croit que c'est commode...
on se dépiote les pouces. » P. de Kock.
DÉPLANQUER: Exhiber (Vidocq). V. Vague.
DÉRALINGUER: Mourir. -- Terme de marine.
DERNIER (Avoir le): Avoir le dernier mot. V. Double.
Dernier de M. de Kock: « Ce mot a signifié cocu pendant quinze jours.
En ce temps, il venait de paraître un roman de M. Paul de Kock intitulé
le Cocu. Ce fut un scandale merveilleux... Il fallait bien pourtant se
tenir au courant et demander le fameux roman. Alors (admirez
l'escobarderie!) fut trouvée cette honnête périphrase: Avez-vous le
dernier de M. de Kock? » -- Th. Gautier. -- « Le mari. -- Et de cette
façon je serais le dernier de M. de Kock, minotaure, comme dit M. de
Balzac. » -- Id.
DESCENDRE: Tuer, faire tomber. -- « J'ajuste le Prussien et je le
descends » -- M. Saint-Hilaire.
Descendre la garde: Mourir. -- Mot à mot: n'être plus de service. -- «
Amis, quand la camarde M'fera descendre la garde. » -- Festeau.
DÉSENTIFLER: Divorcer. V. Antifler.
DESSALER (Se): Boire.
DÉTAFFER: Aguerrir. V. Taffe.
DÉTAIL (C'est un): C'est un accident grave. -- Ironie parisienne...
Annoncez qu'un tel s'est cassé le bras, a perdu cinquante mille francs,
etc., on vous répondra toujours: C'est un détail!
DÉTAROQUER: Démarquer (Vidocq). -- Du vieux mot taroter: marquer. V.
Roquefort.
DÉTOURNER: Voler dans l'intérieur d'une boutique. -- « Parmi les
détourneurs, on distingue: 1) les grinchisseuses à la mitaine, assez
adroites de leur pied pour saisir et cacher dans de larges pantoufles
les dentelles et les bijoux qu'elles font tomber (on appelle mitaine
leur bas qui est coupe pour laisser aux doigts leur liberté d'action);
2) les enquilleuses, femmes cachant des objets entre leurs cuisses
(quilles); 3) les avale tout cru, cachant les bijoux dans leur
bouche; 4) les aumôniers, jetant le produit de leur vol à de faux
mendiants. » -- Vidocq. -- Ces genres de vol constituent le vol à la
détourne.
DEUIL (Ongle en): Ongle cerné d'une crasse noire. -- « J'aurai l'air
d'être en deuil depuis la cravate jusqu'aux ongles, inclusivement. » --
A. Second.
Faire son deuil: Se passer. -- « Tu vas faire ton deuil de me voir
avant deux ou trois heures. » -- L. Reybaud.
DÉVEINE: Malheur constant. V. Veine. -- « Il paraît que la banque est
en déveine. » -- About.
DÉVIDAGE: Discours aussi long que le dévidage d'un écheveau.
Dévidage à l'estorgue: Acte d'accusation.
DÉVIDER: Avouer. V. Bayafe. -- On dit communément dévider son
chapelet. -- Dévider à l'estorgue: Mentir. -- Dévideur: Bavard
(Vidocq).
DÉVORANT: Compagnon. -- « Je ne suis pas un dévorant, je suis un
compagnon du devoir de liberté, un gavot. » -- Biéville.
DIGUE-DIGUE: Attaque d'épilepsie. -- De dinguer: tomber. V.
Camboler.
DIJONNIER: Moutardier (Vidocq). -- Dijon est la capitale de la moutarde.
DINDON: Niais, dupe. -- « J'ne veux pas être le dindon de vos attrapes.
» -- Vadé, 1788. -- Mari dindon: Mari trompé. -- « Il est le dindon de
la farce; il est seul dupe dans cette affaire. » -- Dhautel, 1808. -- V.
Gogo.
DINDONNER: Duper. -- « Je n'ai jamais été chiche avec les femmes, mais
je n'aime pas à être dindonné. » -- E. Sue.
DINGUER: Tomber. -- Envoyer dinguer: Jeter à terre.
DIX-HUIT: « Le fabricant de dix-huit s'appelle le riboui... Le dix-
huit n'est pas un soulier remonté ou ressemelé, c'est plutôt un soulier
redevenu neuf: de là lui vient son nom grotesque de Dix-huit ou deux
fois neuf. Le dix-huit se fait avec les vieilles empeignes et les
vieilles tiges de bottes qu'on remet sur de vieilles semelles
retournées, assorties, et qui, au moyen de beaucoup de gros clous,
finissent par figurer une chaussure. » -- P. d'Anglemont.
DIXIÈME (Passer au): Devenir fou. -- Terme usité parmi les officiers
d'artillerie. Frappés du nombre des camarades que leur enlevaient des
attaques subites d'aliénation mentale, ils disent: Il est passé au
dixième (régiment), pour montrer combien ils sont décimés par des
pertes sur lesquelles l'étude des sciences exactes n'est pas, dit-on,
sans influence.
DOCTRINAIRE: « On donne ce nom à une secte de gens bilieux, mais
enchantés d'eux-mêmes, qui avouent que rien n'est plus raisonnable que
leur propre raison. » -- Ch. Blanc, 1844.
DODO: Lit. -- Redoublement de la première syllabe de Dormir. « Dans le
dodo jusqu'à midi, Je reste en attendant l'appétit. » -- La Femme comme
on en voit peu, chanson, 1789.
Faire dodo: Dormir.
DOIGT DANS L'OEIL (Se fourrer le): S'abuser, ne pas bien voir les
choses. Le nom de la cause est donné à l'effet. -- « Il s'est un peu
fourré le doigt dans l'oeil, le brave garçon. » -- De Goncourt. -- Se
fourrer le doigt dans l'oeil jusqu'au coude: Se faire de grandes
illusions .
DOMINO: Dent. -- Allusion de forme et de couleur. Pris en mauvaise part.
-- Quel jeu de dominos se dit de dents longues et jaunes. -- Les jolis
petites dents sont des quenottes ou des loulouttes. -- « Jouer des
dominos signifie manger. » -- Balzac.
Boîte aux dominos: Cercueil. -- Domino est pris ici pour os. Il y a de
plus quelque analogie d'aspect, car la forme du cercueil, comme celle de
la boîte, est oblongue. -- « Puisqu'on va l'un après l'autre Dans la
boite aux dominos. » -- E. Aubry, Chanson.
DONNER UNE AFFAIRE: Céder les renseignements propres à commettre un vol.
Se la donner: S'enfuir.
DONT AUQUEL: Auquel rien n'est comparable. -- « Car moi je suis un
militaire dont auquel. » -- Vadé, 1756.
DORMIR DEBOUT (Pied à): Pied démesurément large et long. -- « Votre
général qui a des pieds à dormir debout. » Gavarni.
Dos (Scier le): Importuner. V. Scier. -- « Moi, ça me scie le dos. »
-- Rétif, 1782.
En avoir plein le dos: Être assommé d'ennui. -- « Tu sais que j'ai de
la maison plein le dos? » -- Désaugiers.
DOSSIÈRE DE SATTE: Chaise de bois. -- Dossière: Prostituée de dernier
ordre. -- Mot à mot: femme sur laquelle tout le monde peut s'asseoir. V.
Calège.
DOUBLE: Sergent-major, maréchal des logis chef. L'insigne de ce sous-
officier est un double galon. -- « Si son double un soir pris d'humeur
noire veut tempêter .. il n'a pas le dernier. » -- Wado.
Double cholette: Litre (Vidocq). -- Double vanterne: Lunettes. --
Mot à mot: double vitre.
DOUBLER UN CAP: « Doubler un cap dans Paris, c'est faire un détour, soit
pour ne pas passer devant un créancier, soit pour éviter l'endroit où il
peut être rencontré. » -- Balzac.
DOUCE: Soie (Vidocq). -- Elle est douce au toucher.
À la douce: Doucement. -- « Comment qu'ça va, vous, à ce matin? --
Mais, merci, à la douce. » -- H. Monnier. -- On dit quelquefois à la
douce, comme les marchands de cerises, par allusion au cri de ce métier
(à la douce! à la douce!) .
DOUCETTE: Lime (Vidocq). -- Allusion au travail de la lime qui opère
tout doucement.
DOUILLE: Argent. -- « Il y a de la douille à grinchir. » -- Paillet. --
Du vieux mot double: monnaie. V. Roquefort. -- Douiller: Donner de
l'argent. -- Douillard: Homme qui a de la douille. -- « Oh! oh! fit-
il, un public ficelé! rien que des hommes et des douillards. » -- De
Pène.
DOUILLE: Cheveux. -- Du vieux mot doille: mou, délicat. V. Roquefort.
-- Douilles savonnés: Cheveux blancs. -- Douillure: Chevelure. --
Douillette: Crin (Vidocq) .
DOUX (Un verre de): « Un verre de liqueur sucrée, par opposition à un
verre de liqueur forte ou de rude. » -- Dhautel, l808 .
DRAGÉE: Balle. -- Allusion à la forme. -- « Il a reçu la dragée: Il a
été atteint d'une balle. » -- Dhautel, 1808.
DRAGUEUR: Banquiste (Vidocq) .
DROGUE: Mauvaise femme. -- On dit souvent drogue pour une chose de
mauvaise qualité.
DROGUER: Attendre infructueusement: -- Métaphore empruntée au jeu de la
drogue. -- « Vous droguez nuit et jour autour de sa maison.» -- G.
Sand. -- « Il m'a fait droguer plus d'une heure dans la rue. » --
Dhautel, 1808.
DROGUER: Dire. V. Girofle.
DRÔLE (Pas): Très-malheureux. -- Expression singulière, dont le peuple
de Paris connaît seul la valeur saisissante. Si quelqu'un est frappe par
un accident grave, on le plaint par ces mots: « Le pauvre homme! ça
n'est pas drôle! » Un homme sans ressources dira: « Je ne sais si je
mangerai ce soir, et ça n'est pas drôle. » -- « Et ça vous fiche des
coups... -- Ça c'est peu drôle. » -- Gavarni.
DULCINÉE: Maîtresse. -- Dû à la vogue du roman de Cervantes. -- « Une
mijaurée qui s'en fait accroire fait la Dulcinée du Toloso. -- Dulcinée
veut dire aussi une femme galante, une donzelle. » -- Dhautel, 1808.
DUR: Fer (Vidocq).
Dur: Eau-de-vie. V. Chenique. -- « Pour faire place aux petits
verres de dur. » -- Th. Gautier.
Dur à cuire: Homme solide, sévère, ne mollissant pas. V. Dhautel. -- «
En voilà un qui ne plaisante pas, en voilà un de dur à cuire. » -- L.
Reybaud.
Dure: Terre (Vidocq). -- On dit classiquement coucher sur la dure.
Dans ces quatre acceptions du mot dur, l'effet est pris pour la cause.
Être dans son dur: « Travailler avec ardeur et grande assiduité. Terme
de compositeurs typographes. » -- J. Ladimir.
DURÈME: Fromage (Vidocq).
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EAU D'AFFE: Eau-de-vie. V. Paf, Danser.
ECCE HOMO: Homme dont l'extérieur macéré rappelle celui d'un Christ. --
« Humilité incarnée, espèce d'ecce homo. » -- David.
ÉCHALAS: Jambe maigre comme un échalas (Dhautel). -- Les jambes fortes
sont des Poteaux. -- « Joue des guibolles, prends tes échalas à ton cou.
» -- Montépin .
ÉCHELLE (Tirer l'): Être aussi haut qu'on peut monter et, par
conséquent, n'avoir plus besoin d'échelle. -- Pris au figuré.
ÉCLAIRER: Payer d'avance au jeu. -- Mot à mot: faire luire (éclairer) sa
monnaie. -- « C'est pas tout ça, i'faut éclairer. C'est six francs. » --
Monselet.
ÉCLUSE (Lâcher 1'): Uriner. -- « Allons! il faut lâcher l'écluse du bas
rein » -- Parodie de Zaïre (dix-huitième siècle).
ÉCOSSAIS: Homme sans pantalon. -- Les Écossais ont les jambes nues. --
Hospitalité écossaise: Hospitalité gratuite. -- Usité depuis les
représentations de la Dame blanche.
ELBEUF: Habit de drap d'Elbeuf. -- « Si l'étoile au mérite N'orne pas
mon elbeuf usé. » -- Festeau.
EMBALLER: Arrêter, écrouer. -- « Tu vas nous suivre à la Préfecture. Je
t'emballe. » -- Chenu.
On dit d'un cheval emporté qu'il emballe son cavalier, sans doute
parce que celui-ci est réduit au rôle passif d'un simple ballot.
EMBALLES, EMBARRAS (Faire ses): « Faire son embarras: Faire beaucoup
d'étalage pour peu de chose. » -- Dhautel, 1808. -- Emballe est une
corruption d'embarras.
EMBLÈME: Mensonge, conte fait à plaisir. -- Terme ironique inventé sans
doute par un ennemi de l'allégorie mythologique dont le peuple comprend
mal les finesses. -- « Voyez quel emblème! Sa nièce d'Angoulême Nous met
tous à même. » -- Decourcelle, 1832. -- Emblêmir: Tromper (Vidocq).
EMBROUILLE (Ni vu, ni connu ! je t' ): Locution placée ordinairement à
la fin d'un récit pour peindre la rapidité d'un acte et la difficulté de
l'expliquer. V. Dhautel.
ÉMÉCHÉ: Ivre. -- Allusion à l'air échevelé des ivrognes. -- « Quand je
rentre un peu éméché après minuit, elle me dit: La cruche est dans le
coin. » -- Monselet.
EMMERDEMENT: Peine, ennui. -- Emmerder: « Figurément et d'une manière
ignoble pour attraper, ennuyer, obséder, injurier. » -- Dhautel, 1808.
EMMIELLER: Emmerder. -- « M'emmiell'ra Qui voudra! Moi, je n'm'emmielle
guère. » -- Valère, Chanson.
EMPAFFE: Drap de lit (Vidocq). -- Il est à remarquer que paffe veut
dire aussi soulier. Appliqué à des objets différents, ce même mot
semble être un essai d'harmonie imitative. On a voulu indiquer l'action
de se jeter sur le lit ou d'entrer son pied d'un seul coup dans de gros
souliers.
EMPAFFER: Enivrer. V. Paf.
EMPLÂTRE: Empreinte (Vidocq). _ Allusion à la couche de cire molle sur
laquelle est prise l'empreinte.
EMPOIGNER: Critiquer. -- « Attends donc à demain, mon cher, tu verras
comment Lucien t'a empoigné. » Balzac.
Empoigner: Séduire, émouvoir. -- « Me parlerez-vous de la fille aux
yeux bleus? Il parait que vous avez été solidement empoigné. » -- About.
-- On dit d'un drame à effet qu'il empoigne son public.
EMPOIVRER (S'): S'enivrer. -- Mot à mot: s'empourprer. V. Poivre. -- «
Les fêtes tu t'empoiveras avec ta largue au tapis franc. » -- Vidocq.
EMPORTER: V. Bachotteur. -- Emporteur à la côtelette: Grec exerçant
son art dans les cafés et dans les restaurants, à la suite d'un déjeuner
offert à sa dupe (Vidocq). -- Il emporte l'argent de son invité à la
côtelette, comme des troupiers emportent à la baïonnette une position.
-- « Les emporteurs sont des malfaiteurs qui, sous prétexte de payer
leurs achats à domicile, font emporter leurs acquisitions par des commis
du magasin. Le grand point, c'est de séparer le commis de sa
marchandise. Tantôt on le renvoie au magasin pour faire rectifier un
prix de la facture, tantôt on le fait entrer par une porte dans un hôtel
garni, et l'on en ressort par une autre. » -- Al. Monnier.
EMPOUSTEUR: « Escroc faisant métier de vendre à des détaillants des
produits dont le premier dépôt a été acheté par des compères. » --
Vidocq.
ÉMU: Troublé par les fumées du vin. V. Paff. -- Le buveur ému est
sur le point de s'attendrir. -- « Tu me crois ému, vieux... Allons
donc! je boirais dix fois autant. » -- Frémy. -- « Girard et Maret-
Boistrop rentrèrent au quartier légèrement émus, et on ne put les
réveiller à l'appel du soir. » -- Vidal, 1833.
ENCARRADE: Entrée. -- Encarrer : Entrer. V. Décarer.
ENFILADE: Série de pertes. -- « Ils croient que la veine est revenue,
mais ils ont une enfilade désespérante. » -- Paillet.
S'enfiler: « Terme de jeu. Se laisser aller à jouer gros et perdre. »
-- Dhautel, 1808. -- « Je m'enfile de douze sous. » -- Monselet.
ENCRE (Tremper son pied dans l'): Être consigné. Les soldats consignés
portaient autrefois une guêtre blanche et une guêtre noire. -- « Il ne
sait pas ce que c'est que de tremper son pied dans l'encre, et jamais
n'a entrevu la porte de la salle de police. » -- Vidal, 1833. -- V.
Criblage.
ENDÊCHER: Ruiner. -- « Je m'endêche de plus en plus; je viens de mettre
au clou la robe de soie. » -- H. de Lynol.
ENFANT DE CHOEUR: Pain de sucre (Vidocq). -- Allusion à sa petite taille
et à sa robe blanche.
ENFLACQUÉ: Emprisonné. -- Mot à mot: jeté en -- Du vieux mot flaquer:
lancer violemment. V. Roquefort. -- « C'est donner tout son argent à
l'homme enflacqué. » -- Balzac.
ENFLÉE: Vessie (Vidocq).
ENFONCER: Dominer. -- « Vous n'êtes pas de force au piquet; je vous
enfonce. » -- Gavarni.
Enfoncer: Duper. -- « Il m'apprenait la vie qu'il fallait mener pour
ne pas être enfoncé. » -- E. Sue.
Enfoncer: « Lorsqu'on réussit à perdre un journal à force de le
décrier, ou un théâtre à force de blâmes, cela s'appelle enfoncer la
feuille rivale ou le théâtre ennemi. » -- Biogr. des Journalistes,
1826.
Enfonceur: Agent d'affaires, faiseur (Vidocq).
ENFOURAILLER: Arrêter. -- Mot à mot: fourrer dedans. -- « Va-t'en dire à
ma largue que je suis enfouraillé. » -- Vidocq.
ENFRIMER: Dévisager. V. Frime.
ENGANTER: Voler, prendre. -- C'est un équivalent d'empoigner. Le gant
est pris pour la main. V. Chêne.
ENGRAILLER, ÉGRAILLER, ÉRAILLER . Attraper, prendre (Bailly).
ENGUEULEMENT: Bordée d'injures. -- « Vadé est le Démosthènes de
l'engueulement. » -- Catéch. poissard, 1844.
Engueuler: Invectiver. -- «Et puis j'vous engueule la vilaine. » --
Rétif, 1783.
ENLEVÉ: Réussi de prime-saut. -- On dit: un article enlevé, au
journal; une scène enlevée, au théâtre. -- Une oeuvre s'enlève à la
plume comme une position ennemie s'enlève a la baïonnette.
ENPLANQUER: Arriver. -- « La rousse enplanque. » -- Bailly.
ENQUILLER: Entrer. -- Mot à mot: jouer des quilles dans... V. Quille.
-- Ancien mot, car nous trouvons déquiller: sortir, dans Du Cange. V.
Baptême. -- Enquilleuse: V. Détourner_.
ENQUINER, ENQUIQUINER À LA COURSE: Insulter.
ENROSSER: Donner une rosse pour un bon cheval. -- « Des maquignons des
Champs-Élysées les ont enrossés. » -- Roqueplan.
ENTAULER: Pénétrer dans une maison. V. Taule.
ENTERVER, ENTRAVER: Savoir. -- Du vieux mot entrever. entrevoir. V.
Roquefort. -- « Électre le parlait, dit-on, divinement, Iphigénie aussi
l'entravait gourdement. » -- V. Bigorne.
ENTIFLEMENT Mariage. --Entifler: Épouser. V. Antifler.
ENTORTILLER: Circonvenir, captiver. -- « Ma chère, voici comment On
entortille un amant. » -- Festeau.
ENTRAÎNER UN CHEVAL: « L'animer et l'enivrer graduellement par la course
et par des obstacles légers d'abord, dont le plus grand est le dernier.
» -- Alph. Karr. -- Il y a des entraîneurs de profession.
ENTRAVER: V. Enterver.
ENTROLLEMENT: Vol (Vidocq). V. Dabe, Antroller.
ÉPATAGE (Faire de l' ), ÉPATE (Faire de l' ): Vouloir en imposer par un
grand étalage. -- « As-tu fini tes épates avec ta pelure de velours de
coton. # -- Les Cocottes, 1864. -- « Ces jeunes troupiers font de
l'épate, des embarras si vous aimez mieux. » -- Noriac.
Épater: Stupéfier, émerveiller. -- « Il nous regarda d'une façon
triomphante, et il dit à ses admirateurs: Je les ai épatés, les
bourgeois. -- Il avait raison: nous étions émerveillés. » -- P.
d'Anglemont. -- « Elle porte toujours des robes d'une coupe épatante. »
-- Les Étudiants, 1860.
Épateur: Faiseur d'embarras (Vidocq).
ÉPICERIE: Mesquinerie. -- « L'épicerie du siècle avait enfin rompu le
cercle magique d'excentricité dont Rodolphe s'était entouré. » -- Th.
Gautier, 1838.
Épicier: « Les romantiques n'avaient de commun que leur haine des
bourgeois qu'ils appelèrent génériquement épiciers (1830). La société ne
se divisa plus à leurs yeux qu'en bourgeois et en artistes, -- les
épiciers et les hommes. » -- P. d'Anglemont. -- Épicier s'emploie
adjectivement: -- « Allons, vraiment, c'est épicier. » -- Balzac.
ÉPICER: Railler (Vidocq). -- On dit de même saler pour Gronder.
ÉPINARD : Peint en vert cru. -- « Le mercier amateur de jolis paysages
épinard. » -- Daumier.
ÉPOUX, ÉPOUSE: Amant, maîtresse. -- « Vous pouvez amener vos épouses, il
y aura noces et festins; nous avons Adèle Dupuis, Mlle Millot, ma
maîtresse. » -- Balzac. -- « Les femmes elles-mêmes appellent leurs
amants: Mon époux. » -- L. Lespès. -- V. Monsieur.
ÉREINTEMENT: Critique excessive.
Éreinter: Maltraiter un écrit. -- « Tu pourras parler des actrices...
tu éreinteras la petite Noémie. » -- E. Augier. -- « Donc le livre de
Charles fut éreinté à peu près sur toute la ligne. » -- De Goncourt.
ES: Escroc (Vidocq). -- Abréviation.
ESBIGNER(S'): S'enfuir. -- « Et l'amant qui s'sent morveux, Voyant qu'on
crie à la garde, S'esbigne en disant: Si j'tarde, Nous la gobons tous
les deux. » -- Désaugiers.
ESBROUFFE: Fanfaronnades, étalage de grands airs. -- « Pas d'esbrouffe
ou je repasse du tabac. » -- P. Borel, 1833. -- « Faut pas faire ton
esbrouffe, vois-tu! ça ne prendrait pas. » -- Cogniard, 1831. Vol à
l'esbrouffe: V. Caroubleur.
Esbrouffer: Intimider, en imposer. -- Du vieux mot esbrouffer:
éclabousser. V. Du Cange. -- « Allons! mouche-lui le quinquet, ça
l'esbrouffera. » -- Th. Gautier.
ESCAPE, ESCAPER: Corruption d'Escarpe.
ESCARPE, SCIONNEUR: « Voleur détournant après minuit sur la voie
publique, par violence et quelquefois par assassinat. » -- Canler.
Escarper: Assassiner. -- Du vieux mot escharper: mutiler, couper en
morceaux (Roquefort). -- « Mais tu veux donc que je t'escarpe (que je te
tue). » -- E. Sue. -- V. Criblage.
ESCLAVE: Domestique, garçon de restaurant, de café. Le mot date de
Ponsard, de Rachel et du temps où l'on inventa de vraies coupes pour
boire du champagne. -- « Cet esclave pourrait dire vrai... Allons, va
prendre l'ancien écriteau. » -- Labiche.
ESCLOT: Sabot (Vidocq) . -- Mot de langue romane. Roquefort.
ESCOFIER: Tuer sur le coup. -- Usité dès 1808. -- Escofion voulait
dire autrefois ou Bonnet de femme ou Mauvais coup. Calotte à un degré
beaucoup plus faible présente encore ce double sens. -- « Trois
sentinelles ont déjà été escofiées » -- Cogniard, 1831.
ESCRACHE: Papiers. -- Diminutif d'escrit. -- « Le curieux a servi ma
bille, mais j'ai balancé mes escraches. » -- Vidocq. -- Escrache
tarte: Faux passeport.
Escracher: Demander le passe-port, interroger. -- « En passant le
portier vous escrache; J'étais fargué, mais l'habit cachait tout Le
jardinant, je frisais ma moustache; Un peu de toupet, et je passe
partout. » -- Chans. nouv., Dict. Le Bailly.
ESGARD (Faire l'): Dérober à ses complices une part de vol (Vidocq). --
Mot à mot: garder en dehors (exgarder) .
ESPALIER: Réunion de figurantes chargées d'animer un décor comme un
espalier garnit un mur. -- « Les petites filles qui se destinent à être
danseuses et qui figurent dans les espaliers, les lointains, les vols,
les apothéoses. » -- Th. Gautier. -- V. Bouisbouis.
ESQUINTEMENT: Fatigue extrême, lutte meurtrière.
Esquintement: Effraction. -- « Cambriolle tu maquilleras par carouble
et esquintement. » -- Vidocq.
Esquinter: Battre. -- « Ceux qui veulent se faire esquinter peuvent
venir me trouver, je m'appelle Bonne-Lame. » -- Vidal, 1833.
Esquinter: Harasser. -- « Que dirais-tu si, au lieu d'avoir le fouet à
la main, tu étais obligé de t'esquinter comme nous a la limonière? » --
Buchon.
Esquinter: Fracturer (Vidocq) . -- Roquefort donne avec le même sens
les trois verbes d'esquatir, esquacher, esquisar.
Esquinteur: Voleur par effraction. -- « Esquinteurs de boutogue:
Enfonceurs de boutiques. » -- Vidocq.
ESTOC: Esprit, malice (Vidocq). -- Acception figurée du mot qui désigne
ordinairement une pointe acérée.
ESTOM: Estomac. -- Abréviation. -- « Je lui appuie le genou sur l'estom.
» Monselet.
ESTORGUE: Fausseté. -- Chasses à l'estorgue: Yeux louches (Vidocq). --
Du vieux mot estor: duel, conflit. V. Roquefort. -- Deux yeux louches
ont l'air en effet de se contrarier; et, comme on dit dans le peuple,
ils se battent en duel. -- Un centre à l'estorgue (faux nom) amène de
même un malentendu (estor) . V. Dévider.
ESTOURBIR: Tuer. -- Mot à mot: mettre hors de combat. -- Du vieux mot
estor: choc, mêlée, duel.(Roquefort). -- « En goupinant de cette
sorte, les parains seront estourbis; il sera donc impossible de jamais
être marons. » -- Vidocq.
ESTRANGOUILLER: Étrangler (Vidocq). -- À peu de chose près, c'est le
latin strangulare.
ÉTEIGNOIR: Nez aussi gros qu'un éteignoir. -- « Ah! Quel nez! Rien que
de l'apercevoir, On s'dit: Dieu! quel éteignoir ! » -- Guinod 1839. --
V. Piston.
Éteignoir: Personne assez maussade pour éteindre la gaîté de ses
voisins
ÉTOILE: Croix d'honneur. -- « Ceux qui n'ont pas l'étoile disent: Bon!
je l'aurai une autre fois. » -- E. Sue. -- Avoir les deux, les trois
étoiles: Être nommé général de brigade, général de division. -- Les
étoiles placées sur l'épaulette sont la marque distinctive de ces deux
grades.
Étoile: Femme réputée en tel ou tel genre. On dit indifféremment: une
étoile du monde officiel, une étoile du monde galant, une étoile du
monde dramatique.
ETRANGÈRE (Piquer l'): Penser à des choses étrangères à celles qui
doivent occuper. -- « Il en est qui ne se font point scrupule de piquer
l'étrangère, bouquiner, piquer un chien, c'est-à-dire rêver pendant les
classes, lire des livres interlopes ou se pelotonner dans un coin pour
dormir. » -- La Bédollière.
ÊTRE (L'): Être trompé par sa maîtresse ou par sa femme. -- « C'est
notre sort... C'en est fait... je le suis. » -- Boucher de Perthes,
1836.
L'Être: Être vierge. -- « Je le suis encore, m'a-t-elle dit en riant,
je voudrais cesser de l'être par un joli homme comme toi. » -- Rétif,
1786.
Être avec: Être maître ou amant. -- « Être avec un Anglais, c'était
pour les femmes une fortune. » -- Villemot.
En être: Être agent secret de la police. -- « Il n'est pas assez malin
pour en être. » -- Balzac.
En être: Être pédéraste (Vidocq) -- Ménage, dans ses Origines, avait
commencé sa dissertation sur le mot Bougre par ces mots: Bougre: Je
suis de l'avis, etc. -- « Ah! lui dit Bautru en se moquant, vous en
êtes donc aussi et vous l'imprimez. Tenez! il y a bien moulé: Bougre je
suis. » -- T. des Réaux. -- On dit encore aujourd'hui dans le même sens
Il en est.
ÉTROITE (Faire son): Affecter un air virginal.
ÉTRON DE MOUCHE € Cire (Vidocq). -- Allusion au travail des abeilles.
ÉTUDIANTE: Maîtresse d'étudiant. -- « Toute étudiante pur-sang fume son
petit cigare. » -- L. Huart. -- V. Haute.
ÉVANOUIR (S'): Mourir, s'enfuir.
EXPÉDIER: Tuer. -- Mot à mot: expédier en l'autre monde.
EXTRA: Repas plus soigné qu'à l'ordinaire. « Je crois qu'on peut bien se
permettre un petit extra une fois par mois. » -- Canler. -- Aux tables
d'officiers, un extrà est un invité. -- Dans un café ou un restaurant
on appelle un extra, soit un plat demandé en dehors de la carte, soit
un garçon de supplément qui vient aider au service.
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FACE: Écu à l'effigie (face) royale. -- « Je n'ai plus de faces. La
drôlesse me chasse. » -- Decourcelle,
FACIÈS: Figure. -- « C'est mon épouse... Un assez beau faciès, hein ? »
-- Labiche.
FACTIONNAIRE: Excrément déposé aux abords de certains lieux, et semblant
crier aux souliers aventureux: On ne passe pas ici. -- « Dans les
escaliers à chaque instant, Elle vous pose des factionnaires Qui ne
Crient pas: Qui vive! aux passants. -- Le Portier, chanson, 1856.
FADAGE: Partage de vol. -- Fade: Part de vol. V. Vioque. -- «
Ruffart a son fade chez la gonore, dans la chambre de la pauvre femme. »
-- Balzac.
Fader: Partager. -- V. Coquer. -- De l'ancien verbe fadiar:
assigner. V. Roquefort.
FADASSE: Fade. -- « Le carnaval est bien fadasse cette année. » -- 1844,
Cat. poissard.
FADE, FADARD: Personne de mine ou de parler prétentieux. -- Mot à mot:
débitant de fadeurs. -- « Eh va donc, grand fade! » -- Ricard. -- « Est-
il devenu fadard? » -- Labiche.
FADEURS (Des): « C'est Anna. -- Avec qui est-elle? -- Avec son premier
amour, je crois. -- Des fadeurs!» Monselet. -- Cet exemple explique le
mot. C'est comme si on disait: À d'autres! Nous savons à quoi nous en
tenir sur ces fadeurs.
FAFFE: Papier -- Onomatopée. -- Faffiot: Papier blanc, billet de
banque. -- « On invente les billets de banque; le bagne les appelle des
fafiots garatés du nom de Garat, le caissier qui les signe. Fafiot!
n'entendez-vous pas le bruissement du papier de soie? Le billet de mille
francs est un fafiot mâle, le billet de cinq cents un fafiot femelle. »
-- Balzac. -- Faffiot sec: Bon certificat. -- Faffiot lophe: Faux
certificat. -- Faffioteur: Papetier (Vidocq).
FAGOT: Aspirant à l'École des eaux et forêts. -- C'est dans ces
dernières qu'on doit aller chercher la raison de ce sobriquet.
FAGOT: Ancien forçat. -- « Eh! mais! je connais cet homme-là. C'est un
fagot » -- V. Hugo.
FAIRE: Nouer une intrigue galante. -- Est-ce qu'un homme qui a la main
large peut prétendre à faire des femmes? » -- Ed. Lemoine.
Dans une bouche féminine, le mot faire indique de plus une arrière-
pensée de lucre. C'est l'amour uni au commerce. -- « Et toi, ma petite,
où donc as-tu volé les boutons de diamant que tu as aux oreilles? As-tu
fait un prince indien ? » -- Balzac. -- « Tu as donc fait ton
journaliste ? répondit Florine. -- Non, ma chère, je l'aime, répliqua
Coralie. » -- Id.
Faire: Faire la place, commercialement parlant. -- « De tous les
points de Paris, une fille de joie accourait rait faire son Palais-
Royal. » -- Balzac. -- « Je suis heureux d'avoir pris ce jour-ci pour
faire la vallée de l'Oise. » -- Id.
Faire: Voler. -- « Nous sommes arrivés à faire les montres avec la
plus grande facilité. » -- Bertall. -- « Son fils qui fait le foulard
à ses moments perdus. » -- Commerson
Faire sa poire: sa tête, sa Sophie, son Joseph, son étroite, ses
embarras, faire suisse. V. ces mots.
Faire, refaire au même: Tromper. -- « Je me suis engagé tantôt, et les
racoleurs qui croient m'avoir fait me retiennent. » -- « Garde-moi le
secret, brûle ma lettre; je veux faire ces drôles-ci... » -- Rétif,
1776. -- « Les soldats s'imaginent toujours que les sergents majors les
refont au même. » -- La Bédollière.
Faire: Risquer au jeu. « Nous faisions l'absinthe au piquet à trois.
», -- Noriac. Faire dans la quincaillerie, l'épicerie, la banque,
etc.: Faire des affaires dans la quincaillerie, etc.
Allez vous faire fiche: Allez au diable. -- « Ce mot couvre un
jurement très-grossier. » -- Dhautel, 1808.
Faire la tortue: Jeûner (Vidocq). -- On connaît la sobriété de la
tortue.
FAISEUR: On entend par faiseur l'homme qui crée trop, qui tente cent
affaires sans en réussir une seule, et rend souvent la confiance
publique victime de ses entraînements. En général, le faiseur n'est
point un malhonnête homme; la preuve en est facile à déduire; c'est un
homme de travail, d'activité et d'illusions; il est plus dangereux que
coupable, il se trompe le premier .en trompant autrui. » -- Léo Lespès.
0n connaît la pièce de Balzac, Mercadet le faiseur. Son succès a été
tel, qu'elle a doté le mot faiseur d'un synonyme nouveau. On dit un
Mercadet. -- Pour Vidocq, le faiseur n'est qu'un escroc et un
chevalier d'industrie. -- On dit aussi c'est un faiseur, d'un écrivain
qui travaille plus pour son profit que pour sa gloire.
FANAL: Estomac. -- Comparaison de l'estomac à une lanterne. -- « Ces
deux dames se fourraient par le fanal Petit vin, superbe hareng. » --
Chansonnier, impr. Stahl. -- « Se bourrer le fanal de bouillon de
rata. » Wado. -- On dit de même: Mettre de l'huile dans la lampe.
FANANDEL, FANANDE: « Ce mot de fanandel veut dire à la fois frères,
amis, camarades. Tous les voleurs, les forçats, les prisonniers sont
fanandels. » -- Balzac.
FANFFE: Tabatière (Vidocq). -- Fanfouiner: Priser. -- Onomatopée qui
rend assez bien le bruit produit par l'aspiration du tabac dans les
narines. Fanfouineur: Priseur.
FARCE: Comique. -- « C'est farce! Mais vous faites de moi ce que vous
voulez. » -- E. Sue.
Farces: Infidélités galantes. -- « On ne peut pas faire de farces à sa
Nini... v'là ce qui v vous chiffonne. » -- Gavarni.
Farceur: Homme sur lequel on ne peut compter
Farceuse: Femme galante. -- « Lorsqu'une farceuse voudra me séduire,
je lui dirai: Impossible ! » -- Amours de Mahieu, chanson, 1832.
FARGUE: Charge. -- Farguer: Charger. V. Escracher. -- Fargueur:
Témoin à charge.
FARRE: Vite. -- « Farre, farre, la marcandière, car nous serions
béquillés. » -- Vidocq.
FAUBOURIEN: Ouvrier des faubourgs de Palis. -- « Ces combats que la
jeunesse dorée livrait non sans succès aux farouches faubouriens, aux
septembriseurs endurcis. » -- Roqueplan.
FAUCHANT, FAUCHEUX: Ciseaux (Vidocq). -- Les ci seaux fauchent. --
Fauche-ardent: Mouchettes. -- Mot à mot: coupe-lumière.
FAUCHER: Couper. -- « Faucher, dans leur langage veut dire l'exécution
de la peine de mort. » -- Balzac. -- V. Colas. Terrer. -- Faucher
dans le pont: Couper dans le pont. V. ce mot. -- Faucheur: Voleur
coupant (fauchant) les chaînes de montre. -- Faucheur: Bourreau.
FENASSE: Mou, paresseux. -- Du vieux mot fenassil: tas de foin. V.
Roquefort.
FENDRE (Se): Commettre une prodigalité peu habituelle. -- « Descends
huit bouteilles. -- Puisque vous vous fendez, dit le peintre, je paie un
cent de marrons. -- Oh! oh! » -- Balzac. -- Le mot indique bien un jour
de largesses inaccoutumées. Ce n'est pas la bourse de l'avare qui se
fend, ce sont ses propres entrailles.
Se fendre jusqu'à s'écorcher: Pousser la prodigalité jusqu'au regret.
-- « Cadet, tu te fends; ca me flatte. Tu vas t'écorcher. » -- Cabassol.
Fendant: Faiseur d'embarras. V. Fignoler. -- « Ne fais donc pas tant
ta fendante. » -- 1844, Catéch. poissard.
FENÊTRE (Mettre la tête à la): Être guillotiné. -- Allusion au passage
de la tête dans la lunette. V. Raccourcir.
FENOUSE: Prairie (Vidocq). -- Du vieux mot fen: foin. V. Roquefort.
FÉODEC: Arbitraire (Vidocq) . Corruption de féodal_.
FERLINGANTE: Faïence, verre, cristal (Vidocq). -- Diminutif du vieux mot
frêle: fragile. V. Roquefort.
FERTILLIANTE: Queue (Vidocq). Allusion à son frétillement.
FESSES (S'en battre les): S'en moquer. « Va, je m'en bats les fesses,
et n'en fais pas le fin. » -- Parodie de Zaïre, dix-huitième siècle.
-- V. Miché_.
FESTONNER: Avoir une démarche que l'ivresse accidente comme des festons
de broderie. -- « Il va encore, ma foi, très-droit... c'est à peine s'il
festonne. » -- E. Sue.
FÉROCE: Laborieux, capable. -- C'est un féroce: C'est un homme tout
entier à son devoir, féroce sur l'exactitude avec laquelle il entend
le remplir. -- Il n'est pas féroce: Il n'est pas capable. V.
Méchant.
FÊTE:(Être de la): Être riche, avoir les moyens de festoyer. -- « Moi je
suis toujours de la fête, j'ai toujours bogue et bon radin. » -- Vidocq.
FEU (N'y voir que du): Être ébloui, aveuglé. -- « Et tu n'y verras que
du feu. » -- Cogniard, 1831.
FEUILLE A L'ENVERS (Voir la): « Sitôt, par un doux badinage, Il la jeta
sur le gazon. Ne fais pas, dit-il, la sauvage; Jouis de la belle saison.
Ne faut-il pas dans le bel âge Voir un peu la feuille à l'envers? » --
Cet exemple est pris dans la 177e Contemporaine de Rétif (édit. 1783);
mais la chanson est plus ancienne, car ses auditeurs ajoutent dans le
texte: Charmante quoique vieille!.
FEUILLE DE CHOU: Guêtre militaire, mauvais journal, titre non valable.
FEUX DE FILE (Ne pas s'embêter dans les): Être indépendant. -- Mot à
mot: faire feu à volonté. -- « Pour lors! not'colonel, qui ne s'embête
pas dans les feux de file... » -- Ancien Figno, 1827.
FICELER (Se): Soigner sa tenue. -- Les carottes de tabac étaient
autrefois ficelées avec beaucoup de soin. V. Chic. -- « Voilà maman
Vauquer belle comme un astre, ficelée comme une carotte. » -- Balzac.
FICELLE: Procédé de convention, acte de charlatanisme. M. Reboux a
publié, en 1864, Les Ficelles de Paris. -- « M. M..., pour animer la
statuaire, emprunte a la peinture quelques-uns de ses procédés; je
n'oserais l'en blâmer, si l'austérité naturelle de ce grand art ne
repoussait point les ficelles. » -- Ch. Blanc. -- « Mais il n'est pas en
relation avec les directeurs, et d'ailleurs il n'est pas outillé pour le
théâtre; il ne connaît pas les ficelles de la scène. » -- P.
d'Anglemont. -- « Ferdinand lui indiqua plusieurs recettes et ficelles
pour différents styles, tant en prose qu'en vers. » -- Th. Gautier,
1833.
Ficelle: Chevalier d'industrie. -- « Cadet Roussel a trois garçons:
L'un est voleur, l'autre est fripon. Le troisième est un peu ficelle. »
-- Cadet Roussel, chanson, 1793, Paris, impr. Daniel.
Cheval ficelle: Cheval de course léger et décousu.
Déménager à la ficelle : Déloger clandestinement par la fenêtre en
descendant certains objets à l'aide d'une ficelle. -- Mettre les
ficelles: Garrotter.
FICHAISE: Niaiserie, chose dont on peut se ficher. -- « Le passé n'est
qu'un songe, Une fichaise, un rien. » -- Vadé, 1756.
FICHANT: Navrant. -- « N'est-ce pas, mon vieux, c'est tout de même
fichant de se dire!... -- E. Sue.
FICHE DE CONSOLATION: Dédommagement. -- Terme de whist.
FICHER: Faire. -- Il est à remarquer que la finale de cet infinitif
s'élide presque toujours. -- « Mais voyons, Limousin, avec un méchant
budget d'une cinquantaine de millions, qu'est-ce que tu peux fiche? » --
Gavarni.
Ficher: Donner, flanquer. -- « Je l'ai fichue à l'eau. » -- E. Sue, --
« J'lui fiche un soufflet. » -- 1750, Cailleau. -- « Fiche-moi la paix.
» -- Jaime.
Dès la fin du quatorzième siècle, ficher se trouve souvent dans le
Livre des faicts du mareschal de Boucicaut (édit. Michaud). -- À une
déroute de Sarrasins, il est dit que les jardins favorisèrent beaucoup
leur retraite, car s'y fichèrent ceulx qui eschapper peurent (p. 276).
-- La même année (1399), on nous représente les Vénitiens après un
combat maritime s'en allant ficher en leur ville de Modon (p. 283). --
Enfin, « quand Chateaumorant, avec la compaignée des autres prisonniers
feurent arrivez à Venise, adonc on les ficha en forte prison (édit.
Petitot, t. II, p. 83). »
Ficher une colle: Conter un mensonge. -- « Pour mieux duper les
innocents, Être adroit à ficher la colle. » -- 1651, la Juliade --
V. Colle.
Ficher dedans: Tromper. V. Dedans.
Ficher la misère par quartiers: Être pauvre.
Ficher le camp: Décamper. -- « Mon enfant, fiche moi le camp. » --
Rétif, 177e Contemporaine, 1783.
Ficher (Se): S'habiller. -- « Faut-y que ca soit chiche de ne pas se
fiche_ en sauvage. » -- Gavarni.
Ficher: Fourrer. -- « Ne vas pas te ficher cela dans la cervelle. » --
Le Rapatriage, parade du dix-huitième siècle.
Je m'en fiche comme de colin-tampon: Je ne fais aucun cas de sa
personne (1808, Dhautel). -- On appelait colin-tampons les Suisses en
garnison à Paris. Les mazarinades en donnèrent plus d'une preuve.
Ficher (Se): Se moquer. -- « Vous vous fichez du monde. » -- Vadé, 1755.
-- « Ah bah ! je t'en fiche, il m'embrassait toujours. » -- L.
Beauvallet.
Allez vous faire fiche!: Allez au diable. -- « Ce mot cache un
jurement très-grossier. » -- Dhautel, 1808. -- « Eh bien! dis à
grand'maman qu'elle aille se faire fiche! » -- Gavarni.
Fichu: Capable. -- « Eh ! là-bas... y sont fichus de ne point
ouvrir... y faut donc enfoncer la porte... » -- H. Monnier.
Fichu, mal fichu: Mal accoutré. -- Tallemant des Réaux dit dans son
historiette sur Marville: « Le voylà tout aussi fichu que du temps de
Richelieu. »
Fichu: Détestable. -- « Cette fichue traduction l'avait pourtant fait
secrétaire interprète de la langue anglaise, » dit Tallemant des Réaux
en parlant de Maugars. -- « C'est là l'éloquence salote et le fichu
raisonnement de ce burlesque jugement. » -- La Juliade, Paris, 1651,
in-4. « Un fichu temps comme ça, c'est bon pour une grenouille. » --
Delange, Chansons. -- « Toinon, je ne vaux rien quand on m'ostine; je
m'connais! -- Une fichue connaissance que t'as là. » -- Gavarni.
Fichumacer: Diminutif de ficher. -- D'mandez moi donc où c'qu'est
Allé c'flaneux d' Cadet! C'qu'il peut fichumacer À l'heure qu'il est. »
-- Désaugiers.
FIDIBUS: Longue bande de papier pliée ou roulée tout exprès pour allumer
la pipe. Jeu de mots basé sur le pluriel de fides. -- Un fidibus
sert à plusieurs fois; il est assez long pour allumer plusieurs pipes.
-- « Un roman de G. Sand dont il fera un fidibus après l'avoir lu. » --
Ch. Rouget.
FIER: Grand. V. Blagueur. -- « Ça lui portera un fier coup. » --
Lubize. -- « C'est la mère Burette, une fière femme pour les cartes. »
-- E. Sue.
Fièrement: Grandement. -- « Que demain je lâche ma place, on me
tomberait fièrement dessus. » -- De Goncourt. -- « Y aura fièrement de
monde. Venez-y. » -- Vadé, 1788. -- V. Dégoûté, Tomber.
FIÈVRE CÉRÉBRALE: Accusation entraînant la perte de la tête (Vidocq). --
Jeu de mots.
FIGNOLER: Exécuter avec fion. -- « C'est qu'vous fignolait (la
contredanse). Dame, il y allait de tête et de queue. » -- Rétif, 1783.
-- « Quel style! comme c'est fignolé. » -- Labiche -- « C'est un
fignoleux, mais il fait trop le fendant à cause qu'il a du bec.» --
Vadé, 1788.
FIL (Avoir le): Être rompu à tel ou tel exercice. -- Allusion au fil qui
donne à une arme ou à un outil le dernier degré de perfection. -- «
Voyez comm'elle avait le fil Pour tramer la guerre civile. » --
Chansons, 1830. -- « Quand le jean-jean est passé de l'école du soldat
à l'école de peloton, il possède ce qu'on appelle le fil. » -- M. Saint-
Hilaire.
Une langue qui a le fil est une langue médisante, acérée comme une
lame fraîchement émoulue.
FIL EN QUATRE: « Voulez-vous une gorgée de fil en quatre? -- Je veux
bien... Elle est bonne, votre eau-de-vie. » -- H. Monnier, 1836. -- «
Allons, Auguste, un petit verre de fil en quatre, histoire de se
velouter et de se rebomber le torse. » -- Th. Gautier.
Fil en quatre signifie plus fort que le vin, car celui ci s'appelle
aussi fil en deux.
