Mille projets ont été formés pour se débarrasser de la chambre : tantôt on voulait la
dissoudre : mais il n'y a pas de loi d'élections ; tantôt on prétendait en renvoyer un cinquième
: mais comment régler les séries ? Et d'ailleurs gagnerait-on quelque chose à cette faible
réélection ? Enfin, la passion a été poussée si loin, qu'on a rêvé l'ajournement indéfini des
chambres, la suspension de la Charte et la continuation de l'impôt par des ordonnances.
Nous avons vu dans le journal officiel de la police l'éloge d'un ministère étranger qui a remis
à un autre temps la constitution promise, qui gouverne seul avec une modération parfaite,
paye scrupuleusement les dettes de l'Etat, et se fait adorer du peuple. Entendez-vous,
peuple français, peuple grossier,
. . . . .Quoi ! toujours les plus grandes merveilles
Sans ébranler ton coeur frapperont tes oreilles !
Une chambre de bons jacobins, qu'on appellerait des modérés , ou point de chambres, voilà
le système du parti. Dans l'une ou l'autre chance, il y a tout à gagner pour lui : avec des
modérés de cette nature, on peut tout détruire ; avec un ministère à soi, on arrive également
à tout. Bientôt ces libéraux , qui poussent à l'arbitraire, feraient un crime à la couronne de cet
arbitraire qu'ils conseillent.
Je frémis en déroulant un plan si bien ordonné, et dont le résultat est infaillible, à moins qu'on
ne se hâte d'y apporter remède. Qui ne serait inquiet en voyant une armée qui manoeuvre si
bien, qui mine, attaque, envahit, fait usage de toutes les armes, enrôle les ambitieux et séduit
les faibles, qui se donne les honneurs d'une opinion indépendante, en prêchant l'autorité
absolue ; faction pourtant sans talents réels, mais douce d'astuce ; faction lâche, poltronne,
facile à écraser, que l'on peut faire rentrer en terre d'un seul mot, mais qui, lorsqu'elle aura
tout gangrené, tout corrompu, lorsqu'il n'y aura plus de danger pour elle, lèvera subitement la
tête, arrachera sa couronne de lis, et prenant le bonnet rouge pour diadème, offrira cette
pourpre à l'illégitimité ?
Mais comment pouvez-vous croire, me dira-t-on, que tels et tels hommes, si connus par leurs
sentiments royalistes, par leurs actions même, par leur caractère moral et religieux, parce
qu'ils sont dans un système politique contraire au votre, entrent dans une conjuration contre
les Bourbons ?
Cette objection est grande pour ceux qui n'y regardent pas de près et qui jugent sur les
dehors ; la réponse est facile.
Celui-ci donc a servi le roi toute sa vie ; mais il est ambitieux, il n'a point de fortune, il a
besoin de places, il a vu la faveur aller à une certaine opinion, et il s'est jeté de ce côté.
Celui-là avait été irréprochable jusqu'aux Cent Jours ; mais pendant les Cent Jours il a été
faible, et dès lors il est devenu irréconciliable ; on punit les autres de la faute qu'on a faite,
surtout quand cette faute décèle autant le manque de jugement que la faiblesse du caractère
; les grands intérêts sont moins ennemis des Bourbons que les petites vanités.
Tel pendant les Cent Jours a été héroïque, mais depuis les Cent Jours son orgueil a été
blessé, une querelle particulière l'a fait passer sous les drapeaux qu'il a combattus. Tel est
religieux, mais on lui a persuadé qu'en parlant à présent des intérêts de l'Eglise on manquait
de prudence, et qu'on nuisait à ces intérêts par trop de précipitation. Tel chérit la monarchie
légitime, mais abhorre la noblesse et n'aime pas les prêtres, Tel est attaché aux Bourbons,
les a servis, les servirait encore : mais il veut aussi la liberté, les résultats politiques de la
révolution, et il s'est mis ridiculement, en tête que les royalistes veulent détruire la liberté et
revenir sur tout ce qui a été fait. Tel pourrait croire à quelques dangers, s'il n'était convaincu
que ceux qui les signalent ne crient que parce qu'ils sont mécontents, que parce qu'ils ont été