tandis que menaçantes, s' agitent en l' air, pendues
à la queue-leu-leu, de prodigieuses sonnettes ; là
encore c' est l' intérieur d' une cuisine et d' un office,
avec des servantes essuyant, debout, des plats et
des tasses, ou tirant, à genoux, de l' eau chaude,
des fourneaux qu' illumine la flamme rouge et bleue
du charbon de terre ; plus loin, c' est la salle à
manger, avec sa large fenêtre au fond ouvrant sur des
jardins et toute la famille assise, le père, la mère
et les enfants, un gai tableau montrant les mille
riens du confort de la table anglaise, notant les
diverses façons lestes ou maladroites, des gamins,
de tenir leur gobelet et leur cuiller.
Dans un autre, c' est la ville de Londres qui
apparaît, vue d' abord au travers de la vitre d' un
wagon ; puis, comme en un kaléidoscope, les tableaux
changent. Nous entrons dans le musée Tussaud, dans
le palais de cristal, nous assistons aux pantomimes
des clowns, enfin à des exercices de patinages
piqués vifs, avec leurs envolées, leurs brusques
arrêts, leurs chutes ; il y a des poses de pieds
de patineurs peu habiles, des marches mal
équilibrées, des oscillations de têtes,
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des vacillements de bras d' une vérité extraordinaire.
Dans un dernier album enfin, ma mère, une
planche représente une famille aux bains de mer,
des enfants courant sur la plage et, à Londres,
au milieu d' un jardin, une femme relevant son baby
tombé qui est une ébahissante surprise de réalité
et d' élégance.
C' est dans ces deux séries d' albums que la
personnalité de M. Crane s' est affirmée. Comme je
l' ai dit plus haut, dans sa suite de contes de
fées, la filiation est trop évidente ; je
pourrais même ajouter encore que le père d' Alma-
Tadéma et que, par conséquent, le grand-père de
M. Crane, le peintre belge Leys, se montre aussi,
avec sa naïveté fabriquée, dans certains albums
tels que le liseron, mais les traces de cette
hérédité se meurent dans le moderne. Ici c' est la
nature directement consultée, avec une entière bonne
foi. Du reste, ces qualités d' exacte notation et
d' indiscutable véracité, communes à la plupart des
dessinateurs de talent d' outre-manche, ont rendu le
graphic, le London news illustrated, des
journaux sans rivaux dans la presse illustrée des
deux mondes. M. Crane n' a donc eu qu' à se laisser
porter par le courant de l' art moderne anglais,
dans ses scènes de la vie contemporaine, mais dans