Fil en double: « Le vin s'appelle du fil en double. » -- Grandval,
1827.
FILASSE: Chevelure blonde (Vidocq). -- Filasse: Matelas. On y trouve
souvent plus de filasse que de crins. -- Piquer une tête dans la
filasse: Dormir.
FILET: Nuance délicate. -- « Peut-être aussi y a-t-il un filet de
concetti shakspearien, mais c'est peu de chose. » -- Th. Gautier.
FILER LE PARFAIT: S'abandonner aux chastes douceurs du véritable amour.
FILER: Suivre. -- « Un voleur se charge de filer la personne. » --
Vidocq. -- « Être filé signifie, dans le langage des débiteurs, que le
recors vous suit à la piste. » Montépin. -- Dans le même vocabulaire,
Être fumé_ signifie être arrêté.
Fi1euse: « Chanteur suivant les voleurs et les prenant en flagrant
délit, dans le seul but de faire payer son silence par une remise de 15
p.100. » -- Vidocq.
FILLE DE MARBRE: Courtisane. -- Une pièce de M. Barrière a consacré les
Filles de marbre, comme celle de Dumas fils a créé les Camélias, avec
cette différence toutefois que Camélia se prend en meilleure part. -- «
C'est à Paris que les filles de marbre apprennent péniblement le métier
qui les fait riches en une heure. » -- J. Janin.
FILS DE FER: Jambes très-minces.
FILOCHE: Bourse (Vidocq). -- Diminutif de filet. -- « Si ta filoche est
à jeun (si ta bourse est à vide). » -- E. Sue.
FIN (Faire une): Se ranger, en finir avec la vie de jeune homme. -- «
Cependant il faut absolument faire une fin. -- Dame, le siècle est
positif, et l'on trouve si difficilement à tailler un homme utile dans
la peau d'un vieux lion. » -- Deriège.
FINE: Excrément. -- Allusion a la fine moutarde. -- « Un vidangeur de
mes amis Nous a chanté la plus fine. » -- Aubry, Chanson. 1836.
FIOLE: Bouteille de vin. -- « Nous avons presque entièrement vidé nos
fioles. » -- Frémy. « Fioler_, c'est boire avec excès. » -- Dhautel,
1808. -- C'est un mot de langue romane. V. Roquefort.
FION: Élégance. -- « Un François enseignoit à des mains royales à faire
des boutons, quand le bouton étoit fait, l'artiste disoit: A présent,
Sire, il faut lui donner le fion. A quelques mois de là, ce mot revint
dans la tête du roi; il se mit à compulser tous les Dictionnaires
françois, Richelet, Trévoux, Furetière, l'Académie françoise, et il n'y
trouva pas le mot dont il cherchoit l'explication. Il appela un
Neuchatelois qui était alors à sa cour, et lui dit: Dites-moi ce que
c'est que le fion dans la langue françoise? -- Sire, reprit le
Neuchatelois, le fion c'est la bonne grâce... Graves auteurs, graves
penseurs, naturalistes, politiques. historiens, vous n'êtes pas
dispensés de donner le fion à vos livres; sans le fion vous ne serez
pas lus. Le fion peut s'imprimer dans une page de métaphysique, comme
dans un madrigal à Glycère. Académiciens qui parlez de goût, étudiez le
fion, et placez ce mot dans votre Dictionnaire qui ne s'achève point.
» -- Mercier, 1783.
Fionner: Faire du fion. -- « Ça s'fionne, ça se pavane et ça se carre.
» -- Bourget.
Fionneur: Homme recherché dans sa tenue -- « Le fionneur possède une
glace, huile antique, pommade du lion et cire à moustaches. » --
Bertall.
FISCAL: Riche. -- Allusion aux revenus du fisc (?). -- « A des favoris
côt'lettes...A son costume fiscal... » Léonard, parodie, 1863.
FISTON: Terme amical. -- Diminutif de fils. -- « Par ma fé, mon doux
ami, mon fiston. » -- Contes d'Eutrapel, seizième siècle.
FLACUL: Sac d'argent. -- Diminutif du vieux mot Flac: flacon. V.
Roquefort. -- Il y a ressemblance de forme. -- « Le vioque a des flaculs
pleins de bille; s'il va à Niort, il faut lui riffauder les paturons. »
-- Vidocq.
Flacul: Lit. -- « Je raplique au flacul qui m'attend. » -- Vidocq. --
Jeu de mots; c'est sur le lit qu'on faque son c-l.
FLAFLA: Grand étalage. -- Onomatopée.
FLAGEOLETS: Longues jambes flageolantes. -- « Il est monté sur des
flageolets. » -- Dhautel, 1808.
FLAMBANT, BARD: Superbe. -- « Les caporaux y trouvent une table un peu
flambarde. » -- La Bédollière. -- « T'es flambante comme une Vénus. »
-- E. Sue . -- Flambant: Artilleur à cheval . -- Flambard: Matelot.
-- « Eugène Sue est cause que la plupart des canotiers s'appellent
flambards. » -- Roqueplan.
FLAMBE: Épée (Vidocq) -- Allusion au flamboiement de la lame. --
Flambart: Poignard.
FLAMBÉ: Perdu en un moment. -- Usité dès 1808. V. Brûlé. -- « V'là mon
mariage flambé. » -- Cormon.
FLAMBER: Briller entre tous. -- « Des raretés qu'on offre à des filles
qui aiment à flamber. » -- Balzac.
FLAN (Du): Non. -- « Si on leur présentait zut, du flan et des
navets comme le fonds de la langue des vaudevillistes. » -- Villemot.
-- V. Zut. -- C'est du flan: C'est bon -- « J'aime mieux gouêper,
c'est du flan. » -- Vidocq. -- À la flan: Sans préméditation. V.
Caroubleur. -- Abréviation de à la bonne flanquette.
FLANCHE: Jeu de roulette. -- Flancher: Jouer franchement (Vidocq). --
Flancher, Flacher: Plaisanter (Bailly). -- Flanche: Plaisanterie.
FLANELLE: Flâneur galant qui se borne, près des femmes dont l'amour se
paie, à des frais de conversation. -- « Lèves-tu ce soir? -- Ah ouiche!
tous rapiats. -- Et celui-là qui t'allume! -- Flanelle! » -- Lem. de
Neuville.
FLANOCHER, NOTTER: Flâner tout doucement. -- «Il fit la rencontre d'un
beau page de Marie-Thérèse qui flanochait en rêvant. » -- Commerson. --
«- Nous flanottons depuis quinze heures. » M. Michel.
FLAQUER: Aller à la selle (Vidocq) -- Onomatopée.
FLÈME: Paresse invincible. Un jour de flème est un jour où il est
impossible de travailler. -- « Lundi, la flemm' m'accroche! » -- A.
Cahen, Chansons. -- En argot, battre sa flème veut dire flâner.
FLEUR DE MARIE: Virginité (Vidocq). -- Allusion a l'Immaculée
Conception. -- Fleur des pois: Homme à la mode.
FLOTTANT: Poisson (Vidocq). -- Flotter: Nager. -- Faire flotter:
Noyer.
FLOU, FLOUTIÈRE: Rien (Le Bailly).
FLOU: Douceur, légèreté (fluidus). -- C'est un mot de langue romane.
V. Roquefort. -- « Tu as dans le style on ne saurait dire quel moelleux,
quelle grâce ,quel flou. » -- L. Reybaud. -- Pris quelquefois
adjectivement.
FLOUER: Flouer n'est pas voler brutalement, c'est plutôt escroquer. On
dit Flouer des actionnaires mais on ne dit jamais Flouer un couvert
d'argent. -- Flouerie: Escroquerie. -- « Tous les frères flouent plus
ou moins leur soeur. » -- Balzac. -- Du vieux mot fluer (couler) pris
dans le sens actif. V. Roquefort. -- Flouer: Voler au jeu (Vidocq). --
Flouerie: Escroquerie. -- Floueur: Escroc. -- « Bien que notre
époque ait donné naissance à une effrayante quantité de floueurs de
toute espèce. » -- A. Dubuisson. -- Floueur: Grec (Vidocq)#
FLOUME: Femme (Vidocq). -- Au dix-huitième siècle, on disait Fumelle
pour Femelle.
FLUT: Non. -- Mot à mot: C'est comme si tu flûtais; -- locution dont
on use aussi pour refuser quelqu'un.
FLUTES: Jambes minces. -- Mot à mot: fluettes. -- « Arranger ses
flutes: Se disposer, prendre ses mesures. » -- 1808, Dhautel.
FLUTER: Boire. -- « C'est un gaillard qui flute joliment, un buveur
intrépide. » -- 1808, id. -- Allusion au bruit produit par l'aspiration
de chaque gorgée.
FOIRER: Défaillir au moment de l'action. Mot à mot: faire une cacade. On
connaît l'action du danger sur les intestins. Une mazarinade nous donne
l'équivalent de Foirer dans cet extrait: « On en alloit voir escamper
qui, pour rendre un prétexte honneste, auroient dit: J'ay mal à la
teste. Que de pisseurs, que de chieurs s'alloient séparer de Messieurs
et dont le lendemain l'absence fit voir le crime et la prudence. » --
Courrier burlesque, 1650, 2e pièce. -- Foireux: Poltron. V. Du Cange
(Dhautel, 1808). -- Foirou: Derrière (Vidocq) .
FOLICHONNER: Folâtrer. -- « Puis nous irons retrouver Florine et Coralie
au Panorama dramatique où nous folichonnerons avec elles dans leurs
loges. » -- BALZAC;
Folichon: « Homme d'une humeur folâtre qui fait le farceur et le
falot. » -- 1808, Dhautel.
Folichonneuse, nette: Fille réjouie et aimant le plaisir. -- « Je fus
épris, comme un toqué, D'une aimable folichonnette. » -- J. Kelm. -- «
Une folichonnerie cancane et me plaît mieux. » -- Aubry. 1842.
FONCER: Se précipiter. -- Abrév. d'enfoncer. -- « Trois coquins de
railles sur mesigue ont foncé. » -- Vidocq. -- Foncer, foncer à
l'appointement: Payer. -- Foncer: Donner. V. Dardant. -- Foncer un
babillard: Adresser une pétition. V. Babillard.
FORTIN: Poivre (Bailly). -- Diminutif de fort. -- Vidocq donne
Fretin.
FOUILLER (Tu peux te): Tu n'auras rien. -- Mot à mot: Si tu veux avoir
mon argent, tu peux fouiller dans ta poche et te payer toi-même. -- «
Justement mon propriétaire Vint me réclamer mon loyer. Je lui dis,
feignant la colère: Tu peux te fouiller. » -- Hardy, Chanson.
FOUILLOUSE: Poche. -- Mot à mot: endroit où l'on fouille. -- « Et vous
aurez, sçavez-vous quoy? force d'aubert en la follouse. » -- Vie de
Saint Christophe, Grenoble, l530.
FOUINER: S'échapper. -- Mot de la langue romane. V. Roquefort. -- « S'il
est pressé, qué qui l'empêche de fouiner? » -- Vadé, 1755. -- « Allons,
il faut fouiner, la queue entre les jambes. » -- P. Lacroix, 1832.
FOUR (Faire): Ne pas réussir. -- Se disait autrefois des comédiens qui
renvoyaient les spectateurs parce qu'ils n'avaient pas assez de monde
pour couvrir leurs frais. La salle, privée de l'éclairage ordinaire,
ressemblait à un four. -- « Nous faisons four, dit Lousteau, en parlant
à son compatriote la langue des coulisses. » -- Balzac.
FOURRIER: Être mauvais fourrier c'est s'acquitter de la distribution de
certaines choses de manière à satisfaire tout ayant droit. -- Être bon
fourrier veut dire le contraire. -- On saisit facilement l'ironie de
cette locution toute militaire.
FOURCHETTE: Homme de grand appétit, sachant bien jouer de la fourchette.
Fourchette: Réunion des doigts de la main (Bailly).
Voler de la fourchette: Voler à l'aide des deux premiers doigts qui
font fourchette et pince, en les introduisant dans la poche.
Jouer des fourchettes: Se sauver, s'enfuir (la Correctionnelle).
FOURCHU: Boeuf (Vidocq). -- Ses cornes font fourche.
FOURGAT, FOURGUE, FOURGASSE: Recéleur, recéleuse. -- « Chenàtre fourgat
litreras afin de solir surement.» -- Vidocq. -- Fourguer: Vendre à un
recéleur. -- Du vieux mot fourgager: placer dehors à moitié profit. V.
Roquefort.
FOURLINE: Filou. -- Fourliner: Voler (Vidocq). -- Du vieux mot
fourloignier: écarter. V. Litrer. -- Fourlineur: Tireur volant
dans les foules (Bailly).
FOURLOURE: Malade. -- Fourloureur: Assassin (Vidocq) .
FOURMILLER: Marcher. -- Fourmillon: Marché public. -- Mot expressif
qui peint bien le fourmillement des vendeurs et des acheteurs. V.
Parrain.
FOUTAISES: « Bagatelles de peu d'importance. On dit moins incivilement
fichaise. --
1808, Dhautel.
Pour le verbe d'où dérive ce substantif, voir- également Ficher, dont
il est en tout le synonyme. -- Quelques exemples suffiront à prouver que
son usage est général. Il signifie tour à tour:
Perdre: « Et bien, dit-elle, soit! ... ce qui est fait est fait, il n'y
a point de remède, qui est outu est outu. (Quelques docteurs disent
qu'elle adjoucta une F). » -- Contes d'Eutrapel (seizième siècle). --
« Certes on peut dire que tout est foutu pour eux (les mazarins),
puisque dans le festin des princes, le libérateur et les délivrez ont
beu, disant: À la santé du Roy et foutre du Mazarin! » -- Les Trois
Masques de bouc, ou la Savonette, 1651.
Se moquer: Une des brochures les plus violentes de la révolution de
1789 porte pour titre: Et je m'en fouts. -- « Ils ne s'en foutront
plus les coquins. » -- Hébert, 1793. -- « Je me fouts de la guillotine.
» -- P. Lacroix, 1832.
Frapper: « Nos Parisiens portent moustaches; Ils te foutront sur la
carcasse. » -- Layale, Ch., 1855, Carcassonne, impr. Polère.
Décamper : « Il médite encore pour foutre le camp. » -- Hébert, 1793.
Envoyer promener: Parmi des autographes en vente chez Charavay
(février 1862), figure une lettre où Mme de Graffigny, -- l'auteur des
Lettres péruviennes, -- dit à Devaux: « Oublie tes projets de retraite
et envoye faire... lolote tous les mauvais propos. »
Se dit aussi ironiquement pour refuser un prix demandé: -- « Cinquante
sols, je vous en fous! c'est trop cher. » -- Vadé, 1788.
Foutu: Mauvais. -- « A toy, foutu esprit, je fais ces foutus vers. »
-- Paroles grasses de Carême Prenant, 1589. -- « Chasser cette foutue
canaille. » -- Hébert, 1793. -- V. Fichu dont toutes les acceptions
sont les mêmes.
FOUTIMASSER: « Ne faire rien qui vaille. » -- 1808, Dhautel .
FOUTREAU: Combat, action de se foutre des coups. -- « Oh! il va y avoir
du foutreau, le commandant s'est frotté les mains. » -- Balzac.
FOUTRIQUET: Homme nul. -- « Tous les foutriquets à culottes serrées et
aux habits carrés. » -- 1793, Hébert. -- « Je serais la première à
t'aider de mes conseils maternels... mais correspondre à la passion d'un
foutriquet, fi! » -- Festeau.
FRAIS (Faire ses): Percevoir le dédommagement qu'on croit dû à des frais
d'esprit, d'amabilité ou de toilette. -- « J'en obtiens un rendez-vous,
et quoi qu'il arrive maintenant... j'ai fait mes frais. » -- E. Sue. --
« La littérature, primée en ce moment par la peinture, ne fait pas ses
frais. » -- Villemot.
FRALIN, FRALINE: Frère, soeur (Vidocq).
FRANGIN, FRANGINE: Frère, soeur. V. Servir, Altèque. -- Frangin
dabe: Oncle. -- Frangine dabusche: Tante. -- Mot à mot: frère, père,
soeur, mère.
FRAPPEUR (Esprit): Ce mot sert, depuis 1857 environ, à désigner la cause
de certains coups qu'on prétend frappés par des esprits invisibles et
qu'on s'est imaginé de traduire en langue vulgaire au moyen d'un
alphabet de convention. Les esprits frappeurs ont leurs sociétés, leurs
journaux et leurs souscripteurs.
FRÉGATE, CORVETTE: C'est le jésus de la marine (Vidocq). -- Allusion
au genre féminin de ces deux substantifs. Le masculin est représenté par
un brick, par le vaisseau et par l'aviso.
FRICASSER: Dépenser, ruiner. -- « J'ai fricassé ma masse les yeux
fermés. » -- E. Sue. -- « La ruyne généralle dont le royaume est menacé
si Paris estoit fricassé. » -- Second Courrier françois, Paris, 1649.
FRIC-FRAC: Effraction. -- Onomatopée. V. Caroubleur.
FRICHTI: Régal. -- Corruption du mot allemand früstück, déjeuner. -- «
Voilà ce que je te conseille; c'est de payer un petit frichti. --
Champfleury.
FRICOTEUR: Parasite, maraudeur. -- « Ces mauvais troupiers pillaient
tout sur leur passage. On les appelait des fricoteurs. » -- M. Saint-
Hilaire. -- « Quant a vos écuyers, chambellans et autres fricoteurs de
même espèce. » -- Van der Burch.
FRILEUX: Poltron. -- On dit aussi d'un brave qu'il n'a pas froid aux
yeux. -- « Il va sans dire qu'il n'a pas froid aux yeux. » -- Noriac. --
« Je suis un ferlampier qui n'est pas frileux. » -- E. Sue.
FRIME: Visage. V. Coquer, Altèque. -- Tomber en frime: Tomber en
face de. V. Gouêpeur.
Frimer: Dévisager (Vidocq) . -- Du vieux mot frume: grimace, air de
visage. V. Roquefort.
Frimousse: Visage. -- Diminutif de Frime. -- « C'est bien là le son du
grelot, si ce n'est pas la frimousse. » -- Balzac.
On a dit aussi: firlimousse: « Je voy bien à leur physionomie ou
firlimousse, mine et trogne, que l'une est subjecte au vin. » --
Parlement nouveau, par D. Martin, Strasbourg, 1660.
Frimousser: Tricher (Vidocq). -- Mot à mot: faire des signes de tête
révélateurs. -- Frimousseur: Tricheur.
FRISÉ: Juif (Vidocq). -- Allusion à un signe de race.
FRIT: Perdu, condamné -- Rien à frire: Rien à manger. -- « La guerre
en tous lieux si amère... tellement que plus rien à frire n'entrèrent à
Paris » -- La Miliade, 1651.
FROLLER: Médire. -- Du vieux mot froler: frotter. V. Du Cange. --
Frollaux: Traître (Vidocq). -- De là, le nom donné par Victor Hugo à
un personnage de sa Notre-Dame.
FROM: Fromage. -- Abréviation.
FRONT: « Le front, ce n'est point de la hardiesse. C'est la faculté de
faire bon visage en tremblant tout bas. L'effronté se force à oser. --
Ce qui distinguait M. Burot, c'était le front. » -- P. Féval. -- «Il
faut avoir du front pour faire de pareilles propositions. » -- Dhautel,
1808.
FROTESKANT: Dansant la froteska. -- « Mazourkant et froteskant sans
trêve ni relâche. » -- Montépin.
FROTTER: « Battre, rosser. » -- Dhautel, 1808. -- On dit aussi: Donner
une frottée.
FROUFROU: Bruit produit par le froissement d'une robe. -- Onomatopée. --
« Son oreille recueille précieusement le froufrou que fait la soie de sa
robe. » -- Ricard.
FROUSSE: Peur, frisson. -- Du vieux mot frillouseté: sensibilité au
froid. V. Frileux.
FRUIT SEC: « Les fruits secs sont ceux qui, après leur examen de
sortie, ne sont pas déclarés admissibles dans les services publics. » --
La Bédollière. --
Le mot s'explique de lui-même. Un fruit sec est un sujet dont les
aptitudes n'ont pu mûrir. -- L'Intermédiaire -- - (mai 1865) le fait
remonter au premier polytechnicien déclaré non admissible (1800), et
appelé fruit sec parce que sa famille lui envoyait beaucoup de
provisions.
FRUSQUES: « Les vêtements, en terme générique, sont des frusques; une
pelure est un habit ou une redingote; le pantalon est un montant. »
-- Mornand. Vient de l'ancien mot frusquin: bien mobilier. V.
Roquefort. -- Frusquineur: Tailleur.
FUMÉ: Perdu sans ressources. V. Filer . -- « Trahison ! nous sommes
fumés. » -- Mélesville.
FUMER, FUMER SANS TABAC: Bouillir d'impatience. Qui bout fume. -- « J'ai
cent mille fois, étant au bivouac, Fumé sans tabac. » -- Duverny, 1815;.
-- « L'époux dit: Ma femme entêtée A la mod' va se conformer, Et cela va
me faire fumer. » -- Metay, Chansons.
Fumiste: Trompeur, mystificateur, homme qui fait fumer les gens.
FUMERONS, FUSEAUX: Jambes maigres. -- Le fumeron est un gros brin de
fagot encore vert et fumant plus qu'il ne chauffe.
FUSÉE (Lâcher une): Vomir. -- Mot imagé.
FUSILLER: Donner un mauvais dîner. -- Usité dans l'armée.
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GABEGIE: Mauvais dessein. De l'ancien mot gaberie: tromperie. V
Roquefort. -- « Assurément, il y a de la gabegie là-dessous. » --
Deslys.
GABELOU: Employé des contributions indirectes. -- Du vieux mot
gabloux: officier de gabelle. V. Roquefort. -- « Bras-Rouge est
contrebandier... il s'en vante au nez des gabelous. » -- E. Sue.
GADOUE: Sale femme. -- Du vieux mot gadoue: ordure, fumier. -- « Fils,
mon fiston, roule ta gadoue, mon homme, ça pue. » -- Cat. poissard,
1844. -- Rouler veut dire ici Mener plus loin.
GAFE: Soldat de service. -- Gafe de sorgue: Patrouille. -- Gafer:
Guetter. -- Gafeur: Sentinelle (Vidocq). -- Est-ce une acception
figurée du vieux mot gafe: crochet? -- Gafer serait mot à mot
accrocher (V. ce mot) les malfaiteurs. C'est une image analogue à celle
que présente la raclette. V. ce mot.
GALAPIAT: Galopin. -- Corruption du mot. -- « Il dit aux avocats: Vous
êtes un tas de galapiats qui vous fichez du monde. » -- Balzac.
GAI (Être): Montrer une gaîté due à un léger excès de boisson.
GALETTE: Homme nul et plat; contre-épaulette portée autrefois par les
soldats du centre. -- « Pour revêtir l'uniforme et les galettes de
pousse-cailloux. » -- La Bédollière. -- Aux écoles militaires, une
sortie galette est une sortie dont tous les élèves profitent, même
ceux qui sont punis.
GALIER: Cheval (Bailly). V. Gayet.
GALIFARD: « Commissionnaire, saute-ruisseaux qui porte au client les
marchandises vendues au Temple. » -- Mornand.
GALIOTTE, GAYE: Partie entamée entre une dupe et deux grecs.
GALONS (Arroser ses): Payer à boire lorsqu'on est promu sous-officier.
-- « Je ne dis pas que... avec les camarades, pour arroser mes galons. »
-- Cormon.
GALOP: Réprimande énergique. -- « Tu as tant fait que ma mère va me
donner un galop. » -- Champfleury. -- Allusion au bruit précipité des
paroles.
GALOPER: Envahir au galop. Très-expressif et toujours pris au figuré. --
« Voilà la peur qui me galope. Qu'est-ce que je pourrai dire? » -- E.
Sue. -- Galoper: « Travailler à la hâte, bousiller un ouvrage. » --
1808, Dhautel.
GALUCHER: Galonner. -- Corruption de mot. -- « J'li ferai porter
fontange et souliers galuchés. » -- Vidocq. -- V. Tirant.
Galuchet: Valet de cartes. -- Allusion aux galons de sa livrée. -- «
Cinq atouts par le monarque son épouse et le galuchet. » -- Montépin. --
« Qu'est-ce que c'est que ça, galuchet? -- C'est le valet. » -- Méry.
GALVAUDAGE: Tripotage. -- « Surtout pas de galvaudage ni de chipoteries.
» -- Balzac. -- Se galvauder: Compromettre sa réputation.
GAMBILLER: Danser. -- Mot de langue romane. V. Roquefort. -- Tout
récemment une danseuse du Casino portait le sobriquet de Gambilmuche.
V. Coquer. -- Gambille: Jambe. Diminutif du vieux mot gambe.
GAMME (Monter une): Gronder, tancer crescendo.
GANACHE: « On dit d'un homme âgé et radoteur: C'est une vieille ganache.
» -- Dhautel 1808. -- Du vieux mot ganache: grosse mâchoire. V. ce
mot. -- « Le père ganache ou le père dindon, ou bien encore le
compère, c'est le nom d'un emploi dans lequel le père Brunet et
Lepeintre jeune ont excellé. Ce type du vieillard imbécile et crédule
est une création de Térence. On lui a donné le nom de ganache, à cause
des efforts que fait la mâchoire pour articuler des sons. » -- Duflot.
Ganache: Ennemi du progrès. -- « Il déblatérait contre les ganaches de
la Chambre. » -- G. Sand.
Ganache: Fauteuil de forme basse. -- « Puis s'étant blottie dans une
ganache, elle tendit ses jambes. -- Achard.
GANDIN: Dandy ridicule. Du nom d'un personnage de vaudeville. -- «
L'oeillet rouge à la boutonnière, Les cheveux soigneusement ramenés sur
les tempes comme deux gâteaux de pommade, le faux-col, les entournures,
le regard, les favoris, le menton, les bottes; tout en lui indiquait le
parfait gandin, tout, jusqu'à son mouchoir fortement imprégné d'essence
d'idiotisme. » -- Figaro, 1858.
Gandinerie, Gandinisme: Genre du gandin. -- « La population du quartier
latin aspira à la gandinerie, elle n'eut plus qu'un but, le luxe. » --
Le Passé de ces Dames, 1860. -- « Le gandinisme, c'est le ridicule
dans la sottise. » -- G. Naquet.
Monter un gandin: Dans l'armée d'Afrique, c'est essayer de consommer
sans payer le cabaretier maltais. » -- De Vauvineux. Gandin:
Tromperie. -- Du vieux mot gandie_: tromperie. V. Du Cange.
Gandin d'altèque: Croix, décoration:- (Vidocq) .
GANTS (Donner pour les): Donner une gratification en sus du prix convenu
-- Expression dont l'usage est restreint au monde de la galanterie
banale. Prise au dix-septième siècle dans l'acception générale de
pourboire. Elle venait de l'espagnol paragante. -- « Et le luy
rendoit moyennant tant de paragante. » -- T. des Réaux.
GANT JAUNE: « Il n y a plus que deux classes d'hommes en France...ceux
qui portent des gants jaunes et ceux qui n'en portent pas. Quand on dit
d'un homme qu'il porte des gants jaunes, qu'on l'appelle un gant jaune,
c'est une manière concise de dire un homme comme il faut. C'est en effet
tout ce qu'on exige pour qu'un homme soit réputé comme il faut. » --
Alph. Karr, 1841.
GARÇON DE CAMBROUSE: Voleur de campagne. -- « La cognade a gayet
servait
le trèpe pour laisser abouler une roulotte farguée d'un ratichon, de
Charlot et de son larbin et d'un garçon de cambrouse que j'ai reconobré
pour le petit Nantais. » -- Vidocq. -- Au moyen âge, garson signifiait
souvent vaurien. V. Roquefort.
GARDE (Descendre la): Mourir. -- « Kléber, un grand mâtin qu'a descendu
la garde, assassiné par un Égyptien. » -- Balzac.
GARÉ DES VOITURES: Prudent et rangé. -- L'effrayant tohu-bohu de la
circulation parisienne devait enfanter ce synonyme.
GARGAMELLE, GARGOINE, GARGUE: Gosier. -- Du bas latin _. V. Du Cange.
-- De là le nom de Gargamelle donné par Rabelais à une gourmande. --
Notre langue usuelle a encore Gargariser. V. Taper_.
GARIBALDI: Courte chemise rouge, petit chapeau de feutre. -- Allusion au
costume du patriote italien. -- « On peut faire le dandy, La vareuse en
futaine Et le Garibaldi Sur le coin de l'oreille. » -- Le Gai Compagnon
maçon, chanson.
GARNAFIER: Fermier. -- Garnafle: Ferme (Vidocq).
GARNI: « Un lit en bois peint, une commode en noyer, un secrétaire en
acajou, une pendule en cuivre, des vases de porcelaine peinte avec des
bouquets de fleurs artificielles sous verre; cela s'appelle un garni. »
-- Champfleury.
GAUDINEUR: Décorateur (Vidocq). -- De gaudiner: s'amuser. V.
Roquefort. -- La gaîté des peintres en bâtiment est proverbiale.
GAULOIS: « Autrefois c'était peut-être un compliment à un écrivain que
de dire: Vous êtes Gaulois. L'esprit gaulois, c'est-à-dire la belle
humeur triviale, est devenu un anachronisme. » -- Aubryet.
GAULÉ: Cidre (Vidocq). -- Mot à mot, boisson gaulée dans les pommiers.
GAUX: Pou (Vidocq).
GAVÉ, GAVIOLÉ: Ivre (Vidocq) . -- Mot à mot: gorgé jusqu'au gosier. --
Du vieux mot gaviot: gosier. V. Roquefort.
GAVOT: Compagnon. V. Dévorant
GAY: Laid, drôle (Vidocq).
GAYERIE: Cavalerie (id.) .
GAYET, GALIER: Cheval. -- Mot ancien; car on trouve dans Roquefort le
diminutif gaillofre; mauvais cheval, rosse. V. Garçon.
GAZ (Lâcher le): Pêter. -- Double allusion à la nature et à la mauvaise
odeur de l'expulsion. -- « D'autres dans un coin, mais sans honte,
Lâchent le gaz et font des renards. » -- Chansonnier, 1836.
Faire son gaz: Aller à la garde-robe (Dict. d'Argot, 1827.
GAZON: Perruque mal peignée, ébouriffée comme une touffe d'herbes.
GAZOUILLER: Parler. -- Mot de langue romane. V. Roquefort. -- « Laquelle
de tous les deux qu'a le plus de choses dans le gazouillage. » -- Vadé,
1788.
GENOU: Tête chauve. -- « Il ébauchait une calvitie dont il disait lui-
même sans tristesse: Crâne à trente ans, genou à quarante. » -- Victor
Hugo.
GENRE: Ostentation. -- « Un éteignoir d'argent, pus que ça de genre! »
-- La Bédollière. -- Monsieur fait du genre: Monsieur fait ses
embarras.
GERBER: Juger (Vidocq). -- Mot à mot: réunir tous les actes de la vie
passée, en faire une gerbe, un faisceau pour l'accusation. --
Gerbement: Jugement. V. Manger. -- Gerberie: Tribunal. --
Gerbier: Juge.
Gerber à la passe: Condamner à mort. -- On dit souvent en parlant de
la mort: Il faut la passer. -- On va le buter. Il est depuis deux mois
gerbé à la passe. » -- Balzac.
GÉRONTOCRATIE: Puissance de la routine et des anciennes idées,
représentées au théâtre par le type de Géronte. -- « La gérontocratie
sous laquelle tout se flétrit en France. » -- Balzac.
GIBERNE (Enfant de): Enfant de troupe.
Taper sur la giberne: Taper sur le derrière. -- Allusion à la place
ordinaire de la giberne. -- « Je lui détache un coup de pinceau sur la
giberne. » -- Monselet.
GIGUE: Jambe. -- Gigot est resté. -- Au moyen âge, gigue signifiait
cuisse. -- « Je me jette sur tous les deux en empoignant le Maître-
d'École par une gigue. " -- E. Suc. -- De là gigoter: remuer les
jambes. -- « Ils gigotaient sous l'archet de Musard. » -- Chauvelot
aîné.
GINGINER: Faire une oeillade. -- « Elle gingine à mon endroit... » --
Gavarni.
GILBOQUE: Billard (Bailly). -- Onomatopée.
GINGLARD: Piquette. -- Diminutif du vieux mot ginguet: petit vin fort
aigre. V. Roquefort. -- « Nous avons arrosé le tout avec un petit
ginglard à six qui nous a fait éternuer. .. oh! mais, c'était ça »
Voizo, Chanson_.
GIROFLE: Jolie, aimable, bonne. « Montron drogue à sa largue: Bonnis-moi
donc, girofle. » -- Vidocq. -- V. Coquer. -- Giroflerie: Amabilité.
-- De girolle: très-bien .
GIROLLE: Très-bien. V. Gy.
GIRONDE: Jolie fille. -- Terme de mépris (Bailly).
GIROFLETTER: Souffleter. -- De giroflée à plusieurs feuilles:
soufflet. -- « Ah! l'a-t-elle giroflettée! » -- Balzac. -- « Je vous lui
donnai une giroflée a cinq feuilles sur le musiau. » -- Rétif, I783.
GIROUETTE: Homme politique dont les opinions changent selon le vent de
la fortune. -- On a publié depuis 1815 quatre ou cinq Dictionnaires de
Girouettes.
GITRER: Posséder (Vidocq). -- Au moyen âge, on trouve gie pour j'ai.
V. Roquefort.
GIVERNEUR: Vagabond couchant dans la rue (Vidocq).
GLACE, GLACIS, GOBBE: Verre à boire (Vidocq). -- Le nom de la matière
est appliqué à l'objet dans glace. -- Glacis est un diminutif. --
Gobbe est une abréviation de gobelet.
GLAVIOT: Crachat. -- Le Dictionnaire Dhautel dit Claviot. -- De
gaviau: gosier. V. Du Cange.
GLISSANT: Savon (Vidocq). -- Allusion d'effet.
GLORIA: Petit verre d'eau-de-vie versé dans une tasse de café. -- « A la
chaleur d'une demi-tasse de café bénie par un gloria quelconque. » --
Balzac. -- « De même que le gloria patri se dit à la fin des psaumes,
ce gloria d'un autre genre est la fin obligée d'un régal populaire. » --
Encyclopédiana.
Gloria: Demi-demi-tasse. -- « Ne fût-ce qu'une absinthe ou un gloria.
» -- About.
GNAN-GNAN: Personnage mou, sans consistance. -- Redoublement du vieux
mot niant: rien. V. Roquefort. -- Gnolle et Gnognote sont des
diminutifs. -- Talma écrivait à Mme Bourgoin, le 19 septembre 1825: «
Vous avez prouvé au public et à vos camarades que vous êtes en état de
jouer autre chose que des gnans-gnans. »
Gnognote: Chose sans valeur. -- « Josepha... c'est de la gnognote. «
-- Balzac.
Gnolle: Mou, sans force. -- « Mais il est si gnole ce gouvernement! il
est si feignant! si propre à rien. » -- Montépin. -- « Pas si gnolle,
c'est des gosses ». -- Rousseliana, 1805.
GNIAFFE: Cordonnier en vieux. -- « C'est le cordonnier gniaffe que nous
nous sommes proposé surtout de peindre. » -- P. Borel.
Go (Parler en): « Quand les termes qu'il s'agit d'altérer (en argot)
sont trop courts pour pouvoir être abrégés, ils reçoivent seulement une
terminaison qui en change la physionomie; devient lago; là-bas,
labago; ici, icigo; Versailles, Versigo. » -- Marty Laveau. -- (V.
Mar, Man, Rama, Lem.)
GOBER (La): Mourir, avaler une bourde, être victime d'un accident. -- «
Ce poltron-là, c'est lui qui la gobe le premier. » -- L. Desnoyer -- «
Si bien que j'suis dupé, C'est moi qui la gobe. » -- Chanson, 1854. --
V. Esbigner.
GOBESON: Calice (Vidocq). -- Diminutif de Gobbe.
GOBICHONNADE, NAGE: Régal, festin. V. Bitture. -- « En avant la
gobichonnade! « -- Labiche.
Gobichonner: Se régaler. -- Diminutif du vieux mot gobiner qui avait
le même sens. V. Roquefort. -- « Il se sentit capable des plus grandes
lâchetés pour continuer à bien vivre... à gobichonner de bons petits
p]plats soignés. » -- Balzac.
Gobichonneur: Gourmand -- « Le roi, le triomphateur des gobichonneurs.
» -- La Bédollière.
GOUTTE: Ration d'eau-de-vie que les soldats boivent habituellement le
matin avant l'appel, et les ouvriers avant l'heure du travail. --
Allusion à la petite dose (goutte) d'alcool qu'on prend ou qu'on est
censé prendre. -- « J'appelis ma mère qui buvait sa goutte au P'tit
trou. » -- Rétif, 1783. -- « Mais pourvu qu'on paie la goutte aux
anciens, N'est-ce pas, colonel? » -- Gavarni.
GODDEM: Anglais. -- « Un gros Auvergnat piqué jusqu'au vif, Au Goddem
mettant le poing sous le pif. » -- Festeau. -- M. Fr. Michel trouve
godon dans les Poésies de Crétin, 1513. -- « Cryant qui vive aux
godons d'Angleterre. » -- Mais Godon signifie là glouton et non
goddem. V. Du Cange.
GODILLER: Arriver au paroxysme du désir. -- Diminutif de gaudir: se
réjouir. V. Roquefort. -- Louis Festeau a chanté Monsieur Godillard.
GONZE, GONZESSE: Homme, femme. V Regout, Raleur. -- Pris souvent dans
le sens de Bourgeois à dépouiller. -- « Mais votre orange est fichée.
Elle n'a point de queue? -- Allez donc, gonze. » -- Vadé, 1788.
GOGUETTE: Société chantante. -- Au moyen âge, ce mot signifiait
Amusement, réjouissance. -- « Il y a environ trois cents goguettes à
Paris, ayant chacune ses affiliés connus et ses visiteurs. L'entrée de
la goguette est libre. » -- Berthaud. -- L'affilié de la goguette est un
goguettier.
GOGUENOT: « Grand quart, vase de fer-blanc de la contenance d'un litre
dont se munissent les troupiers d'Afrique. Il va au feu, sert à prendre
le café, s'utilise comme casserole et comme gobelet. » -- De Vauvineux.
Goguenot: Baquet servant de latrines portatives. -- « La meilleure
place, la plus éloignée de la porte, des vents coulis et du goguenot
ou thomas. » -- La Bédollière.
Goguenaux: Lieux d'aisance. -- « Il fumera dans les goguenaux aux
jours de pluie. » -- La Cassagne.
GOGO: Dupe, homme crédule, facile à duper. -- Abréviation du vieux mot
gogoyé: raillé, plaisanté. V. Roquefort. -- Villon paraît déjà
connaître ce mot dans la ballade où il chante les charmes de la grosse
Margot qui... « Riant, m'assit le point sur le sommet, Gogo me dit, et
me lâche un gros pet. » -- « C'est en encore ces gogos-là qui seront les
dindons de la farce. » -- E. Sue. -- « Avec le monde des agioteurs, il
allèche le gogo par l'espoir du dividende. » -- F. Deriège.
GOSSE, GOSSELIN: Enfant, enfant mort-né. Quelquefois aussi, c'est un
synonyme de jésus.
GOUALER: Chanter. -- Vient, comme gueuler, du vieux mot goule
(gula): gosier. -- Goualeur, leuse: Chanteur, teuse.
GOUAPE, PEUR, PEUSE: Débauché, coureur. -- On trouve dans Horace
vappa, avec le sens de vaurien. -- Vigneul-Marville (dix-septième
siècle) dit qu'il y a en Espagne de jeunes seigneurs appelés guaps qui
ont rapport à nos petits-maîtres. -- « Pauvre Depuis, marchand de vin
malheureux, que de gouapeurs trompèrent ta confiance! » -- Monselet. --
En 1836, J.-E. Aubry a fait une chanson intitulée: le Gouappeur, très-
complète comme physiologie.
Gouêpeur: Vagabond. -- « Sans paffes, sans lime, plein de crotte,
aussi rupin qu'un plongeur, un soir un gouêpeur en ribotte tombe en
frime avec un voleur. » -- Vidocq. -- « Quant aux vagabonds adultes
qu'on désigne en style d'argot des goêpeurs. » -- M. Christophe. -- « Je
couchais les bonnes nuits dans les fours à plâtre de Clichy en vrai
gouêpeur. » -- E. Sue.
Gouape: Débauche. -- « Mes amis, unissons nos voix pour le triomphe de
la gouape. » -- L. Reybaud. -- « J'aime mieux jouer la poule. -- Parce
que t'es un gouêpeur, mais ceux qui préfèrent le sentiment la gouape,
c'est pas ça. » -- Monselet.
Gouêper: « J'ai comme un brouillard d'avoir gouêpé
(vagabondé) dans mon enfance avec un vieux chiffonnier. » -- E. Sue.
GOUGNOTTE, GOUSSE: Tribade. -- D'où les verbes gougnotter et
gousser.
GOUJON (Avaler le): Mourir. -- Quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, il
faut avaler le goujon. » -- 1815, Francis. -- Se dit aussi pour Tomber
dans un piège.
GOULU: Poêle (Vidocq). _ Il avale beaucoup de bois.
GOUPINER: Voler. V. Estourbir, Butter. -- « Voilà donc une classe
d'individus réduite à la dure extrémité de travailler sur le grand
trimar, de goupiner » -- Cinquante mille voleurs de plus à Paris,
Paris, 1830, in-8. -- « J'ai roulé de vergne en vergne pour apprendre à
goupiner. » -- Vidocq.
GOURDEMENT : Bien, beaucoup. V. Pavillonner, Artie.
GOUREUR: « Les goureurs sont de faux marchands qui vendent de
mauvaises marchandises sous prétexte de bon marché. -- Le faux marin qui
vend dix francs des rasoirs anglais de quinze sous... goureur. -- Le
chasseur d'Afrique qui rapporte d'Alger des cachemires... goureur. --
L'ouvrier qui a trouvé une montre d'or et qui veut la vendre aux
passants... goureur. -- A. Monnier.
GOUSPIN: Mauvais gamin. -- Diminutif du vieux mot gous: chien. -- «
Quarante ou cinquante jeunes gouspins bruyants et rageurs. » --
Commerson.
GOUSSE: V. Gougnotte. -- Mot à mot chienne.
GOUSSET PERCÉ (Avoir le): n'avoir pas un sou en poche. -- « Comment
faire quand on a le gousset percé » -- Letellier, Chanson, 1839.
GOYE: Dupe, niais. -- Signifie depuis longtemps Chrétien chez les juifs.
-- « Le goye te mire, le pante te regarde. » -- Monselet.
GRAILLONNER: Parler (Vidocq). -- Diminutif du vieux mot grailler:
croasser. V. Roquefort.
Graillonneur: Homme qui expectore souvent. -- « Comme c'est ragoûtant
d'avoir affaire avant son déjeuner à un graillonneur pareil! » -- H.
Monnier.
GRAIN (Écraser un): Boire la goutte. Plus applicable à l'alcool dans
lequel on conserve quelques grains de v verjus. -- « Est-ce que nous
n'écrasons pas un grain? » -- La Bédollière.
GRAINE D'ÉPINARDS: Épaulette d'officier supérieur. -- Avant d'avoir
quitté la branche, ces graines ressemblent en effet assez aux grosses
torsades d'épaulettes. -- « Les grands qui viennent au monde avec des
épinards d'amiral sur l'épaule. » -- L. Desnoyer. -- « Graine d'épinards
à part, les officiers du 101e sont tous supérieurs. » -- Noriac.
GRAISSE: Argent. -- Il y a gras, il y a de la graisse: Il y a un bon
butin à faire. -- « Il n'y a pas gras! » -- Gavarni.
Voler à la graisse: Se faire prêter sur des lingots d'or et sur des
diamants qui ne sont que du cuivre et du strass. (Vidocq).
Graisser la marmite: Payer sa bienvenue. -- A mon régiment, M'fallut
graisser la marmite, Et j'n'ai plus d'argent. » -- Vachelot, Chansons,
1855.
Graisser la patte: Remettre une somme de la main à la main, corrompre.
Graisser ses bottes: Se préparer au départ, et au figuré: Être près de
mourir.
GRAND TURC: Le Grand Turc et Le roi de Prusse jouissent d'un égal degré
de la faveur d'être employés lorsqu'il s'agit d'une fin de non-recevoir.
-- « Ma chère, il pense à toi comme au Grand Turc. » -- Bal: zac. -- « A
qui voulez vous que je Le dise donc ? au Grand Turc ? » -- Murger.
GRAS (Parler): Tenir des propos grivois (1808, Dhautel) .
GRAS-DOUBLE: Feuille de plomb) (Vidocq). -- Allusion à la facilité avec
laquelle on la roule. -- Gras-doublier: Voleur de plomb. C'est sur les
toits qu'il exerce ordinairement. V. Limousineur.
GRAS (Il y a): V. Graisse, Train. -- « Faire tant d'embarras, Quand
dans le gousset y n'i a pas gras. » -- Metay, Chansons.
GRATTE: Abus de confiance. -- «Il y a de la gratte là-dessous. » -- la
Correctionnelle.
Gratter: Voler. -- « Au diable la gloire! il n'y a plus rien à
gratter. » -- M. Saint-Hilaire.
Gratter: Arrêter (Vidocq). V. Raclette.
GRATTE-COUENNE: Barbier. -- Mot à mot: gratte-peau.
GRATTE-PAPIER: Fourrier. -- Allusion à ses fonctions de scribe. V.
Rogneur.
GRATTOIR: Rasoir (Vidocq). -- Il gratte l'épiderme. -- Grattouse:
Dentelle. -- Elle gratte aussi légèrement la peau.
GRÊLE:: Tapage (Bailly) -- Allusion au bruit de la grêle.
GRENADIERS (Tirer aux): V. Tirer
Grenadier: Pou. V. Négresse.
GREFFIER, GRIFFON: Chat. -- Mot à mot: qui griffe.
GRENASSE: Grenier. -- Grenu: Blé. -- Grenuche: Avoine. -- Grenuse:
Farine (Vidocq). -- Tous ces mots dérivent de grain, comme les mots
usuels de grenier, grenaille, etc. Le choix des désinences est
remarquable par une sorte d'harmonie imitative. Grenuche indique bien
les petites aspérités de l'avoine, et grenuse fait sentir la douceur
de la farine.
GRENOUILLE: Caisse, trésor. -- « Il tenait la grenouille. » -- Vidal,
1833. '
Manger ou faire sauter la grenouille: Dissiper les fonds dont on est
dépositaire. V. Crapaud. -- « Il a fait sauter la grenouille de la
société. » -- L. Reybaud.
GRENOUILLER: Boire beaucoup d'eau.
GRILLER UNE (En): Fumer une cigarette. -- « Passe-moi du tabac que j'en
grille une. » -- Lem. de Neuville.
GRINCHE, CHISSEUR: Voleur. -- « Après avoir choisi l'écrin, Le grinche
paie le joaillier. » -- Paillet.
Grinchir: Voler (Vidocq). V. Turbinement, Plan, Douille,
Affranchir. -- Grinchissage Vol. V. Parrain_.
GRISPIS: Meunier. -- Du vieux mot griper: prendre. -- Les meuniers ont
souvent passé pour des accapareurs.
GRIS: Vent froid (Bailly). -- Mot de la langue romane. V. Roquefort. --
La bise est la soeur du gris. On dit encore souvent: un froid
noir.
GRISES (En faire voir de): Se jouer de quelqu'un, lui faire voir des
choses qu'il ne peut démêler. « Ma tante Aurélie qui disait l'autre jour
à maman qu'elle t'en ferait voir des grises... » -- Gavarni.
GRIVE: Garde, patrouille (Bailly). -- Grivier: Soldat. -- Dans le
vieil argot, grive signifiait armée comme on le voit ici. -- « Les
drilles ou les narquois, en revenant de la grive, en trimardant,
quelquefois basourdissent les ornies. » -- Vidocq. -- Grive est donné
par Roquefort comme synonyme de méchante, fâcheuse (on dit encore
Griève). -- Mot à mot, un grivier est donc pour les voleurs .un vrai
fâcheux. V. Cigogne.
Corps-de grives: Corps-de-garde. -- Harnais de grives: Équipement
militaire. -- On sait qu'au moyen âge, harnais signifiait armure.
GROGNARD: Le grognard d'aujourd'hui et le vieux grognard d'autrefois,
ce vieux de la vieille, comme on dit encore en parlant des nestors de
la garde impériale. » -- M. Saint-Hilaire. -- Allusion à l'humeur
grognonne des vétérans.
GROOM: Petit valet. -- « Savez-vous ce que c'est qu'un petit groom? Eh
bien! c'est un petit bas des reins qu'est pas plus haut que ma botte, et
qui trotte comme une ablette. » -- Festeau.
GROUCHY (Petit): « Article arrivé en retard à l'imprimerie. » -- Balzac.
-- Allusion à la tradition populaire, mais contestable, qui impute à
Grouchy le retard de sa marche sur Waterloo.
GRUE: « Pour qualifier une fille aux jambes maigres aux gros yeux à
fleur de tête, à l'intelligence épaisse, on dit: C'est une grue. » --
Scholl. -- « Mme Croquoison: Nous sommes tous des grues. » -- Le
Rapatriage, parade du dix-huitième siècle.
GUÊTRES (Tirer ses): Détaler. -- « Cadet, tire au loin tes guêtres, au
lieu de m'approcher. » Cabassol. -- « Fuyons, tirons nos guêtres. O --
Le Rapatriage.
GUEULARD: Braillard. -- Gueulard: Gourmand. -- « La gourmandise a
aussi une place d'honneur dans le coeur de l'écolier; mais comme c'est
un vice réclamé par les moutards, la honte de paraître gueulard comme
eux en arrête la manifestation. » -- H. Rolland. -- Gueulardise:
Friandise. -- Gueulard: poêle (Vidocq). V. Goulu. -- Gueulard: Sac
(id.). -- Du vieux mot gueulle: gibecière, bourse (Roquefort) . -- Ce
dernier sens confirme encore ce que nous avançons pour chanter. V. ce
mot. L'homme qui chante ouvre sa gueule.
GUEULE: Bouche. -- « Il faudrait avoir une gueule de fer-blanc pour
prononcer ce mot. » -- P. Borel, 1833. -- Gueule fine: Palais délicat.
-- « Un régime diététique tellement en horreur avec sa gueule fine. » --
Balzac. -- Fort en gueule: Insulteur. -- Sur sa gueule: Friand. -- «
L'on est beaucoup sur sa gueule. » -- Ricard. -- Faire sa gueule:
Faire le dédaigneux. -- Casser, crever la gueule: Frapper à la tête.
-- « Tu me fais aller, je te vas crever la gueule. » -- Alph. Karr. --
Gueuler: Crier. « Leurs femmes laborieuses, De vieux chapeaux fières
crieuses, En gueulant arpentent Paris. » -- Vadé, 1788.
GUEULETON: Repas plantureux, dont on a plein la gueule. --
Gueuletonner: Faire un gueuleton. -- « Je ne vous parle pas des bons
gueuletons qu'elle se permet, car elle n'est pas grasse à lécher les
murs. » -- Vidal, 1833. -- « Chacun d'eux suivi de sa femme, À l'Image
de Notre-Dame, firent un ample gueuleton. » -- Vadé, 1788.
GUEUSARD: Petit gueux, amicalement parlant. -- « Appelle-moi gueusard,
scélérat, lui dis-je. » Amours de Mathieu, chanson, 1832. -- « Et vous
flânez souvent, gueusard » -- E. Sue. -- Pris aussi en mauvaise part: «
Les gueusards! ils n'ont pas seulement le courage de faire leurs mauvais
coups. » -- E. Sue.
Gueux: « Que j'en ai gagné de c'te gueuse d'argent! » -- H. Monnier.
-- Pris en bonne part.
GUEUX: « Les dames des halles se servent toutes de chaufferettes et de
ces horribles petits pots en grès qu'on nomme des gueux. Elles les
posent sur leurs genoux pour se réchauffer les doigts. » -- P. d
Anglemont.
GUIBOLLE, GUIBBE: « Guibolles, c'est ce que vous nommez jambettes,
petites jambes. » -- Mélesville. -- Du vieux mot guiber: se débattre
des pieds.
GUICHEMAR: Guichetier (Vidocq). V. Mar.
GUIMBARDE: Vieille voiture, grosse voiture a quatre roues. -- «
Monsieur, pourquoi votre guimbarde n'est-elle pas prête? " -- Cormon.
GUIGNOLANT: Malheureux. -- « Ce n'est t'y pas guignolant, Rien qu'en
balais Je me ruine en frais. » -- Ch. Voizo, Chanson. -- Vient de
Guignon.
GUINAL: Juif (Vidocq). -- Mot à mot: circoncis. -- Guinaliser:
Circoncir. -- Du latin inguen, inguinis: partie située entre les deux
aines. -- Allusion à l'opération de la circoncision.
GUITARE: Rengaine. -- Terme inventé par les Romantiques qui voulurent
réagir contre l'école des Troubadours classiques de 1820. Chaque volume
de vers était alors précédé du portrait de l'auteur drapé dans un
manteau à grand collet et faisant vibrer son luth (guitare classique) au
milieu de ruines éclairées par la lune. -- « On désigne au théâtre sous
le nom de guitare une sorte de plainte incessante, revenant comme une
mélopée, le son monotone d'une guitare modulant un rhythme triste et
sans fin » -- Duflot.
GY, GIROLLE: Oui, bien, très-bien (Vidocq). -- Il est à noter
qu'autrefois giz voulait dire non. V. Roquefort.
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HABIT ROUGE: Anglais. -- Allusion d'uniforme. -- « Les habits rouges
voulaient danser, Mais nous les avons fait sauter. Vivent les sans-
culottes! » -- Mauricault, Chanson, 1793.
HABIN, HAPPIN: Chien. -- De happer: saisir. -- Roquefort donne
happelopin: chien âpre à la curée. -- Happin engamé: Chien enragé.
-- Happiner: Mordre.
HALÈNES: Outil de voleur. -- Allusion aux alênes de cordonnier? -- «
Crois-moi, balance tes halènes, fais-toi gouépeur. » -- Vidocq.
HARIA, ARIA: Embarras. -- Du vieux mot arrie: obstacle. -- « C'est un
haria que de chasser si loin. » -- Balzac. -- « J'ai eu bien des arias
avec la douane à cause de mes malles. » -- Monselet.
HARICOTS (Être condamné aux): être condamné à la prison pour manque de
service de la garde nationale. -- « A midi, j'arrive à la prison de la
garde nationale, hôtel Darricaud, vulgairement appelé des haricots. » --
Villemot. -- M. Albert de Lasalle a publié en 1864 une histoire de
l'hôtel aujourd'hui démoli.
HARIADAN BARBEROUSSE: Christ. -- Allusion à la barbe rousse de Jésus-
Christ. -- « Il rigolait malgré le sanglier qui voulait lui faire
bécoter Hariadan Barberousse. » -- Vidocq.
HARPE: Barreaux de fenêtre (Vidocq). -- Ils garnissent une fenêtre de
prison comme les cordes d'une harpe.
HAUSSIER: Boursier jouant à la hausse des fonds. -- « Deux grandes
catégories qui distinguent les spéculateurs, les haussiers et les
baissiers. » -- Mornand.
HAUTE (La): La partie riche de chaque classe sociale. Il y a des
bourgeois de la haute, des lorettes de la haute, des voleurs de la
haute. -- L'homme du peuple qui se trouve en fonds dit en plaisantant:
Je suis de la haute. -- « Pour les menus plaisirs d'un monsieur de la
haute. » -- Ricard. -- « Jamais aussi le sportman n'a couru les salons
et la haute, comme on dit au club. » -- Rod. d'Ornano. -- « Des dames
de la haute? -- Non, des étudiantes. » -- Carmouche. -- « Il y a lorette
et lorette. Mlle de Saint-Pharamon était de la haute. » -- P. Féval. --
« Si nous ne soupons pas dans la haute (dans un restaurant fashionable),
je ne sais guère où nous irons à cette heure-ci. » -- G. de Nerval.
HOMME DE BOIS: Nom qu'on donne dans les imprimeries à celui qui rajuste
les planches avec des petits coins en bois. -- Cabarets de Paris,
1821. -- Jeu de mots.
Homme de lettres: Faussaire. -- Jeu de mots.
Homme de paille: Homme couvrant de son nom des actes, des écrits qui
n'émanent pas de lui. Le journalisme et la finance emploient fréquemment
l'homme de paille. -- « Ce Claparon fut pendant six ou sept ans l'homme
de paille, le bouc émissaire de deux de nos amis. » -- Balzac. -- « Quoi
qu'il arrive, M. Bitterlin aurait été... son homme de paille, son
gérant, son compère. » -- About.
HOMMELETTE: « Homme sans force et sans énergie. » -- 1808, Dhautel. --
Jeu de mots.
HORREURS: Propos libertins. -- « Quand les bégueules ont des masques,
Elles racontent des horreurs. » -- Festeau.
Faire des horreurs: En venir des paroles à l'action. -- « Puis, sur un
lit je la jette, Et nous faisons des horreurs. » -- Les Amours de
Mahieu, chanson, 1832
HOTERIOT: « On nomme ainsi la hotte des chiffonniers. » -- P.
d'Anglemont., -- Diminutif de hotte.
HÔPITAL: Prison (Vidocq). -- On concevra le mot en voyant Fièvre
cérébrale et Malade.
HUILE: Argent (Vidocq). -- Tout ce qui est gras symbolise l'argent. V.
Beurre, Graisse. -- Huile: Soupçon (id.). -- Il pénètre et s'étend
comme une tache d'huile.
Huile de bras: Vigueur corporelle. -- Huile de cotterets: Coup de
bâtons (Dhautel, 1808).
HUÎTRE: Graillon, imbécile. -- Huitrifier: Abrutir. -- « Il poursuivit
de tant de plaisanteries ce qu'il appellait le parti des huîtres. » --
L. Reybaud.
HUMANITAIRE: « L'humanitaire est le zélateur d'une secte récente née du
dégoût de nos troubles politiques... L'humanitaire est le radical par
excellence. Petites ou grandes, à ses yeux, toutes les réformes se
tiennent. » -- M. Raymond.
HUMECTER (S'): Boire. -- « Il me demande si je veux m'humecter. Je lui
réponds: J'ai mon casque. » -- Monselet.
HUIT RESSORTS: Voiture très-suspendue. -- « Jamais Anna Deslion, Julia
Barucci, Adèle Courtois, n'ont dans le huit ressorts promené de mine
aussi noble. » -- _Les Cocottes_, 1864.
HUSSARD A QUATRE ROUES: Conducteur d'artillerie, soldat du train des
équipages -- « Aussi partagent-ils avec le train des équipages
militaires le sobriquet de hussards à quatre roues. » -- La
Bédollière.
Hussard de la guillotine: « Le gendarme a différents noms en argot:
quand il poursuit le voleur, c'est un marchand de lacets; quand il
l'escorte, c'est une hirondelle de la Grève; quand il le mène à
l'échafaud, c'est un hussard de la guillotine. » -- Balzac.
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ICICAILLE, ICIGO: V. Dardant, Go.
IDÉE (Une) € On dit une idée, ou un soupçon, ou un scrupule, ou
une larme, pour dire quelques gouttes de liquide.
Donner des idées: Inspirer d'amoureux désirs.
ILLICO: De suite. -- « En se promettant bien de l'envoyer illico. » --
Balzac. -- Latinisme.
Illico: Grog d'alcool, d'eau et de sucre en usage dans les pharmacies
d'hôpital. -- Allusion a un terme de formulaire.
IMBÉCILE (Galon d'): Galon de soldat de première classe. Il est donné a
l'ancienneté et non au mérite. -- On rencontre l'équivalent de ce mot
dans les autres grades. -- « Il passa capitaine à l'ancienneté, à son
tour de bête, comme il disait en rechignant;. » -- About.
IMPÉRIALE: Bouquet de poils plus grand que la mouche et moins grand
que la bouquine. -- « Il avait six pieds six pouces, L'impériale au
menton. » -- Festeau.
IMPOSSIBLE: Impossible à figurer. -- « Avec son col exorbitant et ses
lunettes impossibles. » -- Delvau.
INCONSÉQUENT: « Lorsque, dans le monde, une jeune dame n'a pas très-bien
su étendre le voile par lequel une femme honnête couvre sa conduite, là
où nos aïeux auraient rudement tout expliqué par un seul mot, vous,
comme une foule de belles dames à réticences, vous vous contentez de
dire: Ah! oui, elle est fort aimable, mais... -- Mais quoi? -- Mais elle
est souvent bien inconséquente. » -- Balzac.
INEXPRESSIBLE: Pantalon. -- « Au sortir des bancs du collège, où nous
avions usé, tous deux, pendant huit mortelles années, ce que la pruderie
anglaise exprime par inexpressible. » -- Mornand.
INFECT: Laid. -- L'infection n'est prise qu'au figuré. -- « Viens-tu
voir la petite nouvelle? -- Pardieu! et si elle n'est pas trop infecte,
nous l'emmenons à la Maison-d'Or. » -- Ces Petites Dames, 1862.
INGLICHMANN: Anglais. -- « Avec ça que l'amiral l'avait fait habiller en
inglichmann. » -- L. Desnoyer.
INGRISTE: Peintre de l'école d'Ingres. -- « A vous Lehmann, Ziegler,
Flandrin, Romain, Cozes et autres ingristes. " -- Ch. Blanc.
INODORES: Latrines. -- « Fournier aux inodores Présente le papier. » --
Revue anecdotique -- V. Calme.
INTIME: Claqueur -- C'est un intime pour le théâtre. -- « Adolphe allait
en intime au Théâtre de Madame. » -- Cinquante mille voleurs de plus à
Paris, Paris 1830, in-8.
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JABOTER: Causer. -- « Asseyez-vous donc un peu... nous jaboterons. » --
Ricard. -- On trouve jaboteir avec ce sens dans Roquefort.
JACQUELINE: Fille de mauvaise vie. -- On dit de même une Margot. -- «
Notre Jacqueline le fouille, Empoigna la grenouille, Laissa là mon
nigaud. » -- Chanson du jeune Picard partant pour Paris.
JAMBE; (Faire une belle), Rendre la jambe mieux faite: Donner un
avantage illusoire. -- « Tu as maudit ton père de t'avoir abandonné? --
Ça m'aurait fait une belle jambe. » -- E. Sue.
S'en aller sur une jambe: Ne boire qu'une seul tournée. -- « Dès
l'aube, on s'offre la goutte, on s'offre le canon, on s'offre le rhum,
on s'offre l'absinthe ou le bitter, et l'on ne veut jamais s'en aller
sur une jambe. » -- La Bédollière.
Lever la jambe: Danser le cancan (haute école). -- « Elle levait la
jambe avant Rigolboche. » -- Les Étudiants, 1860.
JAR: Argot (Vidocq) . -- Abréviation du vieux mot jargon: langage. V.
Roquefort
JARDINER: Parler en se moquant. -- Vient de Jar V. Escracher.
JASPINER: Parler, causer. -- Diminutif de Jaser. -- « Ils jaspinaient
argot encore mieux que français. » -- Grandval, 1723. -- « Alle voulut
jaspiner avec moi. " -- Vadé, 1788. -- « Je lui jaspine en bigorne: «
N'as tu rien a morfiller? » -- Vidocq.
JAUNE: eau-de-vie. -- « Estaminet dit poétique, espèce de paradis perdu
dans le jaune et le petit bleu. " -- La Maison du Lapin blanc, typ.
Appert. -- « Lapin blanc, que me veux-tu? Avec ton jaune et ton camphre,
Tu déranges ma faible vertu. » -- Id.
Rire jaune: Rire forcément. -- _Aimer avec un jaune d'oeuf: Tromper.
-- Allusion à la couleur jaune qui est celle du cocuage.
JAUNET: Pièce d'or. -- « Un seul regret, celui de n'avoir pu débarrasser
les pigeons de leurs jaunets. » -- Paillet.
JAVANAIS;: « La Crécy parlait le javanais, cet argot de Bréda où la
syllabe va, jetée après chaque syllabe, hache pour les profanes le son
et le sens des mots, idiome hiéroglyphique du monde des filles qui lui
permet de se parler à l'oreille -- tout haut. » -- Goncourt. -- Ex.:
Jaunet, javaunavet; jeudi, javeudavi; etc., etc.
JEANFESSE, FOUTRE: Coquin, misérable. -- « Ça, c'est un jeanfesse. » --
Ricard. -- « Grande colère du père Duchesne contre les jeanfoutres de
chasseurs qui ont voulu faire une contre-révolution. » -- 1793, Hébert.
JE NE SAIS QUOI: Qualité indéfinissable. -- « Le savoir-vivre,
l'élégance des manières, le je ne sais quoi, fruit d'une éducation
complète. » -- Balzac.
JEAN-JEAN: -- « On qualifie de Jean-Jean en France le jeune indigène
que la conscription a arraché à l'âge de vingt ans d'un atelier du
faubourg, de la queue d'une charrue, etc. Le Jean-Jean est
reconnaissable à sa tournure indécise, à sa physionomie placide . » --
M. Saint-Hilaire.
JEANNETON: « Servante d'auberge, fille de moyenne vertu. » -- 1808,
Dhautel.
JÉSUITE: Dindon (Vidocq). -- C'est aux jésuites qu'on doit
l'acclimatation du dindon.
JÉSUS: « Jeune et beau garçon lancé comme appeau près des sodomistes que
veut exploiter le chanteur. » -- Canler.
Grippe-Jésus: Gendarmes. -- Le jésus n'est ici qu'un homme garrotté
comme le Christ, lorsqu'il fut conduit devant Pilate.
JETTARD: Cachot (Bailly) -- Mot à mot: endroit où l'on vous jette.
JEUDIS (La semaine des quatre): La semaine qui n'arrivera jamais,
puisqu'elle n'existe pas. -- « C'est comme la robe que vous m'avez
promise. -- Tu l'auras. -- La semaine des quatre jeudis. » -- H.
Monnier.
JEUNE (Tu es trop): Tu n'as pas l'intelligence nécessaire à
l'accomplissement de telle ou telle chose. -- Cela peut se dire à un
octogénaire.
Jeune France: « Les romantiques se divisèrent en Bouzingots et en
Jeune France. Les Jeune France conservèrent longtemps leurs pourpoints,
leurs barbes fourchues, leurs cheveux buissonneux. » -- P. d'Anglemont.
-- « Ils ont fait de moi un Jeune France accompli. J'ai un pseudonyme
très-long, et une moustache fort courte; j'ai une raie dans les cheveux
à la Raphaël. Mon tailleur m'a fait un gilet... délirant. Je parle art
pendant beaucoup de temps sans ravaler ma salive, et j'appelle bourgeois
ceux qui ont un col de chemise; de plus j'ai fait acquisition d'une
mignonne petite dague en acier de Toscane, pas plus longue qu'un
aiguillon de guêpe. » -- Th. Gautier, Préface des Jeune France, 1833.
Avoir son jeune homme: Être gris. -- Allusion à la forte mesure de
liquide qui dans les brasseries a reçu le nom de jeune homme, et qui
vaut deux moos. -- « Chaque fois qu'il rentrait avec son jeune homme. »
-- P. d'Anglemont. -- « Un individu en blouse qui semblait avoir son
petit jeune homme. » -- G. de Nerval.
JEUNESSE: Fillette. -- « Une jeunesse d'Orléans, un marchande de cols. »
-- Cormon.
JOB: Niais. -- Abrév. du vieux mot jobelin V. Roquefort. -- « Si
j'étais assez job pour croire que vous me donnez toute une fortune. » --
E. Sue. -- Jobarder: Duper. -- « Je ne veux pas être jobardé. » --
Balzac. -- Joberie: Niaiserie (Vidocq).
JOCKO: Pain long dont la forme fut sans doute inventée lorsque le singe
Jocko était à la mode. -- « Des gens qui appellent un pain jocko un
singe de quatre livres. » -- Bourget.
JOLI: Jeté dans une position critique. -- « Nous. v'là jolis garçons ! »
-- Désaugiers.
JONC: Or (Vidocq). -- Allusion à la couleur jaune du jonc. V. Bogue.
JORNE: Jour. -- Vieux mot de langue d'oc. :V. Roquefort. V. Baite,
Poisser_.
JOSEPH (faire son): Affecter un air chaste. V. Putipharder.
JOUER DE: Faire ce qu'on veut. -- « Nachette, en un mot, joua
parfaitement du baron. » -- De Goncourt .
JUDACER: Trahir. -- Judacerie: Trahison (Vidocq). -- Allusion
biblique.
JUGEOTTE: Jugement, avis. -- « Dis-moi z'un peu franchement, Là dessus
ta petite jugeotte. » -- Léonard, parodie, 1863.
JUS DE BÂTON: COUP de bâton. -- « Pour passer votre rhume, j'ai du jus
de bâton. » Aubert, Chanson, 1813.
JUSTE-MILIEU: Partisan du statu quo politique, en opposition à la
gauche qui représente le côté radical ou avancé, et à la droite qui
se retranche dans le maintien des anciens principes. V. Centrier. -- «
Luc riait comme un républicain qui voit le juste-milieu recevoir un
soufflet. » -- Ricard.
Juste-milieu: Derrière. -- « Mayeux envoya la pointe de sa botte dans
le juste-milieu de Mlle Justine. » -- Ricard.
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KAISERLICH: Autrichien. De l'allemand Kaiserlich, impérial. -- « Les
Kaiserlich ont été étourdis du coup. » -- Balzac.
KOXNOFF: V. Chocnoso
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LÀ-BAS: Maison du correction de Saint-Lazare. -- « Julia à Amandine:
Comme ça, cette pauvre Angèle est là-bas? -- Ne m'en parle pas. Elle
était au café Coquet a prendre un grog avec Anatole. Voilà un monsieur
qui passe, qui avait l'air d'un homme sérieux avec des cheveux blancs et
une montre. Il lui offre une voiture, elle accepte, un cocher arrive,
et... emballée! Le monsieur était un inspecteur. " -- Les Cocottes,
1864.
LACET: Poucette. -- V. Marchand.
LÂCHEUR: Homme sur lequel on ne peut compter. -- Mot à mot: qui lâche
ses amis. -- « Le lâcheur est la lorette de l'amitié. » -- A. Scholl,
1858. -- Se lâcher de: Se payer. V. Rotin.
LAINE: Mouton (Vidocq).
LAIT À BRODER: Encre (id.) -- Allusion ironique à la couleur de l'encre.
V. Broder.
LAÏUS: Discours -- « Dans le dialecte de l'École polytechnique, tout
discours est un laïus, depuis ]a création du cours de composition
française en 1804. L'époux de Jocaste, sujet du premier morceau oratoire
traité par les élèves, a donné son nom au genre. Les députés à la
Chambre, les avocats au barreau, les journalistes dans les premiers-
Paris, piquent des laïus. » -- La Bédollière. -- « Pour les officiers
sortant de Saint-Cyr, le laïus est un broutta, du nom d'un professeur
de l'École, doué d'une certaine facilite d'élocution. Ce qui a fait le
verbe broutasser et le substantif broutasseur. » -- De Vauvineux.
LAMPION: Chapeau à cornes. -- « Je passe le pantalon du cipal et je
coiffe le lampion. » -- Bourget.
Lampion: OEil. -- Allusion à la flamme. -- « Si j'te vois faire l'oeil
en tirelire A ton perruquier du bon ton, Calypso, j'suis fâché d'te
l'dire, Foi d'homme! j'te crève un lampion. » -- Chanson populaire.
LANCE: Eau (Vidocq). -- Pour désigner l'eau, on a fait allusion à son
extrême fluidité; on a dit la chose qui se lance. Dans Roquefort, on
trouve lancière: endroit par où s'écoule l'eau surabondante d'un
moulin. V. Mourir, Trembler.
LANCÉ: Gris. -- « Patara, au moins aussi lancé que le cheval, tapait sur
la bête à tour de bras. » -- Phys. du Matelot, 1843.
Lancé: Rapide projection de la jambe. -- « Paul a un coup de pied si
vainqueur et Rigolette un si voluptueux saut de carpe! Les admirateurs
s'intéressaient à cet assaut de lancés vigoureux. » -- 1847, Vitu.
LANCIERS (Danser les): « Quant à cet inévitable quadrille des lanciers,
je ne vous dissimule pas qu'il commence à m'agacer cruellement le
système nerveux. » -- Alb. Second, 1857. -- V. Oeil! (Mon).
LANGUE (Avaler sa): Mourir. V. Claquer.
Donner sa langue aux chiens, aux chats: Renoncer à deviner. -- « Je
donne ma langue aux chiens, dit Jérôme, je renonce. » -- E. Sue.
LANSQ: Partie de lansquenet. -- « Cette espèce de cornichon qui l'a
dansé de 1,500 fr. hier au lansq. » _ Jaime.
LANSQUINER: Pleurer. -- De lance: eau. -- « Bien des fois on rigolle
qu'on devrait lansquiner. » -- Vidocq.
LANTERNES DE CABRIOLET: Yeux fort saillants. -- « Oh! c'est vrai! t'as
les yeux comme les lanternes de ton cabriolet... » -- Gavarni.
LANTURLU: Vient de l'ancien mot enturlé qui signifiait Fol, étourdi.
V. Du Cange,. -- On aura dit l'enturlé, puis lanturlu.
LAPIN: Bon compagnon. -- « Ils ont appelé dans leurs rangs Cent lapins
quasi de ma force. » -- Festeau. -- « C'est un fameux lapin, il a tué
plus de Russes et de Prussiens qu'il n'a de dents dans la bouche. » --
Ricard. -- « L'homme qui me rendra rêveuse pourra se vanter d'être un
rude lapin. » Gavarni .
Au collège, on appelle lapins des libertins en herbe, pour lesquels
Tissot eût pu écrire un nouveau Traité.
Lapin a aussi sa signification dans le monde des messageries. -- « Et
puis le jeune homme était un lapin, c'est-à-dire qu'il avait place sur
le devant, a côté du cocher. » -- Couailhac.
Lapin: Apprenti compagnon. -- « Pour être compagnon, tu seras lapin ou
apprenti. » -- Biéville.
LARBIN, BINE: Domestique (Vidocq).« Le faux larbin va se poster sous la
porte cochère. » Paillet. -- Larbinerie: Valetaille. V. Garçon,
Pieu_.
LARCOTTIER: Paillard (Vidocq). -- Mot à mot: larguotier: amateur de
largues.
LARD (Faire du): Engraisser. -- « La femme ronfle et fait du lard. » --
Festeau.
LARDER: Percer d'un coup de pointe. -- Lardoire: Épée. -- « Vous
verrez si je manie bien la lardoire. » -- Ricard.
LARGE DES ÉPAULES: Avare. -- Équivoque sur le mot large. -- V.
Dauthel, l808.
Largue: Femme. -- « Si j'éprouve quelque malheur, je me console avec ma
largue. » -- Vidocq. -- V. Coquer, Momir.
LARTIE, LARTIF, LARTON: Pain. -- On devrait dire l' artie, l'artif,
l'arton. -- Au moyen âge, artuit signifiait Repas. V. Roquefort. --
Il est à remarquer que /artos/ en grec veut dire Pain -- Larton
brutal: Pain noir. -- Larton savonné.: Pain blanc. -- brutal est un
diminutif de brut. Savonné s'explique de lui-même. V. Tremblant.
-- Lartonnier: boulanger.
LASCAILLER: Pisser (Vidocq). -- De lance. On dit encore: lancer de
l'eau. V. Lansquiner.
LASCAR: Fantassin. -- « Vient de l'arabe el-askir qui a la même
signification. Date sans doute de l'expédition d'Égypte. » -- De
Vauvineux. -- « A-t-il du toupet, le vieux Lascar! dit l'invalide dans
son langage pittoresque. » -- Balzac.
LAVABES: « Les lavabes sont ceux que l'on fait entrer au parterre des
théâtres, en ne payant que quinze sous par place. » -- Cinquante mille
voleurs de plus Paris, Paris, 1830, in-8. -- « Gustave achetait un
lavabe pour les Variétés. » -- Id.
LAVAGE, LESSIVE: Vente, à gros rabais, d objets ayant déjà eu un premier
propriétaire. -- « Les quatre volumes in-12 étaient donnés pour
cinquante sous... Barbet n'avait pas prévu ce lavage. » -- Balzac. -- À
la Bourse, une Lessive est une opération désastreuse, qui vous nettoie.
V. Nettoyer.
Laver, Lessiver: Vendre, ironiquement envoyer ses effets mobiliers à
une lessive dont ils ne reviennent pas. Même allusion dans Passer au
bleu et Nettoyer. -- « Comme ce n'était pas la première fois que
j'avais lavé mes effets sans savon. » -- Vidal, 1833. -- « Il a lavé sa
montre, ses bijoux, pour dire qu'il les a vendus. » -- 1808, Dhautel.
LAZAGNE: Lettre (Vidocq). --Allusion aux lazagnes, longues bandes de
pâtes d'Italie, ressemblant assez à des morceaux de papier . V.
Balancer.
LÈGRE: Foire (Vidocq). V. Servir.
LÈVE-PIEDS: Escaliers, échelle (Vidocq). -- Effet pris pour la cause.
LEM (Parler en): Soumettre chaque substantif à l'emploi d'une même
syllabe finale et à la transposition de deux lettres. On peut ainsi
parler un français inintelligible pour les profanes. Ce système
consiste: 1° à ajouter la syllabe lem à chacun des mots qui viennent à
la bouche; 2° à troquer la lettre l de lem contre la première lettre
du mot qu'on prononce. -- « Et alors que tous les trucs seront lonbem
(bons). » -- Patrie du 2 mars 1852.
On parle en luch comme en lem. On combine quelquefois les deux.
LEVAGE: Opération qui consiste de la part d'un homme à faire sa
maîtresse d'une femme, ne fût-ce que pour un jour. De la part d'une
femme, c'est amener un homme à lui faire des propositions. -- Terme de
chasse.
Y-a-t-il du levage? Y-a-t-il moyen de faire un levage.
Lever: Faire un levage. -- « Tiens, Xavier qui vient d'être levé par
Henriette. » -- Monselet. -- « J'irai ce soir à Bullier, et si je ne
lève rien... » -- Lynol. -- V. Flanelle.
Lever: Capter, empaumer. -- « Il lève un petit jeune homme. Vous
verrez qu'il en fera quelque chose. » -- De Goncourt.
Être levé: Signifie dans l'argot des débiteurs et des créanciers qu'on
a à ses trousses un recors, qui vous a vu dans la rue ou déterré quelque
part. » -- Montépin .
Lever: Voler. -- « Robert dit: Je suis levé et il nous appelle filous.
» -- Monselet. -- « Tiens, dit le voleur, voici un pantre bon à lever. »
-- Canler.
LICE: Bas de soie (Vidocq). -- Les bas de soie sont plus lisses que les
autres.
LICHARD, LICHEUR: Gourmand. -- Mot de langue romane). V. Roquefort. -- «
Je vois que tu es toujours un fameux licheur. » -- E. Sue.
Liche, Lichette: Régal. Être en liche: Faire bombance.
Licher: Aimer les bons plats, faire débauche. -- Jadis, on disait
licharder. -- « Je liche chez le mannezingue, motus! » -- Paillet. --
« Buvons plutôt bouteille. En lichant, nous ne penserons pas à toutes
ces bagatelles. » -- - Chanson poissarde, 1772.
Licher: Boire. -- « Puis il liche tout'la bouteille. Rien n'est sacré
pour un sapeur. » -- Houssot. -- V. Béquiller.
LIGNARD: Officier ou soldat des troupes de ligne.
LIGNE (Tirer à la): Écrire des phrases inutiles dans le seul but
d'allonger un article payé à tant la ligne. Vive la ligne! « Je
rapporte un petit magot. Ah! quelle chance ! Vive la ligne ! » --
Léonard, parodie, 1863. -- Ce vivat, poussé fréquemment aux jours
d'émeute où l'on veut gagner le coeur des troupes de ligne, est devenu
proverbial et s'applique ironiquement à tous les cas d'enthousiasme.
LIGOTE: Lien, corde. -- Mot de langue romane. V. Roquefort. --
Ligoter: Lier.
LILLOIS: Fil (Vidocq). -- On en fait beaucoup en Flandre. V.
Lyonnaise.
LIMACE, LIME: Chemise. -- Mot de langue romane. Du Cange donne le même
sens au latin limas. -- Limacier: Chemisier. V. Gouêpeur.
LIMANDE: Homme nul et plat comme le poisson de ce nom (Vidocq).
LIMER € Aller lentement en affaire.
LIMONADE : Assiette (Vidocq). -- Comparaison de l'assiette à une rouelle
de limon.
LIMOUSINEURS: « On donne le nom de voleurs au gras double ou de
limousineurs à des ouvriers couvreurs qui volent le plomb des
couvertures, en coupent de longues bandes avec de bonnes serpettes, puis
l'aplatissent et le serrent à l'aide d'un clou. Ils en forment ainsi une
sorte de cuirasse qu'ils attachent à l'aide d'une courroie sous leurs
vêtements. » -- Petit Journal. -- Allusion à leurs vêtements de plomb,
non moins imperméables que les gros manteaux nommés limousines .
LINGE (Avoir du): Avoir une garde-robe bien montée. -- « Et Bovarine!
.Qu'est-ce que c'est? Ça a-t-il du linge? » -- Lem. de Neuville.
LINGRE: Couteau (Vidocq). -- Lingrer: Frapper à coups de couteau. --
Lingrerie: coutellerie. -- Lingriot: Canif. -- Quadruple allusion à
Langres, ancienne capitale de la coutellerie.
LION: « Depuis que nous avons attrapé ce mot anglais, qui s'applique à
Londres à toutes sortes de notabilités, nous en avons fait abus comme du
calicot et du fil d'Écosse. Il ne se fait pas un vaudeville, un
feuilleton, un roman de moeurs contemporains, qui. ne parle des lions
de Paris. Aujourd'hui, pour être lion, la moindre chose suffit: avec
un paletot jaune, un chapeau neuf, des moustaches, vous êtes reçu lion
d'emblée. » -- Roqueplan, 1841. --Deriège a fait la Physiologie du
Lion. -- Un lionceau est un lion ridicule.
Lionne: « C'étaient de petits êtres féminins, richement mariés,
coquets, jolis, qui maniaient parfaitement le pistolet et la cravache,
montaient à cheval comme des lanciers, prisaient fort la cigarette, et
ne dédaignaient pas le champagne frappé. » -- F. Deriège.
Lionnerie: Monde des lions. -- « Nous étions installés dans un
restaurant cher à la lionnerie. » -- Mornand.
LIQUID: « Liquid est mis ici pour liquidation. Le coulissier, facétieux
et aussi de belles manières, se plaît à abréger ses formules comme la
jeunesse dédorée de l'époque, et elle dit liquid comme on dit d'autor,
d'achar, soc ou démoc. » -- Mornand. -- « Les ventes et achats de
chemins de fer se liquident tous les quinze jours et la rente à la fin
de chaque mois. Si vous êtes acheteur de 3,000 fr. de rente fin du mois
à 72 fr., que la rente baisse a 71 fr., votre perte s'élève à 1,050 fr.,
courtage compris. Vous pouvez continuer votre opération en vous faisant
reporter. On ajoute alors au cours de 71 fr. le prix du report, plus un
nouveau courtage. La cherté des reports tempère souvent les dispositions
à la hausse. Il est en effet très-onéreux pour un acheteur de rente de
passer 70 c. de report, ce qui, sur 3,000 fr. de rente, augmente de 700
fr. le prix d'achat. » -- De Mériclet.
LISETTE: Gilet long. V. Tirant. -- Doit avoir la même racine que
Lice.
Pas de ça, Lisette: Formule négative due sans doute à la vogue de
cette chanson connue: Non! non! vous n'êtes plus Lisette, etc. -- « Un
jeune drôle fait la cour à ma nièce.. . pas de ça, Lisette! » -- Ricard.
LITRER: Contenir, posséder. -- Ce terme a une forme aussi régulière que
cuber. -- « J'avais balancé le bogue que j'avais fourliné et je ne
litrais que nibergue en valades. » -- Vidocq. -- V. Fourgat.
LOCANDIER: « Le locandier est une des nombreuses variétés des voleurs
au bonjour. Sous prétexte d'examiner un logement à louer et en dépit de
la présence du concierge, il vole avec dextérité. » -- A. Monnier.
LOCHE: Oreille. -- Locher: Écouter (Vidocq).
LOFAT: Aspirant au grade de compagnon. -- «C'était pour le baptême d'un
lofat... On devait le baptiser à la Courtille; j'étais le parrain. » --
La Correctionnelle.
LOFFIAT: Maladroit, imbécile.
LONDRÈS: Cigare de la Havane. -- « Je me rejetai dans le fond de la
voiture et j'allumai un londrès. » -- Mornand.
LONGCHAMP: « D'autres font une excursion au longchamp, cour oblongue,
bordée d'une file de cabinets dont nous laissons deviner la destination.
Comme c'est le seul endroit où pendant les heures d'étude, les élèves de
l'École polytechnique puissent aller humer l'air, filer, causer,
chercher des distractions, le lonchamp a acquis une grande importance.
» -- La Bédollière.
LONGE: Année (Vidocq). -- Forme de longue. Une année est souvent
longue à passer.
LOPHE: Faux. -- V. Fafiot.
LOQUES: « Le gamin de Paris a sa monnaie à lui, qui se compose de tous
les petits morceaux de cuivre façonné qu'on peut trouver sur la voie
publique. Cette curieuse monnaie, qui prend le nom de loques, a un
cours invariable et bien réglé dans cette petite bohème d'enfants. » _
V. Hugo.
LORETTE: « C'est peut-être le plus jeune mot de ]a langue française; il
a cinq ans à l'heure qu'il est, ni plus ni moins, l'âge des
constructions qui s'étendent derrière Notre-Dame-de-Lorette, depuis la
rue Saint-Lazare jusqu'à la place Bréda, naguère encore à l'état de
terrain vague, maintenant entourée de belles façades en pierres de
taille, ornées de sculptures.
« Ces maisons, à peine achevées, furent louées à bas prix, souvent à la
seule condition de garnir les fenêtres de rideaux, pour simuler la
population qui manquait encore à ce quartier naissant, à de jeunes
filles peu soucieuses de l'humidité des murailles, et comptant, pour les
sécher, sur les flammes et les soupirs de galants de tout âge et de
toute fortune. Ces locataires d'un nouveau genre, calorifères
économiques à l'usage des bâtisses, reçurent, dans l'origine, des
propriétaires peu reconnaissants, le surnom disgracieux, mais énergique,
d'essuyeuses de plâtres. L'appartement assaini, on donnait congé à la
pauvre créature, qui peut-être y avait échangé sa fraîcheur contre des
fraîcheurs.
« A force d'entendre répondre « rue Notre-Dame-de-Lorette » à la
question « où demeurez-vous, où allons-nous? » si naturelle à la fin
d'un bal public, ou à la sortie d'un petit théâtre, l'idée est sans
doute venue à quelque grand philosophe, sans prétention, de transporter,
par un hypallage hardi, le nom du quartier à la personne, et le mot
Lorette a été trouvé. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il a été
lithographié pour la première fois par Gavarni, dans les légendes de ses
charmants croquis, et imprimé par Nestor Roqueplan dans ses Nouvelles à
la main.
« Ordinairement fille de portier, la Lorette a eu d'abord pour ambition
d'être chanteuse, danseuse ou comédienne; elle a dans son bas âge tapoté
quelque peu de piano, épelé les premières pages de solfège, fait
quelques pliés dans une classe de danse, et déclamé une scène de
tragédie, avec sa mère, qui lui donnait la réplique, lunettes sur le
nez. Quelques-unes ont été plus ou moins choristes, figurantes ou
marcheuses à l'Opéra; elles ont toutes manqué d'être premiers sujets.
Cela a tenu, disent-elles, aux manoeuvres d'un amant évincé ou rebuté;
mais elles s'en moquent. Pour chanter, il faudrait se priver de fumer
des cigares Régalia et de boire du vin de Champagne dans des verres plus
grands que nature, et l'on ne pourrait, le soir, faire vis-à-vis a la
reine Pomaré au bal Mabile pour une polka, mazurka ou frotteska, si l'on
avait fait dans la journée les deux mille battements nécessaires pour se
tenir le cou-de-pied frais. La Lorette a souvent équipage, ou tout au
moins voiture. -- Parfois aussi elle n'a que des bottines suspectes, à
semelles feuilletées qui sourient à l'asphalte avec une gaîté
intempestive. Un jour elle nourrit son chien de blanc-manger; l'autre,
elle n'a pas de quoi avoir du pain, alors elle achète de la pâte
d'amandes. Elle peut se passer du nécessaire, mais non du superflu. Plus
capable de caprice que la femme entretenue, moins capable d'amour que la
grisette, la Lorette a compris son temps, et l'amuse comme il veut
l'être; son esprit est un composé de l'argot du théâtre, du Jockey Club
et de l'atelier. Gavarni lui a prêté beaucoup de mots, mais elle en a
dit quelques-uns. Des moralistes, même peu sévères, la trouveraient
corrompue, et pourtant, chose étrange! elle a, si l'on peut s'exprimer
ainsi, l'innocence du vice. Sa conduite lui semble la plus naturelle du
monde; elle trouve tout simple d'avoir une collection d'Arthurs et de
tromper des protecteurs à crâne beurre frais, à gilet blanc. Elle les
regarde comme une espèce faite pour solder les factures imaginaires et
les lettres de change fantastiques: c'est ainsi qu'elle vit,
insouciante, pleine de foi dans sa beauté, attendant une invasion de
boyards, un débarquement de lords, bardés de roubles et de guinées. --
Quelques-unes font porter, de temps à autre, par leur cuisinière, cent
sous à la caisse d'épargne; mais cela est traité généralement de
petitesse et de précaution injurieuse à la Providence. » -- Th. Gautier,
1845.
LORGNE: Borgne (Vidocq). -- Abréviation de Calorgne. -- Lorgne: As
(id.).
LOUBION: Bonnet. -- Loubionnier: Bonnetier.
LOUCHER (Faire): Faire changer de manière de voir, d'opinion. -- « Avec
qui tu veux que je soye? Est-ce que ça te fait loucher? » -- Monselet.
LOUCHE: Main. -- Comparaison de la main à la grande cuiller appelée de
temps immémorial louche. V. Roquefort.
LOULOUTTE: Petite dent. -- Allusion aux dents du loup dont on effraie
toujours les petits enfants. --
Loulou, louloutte: Mot d'amitié. -- « La louloutte à son chéri. » --
Montépin.
LOUP: Dette criarde, créancier. V. Dhautel, 1808. -- Au théâtre, c'est
une scène manquée.
On dit faim de loup et froid de loup! pour dire grande faim et
grand froid. -- Ces deux causes font en effet sortir les loups du
bois.
LOUPE: Fainéantise, flânerie. -- « Ma salle devient un vrai camp de la
loupe. » -- Decourcelle, 1836. -- Louper: Flâner, rôder comme un
loup errant. -- Mot de la même famille que chat-parder. -- « Quand
je vais en loupant, du côté du Palais de Justice. » -- Le Gamin de
Paris, ch., 1838. -- Loupeur: Flâneur, rôdeur. -- « Que faisaient-
elles au temps chaud, ces loupeuses? » -- Lynol.
LOURDE: Porte. -- On ne les faisait pas légères jadis et pour cause. V.
Bocson, Tremblant. -- Lourdier: Portier. V. Lordant.
LOUVIERS: Habit de drap de Louviers. -- « La veste de petite tenue avait
remplacé le fin louviers. » -- Ricard .
LUCARNE: Lorgnon monocle. -- « Du malheureux monde comme ça, on n'y voit
que d'un oeil et encore pas sans lucarne. » -- Gavarni.
LUCH (Parler en). V. Lem.
LUNE, PLEINE LUNE: Derrière. -- Allusion de forme. -- « J'ai pincé
n'importe quoi, j'ai cru que c'était dans la figure. -- En voilà une
bonne ! il a pris la lune de Pétronille pour sa figure. » -- P. de Kock.
-- V. Cadran.
LUISANT, RELUIT: Jour. -- Allusion. à la lumière. -- « Pitanchons pivois
chenâtre jusques au luisant. » -- Grandval, 1723.
Luisante: Lune. -- Luisard: Soleil.
LUSTRE (Admirateur du): Claqueur posé au parterre sous le lustre. -- «
Les admirateurs du lustre donnèrent, mais le public resta froid. » -- L.
Reybaud.
LYONNAISE: Soierie (Vidocq). -- Lyon est le grand centre de la
fabrication des soieries.
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MAC, MACQUE, MACCHOUX: Maquereau. -- Maca: Maquerelle. -- Macchoux
est une corruption du mot maquereau. -- Mac et maca sont deux
abréviations. -- Par un hasard singulier, la première de ces
abréviations donne la clef même du mot Au moyen âge, le mot maque
signifiait: vente, métier de marchand. V. Roquefort. -- De là sont venus
maquillon ou maquignon et maquerel ou maquereau. Le maquereau
n'est qu'un maquignon de femmes. Pendant tout le moyen âge, on a écrit
maquerel ou maqueriau. Ce dix-neuvième siècle a oublié la véritable
source du mot qu'il a confondu avec celui du poisson, d'où les synonymes
de poisson et de barbillon. -- « Le métier de mac autrefois n'était
guère exercé que par des voleurs et des mouchards... maintenant les
prêtresses de Vénus Callipyge ont pour amants des jeunes gens de
famille. " -- 1837, Vidocq. -- « Le macque est le souteneur des filles
de la plus basse classe. Presque toujours c'est un repris de justice. »
-- Canler, 1863. -- « Une vieille maca_: Entremetteuse, femme vieillie
dans le vice. » -- 1808, Dhautel.
MACAIRE: Malfaiteur audacieux, spirituellement cynique, affectant en
toute occasion les manières d'un homme bien élevé. -- Cc type étrange
date, comme l'on sait, du drame de l'Auberge des Adrets; il doit toute
sa fortune à Frédérick-Lemaître qui, en créant le rôle de Macaire, a
caractérisé pour toujours une classe particulière de criminels. -- « Ils
se croyaient des Macaires et n'ont été que des filous. » -- Luchet.
MACARON: Dénonciation. -- Du vieux mot maque: vente. V. Roquefort. --
Un dénonciateur vous vend à la police. -- « Dans le nez toujours tu
auras ma macarons et cabestans. » -- Vidocq. -- Macaroner: Trahir.
MAC-FARLANES : Long pardessus sans manches, avec grand collet tombant
sur le devant. -- « Ils portent des mac-farlanes. » -- Les Étudiants,
1860.
MACHABÉE: « On appelle machabée tout être, homme ou animal, qui est
privé de vie, et que l'on rencontre flottant sur un cours d'eau ou
échoué sur le rivage. " -- Val. Dufour. -- Machabée: Juif. -- -
Allusion biblique.
MÂCHER (Ne pas le): Parler franchement sans murmurer entre ses dents. --
« Quand j'ai lieu de vous en vouloir, Ah! n'ayez pas peur que j'vous
l'mâche! » -- De Longchamps, Ch., 1809.
MACHIN: L'homme ou la chose dont on ne peut se rappeler le nom. V.
Chose. -- « M. Mâchin, pardon! je ne me rappelle jamais votre nom. »
-- H. Monnier, 1840. -- Dans la Gabrielle d'E. Aubrier, l'avoué
Chabrière prie sa femme de faire « un machin au fromage.»
Mâchoire: Suranné. « L'on arrivait par la filière d'épithètes qui
suivent: ci-devant, faux toupet, aile de pigeon, perruque, étrusque,
mâchoire, ganache, au dernier degré de la décrépitude, à l'épithète la
plus infamante, académicien et membre de l'Institut. » -- Th. Gautier,
1833, -- « Vieille Mâchoire: Personne sans capacité, ignorant, sot. »
-- 1808, Dhautel. -- V. Ganache.
MAIN CHAUDE (Jouer à la): Être guillotiné . V. Raccourcir.
MAJOR: « Le chirurgien, le tambour-major, le sergent-major, enfin le
gros et inévitable major, sont dénommés indistinctement majors. » --
L. Huart.
MAL (faire): Faire pitié. -- « Qu'on vienne baiser son vainqueur --
Comme tu me fais mal ! » -- Gavarni.
MALADE: Prisonnier. -- Maladie: Emprisonnement (Vidocq). V. Hôpital.
Malade du pouce: Fainéant dont la paresse constitue la seule
infirmité. -- Malade du pouce: Avare -- «Il est malade du pouce. Ça
empêche les ronds de glisser. » -- Monselet. -- C'est-à-dire: ses doigts
ne peuvent se résoudre à laisser échapper la moindre monnaie.
MAL BLANCHI: Nègre. -- « Va donc! mal blanchi, avec ta figure de
réglisse. » -- Bourget.
MALINGRER: Souffrir (Vidocq). -- Malingre se dit encore pour
souffreteux.
MALLE (Ch-er dans la): Faire affront. Mot à mot: chier dans la poche
d'autrui. -- « On se torche à présent de la foi conjugale. Quoi qu'il en
soit, Léandre a chié dans ma malle. » -- Le Rapatriage, parade du dix-
huitième siècle.
MALTAIS: Cabaretier. -- Beaucoup de Maltais exercent cette profession en
Algérie, d'où vient le terme.
MALTOUZE: Contrebande. -- Maltouzier: Contrebandier.
MANCHE DE VESTE: Jambe arquée comme une manche d'habit. -- « Mosieu
Belassis, moi j'ai pas des jambes en manches de veste. » -- Gavarni.
Être manche à: Avoir fait autant de progrès qu'un adversaire. -- Mot à
mot: être manche à manche. Au whist, la manche est une des parties
liées qui compose le robber. -- « Ça nous met manche à manche. A
quand la belle? » -- E. Sue.
MANETTE (Mlle): Malle (Vidocq). -- Diminutif de manne: malle d'osier.
MANGER, MANGER LE MORCEAU: Dénoncer, avouer. -- « Le morceau tu ne
mangeras de crainte de tomber au plan... -- Paumé tu ne mangeras dans le
taffe du gerbement. » -- Vidocq.
Manger sur: Dénoncer. -- « François a mangé sur vous. » -- Canler.
MANGEUR: Dissipateur. -- Mangeur de galette: Fonctionnaire vénal
(Vidocq). -- Mangeur de blanc: Homme se faisant entretenir par une
femme. V. Dhautel. -- Mangeur de blanche serait plus juste. --
Mangeur de bon Dieu, de messes: Dévôt. -- « Quittez vos tanières,
antiques comtesses, mangeuses de mes ses. » -- Départ de la Cour, Ch.,
1830.
Manière (1re, 2me 3me): Ligne de conduite ou manière de faire son
rapport avec l'âge, les progrès, ou les calculs d'un artiste, d'un
écrivain, d'un intrigant, etc. -- « Faustine en était encore au
désintéressement, sa première manière, ainsi qu'elle disait elle-même,
en empruntant le langage des artistes, » -- dit M. Amédée Achard, dans
ses Petits-Fils de Lovelace, d'une fille qui joue le désintéressement
afin de mieux enlacer ses victimes.
Manières: Air d'importance. -- «Ça fait des manières et ça a dansé
dans les choeurs... » -- Gavarni.
MANNESINGUE, MINZINGUIN: Marchand de vin. -- Mot à mot: homme (mann)
vendant à boire (zu trinken). On a dit d'abord Mannestringue, puis
mannesingue. Minzinguin est un diminutif corrompu. -- « Quel est
celui-là? -- Un ami, un vrai, un marchand de vin... -- Un mannezing? »
-- G. Bourdin. -- « Le roi est un bon zigue qui protège les minzinguins.
» -- Cabassol. -- V. Licher.
MAQUILLAGE: Le maquillage est une des nécessités de l'art du comédien;
il consiste à peindre son visage pour le faire jeune ou vieux, le plus
souvent jeune. -- « Dans certains théâtres on voit de jeunes aspirantes
qui se font des yeux jusqu'aux oreilles et des veines d'azur du corset
jusqu'aux tempes; ce ne sont pas des femmes, ce sont des pastels. Cette
première catégorie de grues s'appelle les maquillées. » -- Joachim
Duflot, Dict. des Coulisses.
Maquiller: Farder. -- Même origine que le mot suivant. On sait que les
maquignons maquillent à merveille un cheval pour lui donner une
meilleure apparence .
MAQUILLER: Agir, machiner. -- « C'est par trop longtemps boire; Il est,
vous le savez, heure de maquiller. » -- Grandval, 1723. -- Maquiller un
suage: Se charger d'un assassinat. -- Maquiller son truc: Faire sa
manoeuvre. -- Maquiller une cambriolle: Dévaliser une chambre. --
Maquiller les brèmes: Jouer aux cartes. V. Momir. Ce verbe paraît
venir du vieux mot maquillon: maquignon, qui vient lui-même de
maque. V. Roquefort et Fr. Michel. -- Maquignonner, c'est, en effet,
machiner n'importe quoi, pourvu qu'on y gagne.
MAR: Désinence arbitraire. -- « Quant au reste de la langue, on se
bornait (en 1830) à retrancher la dernière consonnance pour y substituer
la syllabe mar. On disait Épicemar pour épicier, Boulangemar pour
boulanger, Cafemar pour café, et ainsi de suite. C'était de l'esprit
dans ce temps-là. Il est vrai que nos pères ont tous ri à se tordre en
mettant le mot turlurette la fin de chaque couplet de chanson. Que
signifiait mar? Que voulait dire turlurette ? Absolument la même
chose. Personne n'a jamais pu le savoir. » -- P. d'Anglemont. « Méfie-
toi... Le jeune épicemar est très-fort au billard et au piquet. » --
Champfleury. V. Rama.
MARCANDIER: Marchand. -- On trouve dans Roquefort mercadier. V.
Solir, Farre.
MARCHANDS D'HOMMES: Agent de remplacement militaire, négrier. -- « D'un
marchand d'hommes, je vois l'enseigne. » -- Léonard, Parodie, 1863. --
« Détestable anglais! ajouta le marchand d'homme. » -- L. Desnoyer.
Marchand de lacets: Gendarme -- Il offre aux malfaiteurs des lacets
(poucettes) que ceux-ci trouvent toujours trop chers. V. Hussard.
Marchand de soupe: Maître de pension qui spécule sur la nourriture de
ses élèves. -- « Style universitaire! Les marchands de soupe doivent
être bien fiers. » -- L. Reybaud.
MARCHE À TERRE: Fantassin. -- « Quand tu étais dans la cavalerie, tu
n'étais pas dans les marche à terre. » -- Vidal, 1833.
MARCHER, MARCHER AU PAS: Être contraint à obéir. -- « Empereur Nicolas,
Les Français et les Anglais te feront marcher au pas. » -- Layale,
Ch., 1855.
MARCHEUSE: « La marcheuse est un rat d'une grande beauté que sa mère,
fausse ou vraie, a vendu le jour où elle n'a pu devenir ni premier, ni
deuxième, ni troisième sujet de la danse, et où elle a préféré l'état de
coryphée à tout autre, par la grande raison qu'après l'emploi de sa
jeunesse, elle n'en pouvait pas prendre d'autre. Pour qu'un rat devienne
marcheuse, c'est-à-dire figurante de la danse, il faut qu'elle ait eu
quelque attachement solide qui l'ait retenu à Paris, un homme riche
qu'elle n'aimait pas, un pauvre garçon qu'elle aimait trop. C'est un
débris de la fille d'Opéra du dix-huitième siècle. » -- Balzac.
Marcheuse: « Un simple bonnet la coiffe; sa robe est d'une couleur
foncée et un tablier blanc complète ce costume. Les fonctions de la
marcheuse sont d'appeler les passants à voix basse, de les engager à
monter dans la maison qu'elle représente, où, d'après ses annonces
banales, ils doivent trouver un choix exquis de jeunes personnes. » --
Béraud. -- « Enfin arrivent les marcheuses... Elles marchent pour les
filles demeurant en hôtel garni; celles-ci n'ont qu'une chaussure et un
jupon blanc Faut-il qu'elles exposent dans les boues leur unique
habillement, la marcheuse affrontera pour elles les chemins fangeux. »
-- 1783, Mercier.
MARÉCAGEUX (OEil): OEil voluptueux, à demi-noyé de langueur. -- « Mais
que tu danses bien la galope, Avec ton oeil marécageux. » -- Chans.
populaire.
MARGAUDER: Décrier la marchandise. -- Corruption du mot marchander. --
« Madame trouve moyen de margauder. » -- La Correctionnelle.
MARGOT, GOTON: « Nom fort injurieux donné à une courtisane, à une femme
de mauvaise vie. » -- 1808, Dhautel. -- « Nous le tenons. Nous savons où
demeure sa margot. » -- E. Sue. -- On dit aussi sa jacqueline. (V. ce
mot). -- Dans son Vieux Cordelier, Camille Desmoulins apostrophe ainsi
Hébert: « Le banquier Kocke, chez qui toi et ta Jacqueline vous passez
les beaux jours de l'été. »
MARGOULETTE: Bouche. -- Diminutif de marge. Les lèvres forment la
marge du palais. Peut être aussi diminutif corrompu du vieux mot
gargoule: bouche.
MARGOULIN: Débitant, dans la langue des commis voyageurs. -- « Parfois
le margoulin est fin matois. » -- Bourget.
MARLOU: Souteneur. -- Corruption du vieux mot marlier: sacristain. --
Les souteneurs étaient de même appelés sacristains au dix-huitième
siècle. On en trouve plus d'une preuve dans Rétif de la Bretonne. -- «Un
marlou, c'est un beau jeune homme, fort, solide, sachant tirer la
savate, se mettant fort bien, dansant la chahu et le cancan avec
élégance, aimable auprès des filles dévouées au culte de Vénus, les
soutenant dans les dangers éminents... » -- Cinquante mille voleurs de
plus à Paris, Paris, 1830, in-8. -- « Par extension, on appelle marlou
tout homme peu délicat avec les femmes, et même tout homme qui a mauvais
genre. » -- Cadol.
MARMITE: Fille publique nourrissant un souteneur. -- Allusion facile à
saisir. -- « Un souteneur sans sa marmite est un ouvrier sans ouvrage. »
-- Canler. -- Marmite de terre: Prostituée ne gagnant pas d'argent à
son souteneur. -- La Marmite de fer gagne un peu plus. -- La Marmite
de Cuivre rapporte beaucoup. -- (Dict. d'argot, 1844.)
MARNER: Voler. « Il y a des cabrioleuses très habiles qui, feignant
une erreur, s'élancent dans les bras du voyageur qu'elles veulent
marner: « C'est toi, mon loulou, s'écrient-elles, viens donc que je
t'embrasse! » On prétend que ces donneuses de bonjour sont rarement
mises à la porte par le provincial, affriolé par des caresses de haut
goût. » -- Alb. Monnier. -- Du vieux mot Marronner_: pirater.
MAROTTIER: Marchand ambulant.
MARQUEUR: « On appelle marqueur, dans le langage des estaminets de
Paris, l'individu chargé de faire la partie des habitués, quand ces
derniers manquent de partenaires. La plupart donnent des leçons au
cachet. » -- Montépin. -- . Appelés ainsi parce qu'ils se chargent de
marquer les points.
MARRON: En flagrant délit de vol ou de crime. -- Du vieux mot
marronner: faire le métier de pirate, de corsaire. V. Roquefort. --
Marron serait en ce cas une abréviation du participe marronnant. --
Paumer marron, Servir marron: Prendre sur le fait. -- « J'ai été paumé
marron. » -- La Correctionnelle. -- V. Servir, Estourbir.
MARRONNER: Bouder, murmurer. -- C'est, selon Dhautel, une corruption du
mot marmonner: marmotter. -- « J'peux pas voir ça, moi! je marronne
tout haut. » -- Cognard, 1831.
MARSEILLAISE: Pipe courte et poreuse fabriquée à Marseille. -- « Et tout
en parlant ainsi, il chargeait et allumait sa marseillaise. » -- Luchet.
MASTROQUET : Marchand de vins. Mot à mot: l'homme du demi-setier. --
Vient de demi-stroc: demi-setier.
MATELOT: « Tous deux amis et se nommant mutuellement mon matelot: ce qui
est le plus grand terme d'affection connu sur le "gaillard d'avant. » --
Phys. du Matelot, 1843.
MAYEUX: Bossu. -- Un peu avant 1830, d'innombrables charges, parmi
lesquelles on distinguera celles de Traviès, eurent pour objet un bossu
du nom de Mayeux: c'est le type d'un homme ridiculement contrefait,
vaniteux et libertin, mais brave et spirituel à ses heures. De là son
nom donné à tous ceux qu'affligent la même infirmité. -- « Ici d'affreux
petits mayeux.» -- De Banville.
MÂTIN, MÂTINE: Personne déterminée, brusque, peu commode. -- Terme
emprunté à la race canine. «Kléber, un grand mâtin qu'a descendu la
garde, assassiné par un Égyptien. » -- Balzac. -- « Ah! mâtine de
Turquie. Remy, ch., 1854.
MAUVAISE (Elle est): Cette histoire n'est pas bonne, cet acte est
déplaisant. On dit dans le même sens: Je la trouve mauvaise. -- «
Quant à exiger qu'elles comprennent ce qu'elles disent, n'y pensez pas.
-- Elles la trouveraient mauvaise. » -- Les Cocottes, 1864.
MAZARO: Prison militaire qu'il ne faut pas confondre avec la salle de
police (our). Dans celle-ci l'homme puni passe seulement la nuit sur
une paillasse; dans l'autre, il reste jour et nuit couché sur la
planche.
MÉCANISER: Ennuyer. -- Mot à mot: réduire à un rôle passif, mécanique.
-- « Malgré qu'ça vous mécanise, Ça vous demande encore crédit. » --
Chansons, Clermont, 1837. -- « Et...Canalis regarda fixement Dumay qui
se trouva, selon l'expression soldatesque, entièrement mécanisé. » --
Balzac.
MÉCHANT (Pas): Encore une expression éminemment parisienne, dont la
portée est plus grande qu'on ne pense. On dit d'une toilette mesquine,
d'un homme inepte, d'un livre sans valeur: Ça n'est pas méchant; ca ne
mord pas! -- comme on dit d'un homme zélé: C'est un féroce. -- « Achetez
un caloquet plus méchant, votre tuyau de poêle n'est pas trop rup. » --
Lem. de Neuville.
MÈCHE (Il y a mèche, il n'y a pas): Il y a moyen il n'y a pas le plus
petit moyen d'aboutir. Le mot fait image. Quand on a la mèche, on a
bientôt fait de tirer la corde à soi. -- « En termes typographiques,
lorsque les ouvriers proposent leurs services au prote de l'imprimerie,
ils demandent s'il y a mèche, c'est-à-dire: si on peut les occuper. »
-- 1808, Dhautel. -- « Mais il te fera pincer. -- Pas si bête! il n'y a
pas mèche. » -- E. Sue.
Mèche: Moitié. -- À six plombes et mèche: À six heures et demie. V.
Momir. -- Être de mèche: Être de moitié (Vidocq).
MÉCHI: Malheur (id). -- Abrév. du vieux mot méchief. V. Roquefort.
MÉDAILLE: « La jolie voix! dit Schaunard en faisant chanter les pièces
d'or. -- Comme c'est joli, ces médailles! ajouta Rodolphe. » -- Murger.
Médaillon: Derrière (Vidocq). -- Allusion de rondeur.
MÉDECIN: Avocat (id). -- Ne soigne-t-il pas les malades à l'hôpital?
V. ces deux mots. -- De là le mot médecine: bon conseil.
MÉDIUM: Homme qui prétend servir d'intermédiaire entre ses semblables et
certains esprits plus ou moins infernaux. -- Ses évocations sont
désignées aussi par un adjectif nouveau: médianymique.
MEG, MEC: Maître. V. Chique. -- Du vieux mot Mège: chef, souverain. V.
Roquefort, au mot megedux. -- Mec des mec: Dieu. V. Rebâtir.
MÊLÉ: Mélange d'eau-de-vie et de cassis, ou moins souvent de toute autre
liqueur. « Aimez-vous l'eau-de-vie? Dame! on vend ytout du mêlé. » --
Vadé, 1755. -- « Coquelin, des verres de mêlé pour ces dames. » -- 1845,
P. d'Anglemont, le Prado.
MELON :Niais, élève de première année à l'École]e Saint-Cyr. -- « Vous
êtes si melons à Châtellerault. » -- Labiche. -- « Qui viennent me
brimer, moi, malheureux melon. » -- Souvenirs de Saint-Cyr.
On dit aussi Cantaloup, -- « Ah ça! d'où sort-il, ce cantaloup? Sur
quelle couche monsieur son papa l'a-t-il récolté, ce jeune légume? » --
Ricard.
MÊME (Mettre a): Tromper. V. Emblème. -- On dit aussi Faire au même,
Refaire au même.
MÉNESSE: Femme, maîtresse (Dict. d'Argot, 1844).
MÉQUARD: Commandant. -- Méquer: Commander . -- De mec: maître.
MERCADET: Faiseur. V. ce mot.
MERDE . « Mot ignoble et grossier dont le bas peuple se sert dans un
sens négatif. » -- Dhautel, 1808. -- V. Cambronne. -- Merde: Homme
mou, sans consistance. -- Merde alors! Exclamation destinée à peindre
une situation critique, un accident funeste. Elle peut se traduire
ainsi: Alors, voici le moment de crier merde.
MERDEUX: « Terme injurieux qui se dit d'un poltron, d'un fat sans
esprit. » -- 1808, Dhautel. -- « Bâton merdeux: Homme qui brusque tous
ceux qui s'adressent à lui. » -- Id.
MERLAN: « Sobriquet donné à un perruquier à cause de la poudre qui
couvre ordinairement ses habits. " -- Dhautel, 1808. -- La Peyronie est
chef de perruquiers qu'on appelle merlans parce qu'ils sont blancs. » --
Journal de Barbier, 1744.
Oeil de merlan frit: OEil pâmé. -- « Enfin cet homme de brelan A les
yeux faits comme un merlan. " -- Troisième Suite du Parlement burlesque
de Pontoise, 1652.
MÉTAL: Argent. -- « Et t'as pas de métal. » -- Ricard.
MÉTIER: Habileté d'exécution. « Vois toutes ces esquisses: il y a de la
main, du métier; mais où est la conception, où est l'idée? » -- L.
Reybaud.
Faire du métier: Écrire, peindre ou sculpter dans le seul but de
gagner de l'argent et non de la gloire.
METTRE AVEC (Se): Vivre maritalement. -- « En se mettant avec Lise, le
général aurait dû nous dire: J'ai ça et ça à payer ; il ne l'a pas dit,
et ce n'est pas délicat. » -- Ricard.
Le mettre à quelqu'un: En faire accroire, tromper.
MEUBLE (Vieux): Personne usée, incapable de service. -- « Prends garde à
toi, vieux meuble, affreuse bohémienne! » -- Les Folles Nuits du
Prado, 1854.
MEULARD: Veau (Vidocq). V. Pavillonner. -- Allusion au mugissement du
veau.
MEZIÈRES: Bourgeois. -- Corruption du vieux mot Messires. V. Regout.
MÉZIGUE: Moi (Vidocq). V. Pavillonner.
MICHÉ: Homme payant l'amour d'une femme. -- Peut venir des vieux mots
michon: sot (V. Roquefort) ou michon: argent de poche (V. Dhautel).
-- « On appelle miché Quiconque va de nuit et se glisse en cachette Chez
des filles d'amour, Barbe, Rose ou Fanchonnette. » -- Mérard de Saint-
Just, 1764. -- Dans une Protestation des Filles de Paris, 1790, nous
lisons: « Ce pourfendeur de Mars avait bien affaire aussi de se
présenter pour nous enlever nos michés. » -- « La biche étudiante qui
avait levé un michet quelconque. » -- 1860, les Étudiants du Quartier
latin.
On disait aussi micheton: « All' me dit: Mon fiston, Étrenne ma
tirelire. Je lui réponds : Ma poule, tu m' prends pour un mich'ton. » --
Le Bâtonniste à la Halle, Aubert, 1813.
Outre le miché proprement dit, il y a le miché sérieux et le miché de
carton -- « 1/ Le michet sérieux équivaut à l'entreteneur... Dans
un lieu de plaisir où les femmes sont nombreuses, les jeunes gens se
disent souvent, comme un mot d'ordre: Messieurs, ne parlez pas à la
petite une telle, elle est ici avec son michet sérieux. Le même
individu se désigne aussi par ce mot: Ponteur. Ce dernier mot, pris
dans le vocabulaire des jeux, vient du verbe Ponter (V. Ponter). -- 2/
Le michet de carton est un jeune homme bien élevé, qui fréquente les
femmes entretenues. Il ne va jamais coucher chez elles, sauf durant les
interrègnes des michets sérieux. En tout autre cas, sa maîtresse vient
chez lui. Il ne donne que des cadeau, paie à souper, à dîner dehors, à
déjeuner chez lui. Il conduit aux courses en voitures et au théâtre en
petites loges de baignoires Il ne sort point dans la rue avec les
femmes. Il les salue au bois d'un petit geste. » -- Cadol. -- Il y a
longtemps que le carton symbolise une apparence trompeuse. Saint-Simon
appelait déjà le duc du Maine un roi de carton, c'est-à-dire un roi de
cartes. V. Carton, Mikel.
MIDI (Il est): Il n'est plus temps. -- Date du temps où midi était
l'heure du repas, celle où cessait toute affaire.
MIE DE PAIN: Vermine (Vidocq). -- Allusion à la démangeaison causée par
une mie de pain égarée.
MIETTE (Une): Un peu. -- « Minute! je me chauffe les pattes une miette.
» -- Gavarni.
MIKEL: Dupe (Vidocq). -- C'est le nom de Michel dont le diminutif
michon signifiait autrefois sot. V. Roquefort.
MILORD: On donne moins ce nom aux Anglais qu'à ceux dont les largesses
rappellent l'opulence britannique. Au moyen âge, milourt avait déjà le
même sens, avec une acception plus ironique encore. C'est, comme
Anglais, un fruit de nos anciennes guerres. -- « Ce sont milourdz qui
ne voulsissent point d'hostes avoir. » -- Cretin, Épitre à Charles
VIII. -- « Et je vous attise un beau feu au dessoubs et vous flambois
mon milourt comme on faict les harencs sorets à la cheminée. » --
Rabelais, Ch., 14. -- « Le gros tailleur se dit négociant. À sa
tournure il n'est pas milord russe. » -- Sénéchal, Ch., 1852. -- «
Être sur le boulevard de Gand, se donner un air milord. » -- Ed.
Lemoine.
Milord est souvent synonyme du miché sérieux décrit plus haut.
Exemple: -- « Le notaire est son milord. » -- Balzac.
Milord: Cabriolet à quatre roues. -- « On vote vingt-deux sous à
Clémence pour un cabriolet milord. » -- Méry.
MINCE: Papier à lettres (Vidocq). -- Allusion d'épaisseur.
MINETTE: Mot d'amitié. V. Chat. -- « Oui, minette, je me calme. » --
De Courcy.
MINOTAURE, RISÉ: « Quand une femme est inconséquente, le mari serait,
selon moi, minotaurisé. » -- Balzac,
MINUIT: Nègre (Vidocq). -- Allusion à la couleur sombre de la nuit.
MINZINGUIN: « Le roi est un bon zigue qui protège les minzinguins. » --
Cabassol. -- V. Mannezingue.
MIOCHE, MION: Bambin. -- Mion est un mot de langue romane (V.
Roquefort) dont mioche serait le diminutif. -- « C'est à moi que
reviendra le droit d'être le parrain de tous les mioches. » -- Bourget.
-- V. Dardant.
MIRADOU: Miroir (Vidocq). -- Mirauder voulait dire autrefois regarder.
MIRETTE: OEil (id). -- L'oeil est un petit miroir.
MIROBOLAMMENT: Merveilleusement. -- « A meubler mirobolamment sa maison.
» -- Balzac.
Mirobolant: Merveilleux; -- « La cravate mirobolante. » -- Ed.
Lemoine. -- « Je me sens d'une incapacité mirobolante. » -- Balzac.
MIRZALE: Boucle d'oreille (Vidocq). -- Même construction que dans cabe,
combre, calvin. Une mirzale est mot à mot: ce qui mir-oite z'à
l'oreille.
MISÉRABLE: Petit verre. V. Monsieur.
MISLOQUE: Comédie (Vidocq) . -- « Je joue la mislocq pour un fanandel en
fine pégrenne. » -- Balzac.
MOLANCHE: Laine (Vidocq). -- Diminutif de molle.
MITRAILLE: Monnaie de cuivre. -- On disait autrefois mitaille. V.
Roquefort.
MITRE: Cachot (Vidocq). -- Au moyen âge le mitre était le bourreau.
MOBILE: Garde mobile. De 1848 à 185O, on a dit souvent la mobile, un
mobile. -- « Qui sait comment cela eût fini si la mobile ne s'en fût
mêlée. Brave mobile! » -- L. Reybaud. -- À la révolution de juillet, on
donnait déjà ce nom aux volontaires de la Charte. « Pour m'engager
dans la mobile j'avons quitté veste, tablier. » -- Patriote Buteux_,
1830.
MOKA: (Fort de): V. Café.
MOLLARD: Graillon, expectoration laborieuse. Du vieux mot moller:
s'efforcer. V. Roquefort.
MÔME, MOMIGNARD, MOMAQUE: Petit enfant. -- Du vieux mot momme:
grimace. Les petits enfants en font beaucoup. -- On dit encore
momerie. En ce sens momaque et momignard sont les diminutifs dont
Le second seul est pris en bonne part. -- « Les rats dont nous voulons
parler sont des mômes. » -- Paillet. -- « Elle entre avec un enfant dans
un magasin et en faisant semblant de poser son momignard a terre. » --
Id.
Tire-môme, momière: Sage-femme.
Momir: Accoucher d'un môme. -- « Ma largue aboule de momir un
momignard d'altèque qu'on trimbalera à la chique à six plombes et mèche
pour que le ratichon maquille son truc de la morgane et de la lance. »
-- Vidocq.
MONACOS: « Honoré V, mort de dépit en 1841, de n'avoir pu faire passer
pour deux sous en Europe ses monacos, qui ne valaient qu'un sou. » --
Villemot. -- V. Coller.
MONANT: Ami (Vidocq).
MONNAIE: (Plus que ça de): Exclamation admirative équivalant à Quelle
bonne fortune! -- « Mon homme a la croix d'honneur. Pus que ça
d'monnaie! » -- Ricard.
MONARQUE: Roi de cartes. -- « Ou si c'est un roi qu'elle relève, elle
s'écrie: Je pince le monarque. » -- M. Alhoy.
Monarque: Pièce de monnaie. -- Allusion à l'effigie royale. -- « Il va
nous donner quequ'vieux monarque pour y boire à la santé... » --
Gavarni.
MONOCLE : Lorgnon simple. -- « Adapte donc un monocle à l'arcade de ton
oeil gauche! » -- Montépin.
MONSEIGNEUR: Pince à forcer les portes. -- Jeu de mots. -- Quelle est la
porte ne s'ouvrant pas lorsqu'on annonce monseigneur? -- Si, comme
l'affirme M. Fr. Michel, on a dit autrefois Monseigneur le Dauphin et
par abréviation Dauffe, nous voyons encore là un calembour sur le dos
fin de la pince qui permet son introduction. Caroubleur. V.
Caroubleur.
MONSIEUR: Entreteneur. V. Amant de coeur. -- On ne peut pas parler à
mademoiselle. Et le mosieur... n'y est pas? » -- Gavarni. -- « En argot
de galanterie, le mot d'époux désigne l'entreteneur; mais il n'est pas
le seul. Suivant le degré de distinction d'une femme elle dit: Mon
époux, -- mon homme, -- Mon monsieur, -- mon vieux:, -- monsieur chose,
-- mon amant, -- monsieur, -- ou enfin monsieur un tel. -- -- Sauf dans
la haute aristocratie où l'on dit: Monsieur un tel, ce mot mon époux
est général, il se dit dans toutes les classes. » -- Cadol.
Faire le monsieur: Trancher du maître, du fashionable. -- « Sa
suffisance le fait haïr, il fait le monsieur. » -- Hilpert.
Monsieur: mesure de capacité -- « Il existe de plus une certaine eau-
de-vie dont le prix varie suivant la grandeur des petits verres. Voici
ce que nous lûmes sur une pancarte: Le monsieur, quatre sous; la
demoiselle, deux sous; le misérable, un sou. » -- G. de Nerval.
MONSTRE: Détestable, monstrueux, au figuré. V. Crapaud. -- « J'en ai
assez de vos monstres de concerts. » -- P. de Kock, 1845.
Monstre: Colossal. -- « Elle lui apporte un bouquet monstre. » -- M.
Alhoy.
Monstrico: Petit monstre. -- « Ce petit monstrico ! » -- Balzac.
MONT: Mont-de-Piété. -- Abréviation. -- « Elle tient comme qui dirait un
petit mont bourgeois... elle prête sur gages et moins cher qu'au grand
mont. » -- E. Sue. -- V. Tante.
MONTANT: Pantalon. -- Le mot a été fait pour les anciennes culottes qui
montaient assez haut. -- V. Tirant.
MONTMORENCY: À Paris, on appelle ainsi les cerises du nom de l'endroit
où elles sont réputées. On dit de même Montreuil pour pêche,
Fontainebleau pour raisin de treille, Valence pour orange. -- Qui
n'a entendu crier: « V'là des mémorenci, trois sous la livre! »
MOQUER COMME DE L'AN 40 (Se)»: Sous-entendu, de l'an 40 de la
République, c'est-à-dire d'un an qui n'arrivera point. Expression due
sans doute aux royalistes. -- « Je m'en moque comme de l'an 40 » --
Jaime.
MONTER LE COUP: Tromper. V. coup.
Monteur de coups: Faiseur. -- « Je serai le seul monteur de coups À
qui tu r'pass'ras en arrière Tes gros sous. » -- Festeau.
Monter sur la table: Avouer ses crimes et ceux de ses complices
(Vidocq). -- Il paraît y avoir une certaine relation d'origine entre
manger le morceau et monter sur la table.
Monter des couleurs: Mentir. -- « As-tu fini? Pour m'éprouver, tu veux
monter des couleurs, belle Zaïre, mais cela ne va pas. » -- Decourcelle,
1840.
MORASSE (Battre): Crier à l'assassin. V. Battre_.
MORDRE (Ne pas): Être sans force, sans esprit ou sans talent. V.
Méchant.
MORT (Faire le): Jouer le whist à trois personnes, en découvrant le jeu
d'un quatrième partenaire imaginaire. -- « Mais nous ne sommes que
trois! -- je ferai le mort. » -- Achard.
MORGANE: Sel (Vidocq). -- De morganer. V. Momir.
Morganer: Mordre (id.). -- Mot de langue romane. V. Roquefort
(Mordant).
MORFILLER: Faire, manger. -- Du mot de langue romane morfier: manger.
V. Du Cange. -- Morfillante: assiette. -- « Calvi morfile sa dernière
bouchée. » -- Balzac. -- V. Chêne, Jaspiner.
MORICAUD: Broc (Vidocq). -- Allusion à la couleur noire que lui donne le
vin.
MORILLO: Chapeau à petits bords, l'opposé du bolivar. V. ce mot. -- «
C'était le temps de la lutte des républiques de l'Amérique méridionale
contre le roi d'Espagne, de Bolivar contre Morillo. Les chapeaux à
petits bords étaient royalistes et se nommaient des morillos; les
libéraux portaient des chapeaux à larges bords qui s'appelaient des
bolivars. » -- V. Hugo.
MORNE: Mouton (Vidocq). -- Du vieux mot moraine: laine. V. Du Cange.
MORUE: Femme abjecte. -- « Vous voyez, Françoise, ce panier de fraises
qu'on vous fait trois francs; j'en offre un franc, moi, et la marchande
m'appelle... -- Oui, madame, elle vous appelle. . morue! » -- Gavarni.
MOTS (Avoir des): Échanger des reproches. -- « En rentrant du bal avec
ton amant, vous avez eu des mots, et il t'a flanquée à la porte. » --
Montépin.
MOUCHAILLER, MOUCHARDER: Espionner, dénoncer. -- En 1455, les gueux ou
coquillards de Dijon disaient déjà mouschier à la marine, pour
dénoncer a la justice.
Mouchard, Mouche: Espion de police. -- On connaît l'indiscrétion des
mouches; elles se fourrent partout. -- Dans une brochure de circonstance
qui parut en 1625 (le Marchand arrivé sur les affaires du temps), on
enjoint aux cabaretiers de frauder les droits de perception en ayant du
vin chez leur voisin et n'allant le chercher que la nuit « pour n'estre
pas veuz des mouches de ce païs icy qui valent pire que des guespes
d'Orléans. » -- Dans ses Politiques, Vincent Cabot (Toulouse, 1636)
traite, en son chapitre II, « Des mouschards et escouteurs desquels
les princes et les républiques se servent pour sçavoir les nouveautés et
les entreprises. »
Moucharde: Lune. V. Cafarde. -- « Mais bientôt la patraque au clair
de la moucharde nous reluque de loin. » -- Vidocq.
MOUCHE: « Mouche, pour ceux qui ne comprendraient pas le langage
parisien, signifie mauvais. » -- Troubat. -- Un volume intitulé les
Mystères des théâtres, par un vieux comparse, publié en 1844, donne
mouche dans le même sens. V. Toc.
Faire mouche: Tirer assez juste pour que la balle s'applatisse sur un
point noir (mouche), au centre de ]a cible. -- « Elles font mouche à
tout coup et tuent les hirondelles au vol. » . Second.
Tuer les mouches au vol: Avoir une haleine infecte. -- Si vous aviez
le pouvoir de faire croire que la soubrette tue les mouches au vol, vous
seriez joué demain. » -- Balzac. -- V. Couper la gueule.
Non, c'est que je me mouche, que je tousse: Réponse ironique faite à
celui qui demande la cause d'un bruit ou d'une chose qu'il aurait dû
deviner;. Dans cet exemple de Monselet: « Et maintenant regarde Comment
je me mouche!» on fait aussi entendre à l'interlocuteur que sa
pénétration est en défaut.
Ne pas se moucher du pied: Agir grandement. -- Mot à mot: en personne
qui sait vivre et non comme le voyou qui se mouche dans ses doigts, pour
effacer avec le pied la trace de la déjection qu'il a rejetée a terre.
-- « Mais c'est des artistes... qui ne se mouchent pas du pied. » --
Désaugiers. -- « Ce petit vin colorié Ne se mouche pas du pié. » -- J.
Moineaux. -- « Quoi! ton amour contrefait déjà l'estropié. Crois-tu que
je sois femme à me moucher du pié. » -- Le Rapatriage, parade, dix-
huitième siècle.
Moucher: Boucher. V. Esbrouffer. -- Moucher: Corriger, remettre les
gens à leur place. Mot à mot: éteindre leur insolence. -- Moucher:
Tuer, c'est-à-dire éteindre la flamme de la vie. -- « Aussi ne se
passait-il guère d'heures qu'il n'y eût quelqu'un de mouché. » -- Mém.
de Sully, seizième siècle. -- « Je l'enfile par un coup droit. Encore
un de mouché. » -- Randon. -- Du vieux mot muchier_: cacher, couvrir.
V. Roquefort.
MOUCHERON: Enfant. -- « La portière et son moucheron. » -- Léonard,
parodie, 1863.
MOUCHETTES (Des): Non. -- « Tu m'as volé! tu vas rendre! -- Des
mouchettes. » -- Léonard, id.
MOUILLANTE: Soupe (Vidocq). -- Mouillante: Morue. -- On sait que la
morue trempe ordinairement dans des baquets d'eau.
MOULE DE GANT: Soufflet. -- La main est un moule de gant. -- « Ne faut
pas avoir un air, sans ça j'te repasse un moule de gants qui ne t'en
restera pas une dent. » -- 1844, Cat. poissard. -- « Je lui donnai sur
sa face un moule de gant. » -- Rétif, 1783.
MOUSSE: Excrément. -- On s'injurie fréquemment dans le peuple par ces
mots: Vent et mousse pour toi!
Mouscailler: Aller à la garde-robe (Vidocq). -- De mousse.
Faire mousser: Louer immodérément. -- « Celui-ci commande de longs
articles dans lesquels il faut faire mousser les modistes en dix lignes.
» -- Roqueplan. » -- Mousser: Écumer de rage. -- « Ne moussez donc pas
comme ça. » -- Labiche. -- Mousseux: Faisant de l'effet redondant. --
« J'estime et j'honore celui qui est un peu mousseux dans sa façon de
parler. » -- La Bédollière.
MOUTON: « En prison, le mouton est un mouchard qui parait être sous le
poids d'une méchante affaire et dont l'habileté consiste à se faire
prendre pour un ami. » -- Balzac. -- Allusion ironique à la fausse
candeur de ces compères. -- Moutonner: Dénoncer. V. Coqueur.
MOYAMBINE: V. Panama.
MUETTE: Conscience (Vidocq). -- Mot inventé pour les hommes qui n'ont
pas de conscience.
Muette: Exercice dans lequel, par espièglerie ou par antipathie pour
un chef, les élèves de Saint-Cyr ne font pas résonner leurs fusils. -- «
Lorsque vient le tour de commandement d'un gradé ou d'un chef détesté,
on convient de lui donner une muette. » -- De la Barre.
MUFLE, MUFFE, FETON: Homme mal élevé, grossier. -- Allusion au mufle
d'un animal. -- « Eh! dis donc, la belle blonde, tu vas quitter ces deux
muffles et t'en venir avec moi. » -- E. Sue. -- « Vois-tu, muffeton? lui
disait la dame. » -- G. de Nerval. -- V. Balancer.
MUSARDINE: Habitué femelle des Concerts-Musards, de 1858 à 1860. -- « On
dit une musardine, comme jadis on disait une lorette. -- A. Second.
MUSETTE: V. Piper, Couper.
MUSICIEN: Dénonciateur. -- Allusion au bruit de la musique. V.
Coqueur.
Musiciens: Haricots. -- Allusion au bruit des vents qu'ils forment
dans les entrailles.
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NAGEOIR: Poisson (Vidocq) .
Nageoire: Favori large s'écartant de la joue comme
une nageoire de poisson. -- « L'ampleur de ses favoris qu'il persiste à
appeler des nageoires. » -- M. Saint-Hilaire.
NATURALIBUS (In): Dans l'état de nature, nu. -- « Mon Joseph eut avec
elle un tête-à-tête in naturalibus. » -- Beaufort, Elle et Moi,
Troyes, an VIII. -- « L'autre regardant à l'horizon in naturalibus. » --
Commerson.
NAVETS (Des): Non. -- « Est-ce que j'en suis? -- Toi, mon bonhomme,
beaucoup de navets! » -- Montépin. -- « M'exposer à Saint-Lazare pour
ça... Des navets! » -- Jaime.
NAZE, NAZICOT, NAZARET: Nez. -- Mot de langue romande. V. Dariole.
NÈFLES (Des): Même signification. -- « Souper avec vous, des nèfles !
Les panés, il n'en faut pas. » -- Les Cocottes, 1864.
NÉGOCIANT: « Allons nous promener, faisons les négociants. -- Terme
suprême du matelot pour exprimer un homme qui n'a rien à faire. » --
Phys. du Matelot, 1843.
NÉGRESSE: Paquet couvert de toile cirée (Vidocq, 1837). -- La toile est
noire.
Négresse: Punaise. -- « Je sentis bien, quand nous étions couchés,
Qu'i ne manquait pas de négresses, Et même de grenadiers. » -- Lecart,
Ch., 1851. -- Allusion à la couleur foncée de la punaise. Quant aux
grenadiers, qui représentent les poux de la plus forte taille, il faut
se rappeler qu'on appelle grenadiers des soldats d'élite et garnison
la vermine qui couvre une tête. Les gros poux sont donc les grenadiers
de la garnison.
NÉNAIS, NÉNET: Sein. -- « Tenez, mon coeur, voilà le corset, ajustez-moi
ça sur mes nenets. » -- Ricard. -- « Petite maman s'est fait des nénais
avec du coton. » -- Gavarni.
NÉO-CATHOLIQUE, NÉO: « Je passai ensuite en revue les diverses sectes de
néo-chrétiens dont Paris était inondé. Il y avait les néo-chrétiens du
journal l'Avenir, les néo-chrétiens de M. Gustave Drouineau, les néo
catholiques et une foule d'autres, tous possédant le dernier mot du
problème social et religieux. » -- L. Reybaud, 1843.
NEP: Voleur brocantant de fausses décorations (Vidocq).
NETTOYER: Ruiner, voler. V. Lavage.
NEZ (Faire son): Montrer son désappointement. -- « Nous nous sommes payé
le billard, j'en ai rendu vingt-cinq de trente à Lahure, qui faisait un
nez aussi long que sa queue de billard. » -- Voizo, Ch.
Se rougir, se piquer le nez: S'enivrer. -- Un nez piqué rougit, et on
sait qu'un nez rouge pronostique souvent l'ivresse. -- « Elle prend sa
volée Pour se rougir le nez. De la Californie elle revient pompette. »
Chansons, Guéret_, 1851. « Qui ne s'est pas piqué le nez une pauvre
fois dans sa vie? » -- Grévin.
Nez qui a coûté cher à mettre en couleur: Nez dont la teinte rubiconde
atteste que son porteur a payé plus d'une bouteille.
Avoir dans le nez: Détester quelqu'un. -- Mot à mot: être infecté par
ses actes, par ses manières. -- C'est ainsi qu'on appelle puant un
homme qu'on ne peut supporter. V. Macaron.
Saigner du nez: Rester sans combattre. -- Mot à mot: saigner du nez au
lieu de saigner du bras. -- « Sa grande colère de voir que les sans-
culottes saignent du nez quand il faut frapper. » -- 1793, Hébert.
Se casser le nez: Trouver porte close.
NIBERGUE, NIENTE: Rien. -- Ce dernier est un mot de langue romane. V.
Roquefort. -- La négation Bernique paraît avoir fourni un anagramme
dans Nibergue. V. Litrer.
NICODÈME, NICDOUILLE, NIGAUDINOS: Nigaud. Le dernier mot vient du nom
d'un personnage du Pied de Mouton, féerie de Martinville, 1806. -- «
Vous vous êtes en allé fâché, désespéré, nigaudinos. » -- Balzac. -- «
Tais-toi donc, nicdouille. » -- Phys. du Matelot, 1843. -- « Va t'en,
grand nicodème, avec ton air dindon. » -- Decourcelle, 1832.
NINI, C'EST FINI: Formule négative, dont on épelle pour ainsi dire le
premier mot. -- « Ne me parlez plus de rien.., n, i, ni, fini. €, --
Rousseliana, 1805. -- « N, i, n, i, c'est fini, plus de Malvina. » -- L.
Reybaud.
NINI, NINICHE: Mot d'amitié. Diminutif d'Eugénie. -- « Quand maman aime
bien petit papa, elle appelle petit papa ma niniche. » -- Gavarni.
NIOLLE, NIOLLEUR: « Un niolle est un chapeau d'homme retapé. Les
niolleurs sont les marchands de vieux chapeaux. » -- Mornand.
NIORT (Aller à): Nier. -- Jeu de mots. -- « Je vois bien qu'il n'y a pas
moyen d'aller à Niort. » -- Canler. -- V. Flacul.
NISCO, NIX: Non. -- Nisco est un diminutif du vieux mot nis: pas un.
V. Roquefort. -- Nix est un germanisme. -- « Nisco, mon Jésus. » --
Festeau. -- « Fût-il un phénix, Nix. » -- Désaugiers.
NOCE: Débauche. -- Allusion aux excès qui accompagnent les noces de
campagne. -- « V'là deux jours que je fais la noce. » -- H. Monnier. --
« Pour y refaire leur santé délabrée par la noce. » -- De Lynol.
Nocer: Faire la noce. -- « Est-ce que tu as nocé aujourd'hui? -- Nocé!
ah bien oui! » -- E. Sue.
Être de la noce: Avoir de l'argent, c'est-à-dire les moyens de faire
la noce. -- N'être pas à la noce: Être dans une position critique. --
« Il y a eu un moment où je n'étais pas à la noce. » -- E. Sue. --
Noceur: Débauché. -- « Ce grand noceur de Louis XV. » -- La
Bédollière. -- « Chaque aimable danseur m'appelle la noceuse. La noce
est mon bonheur. » -- Aubry, 1842.
NOEUD (Filer son): Partir. Terme de marine. -- « Viens-tu! ou je file
mon noeud. » -- H. Monnier.
NOIR: Café. -- Allusion de couleur. -- « Je paie le noir et je m'enfile
de douze sous. » -- Monselet.
NOM D'UN! Nom d'un nom ! Nom d'une pipe ! Nom d'un petit bonhomme! nom
d'un tonnerre! -- Jurons innocents chargés d'exprimer la colère, la
surprise ou l'admiration. -- « 86,000 fr. par an ! Nom d'un petit
bonhomme ! c'est joli. » -- L. Reybaud. -- Nom d'un petit bonhomme est
une allusion aux statuettes qui représentent le Christ. -- « Nom d'une
pipe! si vous m'approchez... » -- Mélesville, 1830.
NONNE (Faire): Faire un attroupement simulé pour aider à un vol
(Vidocq). -- Mot à mot: faire le neuvième. -- Du vieux mot nonne. V.
Roquefort.
Nonneur: Compère de voleur à la tire.
NOURRIR: Préparer de longue main. -- « Ce garçon qui devait avoir nourri
ce poupon (complotté ce crime) pendant un mois. » -- Balzac.
Nourrisseur: « Les nourrisseurs préparent et nourrissent une
affaire; ils savent le moment où le rentier touche sa rente et les jours
de rentrée du négociant; ils étudient la maison et les habitudes des
gens qu'ils veulent faire voler. » A. Monnier. -- V. Cambriolleur.
NOYAUX: les pièces de monnaie. -- Du vieux mot noiau: bouton d'habit.
V. Roquefort. -- « Le sacré violon qu'avait joué faux, Voulut me
demander les noyaux. » -- Vadé, 1760. -- « Tu jouis des noyaux du défunt
banqu'rout'mard. » -- Festeau.
NUMÉRO UN, PREMIER NUMÉRO: Premier par ordre de mérite. -- « C'est de la
folie à l'état de numéro un. » -- Janin. -- « Une lanterne premier
numéro et d'un tel reflet qu'on dirait un phare. » -- Deslys.
Bon numéro: « Deux papas très-bien, ce sont deux papas d'un bon
numéro. Comprenez-vous? -- Pas trop. -- Deux pères parfaitement
ridicules en leur genre. » -- Th. Gautier.
Aller au numéro cent: Se rendre aux lieux d'aisance. -- Calembour.
C'est le numéro qui sent le plus.
Connaître le numéro de quelqu'un: Être fixé sur sa valeur morale. -- «
Je sais d'où tu viens, je sais par où tu as passé, je connais tous tes
numéros. » -- Ces Dames, 1860.
Numéro sept: Crochet de chiffonnier. -- Allusion de forme.
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OBÉLISCAL: Merveilleux. -- Date du transport de l'obélisque de la place
de la Concorde. -- « Admirable! pyramidal! obéliscal! » -- 1845,
Almanach de la Polka.
OBJET: Amante, objet de la flamme amoureuse. -- « Il apprend que le cher
père A cloîtré son objet. » Désaugiers. -- « Quand on aime, on aime tout
de son objet. » -- Balzac.
OCCASE: Occasion. -- « Deux francs cinquante de bénef, profitez de
l'occase. -- A. Second.
D'occasion: De mince valeur. -- Allusion. -- On dit: une vertu, un
héros d'occasion. -- « Ces Desgrieux de carton, ces Lucien de Rubempré
d'occasion. » -- Delvau. -- « Maria, qui se case, Au mois, Fait sa tête
d'occase, Parfois. -- Ce couplet, extrait du Prado, de P. d'Anglemont,
1846, peut se traduire ainsi en langue vulgaire: Maria, à laquelle un
amant paie chaque mois son entretien, fait parfois sa tête d'occasion,
c'est-à-dire sans avoir de quoi légitimer cet orgueil.
OCRÉA: Soulier. Les élèves de l'École de Saint-Cyr font seuls cet
emprunt au grec. -- « Le pauvre Saint Cyrien portant des ocréas. » --
Souvenirs de Saint-Cyr.
OEIL: Crédit. -- Noté comme terme d'argot dans le Dictionnaire du
Cartouche de Grandval, 1827. -- « Je vous offre ]e vin blanc chez
Toitot; -- j'ai l'oeil. » -- Chenu. -- « La mère Bricherie n'entend pas
raillerie à l'article du crédit. Plutôt que de faire deux sous d'oeil,
elle préférerait, etc. » -- P . d'Anglemont. -- « En m'achetant à
l'oeil, ma plus belle marée. » -- Ricard. -- Ouvrir l'oeil: Accorder
du crédit. -- « La fruitière n'a jamais voulu ouvrir d'oeil: elle dit
qu'elle a déjà perdu avec des artistes. » Champfleury. -- Fermer
l'oeil: Ne plus vouloir accorder de crédit. -- Donner dans l'oeil:
Plaire, fasciner. -- « Ma personne avait peine à te donner dans l'oeil.
» -- Le Rapatriage, dix-huitième siècle. -- Avoir de l'oeil, Tirer
l'oeil: Produire de l'effet. -- Terme d'impression. On dit aussi en
parlant d'un tableau à effet qu'il a de l'oeil. -- « La chose a de
l'oeil. C'est léger, mais c'est trop léger. -- A. Scholl. -- « Aux
provinciaux que l'oeil de son ouvrage a attirés chez lui. » -- P. Borel.
-- Faire l'oeil: « le faiseur d'oeil n'a pas de prétention positive.
Il promène sur toutes les femmes son regard de vautour amoureux; il a
toujours l'air d'un Européen lâché au milieu d'un sérail... Pourtant
aucune femme n'est le point de mire de cette fusillade de regards. C'est
au sexe entier qu'il en veut. Il fait l'oeil, et voilà tout. » --
Roqueplan. -- V. Américain. -- Ouvrir l'oeil: Sur veiller
attentivement. -- Se battre l'oeil, la paupière: Se moquer. -- «
Gilles. Ah ! fussiez-vous elle! -- Isabelle. Ton maître s'en bat
l'oeil. » -- le Rapatriage, parade, dix-huitième siècle. -- « Que
Condé soit trompé par le duc d'Anjou, je m'en bats l'oeil ! » -- A.
Dumas. -- Mon oeil! Synonyme de Des fadeurs ! Des navets! V. ces
mots. -- « Quand le démonstrateur expose la formation des bancs de
charbon de terre, mon voisin s'écrie avec un atticisme parfait: Oui !
mon oeil! Au système du soulèvement des montagnes, il répond
triomphalement: « Oui! Garibaldi! » -- E. Villetard. -- Cette
expression est typique. Dès qu'une chose est à la mode au point
d'accaparer toutes les conversations, les Parisiens procèdent eux-mêmes
contre leur engouement, et font de son objet une dénégation railleuse
essentiellement variable. C'est ainsi qu'après les événements d'Italie,
on a dit: Oui! Garibaldi! -- Auparavant, on disait: Oui! les
lanciers! parce que cette danse avait envahi les salons. -- Taper de
l'oeil: « Dormir profondément. » -- Dhautel, 1808. -- « Monsieur,
faites pas tant de bruit, je vais taper de l'oeil. » -- Vidal. 1833. --
« Si nous tapions de l'oeil? Ma foi! j'ai sommeil. » -- L. Gozlan. --
Tourner, tortiller de l'oeil: Mourir. V. Dhautel, 1808. -- « J'aime
mieux tourner la salade que de tourner de l'oeil. » -- Commerson. -- «
J'voudrais ben m'en aller, dit le pot de terre en râlant. Bonsoir,
voisin, tu peux tortiller de l'oeil. » -- Thuillier, Ch. -- Pas plus
que dans mon oeil. V. Braise. -- Oeil de verre: Lorgnon. -- « Ces
mirliflors aux escarpins vernis, Aux yeux de verre. » -- Festeau. --
Quart d'oeil: Commissaire de police.
OEUF (Plein comme un): Soul. -- Casser son oeuf: Faire une fausse
couche.
OGRE: Agent de remplacement. Allusion à leur trafic de chair humaine. --
Ogre: Usurier. -- Ogresse: Marchande à la toilette (Vidocq). --
Allusion à leur avidité. -- Ogre: « Les chiffonniers donnent ce nom à
celui qui leur achète le produit de leurs recherches nocturnes, en
détail et par hottes, pour les revendre en gros, après un triage
minutieux et intelligent. Ordinairement, on ne devient ogre qu'après
avoir passé par tous les degrés de l'état de chiffonnier. Il fut un
temps, il est vrai, où ce nom était synonyme d'exploiteur et même de
receleur. Dans ce but, l'ogre possédait à côté de son établissement
d'achat de chiffons un débit de liqueurs qu'il faisait gérer par un
affidé ou un compère; il y recevait clandestinement des malfaiteurs qui
apportaient là les produits de leurs rapines. » -- Castillon.
OIGNON: Montre (Vidocq). -- Allusion de forme. -- Aux petits oignons:
Très-bien. -- On sait combien le peuple aime ce légume. -- On dit par
abréviation: Aux petits oignes! -- V. Aux pommes. -- Il y a de
l'oignon: Il y a du grabuge. -- Allusion aux pleurs que l'oignon fait
verser. « S'prend' debec c'est la mode, Et souvent il y a de l'oignon.
-- Dupeuty.
OISEAUX (AUX): Très-bien -- Il est meublé aux oiseaux. » -- Balzac. -- «
Pour exprimer qu'un homme est très-bien fait, qu'une femme est très-
belle, on dit qu'ils sont aux oiseaux. » -- l808, Dhautel.
Oiseau: Triste personnage. V. Dhautel. -- « Minute! quel est c't
oiseau-là? » -- Léonard, parodie, 1863. -- Oiseau fatal: Corbeau
(Vidocq). -- On sait que le corbeau est pour le peuple un mauvais
présage.
OMBRE (Mettre à l'): Tuer. -- « Ici Vautrin se leva, se mit en garde et
fit le mouvement d'un maître d'armes qui se fend. -- Et à l'ombre!
ajouta-t-il. » -- Balzac.
À l'ombre: En prison. -- Le soleil n'y donne guère. -- « Quand on aura
mis à l'ombre tous les Jean-foutres. » -- 1793, Hébert. -- V. Brûler.
OMELETTE: Mystification militaire en usage à Saint- Cyr. -- « Voici en
quoi consiste le supplice de l'omelette: Au milieu de votre sommeil
quatre vigoureux anciens saisissent votre lit et le retournent comme une
omelette. » -- R. de la Barre. -- L'omelette de sac consiste à
bouleverser le havre-sac de celui qu'on veut ennuyer.
OMNIBUS: Prostituée, femme se donnant à tous. -- « On y remarque aussi
quelques femmes jeunes encore, pauvres beautés omnibus. » -- La Maison
du Lapin blanc, typ. Appert.
Omnibus de coni: Corbillard (Vidocq). -- Mot à mot: voiture de mort.
-- Omnibus rappelle que tous doivent faire un jour le voyage.
ONCLE: « OU prendras-tu de l'argent? dit elle. -- Chez mon oncle,
répondit Raoul. -- Florine connaissait l'oncle de Raoul. Ce mot
symbolisait l'usure, comme dans la langue populaire ma tante signifie
le prêt sur gage. » -- Balzac.
ORANGE: « La pomme de terre est aussitôt saluée par l'argot d'orange à
cochons. » -- Balzac.
OREILLARD: Âne (Vidocq). -- Allusion d'oreilles.
ORLÉANS: vinaigre (id.). -- Orléans est la patrie du vinaigre.
ORNIE: Poule (id.). -- Du grec ornis. -- Ornichon: Poulet. --
Ornion: Chapon. -- Ornie de balle: Poule d'Inde.
ORPHELIN: Orfèvre (Vidocq). -- Corruption du même mot.
Les Orphelins de muraille sont des factionnaires. V. ce mot. --
L'abandon de leurs auteurs leur a fait donner ce nom. -- Orphelins: «
C'est sous ce nom que l'on veut dire en argot: une bande de voleurs. »
-- A. Durantin .
ORTEIL (Chelinguer de l'): Sentir mauvais des pieds.
OS: « Dans la langue populaire parisienne, on appelle os le numéraire.
» -- Mornand. -- « Il faut cependant que je lui donne de l'os. » --
Lynol. -- Pourquoi ne dirait-on pas au figure, de l'os, comme on dit
du nerf, pour désigner aussi l'argent?
OUICHE: Oui, pris dans un sens ironique. -- « Croyez vous qu'il viendra
me chercher? -- Ah bien! ouiche! » -- About.
OURS: Homme d'humeur brusque et sauvage.
Ours: « Ancien compagnon pressier que, dans leur argot typographique,
les ouvriers chargés d'assembler les lettres appellent un Ours. Le
mouvement de va-et-vient qui ressemble assez à celui d'un ours en cage,
par lequel les pressiers se portent de l'encrier à la presse, leur a
valu sans doute ce sobriquet. » -- Balzac. -- Richelet et Dhautel ont
donné ce mot.
Ours: Salle de police. -- « Je fus passer deux jours dans un lieu
ténébreux qu'on appelle l'Ours. » -- Souvenirs de Saint-Cyr.
Ours: « Tout le monde se souvient de cette farce désopilante appelée
l'Ours et le Pacha. Le père Brunet représentait le pacha blasé qui
veut qu'on l'amuse; Odry jouait le montreur de bêtes, répétant à tout
propos « Prenez mon ours! » Ces trois mots obtinrent une telle vogue
au théâtre, que les directeurs à l'aspect d un auteur qui tenait un
manuscrit, lui disaient de loin: Vous voulez m'amuser, vous m'apportez
votre ours. -- C'est une pièce charmante faite pour votre théâtre,
répondait l'auteur. -- C'est bien ce que je pensais, prenez mon ours!
-- Depuis ce temps, l'ours est un vaudeville où un mélodrame qui a
vieilli dans les cartons. » -- J. Duflot.
Envoyer à l'ours: Envoyer promener. -- Mot à mot: envoyer voir l'ours
du Jardin des Plantes, où se rendent d'ordinaire beaucoup de flâneurs.
Ourson: Bonnet à poil d'ours. -- « J'allais me coiffer de l'ourson
dévolu aux voltigeurs. » -- L. Reybaud.
OUTILS: Instruments de voleur. V. Vague.
Outil de besoin: Mauvais souteneur (Bailly).
Ouvrage: Vol. -- Ouvrier: Voleur (Vidocq).
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P (il y a du): Il y a du danger, la police est proche (Dict. d'argot,
1844). -- On a probablement pris la première lettre du mot Police. --
Faire le P: Faire mauvaise mine (Grandval, 1827).
PACQUELIN, LINAGE, LINEUR, LINER: Ces quatre mots répondent en argot à
Pays, Voyage, Voyageur et Voyager (Vidocq). -- On trouve dans Bailly
les formes Paclin, Patelin, Pasquelin.
PAF: Ivre. Abréviation de Paffé. -- « Vous avez été joliment paf hier.
» -- Balzac.
Paffer, empaffer: Enivrer. -- « Au milieu de cette plèbe bariolée qui
se paffe de vin bleu. » -- Delvau. -- « Nous allons à la Courtille nous
fourrer du vin sous le nez, quand nous sommes bien empaffés. » -- Vidal,
183# Viennent de Paf qui représentait au dix-huitième siècle la
goutte d'aujourd'hui; comme elle, paf s'appliquait surtout à l'eau-
de-vie. En voici de nombreux exemples. -- « Viens plutôt d'amitié boire
nous trois un coup de paffe. » -- Vadé, 1758. -- « Voulez-vous boire une
goutte de paf. -- J'voulons bien. -- Saint-Jean, va nous chercher
d'misequier d'rogome. » -- 1756, l'Écluse. -- « Il m'proposit le paf. Ça
me parlit au coeur si bien, que j'y allis... dans une tabagie de la rue
des Boucheries, où que j'bure du ratafia après le coco. » -- Rétif,
177e, Contemp., 1783. -- Il doit y avoir parenté entre le paf du
dix-huitième siècle et l'eau d'aff de l'argot moderne. -- « Tu vas me
payer l'eau d'aff ou je te fais danser. » -- E. Sue.
PAFFE: Soulier. V. Gouêpeur, Empaffe. -- Dans le dictionnaire du
Cartouche de 1827, nous trouvons : Passans, passifs: Souliers. -- Le
second mot est un diminutif. Le premier semble faire allusion à la
mission voyageuse du soulier. Paffe ne serait-il pas une abréviations de
passif?
PAGNE: Secours envoyé à un détenu par un ami. (Vidocq) .
PAILLASSE: Caméléon politique. -- Allusion à la chanson de Béranger:
Paillass', mon ami, N'saut' pas à demi, Saute pour tout le monde, etc.
De là aussi est venu le synonyme de sauteur.
Paillasse: Ventre. -- La paille s'en échappe comme les intestins. -- «
Il s'est fait crever la paillasse, il s'est fait tuer. » -- Dhautel.
1808.
Paillasse de corps-de-garde: Prostituée de dernier ordre. Comme les
paillasses de corps-de-garde, elles changent continuellement de
coucheurs.
De là, le nom de Paillasson donné aux hommes qui fréquentent les
filles publiques, sans néanmoins être leurs souteneurs. -- « Chaque soir
sur l'boul'vart, ma p'tite femm' fait son trimar. Mais, si el's'porte
s'l'paillasson, J'lui coup'la respiration. J'suis poisson. » --
Ancienne chanson d'argot.
PAILLE: Dentelle (Vidocq). -- Allusion à sa légèreté.
Paille au cul (Avoir la): Être mis à la réforme. On sait qu'on expose,
après y avoir attaché un bouchon de paille, les objets dont on veut se
défaire isolément. -- « La paille au cul, repassez la frontière, Cafards
Bourbons. » -- La Paille au cul, ch., 1832.
Paille de fer: Dans le récit d'un combat, H. Monnier fait dire à un
vieux sergent: « À toi, à moi la paille de fer. » -- Allusion
singulièrement pittoresque au hasard qui expose chaque combattant à un
coup mortel. N'est-ce pas un vrai jeu de courte-paille? -- Seulement,
les fétus sont des pointes meurtrières.
Homme de paille: Homme étranger aux choses accomplies sous la
responsabilité de son nom.
PAILLON: Cuivre (Vidocq). -- Allusion de couleur.
PAIN? (Et du): As-tu ou Ai-je de quoi manger? -- Donnez des conseils à
un malheureux affamé, il vous ramène à la question par ces mots qui en
résument toute l'immédiativité: Et du pain? -- Gavarni montre un
masque abordant avec ces mots un domino femelle, qui l'attend, binocle
sur les yeux: « Pus qu'ça de lorgnon... Et du pain? » -- La question
déchire d'un seul coup les faux dehors de cette femme élégante qui n'a
peut-être pas dîné pour acheter des gants.
Faire passer le goût du pain: Tuer. On trouve Perdre le goût du pain
(Mourir) dans le Dictionnaire comique de Leroux. V. Claquer. -- «
Tous les jean-f...... qui voulaient faire perdre le goût du pain aux
braves montagnards. » -- 1793, Hébert. -- « V'là la guillotine qui se
met à jouer. On enlève le goût du pain au monde. » -- H. Monnier.
PALLAS (Faire): Faire des façons, des embarras. -- L'argot paraît s'être
piqué là de certaines connaissances mythologiques, car Minerve faisait
parfois la renchérie. -- « Au pré finira ton histoire, et là l'on n'y
fait plus pallas. » -- Vidocq.
PALLOT: Paysan (Vidocq). -- Au moyen âge, palot signifiait bêche. V.
Roquefort.
PALPER: Toucher de l'argent (Dhautel, 1808).
PALPITANT: Coeur ému. V. Coquer, Battant.
PANA, PANAILLEUX: « Vieux pana se dit d'un homme avare, Laid et âgé,
qui se laisse difficilement ruiner par les lorettes. Les panas
s'emploient dans le Dictionnaire de la Curiosité comme exemple de
tessons, de loques, de débris de toutes sortes, et ceux qui les vendent
sont des panailleux. » -- Champfleury. -- Pana est une forme de
panné. -- Panailleux viendrait plutôt du vieux mot penaille:
guenille.
PANADE: Sans consistance. -- Allusion à la soupe de ce nom. -- « Notre
gouvernement est joliment panade! » -- Ricard.
Panade: Chose sans valeur (Vidocq). -- De Panne.
PANAMA: Chapeau tressé avec des joncs que nos fabriques vont chercher à
Panama. -- « J'ai dû chanter contre la crinoline et m'égayer aux frais
du panama. » -- J. Choux. -- De 1858 à 1860, le panama fut à la mode.
Une société dite des Moyabambines se forma pour l'exploiter, ce qu'il
faut savoir pour comprendre cet exemple: « Que de coquins coiffés de
moyambines (sic). » -- Id.
PANIER: Voiture basse en osier, à la mode vers 1860. -- «Ange! tu m'as
transporté. Si une calvitie invétérée ne te fait pas peur, je suis homme
à mettre à tes pieds un panier en pur osier. » -- Les Pieds qui
r'muent, 1864.
Panier à salade: « Geôle roulante appelée par le peuple dans son
langage énergique des paniers à salade... Voiture à caisse jaune
montée sur deux roues et divisée en deux compartiments séparés par une
grille en fer treillissé... Ce surnom de panier à salade vient de ce que
primitivement la voiture étant à claire-voie de tous les côtés, les
prisonniers devaient y être secoués absolument comme des salades. » --
Balzac.
Panier à deux anses: V. Anses.
PANNE: Misère. -- « Il est dans la panne et la maladie. » -- Ricard.
Panné: Misérable. -- « Ça marche sur ses tiges, ben sûr! Pas pus de
braise que dans mon oeil. Ohé! panné! panné! » -- Ricard. -- Du vieux
verbe pannir: priver, retrancher, voler. V. Roquefort.
PANOUFLE : Perruque (Vidocq). -- Du vieux mot panufle: guenille. V. Du
Cange.
PANTE, PANTRE, PANTINOIS : Bourgeois bon à exploiter ou à voler. --
Pante et Pantre sont des formes abrégées de Pantinois et
Pantruchois, c'est-à-dire: bourgeois de Pantin ou Pantruche (Paris).
On sait que la grande ville est pour les voleurs un séjour de
prédilection. -- « J'ai reniflé des pantes rupins. » -- Paillet. -- V.
Lever.
PANTIN:« Pantin, c'est le Paris obscur, quelques-uns disaient le Paris
canaille, mais ce dernier s'appelle en argot, Pantruche. » -- G. de
Nerval . -- Cette définition manque de justesse. Pantin est Paris tout
entier, laid ou beau, riche ou obscur. -- étymologie incertaine. Peut-
être le peuple a-t-il donné à Paris, par un caprice ironique, le nom
d'un village de sa banlieue (Pantin).-- V. Pré.
Dans le goût de Pantin: À la mode de Paris, et, par extension, très-
bien. -- « Là! v'là qu'est arrangé dans le goût de Pantin. » -- Zombach,
Chansons.
PANTOUFLE (Et coetera): Injure peu traduisible. Pour la comprendre, il
faut savoir qu'on appelle aussi c-n pantoufle un homme nul, sans
énergie, qui n'a rien de viril. -- « L'animal le traitait alors de
fainéant, de poule mouillée et d'et coetera pantoufle. » -- L. Desnoyer.
-- « Et coetera pantoufle: Quolibet dont on se sert lorsqu'un ouvrage
pénible et ennuyeux vient à être terminé. » -- Dhautel, 1808.
PANTURNE: Fille de mauvaises moeurs. -- Grandval.
PAPA (À la): Supérieurement. -- Le père est maître au logis. -- « On
nous aura requinqués à la papa... Tu riras là mais j'dis à la papa... Ou
sinon d'ça j'te brosse à la papa... » -- Le Casse-Gueule. ch., 184l.
-- « Il va nous juger ça à la papa. » -- Désaugiers, 1813.
PAPE (Soldat du): Mauvais soldat. -- « Soldats du pape, méchantes
troupes. Machiavel a dit que les compagnies de l'église sont le
déshonneur de la gendarmerie. » -- Le Duchat, 1738. -- Le terme
remonterait donc au seizième siècle. -- « Vous êtes bien des soldats du
pape. Est-ce que par hasard un jupon vous ferait peur? » -- L. Reybaud.
PAPELARD: Papier (Vidocq). Corruption de mot.
PAPILLON: Blanchisseur (id.). -- Comme le papillon, il arrive de la
campagne, et ses ailes blanches sont représentées par les paquets de
linge qu'il porte sur le dos.
Papillonneur: Voleur exploitant les voitures des blanchisseurs qui
apportent le linge à Paris (id.).
PAQUECIN: « Ne faut-il pas que baluchons et pacquecins (paquets)
disparaissent subitement comme dans une féerie? Personne n'égale le
cambrioleur dans l'art de déménager sans bruit. » -- A. Monnier.
PAQUETS (Faire des): Médire, Tricher en interpolant des cartes préparées
dans son jeu.
PARADE (Défiler la): Mourir. -- « Alors tout l'monde défile à c'te
parade d'où l'on ne revient pas sur ses pieds. » -- Balzac.
PARADIS (Porter en): « Vous voulez parler du coup de poing. -- Oui; oh!
Le beau jeune homme ne portera pas cela en paradis, allez! » -- Ricard.
-- C'est-à-dire: Il me le paiera avant sa mort.
PARALANCE: Parapluie. V. Lance.
PARISIEN: Matelot indiscipliné et négligent. -- «Ah! millenoms! faut-il
être Parisien! j'ai oublié l'ampoulette! » -- Phys. du Matelot, 1843.
PARLER PAPIER: Écrire. -- « C'est lui qui parle papier pour moi à mon
oncle. » -- Vidal, 1833.
PARLOTTE: Lieu où l'on commère. -- « La Chambre des députés n'est plus
qu'une buvette, un cercle, une parlotte. » -- Alph. Karr.
PAROISSIEN: Individu. -- « Que de paroissiens fameux dont il ne serait
plus question par ici, si un homme de talent n'était là pour leur y
tailler une couronne de n'importe quoi sur la mémoire! » -- Gavarni .
PARRAIN: Témoin. -- Allusion à la fonction du parrainage qui consiste à
donner votre nom, à faire constater votre identité. -- Parrain
fargueur: Témoin à charge. -- Parrain d'alfèque: Témoin à décharge.
-- « Des parrains aboulés dans le burlin du quart d'oeil ont bonni
qu'ils reconobraient ma frime pour l'avoir allumée sur la placarde du
fourmillon, au moment du grinchissage. » -- Vidocq. -- V. Estourbir.
PARTERRE (Prendre un billet de): Tomber. -- Calembour.
PARTI: Ivre, endormi. -- «Allons, les voilà partis, dit Vautrin en
remuant la tête du père Goriot et celle d'Eugène. » -- Balzac.
PARTICULIER: Individu. Pris souvent en mauvaise part. -- « Ah ça! mais
vous êtes donc un particulier dépourvu de toute espèce de délicatesse. »
-- L. Reybaud.
PARTICULIÈRE: Fille suspecte. -- « Les mauvaises têtes du quartier qui
tiraient la savate pour les particulières de la rue d'Angoulême. » --
Ricard. -- « Voilà qu'un mouchard m'amène une particulière assez
gentille. » -- Vidal, 1833.
Particulière: Maîtresse. -- « Ce terme, si trivial en apparence,
appartient à la galanterie la plus raffinée et remonte aux bergers du
Lignon. On lit à chaque instant dans l'Astrée: Particulariser une dame,
en faire sa particulière dame, pour lui adresser ses hommages. Ces
locutions ont sans doute été transmises par le Secrétaire des amants à
nos soldats, qui n'ont fait que les abréger. » -- Laveaux.
Dans l'armée, particulier et particulière sont synonymes de
bourgeois et bourgeoise.
PARTIES: « La fille à parties n'est qu'une prostituée en carte ou
isolée, mais avec plus de formes... Si elle se fait suivre par sa
tournure élégante ou par un coup d'oeil furtif, on la voit suivant son
chemin, les yeux baissés, le maintien modeste; rien ne décèle sa vie
déréglée. Elle s'arrête à la porte d'une maison ordinairement de belle
apparence; là, elle attend son monsieur, elle s'explique ouvertement
avec lui, et s'il entre dans ses vues, il est introduit dans un
appartement élégant ou même riche, où l'on ne rencontre ordinairement
que la dame de la maison. » -- F. Bérand. Le théâtre de cette
rencontre se nomme maison à parties ou maison de passe. L'acte des
clientes est qualifié de passe ou passade_. -- C'est un terme qui
remonte au dix-huitième siècle.
PAS (Ne), Ne rien: Négation est ironiquement prise pour une affirmation
dans le peuple de Paris. -- « Ernest: Avec qui que tu veux que je soye
donc? -- Eugène: Merci, tu n'es pas rageur. » -- Monselet. -- On dit de
même: Il n'est pas chien pour il est avare; il n'est rien dégoûté
pour il est difficile.
PAS (Sauter le): Mourir (Dhautel, 1808). -- « Un étudiant dans sa
mansarde, Disposait de sa dernière harde, Puis après, voulait sauter le
pas. » -- Chanson. -- V. Arnant.
PAS GRAND'CHOSE: Personne de médiocre vertu. -- « Tu as filé avec ta pas
grand'chose. » -- P. de Kock.
PASSACAILLER: Supplanter (Vidocq).
PASSE: Guillotine. V . Gerber. -- Allusion à la passe de la fatale
lunette. -- Passe-crick: Passe-port (Vidocq). -- Passe-lance: Bateau
(id.) V. Lance. -- Passe-singe: Roué (id.), homme dépassant un singe
en malice.
PASSER AU BLEU: Disparaître. -- « Plus d'un jaunet passe au bleu. » --
Jouvet, Chansons. -- Équivoque basée sur un procédé de blanchissage.
V. Laver, Nettoyer, Lessiver. -- La passer douce: vivre à l'aise. --
On sous-entend vie. -- Se passer de belle: Ne pas recevoir sa part
de vol (Vidocq).
PASSER LA JAMBE: Donner un croc-en-jambes, et par extension, supplanter.
-- Son ennemi roulait à ses pieds, car il venait de lui passer la jambe.
» -- Vidal, 1833. -- Passer la jambe à Thomas (V. ce mot), c'est, dans
l'armée, être de corvée pour l'enlèvement des goguenots. -- Allusion à
l'action de les renverser dans les latrines.
PASSANT, PASSIF, PASSIFLE: Soulier. -- Passifleur: Cordonnier. -- Le
soulier sert à faire des pas.
PASSIONS (À): « Vous êtes trop jeune pour bien connaître Paris; vous
saurez plus tard qu'il s'y rencontre ce que nous nommons des hommes à
passions. Ces gens-là n'ont soif que d'une certaine eau prise à une
certaine fontaine, et souvent croupie. » -- Balzac, Père Goriot.
PASTIQUER: Passer. -- Corruption de mot. Y. Abadis.
PATAFIOLER: Confondre. -- « Aux gardes du commerce!...Que le bon Dieu
les patafiole!... » -- Gavarni. -- V. pour l'étymologie de ce mot le
Magasin pittoresque, t. II, p. 247.
PATAPOUF: Gros homme soufflant plus qu'il ne respire. -- Onomatopée.
PATARD: Monnaie de billon -- En 1808, on donnait ce nom à un gros sou
double. V. Dhautel. -- Le patar était une monnaie flamande qui valait un
sou au quinzième siècle. V. Du Cange.
PÂTÉE: Correction. -- « Il avait voulu manger un grand gaillard. Aussi
a-t-il reçu une pâtée. » Delagny, les Souteneurs_, 1861.
PÂTISSIER (Sale): Homme malpropre. V. Boulette.
PATRAQUE: Patrouille (Vidocq). -- Jeu de mots ironique. -- On sait que
les anciennes patrouilles étaient peu redoutables; elles marchaient
aussi mal qu'une patraque. V. Moucharde.
Patraque: Montre bonne ou mauvaise. -- Patraque: En mauvais état de
santé.
PATTE: Main. -- « Et toujours de ma patte Frisé comme un bichon. » --
Vadé, 1788.
Patte: Habileté de main. -- « Mal dessiné, mais beaucoup de chic. --
Oui, il a de la patte. » -- L. de Neuville.
Patte: Pied. -- Le testament de Villon parle déjà de « Soy soutenir
sur les pattes. » -- « On en voit qui se faufilent dans des omnibus.
Le reste s'en retourne à pattes, honteusement. » -- Alb. Second.
Pattes de mouche: Caractères très-fins. -- « Et l'écriture, il était
avec des petites pattes de mouche bien agréables. » -- Festeau.
Patte d'oie: Triple ride qui imprime au coin de chaque oeil, trois
sillons d'apparence palmipède. -- « Aux tempes la patte d'oie
caractéristique et au front les marches du palais montraient des rides
élégantes, bien prisées à la cour de Cythère. » -- Balzac.
Coup de patte: Propos méchant.
PATROUILLE (En): « Quatre jours en patrouille, pour dire en folies
bachiques. » -- Cabarets de Paris, 1821.
Patrouiller: Faire patrouille. -- « En ma qualité de caporal postiche
de voltigeurs, j'ai passé la nuit à patrouiller. » -- Festeau.
Patrouiller: Manier, patiner. -- Mot à mot: rouler dans ses pattes.
-- « Mais c'est vrai, tiens! ça vous patrouille c'te marchandise, et
puis ça part. » -- Vadé, 1788.
PATURON: Pied, pas. -- Terme hippique. -- V. Flacul, Rebâtir.
PAUMER: Perdre. -- « Je ne roupille que poitou; je paumerai la sorbonne
si ton palpitant ne fade pas les sentiments du mien. » -- Vidocq.
Paumer: Empoigner. V. Du Cange. -- Du vieux mot paumoier. -- «
Rends-moi la bourse, ou sinon je te paume. » -- le Rapatriage, parade,
dix-huitième siècle. -- V. Cigogne.
PAUPIÈRE (Se battre la): V. OEil.
PAVÉ: Éloge maladroit. -- Allusion au pavé de la Fontaine. -- « C'était
un journal pavé de bonnes intentions; mais on y rencontrait plus de
pavés encore que de bonnes intentions. » -- Alb. Second.
Gosier pavé: Gosier supportant des boissons très-fortes ou très-
chaudes.
C'est tout pavé: Ironiquement pour dire: C'est très loin d'ici, mais
la route est si bonne!
PAVILLON: Fou, homme dont les idées flottent tous les vents comme un
pavillon. -- Pavillonner: Deviser joyeusement, plaisanter,
déraisonner. -- « On renquillera dans la taule a mesigue pour refaiter
gourdement, et chenument pavillonner, et picter du pivois sans lance. »
-- Vidocq.
PAVOIS : «Être pavois, c'est être dans la vigne du Seigneur, dans
toute la joie de Bacchus, atteindre le parfait bonheur, c'est enfin être
au pavois. » -- Ch. Coligny.
PAVOISER(Se): Faire toilette. V. Astiquer.
PAYE (Bonne): Débiteur solvable. -- « Une lorette très-mauvaise paye. »
-- Ed. Lemoine.
PAYS: Compatriote. V. Dhautel, 1808. -- « Falleix trouvait son vieux
pays trop cher. » -- Balzac. -- « Ces primeurs exposées pour le plaisir
des caporaux et de leurs payses. » -- Id. -- V. Coterie.
PEAU: Laide ou vieille prostituée
Être dans la peau: Être à la place. -- « Je ne voudrais pas être dans
la peau du suborneur. » -- Gavarni.
Porter à la peau: Exciter le désir.
PEAUSSER (Se): Se déguiser. -- Mot à mot: se cacher dans la peau de. --
« Je vais me peausser en gendarme. » -- Balzac.
PÉCUNE : Argent. -- Vieux mot. V. Roquefort.
PÉDÉRO, PÉDÉ: Pédéraste (Vidocq).
PÈGRE (Haute): « Association des voleurs les plus anciens et les plus
exercés; ils ne commettent que de gros vols et méprisent les voleurs
ordinaires qui sont appelés dérisoirement pégriots, chiffonniers, pègre
à marteau, ou blaviniste, par un pègre de la haute. » -- Vidocq. -- La
première catégorie de voleurs se compose de la haute pègre, c'est-à-dire
le vol en bottes vernies et en gants jaunes. C'est un homme jeune,
élégant, distingué; vous ne le rencontrerez qu'en coupé... Deux ou trois
fois par an, il travaille, mais ses expéditions sont toujours
fructueuses. » -- Canler.
Pègre: Voleur. -- Un jour à la Croix-Rouge, nous étions dix à douze,
tous pègres de renom. » -- Vidocq. -- Pégrenne: Faim, misère. --
Pégrenner: Faire maigre chère. V. Bachasse.
Pegriot: Apprenti voleur se faisant la main aux étalages. » -- Canler.
-- V. Boucannier.
PEIGNÉE, COUP DE PEIGNE: Lutte dans laquelle on s'empoigne aux cheveux,
et, par extension, combat. -- « Les enfants des sans-culottes qui vont
se f..... un coup de peigne avec les brigands de la Vendée. » -- 1793,
Hébert. -- « Là-dessus, elles commencent à se repasser une peignée des
mieux administrées, criant, jurant, se rossant comme deux enragées. » --
Vidal, 1833.
Se peigner: Se battre. -- « Puis nous nous peignons... On s'poche les
yeux. » -- Le Gamin de Paris, chanson.
PEINTRE: Balayeur. V. Pinceau.
PEINTURE (Ne pouvoir voir en): Détester quelqu'un au point de ne pouvoir
souffrir son image.
_Récompenser en peinture: Payer de belles promesses. -- « Henri IV ayant
envoyé d'Aubigné en plusieurs provinces, ne lui donna pour récompense
que son portrait. D'Aubigné y ajouta ce quatrain: -- « Ce prince est
d'étrange nature. Je ne sais qui diable l'a fait! Il récompense en
peinture Ceux qui le servent en effet. »
Brave et riche en peinture: « Se dit d'un fanfaron qui parle de son
courage qui est suspect et de sa fortune qui est problématique. » --
Dhautel, 1808.
PEINTURLUREUR: Mauvais peintre. -- On emploie le verbe Peinturlurer.
PÉKIN: « On nomme Pékin tout ce qui n'est pas militaire, comme nous
appelons militaire tout ce qui n'est pas civil. » -- Talleyrand. -- « De
vieux dialogues militaires des règnes de Henri III et Henri IV emploient
souvent le mot piquini ou péquin pour désigner les adversaires en
religion. Ainsi, dans un de ces dialogues, nous voyons un papiste
traiter Coligny de pékin; un autre est intitulé les Pékins de
Montauban. » -- Ambert, Constitutionnel du 25 juin 1854.
PELLARD: Foin (Vidocq). -- Diminutif du vieux mot pel: poil. L'herbe
est le poil de la terre. On dit pelouse.
Pelle: Chemin (Id.). -- Pelle au cul (Recevoir la): Être mis
violemment à la porte. -- « Mon rival, J'en suis convaincu, Va recevoir
la pelle au cu. » -- De Longchamps, 1809.
PELOTE (Faire sa): Arrondir sa bourse. -- « J'fais, comme on dit, ma
p'tite p'lote Tout en élevant mes bambins. » -- Dalès, Chansons.
Peloter: Caresser des charmes arrondis en pelote. -- Pelotteur:
Flatteur. -- « Se montrer rampant, pelotteur et bêta. » -- Wado,
Chansons.
PELURE: Vêtement. -- C'est en effet une pelure pour le corps. V.
Épates.
PENDANTE: Boucle d'oreilles, chaîne (Vidocq).
PENDUGLACÉ: Réverbère (Id.). -- Allusion à la suspension et au vitrage
du réverbère.
PENNE, PEIGNE: Clé (Vidocq)
PENTE (Avoir une): Être ivre à trébucher sur un terrain plat comme si on
rencontrait une pente brusque.
PÉPIN: Vieux parapluie. -- « De vilains noms qu'on l'apostrophe, Qu'on
l'appelle pépin, rifflard, Le parapluie est philosophe. » -- V. Mabille.
PERDRE (Le): Perdre son pucelage. -- « Je l'ai perdu, s'écriait la jeune
Perrette. De mon hymen, c'était le gage. » -- Gustave, Ch., 1836.
PÈRE FRAPPART: Marteau (Vidocq). -- Calembour.
PÉROU: « Ce n'est pas le Pérou que ces bougres-là » -- Hébert, 1793. --
C'est-à-dire: Ce sont de pauvres bougres. -- Allusion aux richesses
naturelles du Pérou.
PERROQUET (Étouffer un): « Cette locution signifie, dans le langage des
ateliers, prendre un verre d'absinthe. » -- M. Bayeux. -- Allusion à la
couleur verte du verre à pattes dont la main du buveur semble en effet
étrangler le cou.
PERRUQUE: Suranné. -- « Le mot perruque était le dernier mot trouvé
par le journalisme romantique qui en avait affublé les classiques. » --
Balzac. -- V. Mâchoire.
Perruque: Détournement, abus de confiance. -- C'est un superlatif de
faire la queue.
PERSILLER, CUEILLIR DU PERSIL, FAIRE SON PERSIL: Raccrocher. -- « Elles
explorent les boulevarts, persillent dans les squares nouveaux, dans
l'espoir d'y rencontrer des miches sérieux. » -- Lynol. -- Le miché
représente ici le persil indispensable au pot-au-feu de la prostitution.
V. Tante.
PESCILLER: Prendre. -- Du vieux mot peschier: pêcher. -- « Servir,
Criblage_.
PÉTARD, PÉTEUX: Derrière. -- On entend de reste l'étymologie de ce
bruyant synonyme. -- « Sur son péteux, V'là que je l'étale. » -- Le
Casse-Gueule, ch., 1841. -- Pétard: Haricot (Vidocq). -- Effet pris
pour la cause.
Péter dans la main: Pousser trop loin la familiarité. Faire défaut au
moment nécessaire. -- Dans ce dernier sens, allusion au levier qui
éclate entre les mains. (V. Dhautel, 1808.)
Péter: Se plaindre en justice (Vidocq).
PETIT CAPORAL: Napoléon 1er. -- Allusion au grade imaginaire que lui
décerna l'enthousiasme de ses soldats, au lendemain d'une victoire. -- «
Le souhait de S.M. Prussienne et les appréciations du petit caporal. --
M. Saint-Hilaire.
Petit manteau bleu: Homme bienfaisant -- L'usage de ce mot est la plus
belle récompense qu'ait pu ambitionner un philanthrope bien connu. -- «
On parlerait de toi comme d'un petit manteau bleu. » -- Balzac.
PETIT-MONDE: Lentille (Vidocq). -- Allusion de forme.
PEU (Excusez du): Terme ironique pour dire: Excusez l'apparente énormité
du chiffre. -- « Il y avait 25,000 Français , par terre...Excusez du
peu! » Balzac.
PEUPLE, DU PUBLIC (Se moquer du): Insulter à l'opinion. -- « Grande
colère du père Duchesne contre M. Veto qui se fout du peuple. » -- 1793,
Hébert. -- Encore fort usité.
PÈZE: Argent (Vidocq) . -- De pesos, monnaie espagnole. .
PHARAMINEUX: Éblouissant comme un phare.
PHILANTHROPE;: Filou (Vidocq). -- Jeu de mots.
PHILIPPE: Écu à l'effigie de Louis-Philippe. -- « On dit que tu as
poissé nos philippe. » -- Balzac.
PHILISTIN: « À propos, qu'est-ce qu'un Philistin? -- Autrefois, en
Grèce, il s'appelait béotien; on le nomme cokney en Angleterre; épicier
ou Joseph Prud'homme à Paris, et les étudiants d'Allemagne lui ont
conféré l'appellation de Philistin. » -- Neuville.
PIAF: Vanité, orgueil (Vidocq). -- Au moyen âge. l'homme fastueux était
un piafart. V. Roquefort. -- Mot expressif: -- Le vaniteux piaffe
comme un cheval de luxe.
PIANOTER: Jouer médiocrement du piano. -- « On ne devait pas pianoter
pendant la nuit. » -- Balzac.
PIAULE, PIOLLE: Taverne. -- Du vieux mot piot: vin. V. Roquefort. Ce
dernier donne pioller . s'enivrer. V. Artie.
PHILOSOPHE: Pauvre. -- Philosophie: Misère (Vidocq). -- Allusion
ironique à la nécessité de la sagesse. -- Philosophe: Savate, vieux
soulier revenu des vanités de ce monde V. Arpion.
PIC (Tomber à): Tomber à point.
PICAILLONS: Écus. -- « Je lui pinçais ses picaillons. » -- Robert
Macaire, ch., 1836. -- « J'leur donnerons des picalions. Vive la paix!
Vive la nation! » -- Chanson poissarde du Consulat. Tourneur fils.
PICORAGE: Vol commis sur la grande route (Vidocq). -- Allusion
ornithologique.
PICOUSE: Haie d'épines. V. Défleurir.
PICTER: Boire. -- De piquette: petit vin. V. Pavillonner.
Picton, Piqueton: Vin supérieur à la piquette. -- L'un et l'autre mot
font allusion à l'effet produit par le vin commun qui picote le palais.
-- « Si l'ancien picton n'est que de la piquette, Espérons ct'année en
fair' de meilleur. » -- Layale, ch., 1855. V. Biture.
PIÈCE DE BOEUF: « Grand article de pathos sur les choses du moment qui
ouvre les colonnes de Paris. On l'appelle aussi la pièce de résistance.
Un excellent journal qui ne servirait pas tous les jours à ses abonnés
la pièce de boeuf ne serait pas sûr de réussir. » -- 1826, Biog. des
Journalistes. -- On dit aujourd'hui tartine.
PIED (Donner un coup de): Marcher vivement. -- « Je vais donner un coup
de pied jusque dans les salons. » -- About. -- V. Dhautel, 1808.
Ne pas se moucher du pied: V. Moucher. -- En 1808, on disait dans le
même sens: Ne pas se moucher sur sa manche.
Ne pas se donner de coups de pied: Se vanter.
Mise à pied: Mise en non activité -- « Une mise à pied enseigna à
notre inspecteur à faire plus exactement son service. » -- Canler.
Pied bleu: Conscrit portant encore les guêtres bleues du paysan. -- «
Le pied bleu ne prête pas longtemps à rire par sa gaucherie. » -- La
Bédollière.
Pied de cochon: Pistolet. -- Allusion de forme.
Jouer un pied de cochon: Tromper, décamper. -- « Vous avez donc voulu
nous jouer un pied de cochon. » -- Canler.
PIERREUSE: « Prostituée qui, même dans sa sphère de turpitudes, est
tombée au plus bas degré de l'abjection... elle cherche toujours les
ténèbres... Derrière des monceaux de démolition, des tas de pierres, des
restes d'édifices en ruines, elle traque l'homme que le hasard amène. »
-- F. Béraud. -- V. Dhautel, 1808
PIERROT: Collerette à grands plis comme celle du pierrot des Funambules.
-- « Mme Pochard a vu les doigts mignons d'Anne aplatir sur son corsage
les mille plis d'un pierrot taillé dans le dernier goût. » _ Ricard,
1820.
Pierrot: Niais. -- Même allusion funambulesque. « Le valet de cantine
se fait rincer l'bec par les pierrots. » -- Wado, Chansons.
Asphyxier le pierrot: Boire un verre de vin blanc. -- Allusion de
couleur. -- « J'étais-t-allé à la barrière des Deux-Moulins, histoire
d'asphyxier le pierrot. » -- La Correctionnelle.
PIEU: Lit. -- Allusion à la dureté des lits de bagne, de prison et de
corps-de-garde. -- « On peut enquiller par la venterne de la cambriolle
de la larbine qui n'y pionce quelpoique, elle roupille dans le pieu du
raze. -- (Vidocq).
PIF, PIVASE: Nez. -- Ce dernier mot donne à penser que pif vient de
pivois. Ce serait alors un nez de buveur. -- « L'autre jour, rue
Saint-Martin, Voilà qu'un plaisant gamin le dit, riant aux éclats:
C'cadet-là quel pif qu'il a! » -- Guinad, Ch., 1839.
PIGE: Année (Vidocq). -- Mot à mot: mesure de temps. V. Piger.
PIGEONNER: Duper. Le mot est vieux; la chose est toujours nouvelle. -- «
Un de ceux qui se laissent si facilement pigeonner. » -- Dialogues de
Tahureau, 1585.
PIGER: Mesurer. -- La pige est chez les ouvriers un morceau de bois
donnant la longueur indiquée par le plan. -- Au moyen âge on appelait
pigours les fabricants de certaines mesures de capacité?
Piger: Considérer, mesurer de oeil. -- « Pige-moi ça, regarde-moi un
peu ce chique! » -- La Bédollière.
Piger: Saisir. V. Dhautel, 1808.
PIGET: Château (Vidocq).
PIGNARD: Postérieur (id).-- Ancien. V. Roquefort, Pigné.
PIGNOUF: Chez les cordonniers, le maître s'appelle pontif; l'ouvrier
gniaf, et l'apprenti pignouf.
Pignouf: Homme grossier, mal élevé. -- « Cet animal d'Amédée n'a pas
le sou. -- Prends-en un autre. -- Où ça! tous des pignoufs ici. » --
1860, À bas le quartier latin.
PILER DU POIVRE: Marcher avec la plante des pieds écorchées, en
souffrant à chaque pas comme si du poivre pilé brûlait la chair.
Faire piler du poivre: Terrasser quelqu'un plusieurs fois en le
laissant retomber aussi lourdement qu'un pilon. -- Poivre indique la
cuisson qu'en ressent la partie contuse.
PILIER: Habitué dont la présence soutient un établissement comme un
pilier soutient un plafond.
Pilier du creux: Maître du logis. -- Même allusion. Pilier nous
paraît plutôt une forme de pilleur, pillard dans Pilier de
boutanche: Commis de boutique, et Pilier de pacquelin: Commis
voyageur. Ces deux derniers volent leurs patrons et leurs hôteliers.
PIMPELOTTER (Se): Se régaler. -- « Elle n'haït pas de gobichonner et de
se pimpelotter. » -- La Correctionnelle.
PIMPIONS: Espèces monnayées. -- Au moyen âge, on appelait Pipion une
petite monnaie espagnole. Du Cange.
PINCE-CUL: Bal public de dernier ordre. -- « Ce bal inouï que l'argot
téméraire de ses habitués avait surnommé le pince... » -- P. Féval. --
V. Casse-gueule.
Pince sans rire: Homme sévère.
PINCE (Chaud de la): Débauché. -- Corruption de mot. -- « C'était un
chaud de la pince, Qui peuplait dans chaqu' province L'hospice d's
enfants trouvés. » -- Festeau.
PINCEAU: Balai. -- Allusion de forme. -- « Les hommes de corvée sont
tous là prêts le pinceau eu main, je veux dire le balai en joue. » --
Vidal, 1833. -- V. Giberne.
PINCER: Arrêter. -- « Nomme l'coupable, qu'on l'pince » -- 1813,
Désaugiers. -- En pincer: Avoir du goût. -- « Comm' j'en pince pour le
spectacle, j'vas souvent z'à la Gaîté. » -- 1809, Brazier. -- On dit par
extension en pincer pour Mme X: Aimer Mme X.
Pincer: exécuter. -- « En revenant. je pinçais la chansonnette. » --
Ricard. -- « Le professeur nous pinçait une nuance de cancan
véritablement inédite. » -- L. Reybaud.
PIOCHE: Travail opiniâtre. V. Bûche. -- « Les cours cessent au mois de
juillet; le temps de pioche commence. » -- La Bédollière.
Piocher: Travailler assidûment. V. Dhautel, 1808. -- « Tu peux piocher
douze heures par jour... une colonne de feuilleton par heure. » -- L.
Reybaud.
Piocher: Battre. -- « Je te pioche, je te fais danser la malaisée. »
-- Paillet.
Piocheur: « Les professeurs établissent deux catégories, celle des
élèves forts dans leurs classes, des travailleurs, et celle des faibles
qu'on flétrit du nom de paresseux (en style technique, les piocheurs et
les cancres). » -- H. Rolland.
Piocheur: Homme travailleur et judicieux. -- « Le Piocheur. Celui-ci a
pris la carrière au sérieux, il étudie les choses, les hommes, les
affaires. » -- Balzac.
PIONCER: Dormir. -- De pieu: lit. -- « Nous nous sommes mis à pioncer,
nous ne pensions plus à l'appel. » -- Vidal, 1833. -- V. Boc.
PIOU, PIOUPIOU: Soldat du centre. -- Corruption du vieux mot pion:
fantassin. V. Roquefort. -- « Militairement parlant, le pioupiou,
comme l'euphonie de ce nom semble l'indiquer, est au jean-jean et au
tourlourou ce que musicalement parlant le demi-ton est à deux tons
naturels qui se suivent dans l'ordre de la gamme. » -- M. Saint-Hilaire,
1841. -- « Hier, la cuisinière de mon propriétaire a fait tourner son
lait et la tête d'un pioupiou. » -- Commerson.
PIPE (Casser sa): Mourir. -- Ceux qui sont morts ne fument plus. -- «
Papa avait beaucoup de blessures, et un jour il cassa sa pipe, comme on
dit au régiment. » -- Méry.
PIPELET: Portier. Du nom d'un portier ridicule des Mystères de Paris.
-- « Si vous avez un mauvais portier, envoyez-le-moi: je suis le grand
redresseur de torts, le Cabrion des pipelets. » -- P. d'Anglemont. --
Chapeau Pipelet: Chapeau tromblon. -- Même origine.
PIPER: Fumer la pipe. -- « Il me semble qu'on a pipé ici . » -- Gavarni.
PIQUANTE: Épingle (Vidocq) . -- Effet pour la cause.
PIQUE-EN-TERRE: Volaille. -- Mot imagé. On sait que les poules piquent
toujours la terre du bec.
PIQUER UN CHIEN: Dormir. -- Rabelais l'écrit dormir en chien dans son
livre IV, page 159. C'est, dit le Duchat, son annotateur, Dormir
indifféremment à toute heure et en tous lieux. -- «Lorsque la nuit est
sombre, que les voyageurs pioncent ou piquent leur chien. » -- Paillet.
Piquer un renard: Vomir. -- V . Renard. -- Piquer un soleil:
Rougir subitement. -- Piquer l'étrangère: V. ce mot. -- Piquer une
tête: S'élancer ou tomber la tête la première. -- Piquer un laïus: V.
ce mot. -- Piquer une carte. « Lui imprimer certaines marques
imperceptibles, et susceptibles de ne les faire connaître a d'autres
qu'à vous. » -- Mornand. -- Piquer sur quatre: Gagner une partie
d'écarté presque perdue, lorsque votre adversaire a sur vous quatre
points d'avance. -- Se piquer le nez: V. ce mot. -- Pas piqué des
vers, des hannetons: Vigoureux, intact, frais, sain. -- « C'est qu'il
fait un froid qui n'est pas piqué des vers ici! » -- Gavarni . -- « Une
jeunesse entre quinze et seize, point piquée des hannetons, un vrai
bouton de rose. » -- Montépin. -- « C'est qu'elle n'était pas piquée des
vers, Et oui, morbleu! C'est ce qu'il faut à Mahieu. » -- Les amours de
Mahieu, ch., 1832.
PISSER OU CHIER (Envoyer): Renvoyer au loin. -- Ce terme injurieux;
remonte à une haute antiquité. -- Au mot Pissare, Du Cange cite une
lettre de rémission de 1465, où, entre autres injures et grandes
parolles reprochées au délinquant, on rapporte qu'il envoya pisser
son adversaire. V. Foirer.
Pisser sa côtelette: Accoucher, mettre au monde un enfant. -- Dhautel
(1808) emploie dans le même sens pisser des os.
Faire pisser des lames de rasoir en travers: Ennuyer.
PISTOLET: Demi-bouteille de champagne. Double allusion au petit calibre
de la fiole et à l'explosion de son contenu. -- C'est aussi un homme
singulier. -- « On rit avec toi et tu te fâches... En voilà un drôle de
pistolet! » -- Gavarni.
PISTON: Importun. -- On connaît l'agaçante régularité du coup de piston.
-- On use du verbe pistonner. -- Piston: Préparateur du cours de
physique.
PITON: Nez saillant comme un piton vissé dans une planche. -- « Ah! quel
nez, quel beau piton! Chacun dit: Venez donc voir, C'est un marchand
d'éteignoirs. -- Pecquet, Chansons.
PITRE: « Qui ça, Giroflée! -- Notre pitre donc, notre paillasse. » -- E.
Sue.
PITROUX: Pistolet (Vidocq). -- Allusion à la détonation. Au moyen âge,
on appelait petereau de petites bouches à feu.
PITUITER: Déblatérer. -- Allusion au caractère pernicieux de la pituite.
-- « On en a déjà assez pituité sur notre compte. » -- Lynol.
PIVER: Ressort de montre ou de pendule servant à couper les barreaux. --
Il revient à la charge contre le fer, comme le piver contre l'arbre
qu'il perce de son bec.
PIVOIS: Vin -- Allusion à la couleur rouge de la pivoine. V.
Pavillonner, Solir, Tremblant, Artie. -- -- « On s'pousse du pivois à
six ronds dans l'battant. » -- Chansonnier. impr. Stahl, 1836. -- «
Avons-je du vin? -- Non. -- Apportez du pivois, hé vite! -- Vadé, 1788.
-- Peut-être aussi est-ce un diminutif du vieux mot piot: vin? --
Pivoiner: Rougir (Vidocq).
PIVOT: Plume. V. Servir. -- Le bec d'une plume figure assez bien un
petit pivot.
PLACARDE: Place. -- Diminutif. V. Parrain.
PLAN (Mettre en): Engager. -- « Pour faire à sa belle Un don digne
d'elle, L'employé met sa montre en plan. » -- Désaugiers, 1815.
Mettre en plan: Rester en gage chez un restaurateur jusqu'à
l'acquittement de sa note.
Laisser en plan: Abandonner. -- « Et cet animal de barbier qui me
laisse en plan. » -- Cormon.
Tomber au plan: Être mis en prison. -- « Tu voudrais que je grinchisse
sans tracquer de tomber au plan. » Vidocq. -- V. Manger.
PLANCHE (Faire sa): Montrer une froideur excessive. -- Sans planche:
Sans façon. -- « L'écaillère de ses propos poissards vous entretient
sans planche. » -- Cabarets de Paris, 1821. -- Planche au pain:
Banc des prévenus.
PLANCHER: Moquer. -- « Est-ce que tu planches? pour: Te moques-tu de
moi? » -- 1808, Dhautel. -- Plancherie: Mauvaise plaisanterie. -- «
I'me propose le bâton. Moi, j'lui dis: Allons donc ! Tu planches. » --
Ch., Avignon, 1813. -- Planché: Condamné.
PLANCHER DES VACHES: « La terre était sa vraie patrie; la terre, le
plancher des vaches. » -- J. Janin.
PLANQUE: Cachette. V. Bayafe. -- Planquer: Cacher. V. Déplanquer,
Enplanquer.
Planque: Observation. -- On se cache pour bien observer. -- « J'allai
en compagnie de H., et le laissant en planque (en observation), je
montai chez Chardon. » -- Canler.
PLATINE: « Il a une bonne platine, se dit d'un grand babillard. » --
1808, Dhautel.
PLÂTRE: Argent (Vidocq). -- Il bouche plus d'un trou. Malgré la
possibilité de cette image, on doit y voir une allusion à la blancheur
de l'argent.
Fille de plâtre: Lorette. Vient du roman écrit sous ce nom par M. de
Montépin, pour servir de contre-partie à la pièce des Filles de
Marbre. -- « Ces femmes ne sont que des filles de plâtre. » -- 1860
les Étudiants du quartier latin.
PLEIN, Plein comme un oeuf, comme un sac: Saoul. -- « Un homme plein
comme un oeuf, pour avoir trop mangé.» -- Le Duchat, 1738.
PLEURANT: Oignon (Vidocq). -- Il fait pleurer.
PLEUT (Il): « Ces mots il pleut signifient, en langue
de francmaçonnerie: Taisons-nous, parce qu'on nous écoute. » _Aventures
de J. Sharp, 1789.
PLOMB: « Gaz caché dans les fentes des pierres, et qui tue comme la
foudre le vidangeur qui en est atteint. » -- Berthaud. -- Plomb:
Vérole. -- Plomber: Infecter, donner la vérole.
PLOMBE: Heure. -- Onomatopée. -- Plombe imite le bruit grave d'une
sonnerie de grosse horloge. V. Momir, Crosser. -- Plomber: Sonner.
PLONGEUR: Misérable, déguenillé (Vidocq). -- Allusion au costume
primitif du plongeur. V. Paffe.
PLOYANT: Portefeuille. -- Un portefeuille se ploie. -- « Les dimanches
tu grinchiras dans les toles bogues et ployants. » -- Vidocq.
PLUME: Pince à effraction. V. Caroubleur. -- Plume de Beauce:
Paille. -- On sait combien la Beauce est riche en céréales. On appelle
Chartres la ville des pailleux. -- « Quelle poésie! la paille est la
plume de Beauce. » -- Balzac.
PLUMET (Avoir son): S'enivrer. -- Comparaison de la trogne à la couleur
rouge d un plumet d'uniforme. -- « N'est-ce pas que j'dois vous faire
l'effet D'avoir c'qui s'appelle un plumet. Messieurs, c'est le picton !
» -- Ch . Voizo, Ch . -- M. Alphonse Duchesne a fait une chanson
intitulée: J'ai mon plumet. (Paris, Roger, 1863.)
PLUS SOUVENT: Jamais. -- « Ma sainte te ressemble, Nini. -- Plus souvent
que j'ai un air chose comme ça! » -- Gavarni .
POCHARD, POCHE: Ivrogne. (Vidocq, 1837). -- Mot à mot: Ivre, ivrogne,
homme qui remplit ou qui a rempli de vin la poche de son estomac. -- «
Je ne sais pas ce que j'ai...je crois que je suis un peu pochard. » --
M. Michel.
Pocharder: Enivrer. -- « Pisque tu soldes ma de pense, J'n'me
pochardrai qu'avec toi. » -- Festeau. -- Pocharderie: Ivrognerie
(Vidocq, 1837).
POCHON: COUP de poing. -- « Suivant qu'un pochon bien appliqué vient
nuancer un oeil ou froisser un nez. » -- H. Rolland.
POIGNE, POGNE: Main (Vidocq, 1837). -- Mot à mot: Main qui empoigne. --
« J'ai la poigne solide, ça me suffit, et je vous étrangle. » -- E.
Lemoine. -- Pognon: Argent.
POIL: Réprimande.
Faire le poil: Surpasser. -- Mot à mot: raser. -- « Personne n'a fait
le poil à Gaudissart. » -- Balzac. -- « Il n'y a pas moyen de me faire
le poil. » _ Vidal, 1833.
Avoir un poil dans la main: V. Main.
À poils: Un homme à poils est un homme résolu. C'est le brave à trois
poils de Molière. -- « Des bougres à poil, déterminés à vivre libres ou
mourir. » -- 1793, Hébert. -- « M'est avis qu'il faut z'être un artiste
à poil (de mérite) pour ça. » -- Désaugiers.
Être à poils: Être nu. -- Monter à poils: Monter un cheval sans
selle.
POINTE (Pousser sa): Conter fleurette. -- « Que de projets ma tête
avorte tour à tour, Poussons toujours ma pointe et celle de l'amour. »
-- Le Rapatriage, parade du dix-huitième siècle.
POIRE (Faire sa): Jouer le dédain, -- Allusion à une moue prononcée qui
allonge les lèvres en gonflant légèrement les joues. -- « Je pourrais
m'en targuer et faire ma poire. » -- L. Pollet.
POISON: Méchante femme. -- « Poison est aussi un sobriquet outrageant
que l'on donne aux courtisanes les plus viles. » -- 1808, Dhautel.
POISSER: Voler. -- Allusion aux propriétés de ha poix. -- Une main
poissée garde volontiers ce qu'elle touche, -- V. Baite, Billon,
Philippe.
Se Poisser: S'enivrer, boire trop de poissons. -- « Je ne voulais pas
boire...mais quand j'ai vu qu'il allait se poisser, je l'ai aidé à vider
les bouteilles: c'était pour le sauver. » -- La Correctionnelle.
POISSON: « Jeune, beau, fort, le poisson ou barbillon est à la fois le
défenseur et le valet des filles d'amour qui font le trottoir, » --
Canler. -- V. Mac, Paillasson.
Poisson: Verre. -- Du vieux mot poçon: tasse, coupe. V. Roquefort.
-- «J'n' suis pas trop pompette, Viens, je régale d'un poisson. » --
Les Amours de Jeannette, ch., 1813. -- V. Camphre.
POITOU: Nulle chose. -- Mot à mot: point du tout. -- Jeu de mots
analogue à celui de Niort. -- « Tout est à notre usage, N'épargnons le
poitou. » -- V. Paumer.
POIVRE: Ivre. -- Du vieux mot poipre: pourpre. V. Roquefort. -- Une
trogne de buveur s'empourpre volontiers. -- « Je voyais bien qu'il était
poivre. » -- Monselet.
Poivrier: « Voleur dévalisant les hommes ivres aux barrières. » --
Canler.
POIVREMENT: Paiement. -- Poivre pris dans ce sens, doit remonter au
temps reculé où les épices étaient assez chères pour faire de ce mot un
synonyme de Argent.
Poivrer: Vendre trop cher. On dit aussi: Saler (1808, Dhautel).
POIVRER: Donner la vérole. -- « Pour se venger d'un homme, elle prit du
mal exprès afin de le poivrer. » -- Tallemant des Réaux.
Poivrière: Femme malade. -- « Va, poivrière de Saint-Côme, je me fiche
de ton Jérôme. » -- Vadé.
POLICHINELLE: Canon d eau-de-vie. -- « Polichinel... C'est ainsi que les
fiacres nomment une chopine en deux verres. » -- Cabarets de Paris,
1821.
Avoir un polichinelle dans le tiroir: Être enceinte. -- « Sais-tu? lui
dit sa femme, je crois avoir un polichinelle dans le tiroir. Le mari
comprend, la femme est intéressante. » -- Figaro.
POLISSON: « Toutes les dames et demoiselles qui, pour suppléer au manque
de rondeur de certaines parties, portent ce que Mme de Genlis appelle
tout crûment un polisson et que nous appelons une tournure. » -- Th.
Gautier, 1833.
POLKA: « Disons quelques mots de cette gigue anglaise croisée de valse
allemande, qui fait sautiller aujourd'hui les Parisiens comme autant de
coqs d'Inde sur une plaque brûlante. » -- E. Arago, 1844.
Faire danser la polka: Battre. -- « Ce grand empereur, On lui fera
danser la polka. » -- Layale, Ch.
On a dit un moment à la polka, pour dire très-bien.
Un petit polka: Jeune homme tiré à quatre épingles, et tellement
satisfait d'être invité à un bal, qu'il y danse sans relâche jusqu'au
matin. -- « Les jolies femmes dédaignent les petits polka. » --
Figaro.
POMMES (Aux): Très-bien. V. Ognons. -- Nous ne savons si ce superlatif
est causé par la folle passion des voyous parisiens pour les chaussons
aux pommes, ou s'il faut y voir une locution plus âgée. -- « Le feu duc
de Brissac (mort en 1651) aimoit tant les pommes de reinette que, pour
bien louer quelque chose, il ajoutait toujours de reinette au bout,
tellement qu'on lui ouït dire quelquefois: C'étoit un honnête homme de
reinette. » -- Tallemant des Réaux. -- Bath aux pommes: Bien (Lem. de
Neuville). -- « J'ai mijoté pour ce numéro un petit éreintement aux
pommes. » -- J. Rousseau.
POMPADOUR: Coquet, galant. -- « C'est Régence, justaucorps bleu,
Pompadour, dix-huitième siècle, tout ce qu'il y a de plus maréchal de
Richelieu, rocaille, » -- Balzac.
POMPER: Boire copieusement. -- « À la Courtille, je fais des bêtises
quand j'ai pompé le sirop. » -- 1830, Mélesville.
C'est un pompier: C'est un fort buveur.
POMPETTE: Ivre. Du vieux mot pompette: pompon. -- Cette allusion à la
tronche rouge des buveurs se retrouve dans plumet et cocarde. -- «
Lupolde, à tout (avec) son rouge nez à pompette, conclud tous ses contes
par le vin. » -- Contes d'Eutrapel, seizième siècle. -- « L'amant lui-
même a perdu la raison, et Vénus est entièrement pompette. » --
Cabarets de Paris.
POMPIER: Ouvrier tailleur travaillant à la journée. -- « Les pompiers
réunis forment la pompe. Il y a la grande et la petite pompe: la grande,
pour les habits et redingotes; la petite, pour les pantalons et gilets.
» -- Roger de Beauvoir.
POMPON: Tête. -- « Il vous y envoie des pavés que ça brise les pompons.
» -- H. Monnier. -- V. Cocarde. -- Avoir le pompon: Être au premier
rang. -- Allusion au pompon qui distingue les compagnies d'élite. -- « À
moi le pompon de la fidélité. » -- M. Saint Hilaire.
PONANTE, PONISSE: Fille publique. (Vidocq, 1837). Du vieux mot ponant:
Derrière. V. Fr. Michel. -- Le Ponant est le Couchant, en termes de
marine. Peut-être est-on parti de là pour appeler ponante une fille
qu'on voit toujours au coucher? » -- V. Calège.
PONCIF: « Le poncif c'est la formule de style, de sentiment, d'idée ou
d'image qui, fanée par l'abus, court les rues avec un faux air hardi et
coquet. -- Exemples: C'est plus qu'un bon livre, c'est une bonne
action. -- On ne remplace pas une mère. -- Un homme d'esprit et de
coeur. -- L'horizon politique se rembrunit, etc. » -- Aublyet. -- «
Si chacun de nous racontait ses bonnes fortunes? -- Allons donc,
poncif! Pompadour! À bas la motion! » -- Th. Gautier, 1833.
PONT: V. Couper.
PONTER: Payer. -- Ponteur: V. Miché.
PONTIFE: Maître cordonnier. V. Pignouf.
PONTONNIÈRE: « Fille publique fréquentant le dessous des ponts. » --
Canler.
POPOTE: Table d'hôte, gâchis, ratatouille.
PORTE-MAILLOT: Figurante bonne à porter des maillots, mais incapable de
jouer un rôle. -- « Je vous demande un peu! une porte-maillot comme ça.
» -- Gavarni .
PORTE-MINCE: Portefeuille (Vidocq). -- Mot à mot: porte-papier.
PORTE-PIPE: Bouche. -- « Si je lui payais la goutte, car il aime
furieusement à se rincer le porte-pipe. » -- Vidal, 1833.
Porte de prison: Personne revêche. » -- 1808, Dhautel.
Porte-trèfle: Culotte (Vidocq). V. Trèfle.
PORTER (En): Être trompé. -- Mot à mot: porter des cornes. -- « Dis
donc, Miroux..., de quoi donc que Mme Miroux te fait porter? » --
Gavarni.
POSE: Exhibition mensongère d'un défaut, d'une qualité, d'un scintillent
ou d'un avantage qu'on ne possède pas. -- « L'amour platonique!...en
voilà une pose ! » -- Gavarni.
POSER: Chercher à paraître ce qu'on n'est pas. -- « Que cherches-tu sous
les meubles ? -- Le naïf pour qui tu poses. » -- E. Augier. -- « Pose et
Poser sont donc substantif et verbe d'un sens vif et prompt, mais
d'acceptation nouvelle, laquelle nous vient des arts et a bientôt passé
dans le torrent du discours. Poser, c'est ne point vouloir être soi.
Pendant le sombre procès de Tulle, toutes les femmes ont posé Mme
Lafarge. Hélas! des êtres sans méchanceté pour deux liards avaient posé
Lacenaire quelque temps auparavant, etc., etc. » -- Luchet. -- « L'homme
qui pose se place généralement dans la situation qu'il sait la plus
favorable, aux avantages physiques que lui a ou que ne lui a pas donné
la nature. » -- Ed. Lemoine.
Poser: Mettre en évidence. « Voilà un ménage qui pose une femme. » --
Balzac. -- « C'est une manière ingénieuse...ça pose un homme. » -- L.
Reybaud.
Poser: Se laisser mystifier. -- « Il croyait toujours qu'on allait ce
qui s'appelle le faire poser et se moquer de lui. » -- Méry.
Poser sa chique: Garder le silence. -- « Le roi règne sans gouverner.
Si le nôtre un jour s'en écarte, Qu'il aille interroger la Charte! Elle
lui répondra d'abord: Pos'ta chique et fais l'mort. » -- Paris
chantant, Jules Leroy. -- V. Chique.
POSTÉRIEUR: Derrière. -- On dit aussi, par pure délicatesse, le bas du
dos, ou le bas de l'épine dorsale, ou les parties charnues, ou le
bienséant, etc.
POSTICHE: Rassemblement sur la voie publique.
POSTILLON: « Un postillon est une boulette de mie de pain pétrie entre
les doigts et renfermant un avis adressé à un détenu. » -- Canler.
Envoyer des postillons: Crachotter sans le vouloir au nez d'un
interlocuteur.
POTACHIEN, POTACHE: Collégien. Allusion au chapeau de soie pot à chien
qui était d'uniforme dans les collèges avant le képi. V. Bahut.
POT-AU-FEU: Entreteneur fournissant de quoi faire aller le pot-au-feu.
-- « L'Anglais: Lorsque nous aimons, Nous finançons, Afin de plaire.
D'où vient qu'en tout lieu on dit: un milord pot-au-feu. » -- Désaugiers
.
Pot-au-feu: Casanier, arriéré. -- « Ce n'est pas cet imbécile qui
m'aurait éclairée... il est d'ailleurs bien trop pot-au-feu. » Balzac.
POTARD: Apprenti pharmacien. -- Allusion aux innombrables pots dont il
est gardien.
POTASSE, SEUR: Élève de Saint-Cyr, très-bien coté à son cours et très-
mal quant aux aptitudes militaires. » -- De la Barre. -- « Ce mot
désigne aussi un piocheur malheureux, candidat très-laborieux, mais
échouant aux examens. » -- De Vauvineux. -- Potasser: Travailler
assidûment. -- Faire de la potasse: Attendre. -- « Voilà une heure que
vous nous faites faire de la potasse. » -- La Correctionnelle.
POT-BOUILLASSER (Se): Se mettre en ménage. -- Mot à mot: faire bouillir
à deux le pot-au-feu. -- « Les pontonniers s'organisent aux environs de
la caserne un ménage légitime ou illégitime; ils se potbouillassent,
comme disent les soldats. » -- La Bédollière.
POTEAUX: Grosses jambes. -- Gavarni définit ainsi celles d'une danseuse
qui ruine ses amants: « Deux poteaux qui montrent la route de Clichy. ».
-- V. Dhautel .
POTINS: Embarras. commérages. -- « De quoi! on a ses potins comme tout
le monde. » -- Monselet.
ET LE POUCE! Terme ironique pour dire: Il y a beaucoup plus que vous ne
dites, le pouce dont vous parlez vaut plusieurs pieds.
Le coup de pouce du détaillant est une manoeuvre qui permet de vendre
à faux poids avec des balances exactes.
Donner le coup de pouce: Étrangler.
POUDRE D'ESCAMPETTE (Prendre la): Décamper. -- Jadis, on disait
escamper pour Décamper.
POUF: Catastrophe financière, fauteuil bas largement capitonné. V.
Puff. -- « Les pertes que vos trous dans la lune ou vos poufs, pour
parler le style du local, lui occasionnent. » -- Vidal, 1833.
POUFFIACE: Femme sale, avachie.
POULAILLER: C'est la partie du théâtre la plus voisine du lustre. Les
spectateurs y sont juchés par gradins comme sur un perchoir. -- On dit
aussi Paradis, parce que ces places sont au ciel, dont le soleil est
le lustre.
POULET D'INDE: Cheval. -- « Trois poulets d Inde et puis monsieur
feraient un fringant attelage » -- Vadé, 1755.
POUPARD: « Un petit poupard (vol préparé de longue main) que nous
nourrissons depuis deux mois. -- E. Sue. -- V. Nourrir.
POUPÉE: Soldat (Vidocq). -- Allusion à la raideur militaire.
Poupée: Prostituée. -- « Je m'en fus rue Saint Honoré pour y trouver
ma poupée. » -- Vidal, 1833. -- En 1808, on disait une poupée à
ressorts. V. Dhautel.
POUPOULE: Mot d'amitié. Il va sans dire qu'un coq est censé le
prononcer. -- « Reste avec ta poupoule. » -- E. Lemoine.
POURRI: Vénal, corrompu. -- « Or, dans le cas où M. de la Baudraye
serait acquis au gouvernement, Sancerre devenait, plus que jamais, le
bourg pourri de la doctrine. » -- Balzac.
Pourri de chic: Rempli d'élégance.
POUSSE: Gendarmerie Mot ancien. V. Roquefort. Il confirme le sens que
nous avons donné à son synonyme Cogne. -- « Archer, recors, exempts,
Et tout ce que la pousse a nourri de vaillants. » -- Grandval, 1723.
Pousse-cailloux: Fantassin . -- Allusion à la marche du piéton. -- «
Votre frère était dans les dragons, moi, j'étais dans les pousse-
cailloux. » -- Balzac. -- « Cavalier...tu arriveras au grade de maréchal
des logis à force de trotter...Parole d'honneur! Vaut mieux pousser les
cailloux et devenir capitaine. » -- Vidal, 1833.
Pousse-café: Petit verre de cognac, pris après le café. -- « Ensuite
nous avons pris le café, le pousse-café, le repousse-café. » -- Voizo.
__.
Ce qui se pousse: Monnaie. Allusion à l'acte de compter des écus.
POUSSIÈRE: Réprimande, charge victorieuse. -- Connu dès 1808.
Pousser dans le battant (Se): Boire. V. Pivois_.
POUSSIER: Poussière. -- Poussier: Lit. -- La poussière n'y manque pas.
-- « Je lui paie son garni de la rue Ménilmontant, un poussier de quinze
balles par mois. » -- Monselet. -- Poussier: Monnaie (Vidocq).
PRATIQUE: Soldat indiscipliné, homme débauché, pratique de mauvais
lieux. -- « C'était une pratique qui se démenait comme un enragé entre
les mains de la Garde. » -- Vidal, 1833. -- « Tout cela n'est que de la
pratique; ils t'ont fait voir le tour comme des gueux. » -- Monselet.
Pratique: Instrument servant à imiter la voix de Polichinelle. -- «
Polichinelle le cynique Doit renfermer sa pratique. » -- Complainte sur
les jours gras, Paris, 1826, impr. Stahl.
PRÉ, GRAND PRÉ: Travaux forcés. -- « Ne crains pas le pré que je brave.
» -- Vidocq. -- On dit aussi le grandpré. -- « Du grand pré tu te
cramperas pour rabattre à Pantin lestement. » -- (Id.). -- Aller
faucher au pré quinze ans: Avoir quinze ans de galères. -- Le mot est
imagé et doit être fort ancien, car le grand pré est ici la mer dont les
anciens galériens coupaient en cadence de leurs longs avirons les ondes
verdâtres, comme des faucheurs rangés dans une prairie. On sait
qu'autrefois tous les condamnés ramaient sur les galères du Roi.
PRÉDESTINÉ: Mari trompé . -- « Prédestiné signifie destiné par avance au
bonheur ou au malheur... Nous donnons à ce terme une signification
fatale a nos élus. » -- Balzac.
PREMIER-PARIS: « Un grand article, appelé Premier-Paris, contenant des
réflexions sur la situation. C'est une série de longues phrases, de
glands mots qui, semblables aux corps matériels, sont sonores à
proportion qu'ils sont creux. » -- Alph. Karr.
PRESSE (Mettre sous): Mettre en gages. -- En 1808 on disait mettre en
presse. -- Dans le monde galant, être sous presse signifie Être en
conférence intime. -- « C'est parce que nous avons été mis trop de fois
sous presse, qu'aujourd'hui nous sommes tant dépréciées. » -- Lynol.
PREU: Premier. -- Diminutif ancien déjà donné dans la Farce de
Pathelin. -- « Tiens, v'la le bijoutier du no 10 qui vous a loué tout
son preu (premier étage). -- H. Monnier.
PRISE DE BEC: Engueulement. -- « Entendez-vous son organe. Elle a une
prise de bec avec Angelina. » -- 1860, les Étudiants.
PROFONDE: Poche. -- « Ils se désignent entre eux sous le nom de
fouilleurs de profondes. » -- Paillet.
Profonde: Cave. -- « Je vais à la profonde vous chercher du frais. »
-- Vidocq.
Dans les deux mots même allusion de cavité.
PROMONT: Procès (Vidocq)-- Corruption de mot.
PROPRE: « Il est propre se dit d'un homme qui s'est mis dans de
mauvaises affaires. » -- 1808 Dhautel.
PROTÉGER: Entretenir. -- « Votre monstre d'homme protège Jenny. » --
Balzac. -- Protecteur: Entreteneur.
PROUTE: Plainte. -- Allusion facile à saisir si on se reporte au sens de
péter.
PRUNE, NEAU: Projectile -- Allusion de forme. -- « C'est tout de même
vexant d'avoir échappé si souvent aux prunes pour être tué comme un
chien enragé. » -- E. Sue. -- « Quand j'ai reçu le pruneau, j'ai dit:
Bien, c'est le bon! -- L. Reybaud.
PRUSSE (Pour le roi de): « Manière fort en usage de parler pour dire que
l'on a fait quelque chose en pure perte. » -- Dhautel, 1808. -- « S'ils
viennent ce sera pour le roi de Prusse. » -- Cogniard 1831.
PRUSSIEN: Derrière. V. Camboler. -- Les déroutes d'Auerstadt et d'Iéna
où les Prussiens n'ont pas tardé à tourner le dos, ont pu naturaliser
dans nos troupes cette plaisanterie. -- En 1825, on a publié un Guide
du Prussien ou Manuel de l'artilleur sournois. -- « Le général Kléber À
la barrière d'Enfer Rencontre un Prussien Qui lui montra le sien. » --
Chanson populaire.
PUANT: Homme aux manières irritantes qu'on ne peut pas sentir. Se dit
surtout de ceux qui affectent des allures fashionables. -- « Ce petit
puant... un petit maître toujours sans conséquence. » -- Parodie de
Zaïre dix-huitième siècle.
PUBLIC (Se fiche du): V. Peuple.
PUCES (Trouver des): Trouver motif de querelle. -- « Et pourtant la
Giraudeau a trouvé moyen de me trouver des puces. » -- La
Correctionnelle. -- Celui qui cherche querelle saute sur le moindre
motif comme celui qui essaie de prendre une puce au bond.
PUFF: Réclame effrontée. -- Mot anglais. -- « Le Lafayette du puff qui
en matière de réclames est le héros des deux mondes. » -- Heine.
Puffiste: Faiseur de puffs. -- « Ne laissant nulle trève à l'essaim
des puffistes. » -- Commerson.
Puff: Banqueroute -- « Il serait homme à décamper gratis. Ce serait un
puff abominable. » -- Balzac. -- V. Pouf.
PUR-SANG: Cheval de race. -- « Célestine hochait la tête comme un pur-
sang avant la course. » -- Balzac.
PUTAIN (Fils de): Injure à laquelle le peuple n'attache la plupart du
temps aucune idée fixe. -- « J'ai entendu une poissarde dire à son fils:
Petit polisson! attends fils de putain je te ferai voir que je suis ta
mère. » -- 1808 Dhautel. (Note manuscrite).
Miroir à putains: Garçon dépourvu de distinction mais riche de cette
beauté banale qui séduit le commun des femmes.
PUTIPHARDER: Violer sans plus de façons que la femme de Putiphar. -- «
Ces diables de gens il faut vraiment les putipharder pour avoir
l'honneur de peindre leurs silhouettes. » -- Champfleury.
--------------------------
QUANTUM: Caisse somme d'argent. -- Latinisme. -- « Encore cent mille
francs! il est allé faire une saignée nouvelle à son quantum. » --
Ricard.
QUARANTE-CINQ: « Bon! quarante-cinq à quinze! » -- Exclamation
proverbiale toutes les fois qu'on voit briser beaucoup de verre ou de
vaisselle. Signifie sans doute: quarante-cinq pièces à quinze sous.
V. Dhautel 1808.
QUART: Station d'une fille sur la voie publique; tolérée par la police
de sept à onze heures du soir, elle équivaut en effet au quart des
marins. -- « Je n'ai plus besoin de faire mon quart. » -- Montépin.
QUART D'AGENT: Propriétaire du quart de la valeur d'une charge d'agent
de change. -- « Une bourrasque fit sombrer son quart d'agent dans
l'océan de la Bourse. » -- Achard. -- Il y a des cinquièmes, sixièmes,
voire des dixièmes d'agents. -- On dit de même: Un quart d'auteur
dramatique.
QUART D'OEIL: « Quarante-huit commissaires de police veillent sur Paris
comme quarante-huit providences au petit pied; de là vient le nom de
quart d'oeil que les voleurs leur ont donné dans leur argot
puisqu'ils sont quatre par arrondissement. » -- Balzac . -- Comme le
mot est antérieur à l'organisation susdite, nous y voyons plutôt une
allusion à l'ancienne robe noire des commissaires dite cardeuil. V.
Fr. Michel. -- V. Parrain.
QUASIMODO: Homme hideusement contrefait. Du nom d'un type de la Notre-
Dame de Paris de Victor Hugo .
QUELQUE PART: Derrière. -- « Je vais aller lui mettre un grain de sel
quelque part. » -- P. de Kock.
Avoir quelque part: Être ennuyé au suprême degré. Synonyme d'en avoir
plein le dos. Seulement cela se prolonge un peu plus bas. -- « Pour ce
qui est de la rousse et du guet Je les ai queuqu'part. » -- Cabassol.
QUELQU'UN (Faire son): Trancher du personnage. -- « Si madame fait un
peu sa quelqu'une. » -- Balzac.
QUENOTTE: Petite dent. V. Dhautel 1808. -- « Ouvre la gargoine. Prends
le bout de ce foulard dans tes quenottes. » -- E. Sue. -- V. Domino.
QUEUE (Faire la): Escroquer. V. Perruque -- « Giromont finissait de
compter son argent et disait: le scélérat m'a _fait la queue. » -- E.
Sue.
Faire la queue: Tromper. -- « Il faut se contraindre et vous avez un
fameux toupet si vous parvenez à lui faire la queue. » -- Phys. de la
Chaumière. 1841.
Queue: Infidélité galante. -- « Je connais un général à qui on a fait
des queues avec pas mal de particuliers. » -- Gavarni.
Queue romantique: Jeu de mots altérant le sens raisonnable de la
phrase. Murger a ridiculisé cet exercice dans sa Vie de Bohème. Dès
1751 paraissait une Histoire du prince Camouflet qui peut passer pour
un recueil complet de ces stériles tours de force. C'est de là que
datent « je le crains de cheval, -- sous un beau ciel de lit
bassiné, » etc.
Ruban de queue: « Comme ces grandes routes ruban de queue de quatre ou
cinq lieues de long qui rien qu'à les voir toujours toutes droites, vous
cassent les jambes. » -- E. Sue.
Queue-rouge: Paillasse grotesque dont la perruque est nouée par un
ruban rouge. -- « Le public préfère généralement le lazzi au mot et la
queue-rouge au comédien. » -- De la Fizelière.
Queue de rat: Tabatière dont le couvercle de bois était soulevé par
une longue et étroite lanière de cuir. -- « Une de ces ignobles
tabatières de bois vulgaire ment appelées queues de rat. » -- Ch.
Hugo.
Queue de renard: Trace de vomissement. V. Renard.
QUIBUS: « Il a du quibus, c'est à dire des écus, de quibus fiunt
omnia. » -- Le Duchat, 1738.
QUILLE: Jambe. En 1455 les gueux ou coquillards de Dijon se servaient
déjà du mot quilles dans le même sens. La chose nous est prouvée par
un texte curieux qu'a publié l'archiviste de la Côte-d'Or, M. Garnier.
-- « La madame du pavillon qui met ses bas! -- Plus que ça de quilles !
» -- Gavarni.
QUINQUET: OEil brillant (Vidocq, 1837) comme la lampe Quinquet qui passa
en son temps pour un phénix de lumière. On dit: Quelle paire de
quinquets! V. Esbrouffer
QUINZE ANS ET PAS DE CORSET: Se dit en parlant d'une femme dont les
appas ont la fermeté de la jeunesse. Employé souvent avec ironie.
QUINZE-VINGT: Aveugle ainsi nommé à cause de l'établissement qui lui
sert d'asile à Paris. -- « Je suis obligé de demander mon chemin comme
un quinze-vingt. » -- La Correctionnelle.
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RABIBOCHER: Raccommoder. V. Collant. -- « N'en parlons plus! Il faut
que je me rabiboche avec vous. » -- E. Sue.
RABIOT: Temps pendant lequel le soldat peut être forcé de rester à son
corps après sa libération. Il y eut plus d'un rabiot en Crimée. --
Restant de soupe laissée au fond de la gamelle (De Vauvineux).
RABOIN: Diable (Vidocq). V. Abadis.
RACLÉE: Rossée. C'est plus qu'une frottée. -- « Ça lui procura de leur
part quelques belles raclées. » -- L. Desnoyer.
RACLETTE: Ronde de police. -- Elle racle les gens sans aveu sur son
passage. V. Balai.
RACCOURCIR: Guillotiner -- La perte de la tête raccourcit. Mot de
création républicaine ainsi que les synonymes ci-joints: -- « La louve
autrichienne va être à la fin raccourcie... -- Jusqu'à ce qu'ils aient
tous craché dans le son... -- Pour faire mettre promptement la tête à la
fenêtre à la louve autrichienne... -- Ses bons avis à la Convention pour
qu'elle fasse promptement jouer le général Moustache à la main-chaude...
-- Qu'il fasse promptement passer sous le rasoir national le traître
Bailly. » -- 1793 Hébert.
Le rasoir national est le fatal couperet. -- Cracher dans le sac
montre la tête coupée sautant avec un jet de sang dans le sac de son.
Mettre la tête à la fenêtre et jouer à la main-chaude font allusion
à l'attitude du supplicié. -- La fenêtre, c'est la lunette où passe
la tête du supplicié qui à genoux, mains liées derrière le dos, attend
le cou comme à la main-chaude.
RADE, RADEAU: Comptoir, Tiroir. -- Allusion aux radis qu'on y met. --
« La rade est le comptoir du marchand de vin. Le radin c'est l'argent
du comptoir, par abréviation le radi. On dit n'avoir pas un radi
pour n'avoir pas un sou. -- A. Monnier.
RADIN, RADIS: Argent monnayé. -- Corruption da maravédis. -- « En vain
je cherchai dans ma poche, Il ne m'restait plus un radis. » -- Hardy
Chansons. -- Faire un radin: Voler l'argent du comptoir. V. Fête,
Demi-Aune.
RAFFALE: Misère. -- Mot expressif -- Raffalé: Misérable, dépouillé par
la raffale de la mauvaise fortune. -- « Tous les hommes sont des
raffalés, des pingres. » -- Lynol.
RAFIAU: Bâtiment léger. -- «J'vas joliment gréer notre rafiau, tu
verras. » -- Phys. du Matelot, 1843.
RA-FLA: Notes rudimentaires de la batterie du tambour. -- « Le tambour-
major bat la mesure des ra et des fla. » -- M. Saint-Hilaire.
RAFRAÎCHIR D'UN COUP DE SABRE (Se): Se battre. -- Allusion à la
sensation du froid qu'on éprouve en sentant la lame pénétrer dans les
chairs. -- « Un officier lui demanda s'il voulait se rafraîchir d'un
coup de sabre. » -- Ed. Lemoine.
RAIDE, RUDE: Eau-de-vie qui gratte le gosier. On dit par analogie: C'est
un peu raide, c'est d'une exigence difficile à supporter. -- « Comme
dit le proverbe un peu de raide fait grand bien. » -- L. Bardas.
Être raide, Raide comme la justice: Être ivre sans vouloir le
paraître, se redresser avec affectation. -- « Dis donc Jules tu as bien
dîné. -- Il est raide. » -- Monselet.
Raide comme balle: Rapide comme un projectile. -- « Il a filé son
chemin raide comme une balle. » -- Vidal 1833.
RAILLE: Police, agent de police. -- Du mot égrailler: racler. Le
raille vous engraille, comme la raclette vous racle. -- « La
raille maron te servira pour un deuxième gerbement. » Vidocq. -- V.
Cigogne.
RAISINÉ : Sang. -- Allusion de couleur. -- « Tu es sans raisiné dans les
vermichels. » -- Balzac. -- V. Daviole.
RALEUR: Les bouquinistes de Paris appellent ainsi ceux qui ont
l'habitude de lire à leurs étalages sans rien acheter.
Raleuses: Les raleuses sont des racoleuses ou courtières lâchées par
les marchands (du Temple) sur le gonze pour le forcer à acheter. » --
Mornand.
RAMA: « Des riens constituent chez certaines classes parisiennes un
esprit drolatique dans lequel la bêtise entre comme un élément principal
et dont le mérite consiste particulièrement dans le geste et la
prononciation. Cette espèce d'argot varie continuellement. La
plaisanterie qui en est le principe n'a jamais un mois d'existence. Un
procès en cour d'assises, une chanson des rues, les farces d'un acteur,
tout sert à entretenir ce jeu d'esprit. La récente invention du Diorama
qui portait l'illusion de l'optique à un plus haut degré que dans les
panoramas avait amené dans quelques ateliers de peinture la plaisanterie
de parler en rama. » -- Balzac. -- « Eh bien! monsieur Poiret, dit
l'employé, comment va cette petite santérama? »-- Id.
RAMASSER: Arrêter. -- « Ce qu'elles craignent par dessus tout, c'est
d'être ramassées sous le cruel prétexte de vagabondage. » -- M. Waldor.
Se ramasser: Se relever après une chute.
RAMASTIQUEUR: Filou ramassant à terre des bijoux faux perdus par un
compère et les cédant à un passant moyennant une prime qui dépasse leur
valeur réelle.
RAMBUTEAU: Guérite-urinoir -- Du préfet qui en a doté la voie publique.
RAMPE (Lâcher la): Mourir. -- Mot à mot: dégringoler l'escalier de la
vie. -- « Ton oncle s'est laissé mourir? -- Le pauvre cher homme! Il
vient de lâcher la rampe. » -- Tintamarre.
RAPIAT: Auvergnat, avide, avare. -- Dhautel. (l808) fait venir ce mot de
Rapiamus. -- V. Flanelle.
RAPIN: « Ce joyeux élève en peinture qu'en style d'atelier on appelle un
rapin. » -- Balzac.
RAPIOTER: Rapiécer. -- « Monsieur, faites donc rapioter les trous de
votre habit. » -- Mornand.
RAPPLIQUER: Revenir (V. Flacul), Répliquer (V. Suage.
RASER: Railler. Jadis on disait faire 1a barbe. -- « Pour aviser au
moyen de faire la barbe à la municipalité de Paris. »" -- 1793, Hébert.
-- « On a commencé à dire des blagueurs. Aujourd'hui, on dit des
raseurs. » -- Gazette de Paris.
Raseur: « Le raseur est l'individu qui croit vous intéresser
infiniment par le récit des choses les plus ennuyeuses dont sa mémoire
est ornée. -- Une fois qu'il tient votre bras, le raseur ne vous quitte
plus. » -- A. Scholl, 1853.
RASPAIL: Liqueur de Raspail, eau-de-vie. -- « Ami, prends un sou de
raspail, Pour rincer de tes dents l'émail. » -- La Maison du Lapin
blanc, typ. Appert.
RAT: « Le rat est un des éléments de l'Opéra, car il est a la première
danseuse ce que le petit clerc est au notaire... -- Le rat est produit
par les portiers, les pauvres, les acteurs, les danseurs. Il n'y a que
la plus grande misère qui puisse conseiller à un enfant de huit ans de
livrer ses pieds et ses articulations aux plus durs supplices, de rester
sage jusqu'à dix-huit ans uniquement par spéculation et de se flanquer
d'une horrible vieille comme vous mettez du fumier autour d'une jolie
fleur... -- Un rat à onze ans est déjà vieux. Dans deux ans elle peut
valoir 60,000 francs, être rien ou tout, un nom célèbre ou une vulgaire
courtisane. -- Roqueplan. 1841.
Rat: Bougeoir bougie mince et tortillée dont le brin rappelle la queue
du rat. -- « Je vous demanderai la permission d'allumer mon rat. » H.
Monnier.
Rat: Avare, pauvre. -- « Je vous dénonce mon propriétaire qui est un
rat fini. " -- Bertall.
Rat: « Petits pégriots qui se cachaient à la brune sous un comptoir
afin d'ouvrir la nuit la porte du magasin à leurs collègues. Il paraît
qu'on ne fermait qu'au pène les boutiques dans ce temps-là. Aujourd'hui
le rat qui restera en vedette chez un marchand de vin aurait besoin de
ses amis du dehors pour le délivrer. » -- A. Monnier.
Rat: «Cette expression s'applique à tout retardataire de l'École
polytechnique. Quiconque après son examen de sortie est exclu par son
rang des ponts et chaussées est rat de ponts; le rat de soupe est
celui qui arrive trop tard à table. » -- La Bédollière.
Rat de prison: Avocat. -- Allusion aux visites qu'il rend aux
prisonniers.
Mon rat: Terme d'amitié.
Rat: Caprice, fantaisie trottant comme un rat dans la cervelle. V.
Dhautel, 1808.
Courir le rat: Voler la nuit à l'auberge (Vidocq).
RATA: Abréviation de ratatouille. -- « Pour le rata: faites bouillir
de l'eau, prenez des pommes de terre, jetez le légume choisi dans la
bassine, ajoutez 3 kilogr. de lard par cent hommes, remuez et servez. »
-- La Bédollière.
RATICHON, RASÉ, RAZE, RAZI: Prêtre. -- Mot à mot: ratissé, rasé. --
Allusion à sa tonsure et à sa figure rosée. V. Momir.
RAVAGEURS: «Ils travaillent un instant après la pluie. Alors l'eau a
charrié dans les rigoles ménagées par le pavé tous les morceaux de clous
et de ferraille qu'elle a pu emporter en passant... La besogne faite,
ils vendent un sou la livre leur misérable butin. » -- Berthaud, 1846.
-- La police a fait cesser cette exploitation. -- Les Mystères de
Paris montrent cette industrie s'exerçant en grand sur les ports de la
Seine: S'avançant dans l'eau aussi loin qu'il peut aller, le ravageur
puise à l'aide d'une longue drague le sable de rivière sous la vase,
puis il le lave comme un minerai et en retire une grande quantité de
parcelles métalliques. » -- E. Sue.
RAVIGNOLÉ: Récidive. -- « Je n'ai pas coqué mon centre de taffe du
ravignolé; ainsi si vouzailles brodez à mezigue, il faut balancer la
lazagne au centre de Jean-Louis Laurant, au castuc de Canelle (Caen). »
RAZZIA: Rafle rasant tout sur son passage. -- Le mot date de notre
guerre d'Afrique. En France au quinzième siècle on disait dans le même
sens reize -- « Il exerçait de véritables razzias à l'endroit des
tasses de chocolat. » -- A. Second.
RÉAC: Réactionnaire. -- Date de 1848. -- « Il s'agira seulement
d'applaudir nos orateurs -- et d'aplatir les réacs. » -- Chenu.
RÉALISTE : Artiste ou romancier s'appliquant à reproduire dans toute
leur vérité les scènes de la vie réelle sans rien idéaliser. Bien
qu'employé à la fin du dix-huitième siècle par Rétif, le mot est nouveau
mais l'école est de haute antiquité.
REBÂTIR: Tuer. -- Équivoque. -- Pour rebâtir il faut démolir. V. ce
mot. -- « Si tu consens à nous laisser rebâtir le ratichon et sa larbine
nous irons pioncer dans le sabri du rupin de ton villois, à cinquante
paturons de la chique de la daronne du mec des mecs. » -- Vidocq.
RÉCHAUFFER: Ennuyer (Vidocq). -- On trouve une analogie dans l'acception
de bassinoire. -- C'est du réchauffé: Cela ne vaut plus rien.
RECONNOBLER: Reconnaître (id.). V. Parrain.
REFAIRE: Tromper. V. Faire. -- « Dindonné, ce que nous appelons refait
au même. » -- Balzac.
REFAITER: Prendre un repas. -- Vieux mot. -- V. Pavillonner. --
Refaite du matois: Repas du matin -- Refaite de coni: Viatique,
repas de mourant.
REFILER: Donner un vol nourri, suivre.
REFROIDIR: Tuer. -- On dit glacé par la mort. -- V. Suage.
RÉGENCE: Digne des roueries galantes de la cour du régent. -- « C'est
régence, c'est Louis XV, OEil-de-boeuf! C'est très-bien. » -- Balzac.
REGON: Dette. -- Regonser: Devoir (Bailly).
REGOUT (Faire du): Être arrêté. -- « Poissons avec adresse mezières et
gonzesses sans faire de regout. » -- Vidocq.
RÉJOUISSANCE: Os glissé par les bouchers dans la viande pesée à leurs
pratiques. -- « Pour mieux les embêter dans le poids et la réjouissance.
» -- Cabarets de Paris, 1821.
RELUIT: Jour, oeil. V. Coquer, Luisant, Chasse.
RELUQUER, REMBROQUER, REMOUCHER, REMOUQUER: Remarquer,
examiner. V.
Chasse, Temps, Moucharde, Bonne, Abadis, Béquille, Bayafe. --
Rembrocage de parrains: Confrontation.
RENARD (Piquer un): Vomir. -- On a commencé par dire écorcher le
renard. -- Le renard est une bête si puante qu'on s'expose à vomir de
dégoût en voulant l'écorcher. -- « Et tous ces bonnes gens rendoient
leurs gorges devant tout le monde, comme s'ils eussent escorché le
regnard. » -- Rabelais. -- Le voyageur Jacques Lesaige dit en faisant
allusion aux effets du mal de mer: « Loué soit Dieu! Javons bon apétit
car je n'avois fait que escorchier le regnart. (1518) » -- V. Gaz.
Queue de renard: Longue trace de vomissement. -- « Un homme sans
éducation qui a fait une queue de renard dans le plat de son voisin. »
-- Cabaret de Paris, 1811.
Renarder: Vomir. -- « Je suis gris... Vous me permettrez de renarder
dans le kiosque. » -- Balzac -- On disait autrefois renauder. V.
Roquefort.
RENARD: « Pour être compagnon, tu seras lapin ou apprenti, plus tard tu
passeras renard ou aspirant. » -- Biéville. -- V. Chien.
RENAUDER: Renâcler (Vidocq). -- Signifiait jadis vomir. V. Roquefort. --
« Quand elle quête, merci! Chacun renaude ou détale. » -- Léonard,
parodie 1863.
RENCONTRE (Vol à la): « Variété du vol à la tire. Il est opéré par deux
compères: le premier heurte un passant dont il détache la chaîne qui est
aussitôt remise au second; puis il s'éloigne en s'excusant et se
laissant fouiller, si on découvre le vol. » -- Canler.
RÊNE (Saisir la troisième): S'accrocher à la crinière d'un cheval sur
lequel on ne peut se maintenir.
RENFONCEMENT: Forte bourrée. -- « On l'accabla de renfoncements, il lui
fut impossible de s'expliquer. -- Chenu.
RENGRACIER: Devenir honnête rentrer en grâce de la société. -- «
Jamais tu ne rengracieras. Plutôt caner en goupinant. » -- Vidocq.
RENIFLER: Sentir deviner (Vidocq). V. Pante.
Renifler: Refuser d'aller plus avant. -- « Si ce n'avait pas été
l'heure, j'aurais reniflé. » -- Monselet.
RENQUILLER: Rentrer. De quille. V. Pavillonner.
REPIGER: Rattraper. -- « Attends toi! si je peux te repiger un jour. »
-- Moinaux.
REPIQUER: Recommencer, reprendre le dessus, se tirer d'une mauvaise
passe. -- « On repique son chaste cancan. » -- 1846 P. d'Anglemont.
REPORTER: V. Liquid.
REPOUSSANT: Fusil. -- Il repousse l'épaule.
RETOURNE (De quoi il): Ce qui se produit de nouveau. Terme de jeu de
cartes où la retourne de l'atout indique en effet l'apparition d'une
couleur inattendue. « Voici de quoi il retourne pour le quart d'heure.
-- E. Texier.
REVENIR SUR L'
EAU: Sortir d'un mauvais pas. -- « Le voilà qui revient sur l'eau, cet
agneau adoré. »-- L. Reybaud.
RESTE (Donner son): Accabler, tuer quelqu'un. -- « Mais zeste! Lowendal
leur ficha son reste. » -- Vadé 1750. -- Ne pas demander son reste:
Rester anéanti.
RETAPE: Mis proprement -- « Elle est joliment retapée et requinquée le
dimanche. » -- Vidal.
RETAPPE (Faire sa): Raccrocher. -- « C'est moi qui lui ai donné l'idée
de faire sa retape avec un costume décent et un carton à chapeau à la
main. » -- Cinquante mille Voleurs de plus à Paris, Paris, 1830 in-8.
-- Vient de l'argot des voleurs qui disaient aller à la retape, pour:
s'embusquer sur le grand chemin. -- Mot à mot: attendre l'occasion de
retaper sur les passants .
RICHELIEU: Aussi roué que le galant maréchal de ce nom. -- « Tout le
benjoin d'une galanterie à 80 degrés Richelieu. » -- Murger.
RICHEMENT LAID: Aussi laid que possible.
RIFLARD: Parapluie. -- D'une pièce de Picard, la Petite Ville (1801),
où l'acteur chargé du rôle de Riflard paraît armé d'un énorme parapluie.
-- « Il pleuvait à verse; elle était sous son riflard. » -- Lubize.
RIFFAUDER: Brûler. V. Flacul. -- Rifle: Feu flamme. -- « Je remouche
au coin du rifle un sinve qui roupillait. J'ai sondé dans ses profondes.
» -- Vidocq. -- V. Coquer.
RIGOLBOCHE: Amusant drôle. -- Diminutif de rigollot. -- « C'était au
Prado... La querelle allait son train...Les agents
s'approchèrent...Laissez-les donc! m'écriai-je, sans doute inspirée,
c'est bien plus rigolboche! -- Le mot fut sur-le-champ acclamé. --
Marguerite, me dit C., tu viens de créer un mot qui fera fortune. » --
1860, Mémoires de Rigolboche.
Rigolbocher: Cancaner à la façon de Rigolboche, danseuse dont les
lignes précédentes expliquent le nom et la vogue. -- « Nous rigolbochons
parfois à Bullier. » -- 1860, Les Étudiants.
RIGOLER: Rire, se divertir. Vieux mot. -- Dès 1373, Du Cange en cite des
exemples au mot Rigolamentum. « Et frère Jean de rigouller, jamais
homme ne feut tant courtois ny gracieux » -- Rabelais. -- « Qu'est-ce
qui chante? je veux de quoi rigoler! moi. » -- Champfleury. -- V.
Hariadan, Lansquiner.
Rigolot, rigolette: Homme ou femme de gai naturel. -- « Rigolos et
vous rigolettes, Gais enfants d'l'atelier. » -- A. Joly, Ch. -- On dit
aussi dans le même sens: Rigolot pain de sucre. -- C'est rigolot:
C'est amusant.
RINCÉE: « Il a reçu une bonne rincée, il a été battu, étrillé comme il
faut. » -- 1808. Dhautel.
RINCER: Dévaliser. -- «Des malfaiteurs crurent pouvoir rincer la
caisse du juif. » -- Balzac.
Rincer: Battre. -- « Un général, fût-il un prince, Fond sur l'ennemi
et vous le rince. » -- Favart, -- 1750. -- « Tu m'as rincé, et personne
ne peut se vanter de me mettre le pied sur la tête. » -- E. Sue.
Rincer le gosier, le cornet, le sifflet, l'avaloir, la dalle: Faire
boire. V. Sifflet. -- « S'il cajole la cantinière, elle lui rince le
gosier.) -- Wado, Chansons. -- « Tu peux te rincer le cornet, ça rend
toujours un homme aimable. » -- Cabassol. -- « Quand vous rincez votre
avaloir, Vous êtes prié de quitter le comptoir. » -- La Maison du Lapin
blanc, typ. Appert. -- « Avec ces messieurs j'bois. Oui, nous nous
rinçons la dalle. » -- Léonard, parodie.
Il a été bien rincé: « Il a été bien mouillé. » -- 1808, Dhautel .
RIOLLE: Divertissement. -- De rigoler. -- « Pitanchon, faisons riolle,
Jusqu'au jugement. » -- Grandval, 1723.
RIPATONNER: Raccommoder. -- Mot à mot: réparationner. -- « On
ripatonne un livre en publiant une édition revue et corrigée; on
ripatonne un édifice en le recrépissant. » -- La Bédollière.
RIQUIQUI: Eau-de-vie. -- « Tiens! pour te guérir, je t'apporte une
goutte de riquiqui. » -- La Femme comme on en voit peu, ch., 1789.
RIVANCHER: V. Tremblant. -- Rivette: V. Tante.
RIZ-PAIN-SEL: « À l'armée, où les agents du service des subsistances
distribuent les vivres aux compagnies, on leur donne le sobriquet de
riz-pain-sel. » -- La Bédollière.
ROBER: Dérober (Vidocq). -- Vieux mot.
ROBERT MACAIRE: Variété du cancan. -- Allusion à la danse de Robert
Macaire au premier acte de l'Auberge des Adrets. -- « Magistrats et
docteurs commencent leur carrière, En se faisant danseurs De la Robert
Macaire. » -- 1841, Phys. de la Chaumière. -- V. Macaire.
ROBINSON: Parapluie. -- Usité depuis la représentation d'une pièce de
Pixérécourt, où Robinson apparaissait avec son grand parasol.
ROCAILLE, ROCOCO: Dans le goût de l'époque de Louis XV. -- « L'amour des
rocailles, mot qui caractérise l'ameublement du règne de Louis XV. » --
Roqueplan. -- « La chambre de madame était meublée dans le genre rococo
» -- Balzac
Rococo: Suranné. -- « Ce mot nouveau est celui de rococo, et me
semble être appliqué, par la jeunesse innovatrice, à tout ce qui porte
l'empreinte du goût, des principes ou des sentiments des temps passés. »
-- Trollope, 1835.
ROCHET: Prêtre (Vidocq). -- Allusion au rochet ou camail qui couvre ses
épaules. V. Suage.
ROGNEUR: Fourrier. -- Mot à mot: rogneur de portions. -- Allusion aux
vins et aux vivres de campagne sur lesquels un fourrier peu délicat
prélève parfois une dîme indue. -- « Gratte-papier, rogneur, traîne-
paillasse, Hardi pillard aux deux galons d'argent, De vingt surnoms que
sur lui l'on entasse, Le fourrier rit, et se moque en chantant. » --
Wado, Chansons.
ROMAIN : Claqueur. -- Allusion aux Romains qui applaudissaient Néron. --
« Sous le lustre avec les romains du parterre. » -- P. Borel, 1833. --
Romain: fantassin. -- Allusion à la forme romaine du poignard
d'infanterie.
ROMANICHELS: « Voleurs exploitant l'Europe entière sous les allures de
marchands forains. Ils se marient entre eux, voyagent constamment et se
prêtent assistance en cas d'arrestation. » -- Canler.
ROND: Saoul. -- « Descendant d'la guinguette, Un soir que j'étais rond.
» -- Les Amours de Jeannette, chanson, 1813.
Rond: Sou. -- Le sou est rond. -- « Aboule tes vingt ronds, bêta! » --
Montépin. -- V. Balle, Roue.
RONDINE: Bague. -- Même allusion. V. Vague.
RONDINER: Battre à coups de bâton. -- Mot à mot: de rondin. -- « Qu'il
est doux de pouvoir rondiner un ingrat. » -- Le Rapatriage, parade du
dix-huitième siècle.
Rondiner des yeux: Faire les yeux ronds à quelqu'un.
ROSSE, ROSSARD: Homme mou, lâche. -- « Quell'rosse qu'tu fais! T'es mon
ami tout d'même. » -- Protat.
Rossée: Grêle de coups.
ROSSIGNOL: « Ce sobriquet de rossignol était donné par les libraires
aux ouvrages qui restent perchés sur les casiers dans les profondes
solitudes de leur magasin. » -- Balzac. -- Les marchands de nouveautés
donnent le même nom aux étoffes passées de mode.
Rossignol: Fausse clé -- « Après, j'ne manquerai pas de raisons Pour
rossignoler les maisons.» -- Festeau, 1832.
ROTIN: SOU. -- Diminutif de rond. -- « Si par hasard ils se lâchent
d'un déjeuner de vingt-cinq rotins. » -- Lynol.
ROUBLARD: Richard. -- Mot à mot: homme à roubles. -- S'il faut en croire
le Figaro du 27 novembre 1858, on appelle aussi roublart un
chevalier d'industrie extorquant des directeurs de jeux une somme qui
lui. permette de regagner son pays, après une perte dont il exagère la
valeur.
ROUCHI: Personne méprisable. « Veux-tu te cacher, vilain rouchi. Tu
reviendras quand tu seras blanchi. » -- 1844. Catalogue poissard. --
Du vieux mot rouchi_: mauvais cheval. V. Roquefort.
ROUE DE DERRIÈRE, DE DEVANT: « Pièces de cinq, deux francs. » -- Vidocq,
1837. -- Allusion au diamètre respectif des roues de voiture. -- « Roues
de derrière... expression des cochers pour dire pièces de cinq francs. »
-- Cabarets de Paris, 1821. -- « Je peux solir pour une roue de
derrière ce qui m'a coûté cinquante ronds, c'est-à-dire vendre pour six
francs ce qui m'a coûté cinquante sous. » -- Avent. de J. Sharp, 1789.
ROUÉ: Juge d'instruction (Vidocq) -- Il doit l'être.
ROUGE: Révolutionnaire acceptant le drapeau rouge.
ROUGET: Cuivre. (Vidocq). C'est le cuivre rouge. Le cuivre jaune est le
paillon.
ROUILLARDE: Bouteille (Vidocq). -- Mot à mot: chose qui se roule.
ROULANCE: « Roulement général que font les ouvriers typographes à coups
de composteurs sur leurs casses, à la rentrée d'un confrère qu'ils
viennent de mystifier. » -- Ladimir.
ROULANT, ROULOTTE: Voiture. V. Dhautel, 1808. -- « Tout ce maquillage ne
te fera pas démarger en roulotte (Aller en voiture). » -- Paillet. -- V.
Garçon. --
Roulant vif: « La science change la face de la civilisation par le
chemin de fer, l'argot l'a déjà nommé le roulant vif. " -- Balzac. V.
Chineur.
ROULER: Battre, vaincre. -- Mot à mot: rouler à terre. -- « Enfin je
suis seul contre le gouvernement avec son tas de tribunaux et je les
roule. » -- Balzac. -- Roulée: Vigoureuse correction.
ROULER: Voyager. -- Roulier est classique.
Ça roule: Je me porte bien, je fais de bonnes affaires. -- Ça roule
se dit aussi d'une manoeuvre effectuée sans ensemble.
ROULEUR: Trompeur. -- « Cela ne serait pas bien: nos courtiers
passeraient pour des rouleurs. » -- Lynol. -- De rouler: vaincre.
Rouleur: « Ses fonctions consistent à présenter les ouvriers aux
maîtres qui veulent les embaucher et à consacrer leur engagement. C'est
lui qui accompagne les partants jusqu'à la sortie des villes. » -- G.
Sand -- De rouler: voyager.
ROULOTTIER: « Il est, en quelque sorte, le cambrioleur de la rue. Au
lieu de travailler en chambre, il travaille en voiture. Il saisit une
malle, un colis sur un camion de roulage et s'éloigne avec sa proie. »
-- A. Monnier. -- Roulottin: Charretier (Vidocq).
ROUPIE: Punaise (Vidocq). -- Elle a en effet la forme et la couleur
d'une roupie de tabac.
Roupie de singe: Rien. -- Roupie a ici le sens de monnaie. On dit
monnaie de singe pour grimace.
ROUPILLER: Dormir. -- « Il est bien temps de roupiller. » -- 1750,
Monbron, Henriade travestie. -- V. Paumer, Pieu, Rifle.
ROUSCAILLER BIGORNE: Parler argot. -- Rouscailleur: Débauché,
luxurieux.
ROUSSE, ROUSSINS: Police, agents de police. -- Du vieux mot rouchin:
rosse, mauvais cheval. V. Roquefort. -- Rousse est une abréviation. --
« C'était l'agent de change que suivaient les roussins. » -- Vidocq. --
« Ils croient voir partout la rousse. » -- Paillet. -- « À quoi penses-
tu? tu bois avec des rousses. » -- Chenu. -- V. Butter, Agrafer,
Cambrouse.
Roussiner: Péter sans façon, comme un rouchin.
ROUSTIR: « La plupart des banquistes, pour me servir de leurs
expressions, ont un truc pour roustir les gonzes, c'est-à-dire une
supercherie pour attraper les bonnes gens. » -- Avent. de J. Sharp,
1789.
Roustisseur: Voleur. -- « On accuse donc c'te pauvre fille d'être une
roustisseuse et d'avoir fait sauter l'argenterie. » -- Voizo, Chanson.
ROYALE: « Louis XIII rasait bien, et un jour il coupa la barbe à ses
officiers et ne leur laissa qu'un petit toupet au menton. » _ Tallemant
des Réaux. -- De là sans doute ce mot, dit Monmerqué.
RUDE: Remarquable. -- « Eh! mon vieux sabre, tu peux te vanter
d'appartenir à un rude lapin. » -- About. -- V. Raide, Balle, Doux. --
Rudement: Remarquablement.
RUETTE AU PAIN: Gorge. -- « Au souper, je ne pus avaler une goulée, à
croire que j'avais la ruette au pain barrée, par quelque accident. » --
Delvau.
RUP, RUPART, RUPIN: Seigneur, élégant, riche. -- « Madame, en v'là un
rup! il m'a dit de garder la monnaie pour moi. » -- Jaime. -- « Pour
enfoncer un rupiné, Je sers d'exemple. Malheur à qui contemple Mon petit
minois chiffonné. » -- Mouret, Ch., 1846. -- V. Rebâtir, Bigorne,
Caloquet.
Se prend adjectivement. -- « Tu étais dans une société assez rup. » --
Montépin. -- « Faisons un petit bout de toilette que chacun soit rupin.
» -- Chenu.
RUSTIQUE: Greffier. -- Rustu: Greffe (Bailly).
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SABOT: Navire. -- « Aller dans le sabot: S'embarquer. » -- Vidocq. -- V.
Sapin. -- Allusion de forme.
Sabot: Violon. -- « Jeune homme! emparez-vous de ce sabot. » --
Dumersan et Varin.
SABOULER: Battre, cogner. -- Vieux mot. V. Roquefort. -- « Vous me
saboulez la tête avec vos mains pesantes. » -- Molière, Comtesse
d'Escarbagnas. -- Je te tanne le casaquin, je te saboule. » -- Paillet.
Sabouler: Décrotter. -- Sabouleur: Décrotteur (Vidocq) .
SABREUR, TRAÎNEUR DE SABRE: Militaire bruyant, Fanfaron. -- « Vous me
faites pitié, tout sabreur que vous êtes. » -- P. Borel, 1833.
SABRE: Bâton. -- Sabri: Forêt. -- V. Rebâtir.
SAC (Avoir le): Avoir de l'argent. -- « A-t-elle le sac? -- Cela veut
dire en langage des halles: A-t-elle de l'argent? » -- G. de Nerval.
Donner le sac: Mettre à la porte. -- Mot à mot: Forcer quelqu'un à
faire sa malle, son sac.
En avoir plein le sac: Être complètement ivre. -- « Laissons-le
reposer, il en a plein son sac. » -- Chenu.
Mettre dans son sac: Dévorer un affront sans pouvoir le venger. « Le
montreur de bêtes fut donc obligé de mettre les calottes dans son sac. »
-- E. Sue. -- V. Raccourcir.
Sac-à-papier: « À l'ouvrage, messieurs! Sac-à-papier! on ne fait rien
ici. » -- Balzac.
Juron bon pour exprimer l'ennui d'être dans une situation embrouillée.
Un sac-à-papier se disait autrefois de la réunion de toutes les pièces
d'un procès: celles-ci se plaçaient dans un sac de toile.
SACRÉ CHIEN: Eau-de-vie. -- « Vous nous râperez le gosier avec le
trois-six et le sacré chien dans toute sa pureté. » -- Th. Gautier,
1833. -- « Les voilà parties chez Caplaine où elles demandent un demi-
septier de sacré chien. » -- Vadé, 1788.
Avoir le sacré chien: Avoir le génie, l'esprit de son art. --
Équivoque sur le mot précédent. -- V. Chien,
SACREMENT: Sacrement du mariage. -- « Oscar m'offrit le sacrement. » --
Festeau.
SACRISTAIN: Mari de maquerelle (Vidocq). V. Marlou.
SAFRAN (Accommoder au): Faire une infidélité conjugale. Le safran est
jaune et cette couleur passe pour celle du cocuage. -- « Je ne suis pas
fâché qu'elle ait accommodé au safran ce voltigeur de Louis XIV. » -- E.
Augier. -- V. Rebâtir.
SALADE: Réponse. -- Calembour. -- La réponse est une espèce de salade.
-- « Voilà notre dernier mot. Nous attendons ta salade. » -- Vidocq.
SALER: Tancer vertement, faire payer trop cher.
SALIÈRES: Cavités pectorales. On dit d'une femme maigre trop décolletée
qu'elle montre ses salières. -- Usité dès 1808.
SANGLIER: Prêtre. -- Calembour. -- C'est le sans-glier, le sans-diable
(Glier représente le diable dans le vieil argot. V. Vidocq) . Allusion
à la mission divine du prêtre qui est de réconcilier les condamnés avec
le ciel. V. Hariadan, Cuisinier.
SANS CHASSES: Aveugle. -- Sans condé: Clandestinement, sans permission
du condé. -- Sans-coeur: Usurier.
Sans-culotte_: Républicain de 1793, dont les jambes dédaignaient les
culottes courtes pour se perdre dans un large pantalon. -- « Allez-vous
encore me traiter de sans-culotte? » -- H. Monnier. -- « Vous voyez
comme il méprise la sans-culotterie. » -- C. Desmoulins, 1790.
Sans-dos: Tabouret. -- Sans gêne: Indiscret. -- « Malvina trouva
d'abord que ce monsieur était un sans-gêne. » -- L. Reybaud. -- Sans-
loches: Sourd. -- Sans-le-sou: Pauvre. -- « Farnèse fit un mouvement
de rien, elle avait senti le sans-le-sou. » -- Jaime.
SARDINES: Galons du grade de sous-officier. -- Allusion de forme et
d'éclat. -- « L'un portait la sardine blanche, L'autre le jaune
baudrier. » -- Nadaud.
SAPIN: Fiacre. -- Sa caisse est en bois. -- Le mot n'est pas nouveau.
Nous le trouvons dans un pamphlet légitimiste de la révolution de 89
(l'Apocalypse). -- « M. Desmoulins, l'abbé Noël, MM. de Beaumont et
Keralio avaient loué pour toute la soirée un sapin national pour se
faire voir dans la promenade. »
Sapin, sap: Cercueil de sapin. -- « Avant d'être mis dans le sap, Vous
voulez, orné de lunettes, Me décalquer de pied en cap. » -- Festeau.
Sentir le sapin: Faire pressentir une mort prochaine. On dit: Voilà
une toux qui sent le sapin. -- Usité dès 1808. -- V. Claquer.
SAUTER: Cacher un produit de vol à ses complices. -- Sauter à la
capahut: Assassiner un complice pour enlever sa part (Vidocq). V.
Capahuter, Pas.
Sauterelle: Puce (id.). -- Ses sauts sont connus.
SATISFAIT: Député conservateur, satisfait de l'ordre de choses
SATOU: Bois. -- Satousier: Menuisier (Vidocq). Du vieux mot Satou:
Bâton. V. Roquefort.
SAUCÉ: Mouillé jusqu'aux os. -- Donner une sauce: Gronder. -- Connus
dès 1808.
SAUTEUR: V. Paillasse. -- Sauteuse: Danseuse de théâtre. -- Pris en
mauvaise part.
SAUVAGE: NU. -- « Tu ne sais pas encore que s'habiller en sauvage, c'est
vendre sa chemise. » -- Vidal, 1833.
SAVATE: « La savate, que l'on appelle aujourd'hui chausson par
euphémisme, est la boxe française, avec cette différence que la savate
se travaille avec les pieds, et la boxe avec les poings. » -- Th.
Gautier, 1845. -- V. Arsouille.
Savate: « Correction militaire appliquée par les soldats entre eux
pour certains délits non justiciables d'un conseil. Le patient est
étendu sur un banc, la chemise retroussée, et chaque soldat de la
compagnie lui applique trois coups d'un soulier neuf et bien ferré. »
La Caserne, par Vidal et Delmare, 1833.
SAVOIR LIRE: Connaître toutes les ruses (Vidocq).
SAVON: Réprimande sévère. On dit de même laver la tête pour
réprimander quelqu'un.
Savonné: blanc. -- Ce qui est savonné est blanchi. -- Pivois
savonné: Vin blanc. V. Douille, Larton.
SAVOYARD: Rustre. -- «En l813, avec ces savoyards d'alliés. » -- Ricard.
Savoyarde: Malle (Vidocq). -- Le commissionnaire chargé de la porter
est ordinairement Savoyard.
SCHNAPPS: Eau-de-vie. -- Germanisme.
SCIE: Tourment, mystification répétée d'autant plus de fois qu'elle
paraît agacer l'auditeur. -- Allusion à la scie qui revient toujours
en grinçant sur elle-même. -- « Les femmes, c'est la scie pour les
domestiques. » -- Ricard. -- « Les scies les plus farouches l'avaient
trouvé inébranlable. » -- Murger.
Scier, Scier le dos: Tourmenter. -- « Pourquoi boire? -- Pour
s'étourdir, pour oublier ce qui vous scie. » -- E. Sue. -- « Laisse-moi,
Cadet, tu me scies. » -- Rousseliana, 1805.
SCIONNEUR. V. Escarpe.
SÉCOT: Maigre. -- « L'une est grasse, L'autre est secot. » -- Pecquet,
Chansons.
SEIGNEURS (Jeunes): «Aujourd'hui, 1er mars 1840, c'est le titre de bon
goût qui a remplacé ceux de petit-maître, beaux fils, muscadins, etc.
qui se sont succédé rapidement dans les fastes de la belle jeunesse
française. » -- E. Foa.
SENTINELLE: Excrément isolé aux abords d un édifice. V. Factionnaire.
SENTIR: Aimer (Vidocq). -- Ne pas sentir: Détester. -- On dit de même:
Avoir dans le nez (quelqu'un qu'on ne peut sentir).
SER: signal (Vidocq). -- De serpent qui signifie crachat en argot. V.
Arçon.
SERGOLLE: Ceinture (id.). -- Mot à mot: serre gole. -- Du vieux mot
gole: ouverture de tunique. -- V. Roquefort.
SÉRIEUX (Être): Pour les artistes et les lettres, c'est s'être acquis
une valeur personnelle. -- Pour les bourgeois, c'est avoir une position
dans le monde. -- Pour les lorettes, c'est être capable de leur donner
de l'argent.
SERIN: Naïf comme un serin. -- « Tu ne sais pas ce que c'est que d'être
l'amant d'une femme... Es-tu serin à ton âge! » -- E. Sue.
Seriner: Loger dans la mémoire certaine chose à force de la répéter.
-- Allusion à l'influence quotidienne de la serinette sur l'éducation du
canari. -- « Nucingen avait seriné Rastignac. » -- Balzac.
Serinette: Enfant ayant plus de mémoire que d'intelligence. -- Cet
exemple donne un dernier sens.
« On appelle serinette les infâmes qui font contribuer un passant en
le menaçant de divulguer (seriner) au public ou même à l'autorité de
coupables dépravations. » -- Paillet.
SERINGUE (Chanter comme une): « Avoir la voix fausse et discordante. »
-- 1808, Dhautel.
SERRANTE: Serrure (Vidocq).
SERRÉ : Avare, peu fortuné. -- « Il paraît même qu'il est très-serré. »
-- H. Monnier.
SERRER: Mettre en prison. -- On n'y est pas au large. -- « La plus
cruelle injure qu'une fille puisse jeter à une autre fille, c'est de
l'accuser d'infidélité envers un amant serré. » -- Balzac.
SERVIR: Prendre, arrêter. -- Mot à mot: asservir. -- La personne servie
n'a plus sa liberté. -- « Frangin et frangine, je pesigue le pivot pour
vous bonnir que mezigue viens d'être servi maron à la lègre de Canelle
(Caen). » -- Vidocq. -- Servir de belle: Dénoncer à faux. -- Servir
le trèpe: Faire ranger la foule. V.Curieux.
SÉVÈRE: Digne de réflexions sérieuses et sévères. € -- « Ah! je vous
raconterai ma vie. Je vous en dirai des sévères, mon bon ami. » --
Ricard. -- « Ouvrez ou j'enfonce la porte. -- En voilà une sévère. » --
L. Reybaud.
SIC NOMEN: Argent. -- Latinisme dont la traduction libre est: C'est
ainsi que je m'appelle. C'est-à-dire: Je n'ai pas besoin de nom, il me
suffit de paraître pour être reconnu par tous.
SIFFLER: Boire. -- « Il a sifflé pour dire: il a bu, parce que les
lèvres ont à peu près le même mouvement. » -- Le Duchat, 1738. -- «
Tiens, vieux chéri, siffle-moi ça, ça va te remettre. » -- E. Sue.
SIFFLET: Gosier. -- Comparaison facile à deviner. Vidocq donne aussi
siffle pour voix. -- « Qu'en te coupant le sifflet, quelqu'un délivre
le royaume. » -- La Nouvelle Mazarinade, 1652.
Se rincer, s'affuter le sifflet: Boire. -- « Là, plus d'un buveur bon
apôtre, Venait se rincer le sifflet. » -- Colmance, Ch. -- « Faut pas
aller chez Paul Niquet Six fois l'jour s'affuter le sifflet. » -- P.
Durand, Ch. 1836.
SIGUE, SIGLE: Pièce d or (Vidocq). Abrév. de cigale_.
SIMON: « La maison où les vidangeurs travaillent est appelée par eux
atelier et le propriétaire de cette maison est appelé par eux Simon. "
-- Berthaud.
SINE QUA NON: La chose indispensable. -- Sine qua non possumus
s'entend ordinairement de l'argent. -- « L'entretien est le sine quâ
non de l'élégance. » Balzac.
SINGE: « En revanche, les ours ont nommé les compositeurs des singes
à cause du continuel exercice qu'ils font pour attraper les lettres dans
les cinquante-deux petites cases où elles sont contenues. » -- Balzac
Monnaie de singe: Grimace. -- « Il la payait, comme dit le peuple en
son langage énergique, en monnaie de singe. » -- Balzac. -- V. Roupie.
SINVE: Dupe. -- Corruption du mot simple. -- V . Affranchir, Rifle.
SIROTER: Boire -- « Son bonheur était d'aller siroter le vin à dix de la
Courtille. » -- Ricard.
SIX: Chandelle de six à la livre. « Voyons que j'allume ce bout...
Tiens, vous usez des six, Plumet, c'est comme moi. » -- Ricard.
SOIFFER: Boire outre mesure comme si on avait grand'soif. -- « Là,
j'soiffons, Je n'sais comme, Chacun nos trois poissons. » -- Les Amours
de Jeannette, ch., 1813. -- « T'as soiffé, malheureux, Que c'en est
désastreux. » -- Moineaux.
Soiffard, soiffeur: Grand buveur. -- « Le franc soiffeur Offre son
coeur, Avec un sou d'galette. -- Dalès -- « Soiffard de Nini Moulin. »
-- E. Sue.
SOIGNÉE:: « Oh! en v'là une soignée ! » -- La Bédollière. -- Voilà un
fait à noter soigneusement.
SOISSONÉ: Haricot (Vidocq, 1837). -- Soissons est la patrie des
haricots.
SOLDAT DU PAPE: V. Pape.
SOLEIL (Avoir un coup de): S'enivrer. -- Piquer un soleil: Rougir.
SOLITAIRE: Spectateur qui, pour payer moins cher sa place, entre au
théâtre dans les rangs de la claque. Son nom indique qu'il ne se croit
pas obligé de faire chorus avec ses bruyants compagnons. -- « Grâce a
une pièce de cinquante centimes, j'entrai en qualité de solitaire. » --
A. Second.
SOLIR: Vendre. -- « J'ai rencontré marcandière qui du pivois solisait.»
-- Vidocq. -- V. Fourgat, Roue. -- Solliceur: Marchand. --
Solliceur de lacets: Gendarme.
SNOBOYE: Très-bien. V. Chocnoso.
SOEUR: Maîtresse. -- Terme ironique inventé pour railler ceux qui
dissimulent leurs bonnes fortunes sous des liens de parenté fictifs. --
« Au quinzième siècle, on disait d'une fille débauchée qu'elle était de
nos cousines. » -- Ducatiana, 1738. -- Il règne entre ces termes de
soeur et de cousine une analogie qui confirme notre étymologie. -- «
Sais-tu ce qu'il me répond? Et ta soeur? » -- Je l'aurais cogné. » --
Monselet. -- « J'n'ai pas de soeur, et voilà pourquoi J'trouve étonnant
qu'chaq'jour on m'dise: Et ta soeur? » -- Ch. Blondelet, Chanson.
SMALAH: Ménage, réunion de la femme, des enfants et du mobilier. Le mot
vient d'Algérie.
SONDE: Médecin (Vidocq). -- Il sonde l'état de votre santé.
Sondeur: Commis d'octroi (id.) -- Il sonde les voitures qui passent.
SONNETTES: Pièces d'argent. -- Connu dès 1808 -- « Et les sonnett's en
poche, J'accours à l'Opéra. » --Désaugiers. -- Sonnette: Jeune
sodomite (Vidocq.)
SONNETTE DE BOIS (Déménager à la): Emporter ses effets sans avoir payé
sa chambre, en tamponnant la sonnette d'éveil qui signale la sortie d'un
hôtel garni. -- « Car il était réduit à déménager à la sonnette de bois
(sans bruit et clandestinement). » -- Chenu.
SOPHIE (Faire sa): Se donner des airs de sagesse. -- Sophie et
sagesse sont synonymes. -- « À quoi ça m'aurait avancé de faire ma
sophie? » -- Monselet.
SORBONNE: Cerveau. V. Dhautel, 1808. -- « La sorbonne est la tête de
l'homme vivant, son conseil, sa pensée. » -- Balzac. -- Date du temps où
les décisions de la Sorbonne faisaient plus de bruit dans le monde
intellectuel. -- V. Paumer.
SORGUE: Soirée, nuit. -- Roquefort donne sorne avec la même
signification. V. Baïte, Chenu, Billon.
Sorguer: Passer la nuit. -- « Content de sorguer sur la dure, va, de
la bride (chaîne) je n'ai pas peur. » -- Vidocq.
SORT (Il me): Se dit de quelqu'un dont on ne peut supporter la vue.
SORTIR LES PIEDS DEVANT: « Le bruit courut que la jolie fille était
séquestrée dans un cabinet noir et qu'elle n'en sortirait que les pieds
devant. » -- About. -- C'est-à-dire qu'elle n'en sortirait que morte,
emboîtée dans un cercueil.
SOUDRILLARD: Libertin (Vidocq, 1837). -- Soufflant: Pistolet.
SOULOGRAPHE: Homme qui a fait de l'ivrognerie un métier. --
Soulographie: Ivrognerie (Vidocq, 1837). -- « Ils feront de la
soulographie, et adieu votre typographie, plus de journal! » --
Balzac.
SOUPÇON: Quantité si minime, qu'on se demande si elle existe. De là le
terme de soupçon. -- « Rien que de l'eau chaude avec un soupçon de thé
et un nuage de lait. » -- A. de Musset.
SOUPE (Tremper une): Battre. -- Mot à mot: faire avaler une correction.
-- « Où qu'tu vas, Polite? -- Je vas tremper une soupe à ma femme. » --
Gavarni.
Soupe au lait: Homme colère. -- On sait que le lait bouillant déborde
avec rapidité.
SOUPEUR, SOUPEUSE: Viveur passant les nuits à sou per. -- « Est-ce que
les soupeurs savent jamais ce qu'ils boivent et ce qu'ils mangent. » --
Frémy.
SOURICIÈRE: « Tout en ayant soin de placer ma giberne ou, comme on dit,
ma souricière. » -- Vidal, 1833. -- Allusion de forme.
Souricière: Piége tendu par la police: « Tendre une souricière pour le
faire pincer par la police. » -- E. Sue.
Souricière: Lieu visité souvent par la police. -- « C'est une vraie
souricière que votre tapis-franc. Voilà trois assassins que j'y prends.
» -- Id.
SPEECH: Allocution. -- Mot anglais. -- « En terminant mon speech
ministériel. » -- E. Sue.
STERLING : Grand, considérable. -- Allusion à la valeur relative de la
livre anglaise qui est très-forte. -- On parle des galanteries
sterling d'un entreteneur dans un roman de Rutlidge (Vice et
Faiblesse, 1786). -- « Il y a là-dessus un tas de vieilles drogues qui
font un sabbat sterling. » -- Vidal, 1833. -- On dit de même s'ennuyer
à vingt cinq francs par tête.
SUAGE: Assassinat. -- « Nous voulons bien maquiller le suage de ton
rochet, mais à la condition de tout connir. Il n'y a que les refroidis
qui ne rapliquent nibergue. » -- Vidocq.
Faire suer: Assassiner. -- Mot à mot: Faire suer du sang. -- V.
Chêne.
SUBLIMER (Se): Se raffiner. -- « Les jeunes biches se sont sublimées au
contact des anciennes. » -- Lynol.
Sublimer: Travailler pendant la nuit. -- « Afin de tromper la
surveillance des adjudants (de l'École polytechnique), celui qui sublime
place son lit renversé sur quatre tabourets, rabat la couverture par
dessus, et étendu sous cet abri, rumine en paix les problèmes ardus des
mathématiques transcendantes. » -- La Bédollière.
SUÇON: « Faire une consommation fanatique de croquets et de sucres
d'orge, dits suçons. » -- Rolland -- On les suce très-longtemps.
Suçon: Trace rouge laissée sur la peau par la succion des lèvres.
SUER (Faire): Accabler d'ennui quelqu'un. -- « J'ai beau m'évertuer,
j'crains qu'après moi z'on n'répète: Ah! comme ça fait suer. » --
Francis, 1825. -- V. Suage.
SUIF (Donner un): Réprimander.
Suifard, Suifé: Chic, élégant. V. Astiquer.
SUISSE (Faire): « Le soldat a le point d'honneur de ne jamais manger ou
boire seul. Cette loi est tellement sacrée, que celui qui passerait pour
la violer serait rejeté de la société militaire, et on dirait de lui:
Il boit avec son suisse, et le mot est une proscription. » -- Vidal,
1833. -- « Un soldat français ne doit pas faire suisse, ne boit jamais
seul. » -- La Bédollière. -- Le premier exemple donne la clé du mot. Le
soldat, n'ayant pas de suisse, ne peut boire avec lui, donc il boit
seul. Cette ironie a dû être inventée pour rappeler quelque engagé de
bonne compagnie aux règles de la fraternité.
SUIVEUR: « Le suiveur est très-drôle à observer et à suivre. Une femme
passe devant lui et réjouit sa vue par une tournure quelconque; le
suiveur accélère son pas, dépasse sa victime, et se retourne bientôt
pour juger de la beauté de l'objet de sa poursuite. » -- Roqueplan .
SUPERLIFICO, COQUENTIEL, COQUENTIEUX: Merveilleux. -- De superlatif. --
Rabelais a employé dans son livre III le mot Supercoquelicantieux.
SURBINE: Surveillance (Vidocq).
SURGEBER: Condamner en appel (Vidocq). -- De gerber.
SURIN: Couteau. -- « Les artistes en surin commencent à s'expatrier. »
-- Delvau. V. Chemin .
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TABAC (Être dans le): Être dans une position critique. -- Mot à mot:
Être dans le à bas_. -- Jeu de mots .
Donner du tabac: Battre. -- « Si tu m'échauffes la bile, je te f... du
tabac pour la semaine! » -- Vidal, 1833. -- V. Esbrouffe.
Ouvrir sa tabatière: Vesser.
TABAR: Manteau (Vidocq).
TAFE: Peur. -- De l'ancienne locution les fesses lui font tif taf :Il
a peur (Oudin, seizième siècle). -- V. Chenu, Bayafe. -- « Ce n'est
pas toi ni tes paysans qui nous f ..le tafe. » -- Vidal, 1833. -- Ce mot
a pour diminutifs tafferie et taffetas. -- Taffeur: Poltron.
TAILBIN: Billet de complaisance (Vidocq).
TALON ROUGE: Aristocrate. Le droit de porter des talons rouges était un
signe de noblesse. -- « Tous les talons rouges de l'ancien régime qui
trahissent le peuple. » -- 1793, Hébert.
TAMBOUR: Chien (Vidocq). -- Allusion à son grondement.
TAMPON: Poing. -- « Je lui ai envoyé un coup de tampon sur le mufle. »
-- Th. Gautier, 1845.
TANNER: Ennuyer, assommer. -- On sait combien il faut fatiguer une peau
pour la tanner. -- Un poète du treizième siècle, Rutebeuf, dit déjà: «
Quar le resveil Me tanne assez quand je m'esveil. » -- « Les communes de
Flandre, qui déjà commençaient à tanner, et désiraient fort de
retourner en leur pays, lui demandèrent congé. » -- 1411, Monstrelet. --
« C'est insupportable. -- Hein! est-ce tannant. » -- E. Sue.
Tanner le cuir: Rosser. -- « Si vous vous permettez, je connais une
personne qui vous tannera le cuir. » -- Gavarni.
TANGENTE, TANGENTE AU POINT Q: Épée. -- Jeu de mots. -- « Le conscrit de
l'École polytechnique est souvent absorbé avant d'avoir endossé
l'uniforme et senti battre sur sa cuisse gauche l'arme que les élèves
nomment une tangente au point q. » -- La Bédollière.
Prendre la tangente: S'échapper. V. Absorption, Colle.
TANTE: « Tous mes bijoux sont chez ma tante, comme disent mes camarades
lorsqu'elles parlent du Mont de Piété. » -- Achard. -- C'est, comme
oncle, un terme ironique à l'adresse de ceux qui croient déguiser la
source d'un emprunt en disant qu'ils ont eu recours à leur famille.
Tante: « Homme qui a des goûts de femmes, la femme des prisons
d'hommes. » -- t837, Vidocq. -- « Pour donner une vague idée du
personnage qu'on appelle une tante, il suffira de rapporter ce mot
magnifique du directeur d'une maison centrale a feu lord Durham qui
visita toutes les prisons pendant son séjour à Paris. Le directeur,
après avoir montré toute la prison, désigne du doigt un local en faisant
un geste de dégoût: Je ne mène pas là Votre Seigneurie, dit-il, car
c'est le quartier des tantes. -- Hao! fit lord Durham, et qu'est-ce?
-- C'est le troisième sexe, milord. » -- Balzac. -- « Enfants, on les
appelle mômes ou gosselins; adolescents, ce sont des cousines;
plus âgés, ce sont des tantes.» -- Moreau Christophe -- Dans le
chapitre détaillé qu'il a consacré à cette espèce de gens, M. Canler
reconnaît quatre catégories appartenant à diverses classes sociales:
persilleuses, honteuses, travailleuses et rivettes. Cette dernière
est seule exploitée par les chanteurs.
TAPÉ, retapé, tapé dans le noeud : Émouvant, frappant, réussi. -- «
Aussi a-t-on fait plusieurs couplets sur tous les ministres dont le
portrait est bien tapé. » -- 1742, Journal de Barbier. -- « C'est un
peu tapé dans le noeud. » -- La Bédollière. -- « Une manière de
sentiment bien r'tapé. » -- Vadé, 1755.
Taper de l'oeil: Dormir. -- « Il y avait plus d'une heure que je
tapais de l'oeil quand je m'entends réveiller. € -- Oeuvres badines de
Caylus, 1750. -- Taper dans l'oeil: Séduire.
Taper sur la boule: Enivrer, battre. -- « Dans l'gosier comme ça
coule, Comme ça tape sur la boule. » -- J. Moinaux, Ch. -- « Ce
scélérat de vin de champagne avait joliment tapé ces messieurs. » --
Festeau.
Taper sur les vivres, sur la boisson: Manger et boire avidement. -- «
D'avoir trop tapé sur l'pichet, Qu'en avaient plein la gargamelle. » --
Chansonnier, 1836.
TAPE-CUL: Voiture non suspendue. -- « Font-ils des embarras avec leur
mauvais tape-cul! » -- Ricard.
TAPEDUR: Serrurier (Vidocq).
TAPÉE: Grosse réunion. -- Usité des 1808.
TAPIN: Tambour. -- Mot à mot: petit tapeur (de caisse). -- Usité dès
1808. -- « Le tapin qui tambourinait en tête de l'escouade. » -- La
Bédollière.
TAPIS FRANC: Cabaret. -- Franc fait allusion à la clientèle qui est
composée d'affranchis ou voleurs. -- Tapis est une abréviation du
vieux mot tapinet: lieu caché. V. Roquefort. -- V. Empoivrer,
Crosser. -- Tapis de refaite: Table d'hôte. -- Tapis de malades:
Cantine de prison. -- Tapis de grives: Cantine de caserne. -- Tapis
vert: Prairie. -- Tapissier: Cabaretier. V. Baptême, Ogre.
TAPISSERIE (Faire): « Se dit par raillerie des femmes âgées qui au bal
ne font plus que regarder danser. » -- Dhautel. -- Rangées sur la
banquette, le long du mur, elles font corps avec la tapisserie.
TAROQUE: Marque. V. Détaroquer.
TARTE: Qualité bonne ou mauvaise (Vidocq).
TARTINE: « Elle avait le défaut d'employer de ces immenses phrases
lardées de mots emphatiques, si ingénieusement nommées des tartines
dans l'argot du journalisme. » -- Balzac. -- « Pardonne-moi la longue
tartine que je viens de te faire avaler, et sur laquelle j'étale depuis
une heure les confitures de mon éloquence. » -- Th. Gautier.
Tartiner: « Tu n'as pas assez de style pour tartiner des brochures.
» -- Balzac.
TASSE (La grande): La mer. -- « C'est vrai qu'un peu plus vous buviez à
la grande tasse. » -- Ricard.
TAUDION: Petit logement. -- « J'ai vendu ce que j'avais pour payer le
taudion où nous couchons. » -- Lynol .
TAULE, TÔLE: Maison. -- « Dans une tôle enquille en brave, fais-toi
voleur. » -- Vidocq. -- Au moyen âge, taule signifiait table. -- V.
Pavillonner.
TAUPAGE: Égoïsme. -- Tauper: Travailler. -- Taupier: Égoïste
(Vidocq). -- Allusion à la nature active et solitaire de la taupe. -- Le
travail des malfaiteurs n'est-il pas un vrai travail de taupe?
Le royaume des taupes: La terre. -- « Il est au royaume des taupes, il
est mort. » -- Oudin, 1640.
TAUPIN: « Le simple taupin, le candidat qui se présente à la colle
d'admission à l'École polytechnique, possède déjà des connaissances
supérieures. » -- La Bédollière.
TEINTÉ: Enluminé par l'ivresse.
TEINTURIER:« Tous les hommes politiques ont besoin d'avoir auprès d'eux
des sous-hommes politiques ou des supérieurs qu'ils consultent, qu'ils
laissent écrire ou qu'ils s'assimilent... Dans le style des affaires
publiques, ceux qui exercent cette influence s'appelent des
teinturiers, parce qu'en effet ils se chargent de donner de l'étoffe à
des hommes d'État des couleurs différentes. » -- Roqueplan.
Il y a aussi des teinturiers littéraires. On lit dans les Mémoires
secrets (25 sept. 1775): « La comtesse de Beauharnais a fait présenter
une comédie. Elle a été reçue: on ne doute pas que le sieur Dorat ne
soit son teinturier. »
TEMPS (Voir le coup de): Prévoir à temps pour parer. -- Terme d'escrime.
-- V. Dhautel, 1808.
En deux temps: En un instant. -- Terme d'escrime. -- « En deux temps,
j'remouque et j'débride. » Bailly. -- « En deux temps sa lessive est
faite. » Le Casse-Gueule_, ch., 1841.
Prendre des temps de Paris signifie, au théâtre, préparer ce que l'on
a à dire par une pantomime pour augmenter l'effet. Le mot a été inventé
par des comédiens de province (Couailhac).
TENIR (En): Aimer d'amour. -- « Est-ce de l'amour? Alors, il faut
qu'elle en tienne furieusement, puisqu'elle fait de tels sacrifices. »
-- Ricard.
TERNAUX: Châle de la fabrique Ternaux. -- « Elle prit un schal de coton;
-- le ternaux était au... Mont de Piété. » -- Ricard.
TERRER: Tuer. -- Mot à mot: enterrer. -- « Dans dix ans je reviendrai
pour te terrer, dussé-je être fauché. » -- Balzac.
TÊTE (Faire sa): Prendre de grands airs. -- « Tu y gagnes d'avoir
l'exercice une fois de plus par jour pour apprendre à faire ta tête. »
-- Vidal, 1833.
Tête carrée, Tête de choucroute: Allemand.
THOMAS: Pot de chambre. V. Goguenot. -- « Parmi les consignés occupés
à passer la jambe à Thomas (vider les baquets d'urine). » -- La
Bédollière. -- Équivoque sur les mots vide Thoma de l'hymne populaire
de Pâques.
TEZIGUE: Toi. V. Bonne, Coquer.
THUNE: Argent. V. Bille.
TIGNE, TIGNASSE: Chevelure en désordre. -- Du vieux mot tigne: teigne.
V. Aplomb.
TIGRE: Groom. -- « Leur chapeau à cocarde noire, leurs bottes à
retroussis, leur veste bleue et leur gilet bariolé, couvrent des gamins
arrachés au plaisir de la pipoche. » -- A. Deriège. -- Tigre: « Le rat
débute et danse un pas seul; son nom a été sur l'affiche en toutes
lettres; il passe tigre et devient premier, second, troisième sujet. »
-- Th. Gautier.
TIRAGE (Il y a du): C'est long, c'est difficile. -- Terme de cocher.
Plus le chemin est rude, plus le cheval tire.
TIRANT: Bas. -- On le tire pour le mettre. -- « Ses tirans et sa
montante et son combre galuché, son frusque, aussi sa lisette. » --
Vidocq.
TIRE-JUS: Mouchoir. -- Mot imagé. Usité dès 1808.
TIRER AUX GRENADIERS: Carroter 1e service, militairement parlant.
Comme les compagnies d'élite sont exemptes de corvées, tirer aux
grenadiers, c'est s'attribuer indûment leurs privilèges. -- Tirer une
dent: Escroquer (Vidocq). -- V. Carotte.
TIREUR: Voleur à la tire, dont la spécialité est de tirer, dans la
foule, ce que contiennent les poches des voisins.
TITI: Gamin de Paris. -- « Mousqueton est le titi par excellence, c'est
le vrai gamin de Paris avec sa gaîté, sa souplesse, ses bons mots. » --
M. Alhoy.
TOC: Cuivre, bijou faux. -- Onomatopée. -- Allusion à la différence de
sonorité qui existe entre une pièce de cuivre et une pièce d'or. -- «
Bagues, boutons de manchette et croix de ma mère en toc, 6 fr. 50. » --
Les Cocottes, 1864.
Toc, Tocard, Tocasse, Tocasson: Laid, mauvais. -- C'est toujours du
cuivre en supposant que l'or représente la beauté et la bonté. -- «
L'article de Cascaret est toc. » -- J. Rousseau. -- « Croiriez-vous
qu'en parlant d'une femme laide, on dit: Elle est toc, elle est
tocarde... C'est un vieux tocard, c'est un vieux tocasson. » -- N.
Vanecke, Ch. 1855. -- « Il goûta le pain dont les prisonnières se
plaignaient: Chouette! dit il, j'en ai mangé de plus toc que ça. » --
Chenu, 1850.
Tocasse: Méchant, -- Tocasserie: Méchanceté (Vidocq).
TOILE (Déchirer la): Faire un feu de peloton. -- Comparaison du bruit de
la fusillade à celui d'une toile qu'on déchire. Elle est assez juste. --
« Tout à l'heure les feux de deux rangs déchireront la toile, et nous
verrons si vos clarinettes ont de la voix. » -- Ricard.
TOMBER: Terrasser, faire tomber. -- Tombeur: Lutteur invincible. -- Se
prend ironiquement au figuré. -- « Eugène P., le tombeur de Renan, y
vient de temps en temps mépriser l'humanité. » -- Les Cocottes# l864.
Tomber dessus: Maltraiter en paroles ou en actions. -- « Que demain je
lâche ma place! on me tomberait fièrement dessus. » -- De Goncourt.
Tombeur: Acteur trop mauvais pour être accepté nulle part. » -- Ch.
Friès.
TONDU (Le petit): L'empereur Napoléon. -- « L'Empereur lui-même, le
petit Tondu, comme disait mon père. » -- L. Reybaud.
TONNEAU: Degré. V. Bouchon. -- « Tu lui aurais rendu sa politesse. --
Plus souvent! à un daim de ce tonneau! » -- Monselet.
TOPER: « Chaque fois qu'un dévorant rencontre un autre ouvrier, il doit
lui demander de quelle société il est. -- Ça s'appelle toper. » --
Biéville.
TOPO: Officier d'état-major, plan topographique.
TOQUADE: Manie. -- « Prémary a une toquade. On le débine, on le nie, on
veut le tuer. » -- A. Scholl.
Toquade: Inclination assez forte pour en faire négliger d'autres. V.
Toqué. -- « Hortense est sur le chemin de la fortune... Une simple
toquade, et elle est perdue. » -- Les Pieds qui r'muent, 1864. -- V.
Toqué.
TOQUANTE: Montre. Allusion au tic-toc de la montre. -- « Un monsieur qui
me trouva gentille m'offrit un jour une toquante d'or... La montre me
tentait. » -- Rétif, 177e Contemporains. -- V. Billemont.
TOQUÉ: A moitié fou. On dit de même.: Il a reçu un coup de marteau.
C'est-à-dire: Son cerveau est bien près de se fêler. -- « Les
collectionneurs sont toqués, disent leurs voisins. » -- Balzac. -- V.
Folichonnette.
Toqué: Épris. -- « Ma chère, les hommes c'est farce! toujours la même
chanson: Une femme à soi seul! Toqués! » -- Gavarni,
En avoir dans le toquet: Être ivre. -- Ce terme correspond exactement
à celui de Casquette. -- Même étymologie. -- « Chez Dénoyer j'entre,
Un peu dans le toquet. » -- Decourcelle, Ch., 1839.
TORCHER LE NEZ (Se): Se passer. On dit de même qu'une chose passe
devant le nez. -- « Tout cela vient de Pitt envoyé par les alliés, mais
ils s'en sont torchez le nez. » -- Mauricault, Ch.,179..
Se torcher le c-l: -- Faire peu de cas.
TORCHON (Se donner un coup de), SE TORCHER: Se battre. -- Même allusion
que dans frotter. -- Se dit aussi pour faire toilette. -- « Allons
jusqu'aux chouans, leur donner un coup de torchon. » -- Henry, Ch.
1836.
Le torchon brûle à la maison se dit pour annoncer une querelle
domestique. --
« Je ne suis plus son Jujule, son chou, son rat, son trognon, L'torchon
brûle, L'torchon brûle à la maison. » -- Dalès.
TORD-BOYAUX: Mauvaise eau-de-vie. -- « Avaler un verre de tord-boyaux,
comme l'appelait notre amphitryon. » -- Vidal, 1833.
TORNIQUET: Moulin (Vidocq). -- Sa roue tourne.
TORSE: Estomac. -- « Un verre de fil en quatre... Histoire de se
velouter le torse. » -- Th. Gautier. -- « Il s'était, outre mesure,
bourré le torse; langage d'atelier. » -- P. Borel, 1833.
Poser pour le torse: « Le torseur emprunte tous ses effets à son
torse, toujours bardé d'une cravate à gros noeuds et d'un gilet bien
étudié. Le torseur projette sa poitrine sur le devant d'une loge ou dans
l'embrasure de portes d'un salon, ou dans l'intervalle de deux rideaux
de croisées. » -- Roqueplan.
TORTILLANT: Boiteux, qui tortille en marchant (Vidocq).
TORTILLER: Manger. -- « En trois jours nous aurons tout tortillé. » --
Vidal, 1833. -- « Voyez-vous, j'avais tortillé une gibelotte et trois
litres. » -- Ricard. V.Bec_. -- Allusion au mouvement des mâchoires.
Tortiller: Faire des façons. -- « L'ordre est formel. Il n'y a pas à
tortiller. » -- L. Desnoyer. -- Tortiller de l'oeil: V. OEil. --
Tortiller: Avouer (Vidocq). V. Bayafe.
TORTUE: Vin (Vidocq). V. Faire la tortue.
TOUCHE: Physionomie grotesque.
TOUCHER: Frapper fort. -- Ironie. V. Aplomb.
Article touché: Article vigoureusement fait. -- Terme de peinture. --
« Comme c'est écrit! comme c'est touché! » -- L. Reybaud.
TOUPET: Grande effronterie. -- Jeu de mots. -- Le toupet est supérieur
au front. -- « Et dire qu'avec du toupet et de la mémoire tout le
monde en f'rait autant. » -- H. Monnier. -- Se payer de toupet: Payer
d'audace. V. Créper. -- « Que de gens font étalage, S'payant de
toupet, N'ont rien dans leur ménage. » -- Chanson, 1832.
Se mettre dans le toupet: S'entêter à croire. -- « Et mosieu se
fichera dans le toupet que tout sera dit. » -- Gavarni.
TOUPIE: Femme de peu, tournant en toutes mains, comme une toupie. --
Usité dès 1808. -- « L'insolent traite sa grande soeur de toupie. --
Colmance. »
TOUR (Faire voir le): Tromper. -- « Pour parvenir dans le commerce,
Chacun s'exerce À qui fera voir le tour aux pauvres chalands. » --
Chansonnier, 1836. Connaître le tour: Connaître toutes les ruses.
TOURLOUROU: Soldat du centre. -- Forme du vieux mot turelureau, soldat
de garnison. V. Du Cange. -- Au quatorzième siècle, la turelure
(prononcez toureloure) était une porte fortifiée, une sorte de château
flanque de tourelles. -- « Si le tourlourou est solide sur l'école de
peloton, il n'est pas moins ferré sur l'école de la séduction. » -- M.
Saint-Hilaire.
TOURMENTE: Colique (Vidocq).
TOURNANTE: Clé (Vidocq). -- Elle tourne dans la serrure. -- V.
Tremblant.
TOURNE-AUTOUR: Tonnelier (Vidocq). -- Allusion au mouvement habituel
imposé par son métier.
TOURNÉE: Pile, correction faisant tourner et retourner la victime. -- «
Après, je donne une tournée à la Chouette. Je tiens à ca. » -- E. Sue.
-- Danse et Walse offrent la même image.
Tournée: Rasade offerte à l'assistance devant le comptoir du marchand
de vins. -- La tournée est une rasade qui fait le tour de la compagnie
assemblée. On a voulu y voir une allusion à la petite roue qui offre aux
buveurs le moyen de jouer leur consommation sans quitter le comptoir du
marchand de vins.
Mais alors le terme offrir ou payer une prochaine tournée, qui est
fort usité, serait un non sens. Ce qui se joue ne peut s'offrir. -- « Il
offre une tournée au café Robert. » -- Monselet.
TOURNER DE L'OEIL: S'assoupir, mourir. -- « Trois ou quatre méchantes
chopines...et ça tourne l'oeil. » -- Gavarni. -- « Du poison!... Allons,
bois... tu vas tourner de l'oeil tout de suite. » -- Chenu.
TOURTOUSE, TORTOUSE: Cordes à menottes. -- Tourtouser: Lier, garrotter
(Vidocq). -- Mot expressif indiquant l'action de lier tout au tour. --
V. Criblage, Coltiger.
TOUSSE (Non, c'est que je) . V. Mouche.
TOUT DE CÉ: Très-bien (Vidocq).
TRAC: Peur. -- Onomatopée. -- Nos paysans donnent encore le nom de
trac à une maladie qui cause un frisson perpétuel. -- V. Boeuf. -- «
Bien, voilà mon trac qui me reprend. » -- Marc Michel. -- Tracqueur:
Poltron. -- Tracquer: Craindre. V. Plan.
TRACTIS: Doux (Vidocq). -- Mot de langue romane.
TRAIN (DU): Vite. -- Mot à mot: Menez-moi grand train. -- « Asie prit un
fiacre et dit au cocher: Au Temple! et du train! il y a gras. » --
Balzac.
En train: En train de se griser. -- « Ce sera fort heureux si votre
ami reste, car je le crois un peu en train. » -- P. de Kock.
TRAÎNE-PAILLASSE: Fourrier. -- Il règle avec l'employé des lits
militaires le prix de chaque dégradation. -- V. Rogneur.
TRAIT: Infidélité. -- On dit, sans abréger, trait d'inconstance. -- «
Savez-vous ce que c'est qu'un trait?... Eh bien! c'est que quand une
femme est avec un marlou (souteneur); si elle a un caprice pour un autre
et le passe, voilà un trait! » -- _Cinquante mille voleurs de plus à
Paris‹, Paris., 1830, in-8. -- « Son mari lui avait fait tant de traits,
qu'elle l'avait quitté. » -- Champfleury.
TRALALA : Appareil. -- « La fougue, l'audace et tout le grand tralala de
l'excentricité féminine. » -- Monselet.
TRAVAILLER: Voler. -- « X. était prudent: il travaillait toujours
seul, et son discret recéleur était des plus fins. » -- V. Monnier. --
V. Butter.
TRÈFLE: Tabac. -- Allusion à la couleur brune de ce fourrage, quand il
est sec.
Trèfle: Anus. -- Corruption de trou. -- V. Trèpe. -- Vise au
trèfle: Apothicaire (Vidocq).
TREIZIÈME ARRONDISSEMENT (Marié au): Se disait à Paris de celui qui
vivait avec une maîtresse, car, avant 1859, cet arrondissement
n'existait point. Lurine a fait un livre sur le Treizième
arrondissement. -- « Jamais elle n'a été ma femme, pas même au
treizième arrondissement. » -- Bertall.
TREMBLANT: Lit. -- On comprend le mot en voyant cet exemple. -- « J'ai
du bon pivois sans lance et du larton savonné, une lourde, une
tournante, un tremblant pour rivancher (faire l'amour). » -- Vidocq.
TREMBLEMENT: Réunion imposante. - « À l'union de l'infanterie, de la
cavalerie, de tout le tremblement. » -- La Barre. -- Bataille: « Mais la
veille du tremblement, fallait voir les feux des postes avancés. » --
Chansons, l854.
TREMPÉE: Correction. -- « Si je ne me respectais pas, je vous ficherais
une drôle de trempée! » -- Gavarni. -- De Tremper une soupe. V. Soupe.
TRENTE ET UN, TRENTE-SIX (Se mettre sur son): Mettre sa plus belle
toilette. -- « Elle s'était mise sur son trente et un, et je puis vous
assurer qu'elle était bien ficelée. » -- Vidal, 1833.
TRENTE-SIXIÈME DESSOUS (dans le): Même sens que Troisième dessous. --
« Le pauvre vicomte a été enfoncé dans le trente-sixième dessous. » --
Montépin.
TRÈPE: Foule. -- Corruption de Troupe. V. Garçon, Trèfle.
TRÉPIGNER: Battre. -- Mot à mot: trépigner sur le corps. -- Trépignée:
Rossée.
TRICOTER: Battre. -- Du vieux mot Tricote: gros bâton. V. Roquefort. --
« Prends vite un bâton; Tricote cet homme sans coeur. » -- Chanson
carnavalesque, 1851, impr. Chassaignon.
Tricoter: Danser. -- Comparaison du jeu des jambes à celui des
aiguilles.
TRIMAR: Grande route, où triment les voyageurs. V. Butter. -- «
Travailler sur le grand trimar, c'est voler sur le grand chemin. » --
Cinquante mille vo leurs de plus à Paris, in-8, 1830. -- Trime: Rue.
-- Trimin: Chemin. -- « Sur mon trimin rencontre Un pègre de quartier.
» -- Vidocq. -- Diminutif de Trimar.
Faire son trimar se dit des filles qui se promènent la nuit pour
raccrocher. V. Paillasson.
TRIMBALLER: Marcher. -- Mot à mot: baller sur la trime: se remuer dans
la rue. V. Momir. -- Trimballeur de coni, de refroidi: Croque-morts
(Vidocq).
TRINGLOS: Soldat du train. -- Diminutif de train. -- « Ce que les
tringlos, soldats du train des équipages militaires, ne pourront nous
apporter. » -- A. Camus.
TRIPOTÉE: Correction. -- Du vieux mot tripeter: fouler aux pieds. V.
Roquefort. -- « Oh! quelle tripotée je vous ficherais, ma poule! » --
Gavarni.
TROGNON: Petite femme. -- « En lorgnant la brunette, j'lui dis: Mon
petit trognon » -- Les Amours de Jeannette, ch., 1813.
TROIS-ÉTOILES: Se dit d'une personne dont on cache le nom. -- « Le
célèbre monsieur Trois-Étoiles. » -- J. Janin. -- « La femme légitime de
ce peintre est la maîtresse du gros trois-étoiles. » -- A. Second.
TROISIÈME DESSOUS: « Dans le troisième dessous des sociétés, pour
emprunter à l'art dramatique une expression vive et saisissante, le
monde n'est-il pas un théâtre? Le troisième dessous est la dernière cave
pratiquée sous les planches de l'Opéra, pour en recéler la rampe, les
apparitions, les diables bleus que vomit l'enfer. » -- Balzac.
TROIS-SIX: Eau-de-vie. -- « Au moins, moi, j'dis pas que j'aime pas le
trois-six! » -- Gavarni.
TROMBINE: Physionomie ridicule.
TROMPE-CHASSE: Art(Vidocq). -- L'art trompe l'oeil.
TROMPETTE: Colporteur de nouvelles. -- Allusion à la trompette
allégorique de la Renommée.
Trompette: Nez trop bruyant. -- Nez en trompette: Nez relevé.
TRONCHE: « La Sorbonne est la tête qui pense, qui médite; la Tronche est
la tête lorsque le bourreau l'a séparée du tronc. » -- Vidocq, 1837. --
« Gare la tronche! prends garde à la tête. » -- Dhautel, 1808.
TROTTANTE: Souris. -- Trotteur: rat (Vidocq).
TROTTE: Course pénible. -- « J'étais sortie pour éviter ces trottes-là à
Alfred. » -- E. Sue.
TROTTINS: Pieds. -- Les pieds trottent.
Trottin: « Le trottin, toujours choisi parmi les grisettes les plus
jeunes et les plus espiègles du magasin, était le véritable petit clerc
de tout magasin de modes. » -- L. Huart. -- «Et de trotin toujours
crotté, on en fit un petit commis. » -- Troisième suite du Parlement
burlesque de Pontoise, 1652.
TROTTOIR (Faire le): Se dit des filles inscrites qui, le soir, se
promènent sur le trottoir voisin de leur logis. -- Grand trottoir, en
termes d'argot comique, veut dire: haut répertoire.
TROU (Faire son): Arriver à une bonne position. -- Mot à mot: faire sa
trouée dans la foule.
Faire un trou: Prendre un verre d'eau-de-vie au milieu du repas, pour
précipiter la digestion, faire un trou destiné à l'ingestion de nouveaux
aliments.
Faire un trou à la lune: Décamper par un trou à la clarté de la lune.
-- « Mazarin a fait un trou à la lune, comme font ordinairement les
larrons. » -- Le Ministre fugitif, Paris, 1651.
TROUBADE, TROUBADOUR: Fantassin. -- Comme le troubadour, le fantassin
fait en tous pays résonner sa clarinette. -- Ch. Rousselot a fait le
Troubade, chansonnette (1860). -- « Je suis Manon la cantinière Et
verse à boire aux troubadours. » -- J. Choux.
TROU D'AIX, TROU DE BALLE: Anus.
TROUÉE: Dentelle (Vidocq). La broderie fait trou.
TROUSSEQUIN: Derrière. -- De la partie de la selle que frotte la plus
noble partie du cavalier.
TROUVÉE (Elle est): Cette histoire est neuve, originale.
TRUC: Manière de voler (Vidocq). -- Du vieux mot truche (V.
Roquefort). -- La truche était l'art d'exploiter la pitié des gens
charitables. -- « Grand Coësre, dabusche des argotiers et des trucheurs
le grand maître, vivent les enfants de la truche! vivent les enfants de
l'argot! » -- Vidocq. -- Cette juxtaposition de truche et de argot
confirme notre pensée sur l'origine de ce dernier mot... Argot n'est
qu'une forme d'argue: ruse, subtilité. -- Au moyen âge, les mots
truffe, trulle et trut avaient le même sens de finesse et
d'imposture. Ce dernier, qui ne diffère pas beaucoup de truc, se
trouve, dès le quatorzième siècle, dans une chronique rimée du duc de
Bretagne, Jean IV (Lobineau, t.II, col.730): « François prenoient trop
divers noms Pour faire paour aux Bretons, Mais ils avoient plus de viel
Trut Que vueille truie qui est en rut. » -- V. Roustir, Lem.
Notre société a adapté le mot Truc. Au théâtre c'est la machine destinée
à produire un changement à vue. l es féeries sont des pièces à trucs.
Pour un auteur dramatique, le truc est la science des détails. On dit
d'un écrivain qui file la scène avec difficulté, qu'il manque de truc.
C'est aussi un moyen d'existence. -- « Il daigna nous donner quelques
renseignements sur son truc, c'est-à-dire le métier qui le fait vivre. »
-- P. d'Anglemont.
Enfin c'est une ruse, un dehors trompeur. -- «/ La vertu qu'on fait voir
pour mieux cacher le vice, voilà le truc d'un sesque trompeur. » --
Rousseliana, 1805.
Truc de la morgane et de la lance: Baptême. -- Mot à mot: manoeuvre du
sel et de l'eau. V. Momir.
Connaître le truc: Connaître le secret V. Cloporte.
Avoir du truc: Avoir un caractère ingénieux.
Truqueur: « On appelle ainsi tous ces gens qui passent leur vie à
courir de foire en foire, n'ayant pour toute industrie qu'un petit peu
de hasard. » -- P. d'Anglemont. -- C'est aussi un homme usant de
trucs, dans toutes les acceptions susdites.
TRUFFES (Aux): Soigné. -- La truffe est un aliment de luxe. -- « Tu me
feras un compte rendu aux truffes! » -- E. Augier.
TUILE: Accident. -- Allusion à la tuile qui tombe d'un toit sur la tête
du premier passant venu. -- « La tuile est forte, Mais on peut s'en
relever. » -- L. Reybaud.
TUILER: Toiser, dévisager. -- Terme maçonnique.
TULIPE ORAGEUSE: Cancan. -- « Tous quatre frétillant des tulipes de plus
en plus orageuses. » -- E. Sue. -- Allusion aux jupes plus ou moins
ballotées des cancaneuses.
TUNE: Prison de Bicêtre. C'est un dépôt de mendicité. De tuner:
mendier. -- Tuneur: Mendiant. -- Tuneçon: Maison d'arrêt.
TURBINEMENT: Jour de travail. -- « Pour grinchir tu préféreras les fêtes
aux turbinements. » -- Vidocq. -- Turbiner: Travailler. --
Turbineur: Ouvrier.
TURCO: Tirailleur indigène de l'armée d'Afrique. -- « Un carré
d'infanterie de ligne et de turcos vint se former sous nos pieds. » --
Mornand.
TURF: Champ de course, arène quelconque. -- « Un vigoureux coup de
jarret a remis Pitt debout sur le turf. » -- A. Deriège. -- « Voilà de
quoi faire envahir désormais par toutes les fashions le turf littéraire.
" -- Aubryet.
TURNE: Logis malpropre. Du vieux mot tourn: petite tour, et par
extension Prison. comme castuc. -- « L'immeuble !... je me suis tout
de suite souvenu de cette turne. » -- Montépin.
TUYAU DE POÊLE: Chapeau rond, botte à l'écuyère. -- Allusion de forme.
-- « Il donna un coup de poing dans son tuyau de poêle, jeta son habit a
queue de morue. » -- Th. Gautier, 1833.
TYPO: Ouvrier topographe.
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ULTRA: Homme voulant au delà (ultrà) de ce que désire son parti. -- «
Ces royalistes surnommés ultras par l'opposition. » -- Balzac. -- « Je
crois qu'il faut user d'indulgence pour les ultras. » -- C. Desmoulins.
1790. -- Ultrà est souvent une abréviation de Ultra montain et
signifie dévoué au parti papal, dont le siège est hors de la France, au
delà des Apennins ultrà montes.
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VACHE: Prostituée avachie. V. Blagueur.
Manger la vache enragée: Endurer des privations. -- « Sans l'illusion,
où irions-nous, elle donne la puissance de manger la vache enragée des
arts. » -- Balzac. -- « Son père dit qu'il veut lui faire manger de la
vache enragée. » -- E. Sue.
VA DE LA BOUCHE: Goinfre. -- « À ces va de la bouche tu faisais l'oeil
et te trouvais heureux. » -- Monselet.
VA DONC! Va donc te promener! -- « Eh! va donc, grand fade. » -- Ricard.
-- V. Allez donc.
VAGUE (COUP de): Vol à la flan. Son auteur est dans le vague sur le
butin qu'il en pourra tirer. -- « Un soir que j'étais dans la débine. Un
coup de vague il me fallut donner. Pour travailler j mis au plan ma
rondine, Et mes outils nous fûmes les déplanquer. » -- Bailly.
VAISSELLE DE POCHE: Argent. -- On ne peut pas manger sans celle-là. -- «
L'amour sans vaisselle de poche, C'est du caca. » -- Debraux, 1832.
VALADE: Poche de derrière d'un habit. (Vidocq). -- Du vieux mot
avaler, descendre. La main descend dans la poche. V. Litrer.
VANNAGE (Faire un): « Allécher par un petit profit l'homme qu'on se
réserve de dépouiller. » -- Vidocq. -- Comparaison de l'escroc au
meunier qui lâche un peu d'eau de sa vanne pour faire tourner le
moulin.
VALSER: Courir. V. Cheval.
Faire valser: Accabler de coups. -- « Nous ferons valser les
Prussiens. » -- Henry, Ch., 1838.
VALTREUSE: Valise. -- Valtreusier: Voleur de valise.
VASE NOCTURNE: Pot de nuit. -- « Mais un vieux taciturne Verse le
contenu d'un vase nocturne. » -- Bailly, Ch., 1836.
VAUTOUR: propriétaire exigeant et dur. -- Dès 1587, se trouve dans les
Contes d'Eutrapel: « Vaultours que signifient ils autres que les
avaricieux qui comme ces animaux sont aspres et désordonnément actifs a
posséder les biens de ce monde per fas et nefas. »
VEAU: Jeune fille de joie, condamnée au rôle futur de Vache. V. ce
mot. -- « Je rencontre à la barrière Un veau (bis). » -- Chanson
populaire.
VÉCU (Avoir): Avoir expérimenté la vie. -- « Il savait tant de choses,
il avait vécu. » -- La Cassagne.
VEDETTE: « Qu'est-ce que la vedette? C'est la faveur toute spéciale de
voir son nom imprimé en caractères trois fois plus gros que celui de ses
camarades. Les administrations théâtrales n'accordent cette faveur
qu'aux acteurs et actrices qui font recettes. » -- Montépin.
VEINE: Heureuse chance. -- « Une chose qui invite surtout les grisettes
à descendre dans la rue, ce sont les histoires de veines étonnantes que
leur narrent les vieilles femmes. » -- Les Pieds qui r'muent, 1864.
Vénard: Ayant la veine. -- « C'est Un trésor que cette fille-là. Est-
il assez vénard! » -- 1860, À bas le Quartier latin! -- On doit écrire
veinard.
VÉLER: Accoucher. -- « Un beau jour la mère s'aperçut qu'elle était
grosse... elle ne fut pas mal habile; elle trouva à qui donner la vache
et le veau. » -- Tal. des Réaux.
VELO: Postillon. -- Velose: Poste aux chevaux. (Vidocq). -- Du vieux
mot Veloce: Vite. V. Roquefort.
VENETTE: Peur. -- Vient du vieux mot venne, vesse. -- « Dire que j'ai
vendu à 61 fr. 25. Ah! j'ai eu la venette. » -- De Leuven. -- « Il a eu
une fière venette; il a eu terriblement peur. » -- 1808, Dhautel.
DU VENT! DE LA MOUSSE!: Rien pour toi! -- Vent signifie ici vesse. --
V. Mousse.
VENTERNE: Fenêtre. -- Elle donne accès au vent. -- Venternier:
Voleur s'introduisant par les fenêtres d'une maison (Vidocq). -- V.
Pieu.
VENTRE (Avoir dans le): Être capable de. -- « Ce petit Lucien n'avait
que son roman et ses premiers articles dans le ventre. » -- Balzac. --
On retrouve cette locution en Orient avec le sens de Penser. -- «
Personne, même son ministre le plus intime, ne sait « ce que le maître a
dans le ventre, » pour me servir d'une locution habituelle à Harar. » --
Revue britannique. Premiers Pas dans L'Afrique Orientale, par Burton,
année 1856.
VER (Tuer le): « Boire de l'eau-de-vie ou du vin blanc; libation
matinale, désignée par le dicton tuer le ver. » -- Murger. -- V.
Brouillard. -- Ver rongeur: Voiture prise à l'heure pour faire des
visites qu'on abrège dans le but d'avoir moins à payer au cocher. « La
lorette arrive en cabriolet et dit en entrant: Docteur, prêtez-moi donc
de quoi renvoyer mon ver ronqeur. » -- M. Alhoy, 1840.
VERBE (Solir sur le): Acheter à crédit (Vidocq). -- Mot à mot: acheter
sur parole.
VERGNE: Pays. -- « J'ai roulé de vergne en vergne pour apprendre à
goupiner. » -- Vidocq. -- V. Bigorne.
VERMICHEL: Veine. -- Allusion de forme. -- V. Raisiné.
VERMINE: Avocat (Vidocq). -- Mot à mot: vivant sur le corps des
prévenus.
VERSIONNAIRE: Personnage composant en version latine, pour les candidats
bacheliers plus riches que savants. C'était un métier dont plusieurs
condamnations ont dû dégoûter les amateurs.
VESPASIENNE: Chaise percée couverte qu'on promenait vers 1840 dans les
rues de Paris. -- « La Vespasienne Parisienne À l'observateur arrêté
Offre asile et commodité. » -- Festeau.
VESSE: Peur. On connaît son action sur les intestins. -- Connu en 1808
VESTE: « Je crois que le filou qui compterait trop sur cette robe ne
remporterait qu'une veste. Vous savez que veste est synonyme
d'insuccès. » -- A. Monnier.
VEUVE: Guillotine. -- Elle voit mourir tous les hommes couchés sur sa
planchette. -- « Dis-moi, menin de monseigneur le bourreau, gouverneur
de la veuve (nom plein de terrible poésie que les forçats donnent à la
guillotine)...» -- Balzac. -- « On appelle encore la guillotine de
toutes sortes de petits noms: Fin de la soupe, Grognon. la Mère au bleu
(au ciel), la dernière bouchée etc., etc. » -- V. Hugo.
VIANDE (Montrer sa): Se décolleter. -- Traité des 1808.
VICE (Avoir du): Être ingénieux. -- « A-t-il du vice, ce mâtin de
Couturat. » -- De Goncourt. -- « Nonore, un petit avorton de femme qui a
la réputation d'avoir du vice. » -- Ces Dames.
VICTOIRE: Quant à la chemise, c'est au marché Saint-Jacques, chez Mlle
Victoire, qu'ils (les chiffonniers) vont la chercher. Ils l'appellent du
nom de la marchande, une victoire. Elle leur coûte dix sous;
quelquefois moins, jamais plus. » -- Berthaud.
VIE (Faire une) : Faire tapage. -- Faire la vie: « Mener une vie
débauchée. » -- Dhautel.
VIEILLE: Vieille eau-de-vie. -- Vieux de la vieille: « Vieux soldat de
la vieille garde; le vieux de la vieille comme on dit. » -- Balzac. --
Ma vieille: Mon vieil ami. -- « Eh bien! Raoul, ma vieille, comment
que ça va. » -- Jaime. -- L'emploi de ce féminin a sans doute paru plus
tendre. On dit aussi vieux. V. Ému, Cocarde. -- Vieux: Amant d'un
âge mûr. V. Monsieur.
VIGNES (Être dans les): -- « On dit d'un homme ivre: « Il est dans les
vignes du Seigneur. » -- 1808, Dhautel. -- « C'est pas être un homme que
d'être toujours dans les vignes. » -- Balzac.
VILLOIS: Village (Vidocq). -- vieux mot. V. Rebâtir_.
VIOLON: « On appelle violon à Paris une prison que chaque section a dans
son enceinte pour enfermer ceux qu'on arrête la nuit et qui sont le
lendemain transférés dans une maison d'arrêt. » -- Almanach des
Prisons, 1795.
Sentir le violon: Devenir misérable (Vidocq). -- On met au violon les
vagabonds.
VIOQUE: Vieux. -- Corruption de mot. -- V. Flacul. Vioque_: Vie. --
« Quelle vioque je ferais avec mon fade de carle. » -- Balzac.
VIRGULE: Cicatrice. -- Allusion de forme. -- « Un'balle m'rase le front.
Ça m'a fait une virgule. » -- Le gamin de Paris ch. 184.
VIS-À-VIS: Un des deux couples nécessaires pour danser le quadrille. --
« Le vis-à-vis de ces deux danseurs était non moins ignoble. » -- E.
Sue.
VISAGE DE BOIS: Porte fermée. -- « Fontenay Coup-d'Épée n'en fit que
rire, et il retourne, mais il trouve, comme on dit, visage de bois. » --
Tallemant des Réaux.
VITRIERS: Chasseurs de Vincennes -- Ils portèrent d'abord des sacs en
cuir verni reluisant au soleil comme les pièces de verre que les
vitriers portent sur leur dos.
VIVRES (Taper sur les): Manger avec avidité. -- Couper les vivres:
Supprimer l'envoi d'une pension alimentaire.
VOLE AU VENT: Plume (Vidocq).
VOLÉ (Être): Être trompé ou mystifié sans être pour cela victime d'un
vol. Capelle, dans ses Contes (1818) faire dire à Richelieu, près
duquel une fille d'opéra s'est fait passer pour une paysanne: « Grands
dieux! je suis volé. " -- « On dit qu'un homme vole une femme galante
lorsqu'il ne lui donne pas une somme promise. L'homme est au contraire
volé lorsque la femme ne lui a laissé que du désanchantement. » --
Cadol. -- Un voleur se dira volé s'il trouve peu de butin. -- « Nicolas
n'est pas volé! s'écria Calebasse. -- Non, répondit le brigand, j'ai
fait mes frais. » -- E. Sue.
VOLTIGEUR DE LOUIS XIV: Émigré rétabli par la Restauration sur les
cadres de l'armée. -- « Cet ennemi personnel de l'égalité, ce détracteur
narquois de notre révolution..., ce voltigeur de Louis XIV. » -- E.
Augier.
VOUZAILLES: Vous. V. Ravignolé.
VRILLE (Voleur à la): Voleur pénétrant dans les maisons en pratiquant
aux volets une ouverture carrée à l'aide de quatre trous de vrille entre
lesquels il fait jouer une scie très-fine. » -- Canler.
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X: Secret. -- En mathématiques, X représente l'inconnu. -- « On cherche
l'X du coeur. » -- Texier. -- X: Calcul. -- « Depuis l'année 1840, le
fort en X est en proportion constante. » -- Les Institutions de Paris.
-- Tête d'X: Tête organisée pour le calcul. -- Calembour sur la
formule (théta X) employée en mathématiques. -- « L'ancien est
évidemment une tête à X. » -- La Bédollière. -- Un X: Un polytechnicien.
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ZÉPHIR: « L'infanterie légère d'Afrique dont les hommes sont
généralement désignés sous le nom de zéphyrs. » -- Gandon.
ZIG, BON ZIGUE: Bon compagnon. -- « Entrez, entrez, nous sommes tous ici
de bons zigues. » -- Monselet. -- « Je suis un bon zig, il a l'air d'un
bon enfant, nous nous entendrons. » -- Montépin. -- V. Taf, Coller --
On parle aussi en zigue. Paillet donne, entre autres, l'exemple
suivant, p. 75 de ses Voleurs et volés: Cavale tezigue vers
mesigue (accours vers moi).
Zouzou: Zouave. -- « Ils ne ressemblent en rien aux zouzous qu'on voit
sur les boulevarts. » -- J. Noriac.
ZUT: Non. -- « Zut et bran pour les Prussiens. » -- P.Borel, 1833. --
«Ah ben! non, zut!... du flan! Je ne veux pas rester à côté d'Adolphe. »
-- Jaime.
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APPENDICE
S'ALLONGER: Faire une dépense qui n'entre pas du ses habitudes. De là
sans doute se fendre. -- Voyez ce superlatif qui serait alors un terme
d'escrime.
BOITE, BOITON: Voiture. -- « Les gentils hommes et les gentilles femmes
qui se piquent de parler l'argot des quartiers neufs demandent leur
boîte! ca veut dire leur voiture. » -- Vitu.
BRANDILLANTE: Sonnette (Vidocq). -- Allusion au mouvement du battant.
BRANQUE: Âne (Vidocq). -- Onomatopée imitant le cri de l'âne.
CAROTTER: Jouer petit jeu. -- « Un homme qui allait à la Bourse et qui
carottait sur les rentes après s'y être ruiné. » -- Balzac.
CARTON-: « Ces quatre messieurs qui tripotent le carton (Dict. de
l'Avenir) avec une grande habileté. » -- Villemessant, Paris au jour
le jour l860.
CHAMEAU: Cette épithète passe aussi pour dater de la campagne d'Égypte,
pendant laquelle nos soldats, profonds analogistes, auraient été frappés
de la docilité avec laquelle le chameau se couchait pour recevoir son
fardeau. Tel est du moins l'avis de l' Encyclopediana.
CHAUVIN: « L'amour sans façon régnait dans ces réunions bruyantes, où un
Chauvinisme instinctif préludait par des chants naïvement vaniteux et
fièrement populaires à celui que l'esprit d'opposition fit d'une manière
chagrine de 1814 à 1825, époque où un libéralisme plus large commença à
se moquer de ces éloges donnés aux Français par les Français, de ces
railleries lancées par les Français contre les étrangers. Charlet, en
créant le conscrit Chauvin fit justice de ces niaiseries de l'opinion.
» -- A. Jal, Paris moderne, 1834.
CHIMIQUE: Allumette chimique. -- « Ouvre ta blague, prends une chimique,
allume ta pipe. » -- La Maison du Lapin blanc, typ. Appert.
COULER: Supprimer, couler à fond (au figuré). -- « Non, les étudiants de
seizième année n'existent plus; c'est une génération coulée. » -- 1855,
Privat d'Anglemont.
COUPER: Sous le premier Empire, M. de Beaumont annonça au cercle des
Tuileries: « Mme la maréchale Lefebvre! » -- L'empereur s'avance et lui
dit: « Bonjour, Mme la duchesse de Dantzick! » -- Celle-ci se retourne
et dit au chambellan trop laconique: « Ah! ça te la coupe, cadet! »
COUYON: « Tu pourras marmonner tout bas: Ah! couyon, tu ne me tiens pas.
» -- La berne mazarine, 1651. -- « Le ciel n'a point tant de beautez,
le firmament tant de clartez... L'Italie tant de coyons, La Sicile tant
de larrons. » -- Claude Veiras, 1652. -- « Fuis donc, vilain gavache,
Coyon comme une vache, Fuis t'en en ton païs. » -- Le Paranimphe
mazarinique, 1651 .
DRAGÉE: « Nous entendons dire, mon camarade, que tu ne quittes pas
l'ennemi, et que tu leur envoies des dragées a plein canon. » --
Marceau, Lettre à Westerman.
ÉCORNER: Injurier. -- Écorneur: Procureur du roi. -- Écorné: Inculpé
(Vidocq). -- Acception figurée d'écorner: Casser, dégrader.
ÉCUME: Étain (Vidocq). Allusion au métal en fusion.
EFFAROUCHER: Voler. -- Jeu de mots. -- Effaroucher, c'est faire
disparaître. -- « Qu'est-ce qu'a effarouché ma veste? » -- H. Monnier,
1836.
FENDANT: Vient du vieux terme fendeur de naseaux: bravache.
FLANCHE: Ruse. -- « Ne m'entortille pas avec tous tes flanches. » -- La
Maison du Lapin blanc.
NEZ: Par une opposition singulière, avoir le nez long et avoir le nez
camus ont également signifie Être désappointé dans le langage
familier. En voici un exemple: « Madame la grosse bourgeoise... Alors se
trouva bien camuse De voir que elle eut un demy pied de nez. » -- Paris,
1649, Nocturne Enlèvement du Roi.
PÉGRIOT: « Quiconque ne se fait pas un nom dans la caste criminelle
qu'il s'est choisie est un pégriot de la basse pègre. » -- A. Monnier.
PRUSSE (V. PRUSSE): Cet État ne paie point le 31 de mois; de là le
terme de travailler, etc.
VANTERNIER : « Le vanternier est encore une variété du cambrioleur.
Seulement, au lieu d'entrer par la lourde, il préfère s'introduire par
la fenêtre. Lanterne par corruption volontaire vanterne parce qu'une
fenêtre avec ses vitres ressemble à une porte de lanterne. » -- A.
Monnier.
--------------------------
AUTEURS CONSULTÉS [Les astérisques indiquent les emprunts faits non à
des volumes, mais à des chansons ou à des articles détachés.]
About. -- A. Achard. -- Alhoy -- Ambert *. -- J. Arago. -- Aubert. * --
E. Aubry. * -- Aubryet. -- Augier. -- Aycard.
Bailly (Dictionnaire d'argot, Le Bailly, éditeur, petit in-12, sans
date). -- Balzac. -- Banville. -- Barbey d'Aurevilly. -- Barrière. --
Bayeux. -- Beaufort. -- Becquet. * -- F. Béraud. -- Ch. de Bernard. --
Bertall. * -- Berthaud. * -- De Biéville. -- Ch. Blanc. -- C. Blondelet.
* -- De Boigne. -- P. Borel. -- Boucher de Perthes. -- Bourget. * --
Brazier. * -- Buchon.
Cabassol. -- A. Cahen. * -- A. Camus. -- Canler. -- Capendu. --
Carmouche. -- Castillon. * -- Champfleury. -- Chenu. -- J. Choux. * -- -
Cochinat. -- Cogniard. -- Coligny. * -- Colmance. * -- Commerson. -- M.
Constantin. -- Cormon. -- Couailhac.
Dalès.* -- Debraux. * -- Decourcelle. * -- Delmare. -- Delongchamps. --
T. Delord. -- Delvau. -- Deriège. -- Désaugiers. -- Deslys. -- C.
Desmoulins. -- L. Desnoyer. -- Dhautel (Dictionnaire du bas langage --
Paris, 1808, 2 vol. in-8). -- A. Dubuisson. -- Du Cange et Carpentier
(Glossaire de la langue romane, tome VII, Paris, 1848, in-4). -- A.
Duchesne. * -- Duflot. -- Duménil. -- Dupeuty. * -- P. Durand. * --
Durantin. * -- Duverny. *
Favart. -- Festeau. -- Féval. -- E. Foa. -- A. Frémy. -- -- Friès. -- V.
Gaucher. * -- Th. Gautier. -- Gavarni. -- F. Georges. * -- Gérard de
Nerval. -- De Goncourt. -- L. Gozlan. -- Grandval (Cartouche, poésie,
Paris, 1827, éd. nouv., in-12). -- Guinod. *
Hardy. * -- Hébert. -- D'Héricault. -- Hilpert. * -- L. Huart. - Ch.
Hugo. -- V. Hugo.
Jaime fils. -- J. Janin. -- E. Jourdain.
A. Karr. -- J. Kelm. -- P. de Kock.
R. de Labarre. -- La Bédollière. -- Labiche, -- La Cassagne. -- -Lacombe
(Dictionnaire du vieux langage Paris, 1765-67, deux in-8). -- P. et J.
Lacroix. -- Ladimir. * -- De Lafizelière. -- Layale. * -- L'Écluse. --
Le Duchat. -- - Lefils. * -- Lemercier de Neuville. -- E. Lemoine. --
Ph. Leroux. -- Lespès. -- Letellier. * -- De Leuven. -- Liorat. * --
Littré. -- Lubize. -- Luchet. -- De Lynol,
V. Mabille. -- Mansion. * -- Marcellin. -- Marco Saint-Hilaire. --
Marty-Laveaux. -- Mauricault. * -- Mélesville. -- Ménage. -- Mercier. --
De Mériclet. -- Méry. -- Métay. * -- Michel. * -- Fr. Michel. -- Cél.
Mogador. -- Moineaux. -- A. Monnier. -- H. Monnier. -- Monselet. -- De
Montépin. -- Moreau Christophe. -- Mornand. -- Mouret. * -- Murger.
Nadar. -- Nadaud. -- G. Naquet. * -- Nodier. -- Noriac.
R. d'Ornano.
Paillet. -- De Pène, -- Pollet. *-- Privat d'Anglemont.
Rabelais. -- Randon. * -- Remy. * -- Rétif -- L. Reybaud. -- Ricard. --
Robquin. * -- H. Rolland. -- Roquefort (Dictionnaire de la langue
romane, 11e - 16e siècles, Paris, 1808-20, trois in-8). -- Roqueplan.
-- J. Rousseau. -- Rutebeuf.
G. Sand. -- A. Scholl. -- A . Second. -- Signol. * -- Fr. Soulié. -- E.
Sue.
Tallemant des Réaux. -- E. Texier. -- Thuillier. *, -- Tourneur. *
Vachelot. * -- Vadé. -- Vanecke. * -- L. Vidal. -- Vidocq (Les
Voleurs, Paris, 1837, deux in-8). -- Nous avons mis sous son nom
beaucoup de textes argotiques réimprimés dans Les Voleurs mais bien
antérieurs en date). -- H. de Vielcastel. -- De Villemessant. -- Villon.
-- Villetard. -- Vitu. -- Voizo.
Wado. -- Waldor. Zombach.
Communications manuscrites:
MM. H. Boyer, Cadol, Léon Lalanne, De Vauvineux, O. de Watteville.
------------------------- FIN DU FICHIER excentlang1 --------------------------------
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